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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 20 décembre 2012, n° 12-03190

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Filali Eminti

Défendeur :

Debuyser

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Merfeld

Conseillers :

Mmes Metteau, Doat

Avocats :

Mes Watel, Galand, Vandenbussche

TI Lille, du 3 oct. 2011

3 octobre 2011

Monsieur Nicolas Debuyser a acquis, le 12 décembre 2009, auprès de Monsieur Abdel Filali Eminti, exploitant sous l'enseigne AMS-Auto, un véhicule d'occasion Renault Mégane Scenic pour le prix de 3 650 euro.

Soutenant que ce véhicule est tombé en panne le 23 décembre 2009 en raison d'un vice caché Monsieur Debuyser a saisi par assignation du 5 mars 2010, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Lille qui, par ordonnance du 20 juillet 2010, a désigné Monsieur Kubiak en qualité d'expert.

L'expert a établi son rapport le 12 juin 2011, concluant à l'existence d'un vice caché rendant le véhicule impropre à son usage.

Par acte d'huissier du 29 juillet 2011 Monsieur Debuyser a fait assigner Monsieur Filali Eminti devant le Tribunal d'instance de Lille sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Monsieur Filali Eminti ne s'est pas présenté devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire du 3 octobre 2011 le tribunal a :

- prononcé la résolution du contrat de vente,

- condamné Monsieur Filali Eminti à payer à Monsieur Debuyser la somme de 3 650 euro correspondant au prix de vente, celle de 800 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné à Monsieur Filali Eminti de prendre toutes dispositions pour récupérer le véhicule, sous astreinte de 10 euro par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,

- condamné Monsieur Filali Eminti aux dépens.

Monsieur Filali Eminti a relevé appel de ce jugement le 4 juin 2012.

Il demande à la Cour de le réformer, de débouter Monsieur Debuyser de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 25 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient que Monsieur Debuyser qui a été en possession du véhicule durant onze jours avant la panne n'apporte pas la preuve dont il a la charge que la destruction de la courroie de distribution est la conséquence d'un vice antérieur à la vente. Il affirme que la courroie de distribution avait été changée "à 1 500 km auparavant".

Subsidiairement il s'oppose au prononcé de l'astreinte assortissant sa condamnation à récupérer le véhicule faisant valoir qu'une astreinte ne peut être prononcée que pour sanctionner la résistance d'une partie alors qu'à aucun moment avant la délivrance de l'assignation il n'a été mis en demeure de reprendre possession du véhicule.

Monsieur Debuyser a conclu à l'irrecevabilité de l'appel formé plus d'un mois après la signification du jugement le 6 décembre 2011 et subsidiairement à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, soutenant que la preuve de l'antériorité du vice par rapport à la vente est apportée par les conclusions de l'expert judiciaire qui écrit dans son rapport que "l'origine et les conséquences des désordres observés résultent d'un vice qui préexistait ou existait au moins en germe à la date de la transaction au niveau du cycle de distribution".

Sur ce :

1°) - Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que Monsieur Debuyser a soulevé l'irrecevabilité de l'appel par conclusions du 1er octobre 2012 adressées à la Cour alors que selon l'article 914 du Code de procédure civile le conseiller de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour déclarer l'appel irrecevable et que les parties ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité après son dessaisissement à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ;

Qu'il en résulte que Monsieur Debuyser aurait dû présenter sa fin de non-recevoir au conseiller de la mise en état et qu'il n'est pas recevable à la soutenir devant la cour ;

2°) - Au fond

Attendu que l'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

Attendu que Monsieur Filali Eminti, exploitant sous l'enseigne AMS-Auto, a vendu le véhicule Renault Mégane Scénic à Monsieur Debuyser le 12 décembre 2009 ;

Que le véhicule est tombé en passe le 23 décembre 2009 ;

Que par lettre recommandée du 8 janvier 2010 Monsieur Rabache, commis par l'assureur de Monsieur Debuyser, a convoqué Monsieur Filali Eminti à ses opérations d'expertise pour le 21 janvier 2010 ; que Monsieur Filali Eminti ne s'est pas présenté ; que Monsieur Rabache a conclu que la panne provenait d'une défaillance du moteur provoquée par le blocage de la courroie de distribution ;

