CA Aix-en-Provence, 11e ch. A, 7 septembre 2012, n° 10-13334
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sotto
Défendeur :
Nivière
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Isouard
Conseillers :
Mme Perez, M. Djiknavorian
Avocats :
Selarl Boulan-Cherfils-Imperatore, SCP Cohen-Guedj, Me Fradet
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 1er juillet 2005, Monsieur Nivière a vendu à Monsieur Sotto un voilier de marque Jeanneau pour un prix de 7 000 euro. Quelques jours après, le mât de ce navire s'est cassé et le 2 décembre 2005 par un document intitulé "Protocole d'accord" Monsieur Nivière s'est engagé à remplacer le mât par un autre équivalent ou un mât neuf avec la participation de Monsieur Sotto à son acquisition.
Le 29 avril 2009, Monsieur Sotto a saisi le Tribunal d'instance de Toulon par déclaration au greffe afin d'obtenir l'annulation de la vente, le remboursement du prix d'achat et des dommages-intérêts. Par jugement du 18 janvier 2010, cette juridiction, après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité, a déclaré prescrite son action.
Le 13 juillet 2010, Monsieur Sotto a interjeté appel de cette décision. Il demande sa confirmation sur la recevabilité de son action et sa réformation pour le surplus avec la condamnation de Monsieur Nivière à lui payer la somme de 10 000 euro et celle de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il soutient que son action fondée sur la garantie des vices cachés est recevable car il y a eu une transaction qui a interrompu le délai de prescription et que Monsieur Nivière n'a pas exécutée, que cette inexécution lui permet d'agir de nouveau sur la garantie des vices cachés dont le délai de prescription débute lors de la révélation de ladite inexécution. Il allègue de son bien-fondé, la chute du mât provenant d'un défaut de montage.
Subsidiairement, il invoque l'inexécution fautive du protocole transactionnel.
Subsidiairement, il requiert l'annulation de la vente pour dol prétendant que Monsieur Nivière connaissait le défaut de montage du mât.
Monsieur Nivière demande l'annulation de l'acte de saisine du tribunal qui ne pouvait être saisi par déclaration au greffe.
Ensuite il invoque la prescription de l'action pour vice caché et conteste l'existence d'un tel vice soutenant que la cassure du mât peut provenir de la vétusté ou une mauvaise utilisation du navire.
Enfin il prétend que le défaut d'exécution de l'accord du 2 décembre 2005 provient de Monsieur Sotto qui n'a plus été intéressé par le voilier et ne désirait plus sa réparation.
Il conclut à la confirmation du jugement attaqué, au débouté de Monsieur Sotto de toutes ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la procédure :
L'article 783 du Code de procédure civile énonce qu'après l'ordonnance de clôture aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Le magistrat de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire par ordonnance du 15 mai 2012.
Monsieur Nivière a déposé des conclusions le 24 mai 2012 pour laquelle il sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture.
Mais aucune cause grave n'est invoquée à l'appui de cette révocation et l'ordonnance de clôture doit être maintenue.
Les conclusions de Monsieur Nivière du 24 mai 2012 doivent être déclarées irrecevables.
Sur la régularité de la saisine :
Certes la saisine du tribunal d'instance n'apparaît pas régulière.
En effet cette juridiction a été saisie par déclaration au greffe de Monsieur Sotto pour obtenir des sommes d'un montant total de 10 000 euro alors que l'article 447-1 du Code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret du 1er octobre 2010 applicable au litige n'autorise ce mode de saisine que lorsque le montant de la demande n'excède pas 4 000 euro.
Pour retenir sa saisine, le premier juge s'est fondé sur l'article 845 du même code qui prévoit la possibilité pour les parties de se présenter devant le juge pour se faire juger. Mais Monsieur Nivière ne s'est jamais présenté devant le juge d'instance pour y être jugé ; il a été convoqué par le greffe suite à la déclaration de Monsieur Sotto et a soulevé avant toute défense au fond, l'irrégularité de cette saisine.
Cependant Monsieur Nivière ne tire aucune conséquence de l'irrégularité de la saisine notamment il ne requiert pas la nullité du jugement comme prononcé par une juridiction non valablement saisie ; au contraire il demande la confirmation de la décision déférée.
La cour reste saisie du fond du litige.
Sur la prescription de l'action pour vice caché :
Selon l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Monsieur Sotto a eu connaissance du vice affectant le mât dès la cassure de celui-ci en juillet 2005. La prescription a été interrompue par le protocole d'accord (en réalité un engagement de Monsieur Nivière de réparer le sinistre) du 2 décembre 2005. Son cours a repris à cette date et a expiré le 2 décembre 2007.
En effet contrairement à ce que prétend Monsieur Sotto, ce n'est pas le défaut d'exécution de ce protocole qui a refait courir la prescription de l'action en garantie des vices cachés mais sa conclusion.
L'action de Monsieur Sotto sur le fondement de la garantie des vices cachés s'avère prescrite.
Sur le dol :
Selon l'article 1116 du Code civil "Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé".
Pour asseoir sa demande en nullité de la vente pour dol, Monsieur Sotto prétend que Monsieur Nivière connaissait le vice dont était affecté le mât du navire et qu'il n'a pas rempli son obligation de conseil.
Mais si la rupture du mât provient d'un défaut de montage comme le souligne l'expert, rien ne montre que Monsieur Nivière avait connaissance de cette défectuosité lors de la vente.
L'action en nullité de la vente pour dol doit être rejetée.
Sur le défaut d'exécution du protocole transactionnel :
Par la signature le 2 décembre 2005 du protocole d'accord, Monsieur Nivière s'engage à récupérer le bateau et à assurer le remplacement du mât par un mât de vétusté équivalente à celle du bateau (année 1991) et, à défaut, le montage d'un mât neuf avec la participation financière de Monsieur Sotto au prix d'acquisition du mât qui pourra être envisagée après accord sur le montant de cette participation ainsi qu'à assurer l'hivernage du bateau jusqu'aux alentours de fin mars.
Il est difficile de cerner les relations des parties après cet accord, aucun écrit de l'un ou l'autre n'existant avant une lettre de Monsieur Sotto du 8 janvier 2009 et aucun témoignage n'étant fourni.
Il est cependant certain que Monsieur Nivière n'a pas fourni de mât de rechange mais a fait réparer le mât abîmé d'une manière non satisfaisante ainsi que cela ressort du rapport de l'expert Kraeutler. Cet expert estime le remplacement de ce mât par un autre d'occasion à un coût de 500 euro.
Il convient d'évaluer à cette somme le préjudice de Monsieur Sotto résultant du défaut d'exécution de la transaction et de condamner Monsieur Nivière à son paiement.
Monsieur Nivière qui succombe à la procédure doit être condamné à payer à Monsieur Sotto la somme de 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Vu le jugement du 18 janvier 2010 du Tribunal d'instance de Toulon ; Déclare irrecevables les conclusions de Monsieur Nivière du 24 mai 2012 ; Déclare prescrite l'action de Monsieur Sotto en garantie des vices cachés ; Déboute Monsieur Sotto de sa demande en nullité de la vente pour dol ; Condamne Monsieur Nivière à payer à Monsieur Sotto la somme de 500 euro de dommages-intérêts pour inexécution du protocole d'accord ; Condamne Monsieur Nivière à payer à Monsieur Sotto la somme de 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Nivière aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.