CA Rennes, 1re ch. B, 23 octobre 2009, n° 08-04286
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cutuli Automobiles (SARL)
Défendeur :
Automobiles Sancar (SAS), Thébaud, Automobiles Peugeot (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beuzit
Conseillers :
Mme Le Brun, M. Gimonet
Avoués :
SCP Castres, Colleu, Perot & Le Couls-Bouvet, SCP d'Aboville, de Moncuit Saint-Hilaire & Le Callonnec, SCP Bazille, SCP Gautier-Lhermitte
Avocats :
SCP Robard-Hervouet & Kierzkowski-Chatal, Selarl Duvivier, Associés, Mes Lambert, Mahieu
Le 4 juin 2004, la succursale véhicules d'occasion Peugeot a vendu sans garantie à la société Automobiles Sancar un véhicule Peugeot 807 qui avait parcouru 13 114 kilomètres, moyennant le prix de 21 369,65 euro TTC ; la société Automobiles Sancar a revendu ce véhicule avec le même kilométrage à la société Cutuli automobiles qui l'a elle-même revendu à monsieur Thébaud pour un prix de 24 314 euro ; ce dernier s'est plaint de dysfonctionnements du véhicule ;
Par jugement du 3 avril 2008, le Tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a :
- débouté monsieur Lionel Thébaud de ses demandes dirigées contre la société Peugeot Citroën automobiles et de sa demande en résolution de vente ;
- condamné la SARL Cutuli automobiles à payer à monsieur Thébaud la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la SARL Cutuli automobiles aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire ;
La SARL Cutuli automobiles a interjeté appel de cette décision puis a fait assigner en intervention forcée la société Automobiles Sancar ;
La SARL Cutuli automobiles, par conclusions du 16 avril 2009, a demandé à la cour :
A titre principal :
- d'infirmer le jugement et de rejeter l'ensemble des demandes formées contre elle ;
- de condamner la société Automobiles Peugeot à indemniser monsieur Thébaud des conséquences préjudiciables des vices de conception affectant son véhicule ;
- de condamner monsieur Thébaud à lui payer la somme de 4 000 euro pour procédure abusive ;
Subsidiairement :
- de condamner la société Automobiles Peugeot et la société Automobiles Sancar à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;
- de condamner en tout état de cause in solidum monsieur Thébaud, la société Automobiles Peugeot et la société Autmobiles Sancar à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Par conclusions du 9 septembre 2009, monsieur Thébaud a demandé à la cour :
- de confirmer le jugement ;
- de rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Cutuli automobiles ;
- subsidiairement, de condamner la société Automobiles Peugeot à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts ;
- de condamner la société Automobiles Peugeot à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
- de condamner la société Cutuli automobiles à lui payer la somme de 7 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Par conclusions du 14 août 2009, la société Automobiles Peugeot a demandé à la cour :
- de déclarer irrecevable l'appel en garantie formé devant la cour par la société Cutuli automobiles contre la société Automobiles Sancar ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur Thébaud de ses demandes dirigées contre elle ;
- de débouter la société Cutuli automobiles de sa demande en garantie et de sa demande en paiement d'indemnité pour frais irrépétibles dirigées contre elle ;
- de condamner la société Cutuli automobiles à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
La société Automobiles Sancar a demandé à la cour par conclusions du 11 juin 2009 :
A titre principal :
- de déclarer irrecevable l'appel en garantie par intervention forcée formé contre elle devant la cour par la société Cutuli automobiles ;
- de condamner la société Cutuli automobiles à lui payer la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Subsidiairement :
- de juger la clause de non-garantie stipulée au profit de la société Automobiles Peugeot inopposable à monsieur Thébaud ;
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dénié toute responsabilité de la société Automobiles Peugeot dans la survenance du dommage et au titre de la garantie des vices cachés ;
Plus subsidiairement :
- de condamner la société Automobiles Peugeot à indemniser directement monsieur Thébaud des conséquences financières des vices de conception du véhicule litigieux ;
- de condamner la société Automobiles Peugeot à lui payer la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner en tout état de cause la société Cutuli automobiles et la société Automobiles Peugeot aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE,
SUR LA DEMANDE DE L'ACQUÉREUR CONTRE SON VENDEUR
Considérant que monsieur Thébaud sollicite la confirmation du jugement portant condamnation de la seule SARL Cutuli automobiles à lui payer des dommages-intérêts ;
Considérant qu'il ressort du rapport de monsieur Planchais, expert commis par ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Nazaire du 14 mars 2006 , que le moteur du véhicule de monsieur Thébaud était atteint d'un dysfonctionnement lorsqu'il fonctionnait à froid, pouvant procurer un caractère de dangerosité dans certaines situations, puis qu'il émettait ensuite des vibrations importantes , un bruit de défaut de combustion ainsi qu'une odeur anormale de gaz d'échappement ; que toutefois, toujours selon l'expert, après la dernière intervention du constructeur, ce problème avait été résolu par une opération corrective importante ; que monsieur Planchais ajoute qu'il n'a pas été en mesure de constater une anomalie dans le fonctionnement des portes arrière ;
Que l'expert conclut que monsieur Thébaud a acquis un véhicule entaché de vices au moment de la vente, même s'il a été remis en état sur le plan moteur ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le tribunal n'a pas fait droit à la demande de résolution de la vente initialement présentée par monsieur Thébaud, le vice ayant été réparé en cours de procédure ;