Attendu que Monsieur Kubiak, expert judiciaire devant lequel Monsieur Filali Eminti a également fait défaut a relevé une dégradation en latérale de la courroie de distribution résultant d'un défaut axial de fonctionnement et a expliqué ce dysfonctionnement par une erreur de montage lors du changement de la courroie de distribution ;

Qu'il a indiqué que la remise en état du véhicule imposant notamment le remplacement de moteur s'élevait à un coût de 9 874,65 euro, supérieur au prix de vente du véhicule qui devait donc être considéré comme non économiquement réparable ;

Attendu que le vice rend le véhicule impropre à son usage puisque celui-ci ne peut plus circuler, sauf à engager des frais de réparation sans commune mesure avec son prix d'acquisition ;

Attendu que l'expert a indiqué que lors de la panne le véhicule présentait un kilométrage de 166 541 et qu'il n'avait parcouru que 1 183 km depuis le contrôle technique réalisé le 2 novembre 2009 avant la vente ; qu'il a également relevé que cette panne est intervenue seulement onze jours après la vente du 12 décembre 2009 et en a déduit que le vice au niveau du cycle de distribution à l'origine de la panne pré-existait à la vente ou tout au moins existait déjà en germe lors de cette transaction ;

Que Monsieur Filali Eminti qui conteste l'antériorité ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause ces conclusions fondées sur la nature des désordres et le court délai séparant la vente de la panne ainsi que le faible kilométrage parcouru par Monsieur Debuyser ;

Que l'expert judiciaire a confirmé que le vice n'était pas visible pour un acquéreur profane ;

Attendu que les conditions de la garantie des vices cachés étant réunies il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et condamné Monsieur Filali Eminti à restituer le prix de vente de 3 650 euro ;

Attendu que l'article 1645 du Code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose il est tenu, outre la restitution du prix, qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ;

Que le vendeur professionnel est tenu de connaître les vices affectant les choses qu'il vend ; que Monsieur Filali Eminti, exploitant sous l'enseigne AMS-Auto, doit donc être condamné à réparer le préjudice subi par Monsieur Debuyser à la suite de la panne du véhicule, dont le tribunal a fait une juste évaluation en lui octroyant la somme de 800 euro à titre de dommages et intérêts ; qu'il y a lieu à confirmation ;

Attendu que lorsqu'un contrat synallagmatique est résolu les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé ; que c'est donc à bon droit que Monsieur Debuyser demande que Monsieur Filali Eminti soit condamné sous astreinte à reprendre possession du véhicule ; que selon l'article L. 131-1 du livre des procédures civiles d'exécution, le juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision ;

Que toutefois compte tenu de la procédure d'appel il y a lieu de reporter le point de départ de l'astreinte à l'expiration du délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur Filali Eminti aux dépens ; qu'y ajoutant il y a lieu d'y inclure les dépens de la procédure de référé et les honoraires de l'expert judiciaire ;

Que Monsieur Filali Eminti qui succombe en son recours sera condamné aux dépens d'appel ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Debuyser les frais irrépétibles qu'il a dû exposer en la cause ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a accordé une somme de 800 euro à ce titre ; que Monsieur Filali Eminti doit en outre être condamné à lui verser une indemnité procédurale de 1 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR statuant contradictoirement, Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel soulevée par Monsieur Debuyser devant la cour, Confirme le jugement, sauf sur le point de départ de l'astreinte, L'émendant de ce chef, dit que l'astreinte fixée par le tribunal commencera à courir à l'expiration du délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, Y ajoutant, Dit que dans les dépens de première instance à la charge de Monsieur Filali Eminti seront inclus les dépens de la procédure de référé et les honoraires de l'expert judiciaire, Condamne Monsieur Filali Eminti aux dépens d'appel, Le condamne en outre à verser à Monsieur Debuyser une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.