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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 8 novembre 2012, n° 10-09252

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Kaczmarek

Défendeur :

Carrier Réfrigération Distribution France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaget

Conseillers :

MM. Martin, Semeriva

Avocats :

SCP Brondel Tudela, SCP Laffly-Wicky, SCP d'Avocats Juri-Europ

T. com. Lyon, du 13 déc. 2010

13 décembre 2010

EXPOSÉ DU LITIGE

Pour les besoins de son commerce, Mme Darque épouse Kaczmarek a acheté une armoire réfrigérante à la société LFC Linde Froid, aux droits de laquelle est à présent la société Carrier Réfrigération Distribution France.

Elle a agi en résolution de cette vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Le jugement entrepris a constaté la validité de son action et écarté la prescription objectée en défense, mais il a retenu que la preuve d'un tel vice n'était pas rapportée ; il a en conséquence débouté Mme Kaczmarek de ses demandes et mis à sa charge une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme Kaczmarek fait valoir que son action est recevable, au regard, tant de l'article L. 110-4 du Code commerce, que de l'article 1648 du Code civil et que l'armoire est bien atteinte d'un vice caché rédhibitoire, tenant essentiellement à l'insuffisance d'un de ses condensateurs, qui a généré des problèmes de régulation, puis des courts-circuits : à titre subsidiaire, elle soutient que la machine n'est pas conforme aux prescriptions émises par le constructeur et aux normes réglementaires.

Elle demande de confirmer le jugement sur la recevabilité, de le réformer pour le surplus et de prononcer la résolution de vente et la condamnation de la société Carrier à lui payer une somme de 3 738,70 euro (prix) et celle de 1 747,27 euro (facture d'intervention), avec intérêts légaux respectivement à compter de l'assignation et de la mise en demeure du 10 mars 2008 ; elle sollicite à titre subsidiaire une expertise et réclame en tout état de cause une indemnité de 1 500 euro pour ses frais irrépétibles.

La société Carrier soutient que l'action est prescrite et en outre, tardive ; elle considère qu'en toute hypothèse, elle n'est pas fondée, faute pour Mme Kaczmarek d'établir les faits dont elle déduit l'existence d'un vice caché ; elle ajoute par ailleurs qu'à le supposer même prouvé, le défaut de conformité rendrait la chose impropre à son usage et constituerait en réalité un vice rédhibitoire.

Elle conclut à la confirmation du jugement et au paiement d'une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le délai pour agir en garantie des vices cachés est enfermé dans le délai de prescription de droit commun.

La vente ayant été conclue le 1er janvier 2005, l'action a été intentée le 5 février 2010, avant l'acquisition de la prescription nouvelle prévue par la loi du 17 juin 2008 et sans que le temps écoulé depuis la conclusion du contrat excède la durée décennale prévue par la loi antérieure.

Cette demande a donc été formée avant que n'intervienne la prescription, par l'effet de l'article L. 110-4 du Code de commerce, des obligations nées de la vente.

Quant à l'exercice de l'action à bref délai, la société Carrier oppose d'abord les termes d'un courrier du 13 novembre 2005, par lequel Mme Kaczmarek informait le vendeur des "difficultés croissantes" posées par l'armoire frigorifique : "pluie, inondation, bruits" et ajoutait même que "ces défauts persistant peuvent introduire une résolution de la vente".

Toutefois, cette lettre ne tendait expressément qu'à une "prolongation de garantie", ce qui montre que Mme Kaczmarek pensait encore que ces défaillances relevaient d'opérations de maintenance ou de réparations ponctuelles ; il n'est d'ailleurs pas contesté que, comme l'indique un courrier ultérieur, "les réparateurs ont certifié que le bruit était normal".

Il n'est pas établi, enfin, que les difficultés motivant la présente réclamation (notamment les courts-circuits et la production de froid positif), qui ne sont pas citées dans ce courrier, étaient déjà apparues.

Il ne ressort pas de ce courrier que l'acquéreur avait connaissance, dès cette époque, de l'existence d'un vice rédhibitoire.

La société Carrier fait encore valoir, cependant, qu'un compresseur a été changé dans le courant du mois de février 2008.

De cette réparation même, il ne saurait se déduire que l'acquéreur aurait été mieux renseigné sur les causes de la panne.

Mais, comme l'a constaté le jugement entrepris, la facture dressée à cette occasion précise que le remplacement de ce compresseur résulte d'un court-circuit ; elle mentionne en outre un "problème d'ampérage dégagée sur la ligne" et mentionne la fourniture d'un relais et de deux condensateurs.

A cet instant, Mme Kaczmarek était donc en mesure de constater que le vice ne tenait pas seulement à une défaillance ponctuelle et que l'équipement électrique de l'armoire frigorifique pouvait être en cause.

C'est bien ce qu'indiquait son courrier du 10 mars 2008, et ce que confirment ses conclusions, qui exposent qu'elle a acquis la certitude d'un vice caché "en mars 2008, date à laquelle le prestataire extérieur est intervenu en urgence".

La connaissance du vice se situe donc à la date de cette facture, qui est en réalité du 29 février 2008.

L'action devait être intentée dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction applicable à la date de conclusion de la vente, suivant la nature des vices rédhibitoires et l'usage du lieu où cette vente a été faite.

Or, de ce point de vue, le matériel concerné est d'usage quotidien et nécessaire à l'une des activités commerciales de Mme Kaczmarek, qui précise qu'elle est obligée d'enlever les produits frais de l'armoire à la fermeture du magasin et de les stocker dans une chambre froide extérieure, de peur que l'appareil ne tombe en panne la nuit, puis de rentrer dans son magasin par le toit afin de réamorcer le disjoncteur général.

Les contacts informels qui seraient intervenus par la suite ne sont pas établis.

Dans ces conditions, eu égard aux conséquences des défaillances à présent dénoncées, et même à admettre l'existence de ces pourparlers, l'action intentée le 5 février 2010, plus de vingt-trois mois après que l'acquéreur a eu connaissance du vice, n'a pas été, au regard de sa nature, formée à bref délai.

Cette action est irrecevable ; le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.

Mme Kaczmarek agit, à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, en soutenant que le matériel n'est pas conforme aux prescriptions émises par le constructeur dans ses documents techniques ; elle se réfère pour cela à l'arrêté du 9 mai 1995 réglementant l'hygiène des aliments remis directement au consommateur.

Mais, s'il résulte notamment de ce texte que les denrées doivent être maintenues à une température maximale comprise entre 4° et 8° C selon leur nature, le seul fait que cette performance n'est pas atteinte, plus de cinq années après la vente, n'implique pas que le matériel n'est pas conforme.

Par ailleurs, la garantie légale de conformité, même à interpréter le droit national à la lumière de directive 1999-44-CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation avant sa transposition en droit interne, n'est applicable qu'aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l'acheteur agissant en qualité de consommateur, ce qui n'est pas le cas de Mme Kaczmarek.

En réalité, ce grief de défaut de conformité ne recouvre que ceux qui ne peuvent être présentés que dans le cadre de l'action en garantie des vices cachés, qui leur est seule applicable.

Cette action ne peut être reçue.

Il y a lieu d'écarter toute application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, - Infirme le jugement entrepris, - Dit irrecevable l'action de Mme Darque épouse Kaczmarek, - Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes, - Condamne Mme Darque épouse Kaczmarek aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.