Considérant que monsieur Thébaud sollicite la confirmation de la condamnation de son vendeur à paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1645 du Code civil selon lequel, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages-intérêts ;
Que la société Cutuli automobiles soutient que, les défauts affectant le véhicule ne le rendant plus impropre à l'usage auquel il était destiné, ils n'ouvrent pas l'action en garantie des vices cachés ;
Mais considérant que le vendeur professionnel est tenu de connaître les vices de la chose vendue et que l'action en dommages-intérêts, qui se distingue de l'action en garantie des vices cachés, n'est pas subordonnée à la résolution de la vente ou à la réduction du prix (C. cass. ch. com. du 25 février 1981 ) ; que le vendeur professionnel est tenu de réparer les dommages subis pendant la manifestation du vice caché même si, ultérieurement et en fin d'expertise, l'action en résolution de la vente ou en réduction du prix n'est plus ouverte du fait de la réparation des désordres ;
Considérant que, comme l'a relevé le premier juge, le véhicule a été atteint d'un vice caché pouvant le rendre dangereux et monsieur Thébaud a dû se rendre avec son véhicule une dizaine de fois au garage en plus d'un an pour des interventions infructueuses ; que c'est à juste titre que le premier juge a apprécié à la somme de 5 000 euro le préjudice subi par monsieur Thébaud en raison de ces dysfonctionnements et tracas subis pendant la manifestation du vice et a condamné la société Cutuli automobiles, vendeur professionnel, au paiement de ladite somme ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Considérant que l'action en responsabilité de monsieur Thébaud contre son vendeur étant jugée bien fondée, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Cutuli automobiles de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive dirigée contre monsieur Thébaud ;
Qu'il n'importe, à l'égard de monsieur Thébaud, que le vice ait pu exister dès le moment de la fabrication du véhicule par le constructeur, dès lors que ce dernier a fait le choix d'agir en cause d'appel contre son seul vendeur ;
SUR LES DEMANDES DE LA SOCIÉTÉ CUTULI AUTOMOBILES CONTRE LA SOCIÉTÉ AUTOMOBILES PEUGEOT
Considérant que la société Cutuli automobiles sollicite de la cour la condamnation de la société Automobiles Peugeot à indemniser monsieur Thébaud des vices de conception du véhicule sans préciser le fondement qui lui permettrait d'ester en lieu et place de ce dernier ; qu'en tout état de cause, le vendeur originaire étant en droit d'opposer au sous-acquéreur exerçant une action contractuelle tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son cocontractant, la société Peugeot Automobiles, vendeur originaire du véhicule à la société Automobiles Sancar, peut opposer à monsieur Thébaud, non-professionnel, la clause d'exclusion de garantie figurant dans le contrat la liant à la société Sancar, professionnel de la même spécialité qu'elle ; qu'en effet, la mauvaise foi de la société Peugeot Automobiles ne saurait résulter du simple fait qu'un document imprimé par elle le 1er juin 2007 et mentionnant la vente l'unissant à la société Automobiles Sancar, faisait état d'une estimation de 950,33 euro de frais de remise en état ;
Considérant que la demande en garantie formée par la société Cutuli automobiles contre la société Automobiles Peugeot se heurte pareillement à l'application de la clause de non-garantie insérée dans le contrat de vente passé entre la société Automobiles Peugeot et la société Automobiles Sancar ;
Que par ailleurs, il n'est pas justifié de la garantie constructeur invoquée par la société Cutuli automobiles qui aurait au surplus expiré avant que la société Peugeot n'ait été assignée le 12 juin 2006 par la société Cutuli aux fins d'extension des opérations d'expertise ;
Que la société Cutuli automobiles doit être déboutée de ses demandes ;
SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION DE LA SOCIÉTÉ CUTULI AUTOMOBILES CONTRE LA SOCIÉTÉ AUTOMOBILES SANCAR
Considérant que peuvent être appelées devant la cour même aux fins de condamnation les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, au sens de l'article 555 du Code de procédure civile , n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; que la condamnation d'une partie parle premier juge en conséquence de demandes dont elle avait eu connaissance par voie d'assignation ne saurait constituer une évolution du litige ;
Considérant que la société Cutuli automobiles, qui n'ignorait pas avant que le jugement soit rendu l'existence de la clause de non-garantie figurant dans le contrat passé entre la société Automobiles Peugeot et la société Automobiles Sancar et a fait le choix de ne pas mettre en cause son vendeur devant le premier juge, alors qu'elle disposait en première instance des éléments lui permettant d'apprécier l'opportunité de l'appeler en cause, ne justifie pas d'une évolution du litige au sens de l'article 555 du Code de procédure civile ;
Que la demande de la société Cutuli automobiles dirigée contre la société Automobiles Sancar doit être déclarée irrecevable ;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Dit irrecevables les demandes formées par la société Cutuli automobiles contre la société Automobiles Sancar, à la suite d'une assignation en intervention forcée de cette dernière devant la cour ; Déboute la société Cutuli automobiles de toutes ses demandes ; Condamne la société Cutuli automobiles à payer à monsieur Thébaud la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à autre condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Cutuli automobiles aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.