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Décisions

CA Besançon, 2e ch. civ., 21 novembre 2012, n° 10-02677

BESANÇON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Bazin

Défendeur :

Expo Occasion (SARL), Nissan West France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sanvido

Conseillers :

MM. Theurey-Parisot, Hua

Avocats :

Mes Economou, Clement, Levy, Peyronel, Graciano, Bocquet

TGI Lons-le-Saulnier, du 10 août 2010

10 août 2010

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement du 10 août 200 aux termes duquel le Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier a :

- prononcé la résolution de la vente du véhicule Nissan Patrol type GR3.0TD conclu entre la SARL Expo Occasion et Pierre-Eric Bazin le 17 janvier 2007 au prix de 21 192 euro,

- ordonné en conséquence la restitution dudit véhicule par Pierre-Eric Bazin à la SARL Expo Occasion et condamné à payer à celui-là, entre les dépens et une indemnité de procédure de 1 800 euro, les sommes de 21 192 euro à titre de remboursement du prix, 753 euro au titre de frais de recherche de la panne subie par le véhicule en juin 2007 et 807,58 euro au titre de frais d'assurance inutilement engagés,

- débouté Pierre-Eric Bazin de sa demande en paiement de la somme de 1 615 euro par mois à partir de juin 2007,

- condamné la SAS Nissan West France à garantir la SARL Expo Occasion de toutes les condamnations prononcée à son encontre ;

Vu la déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le25 octobre 2010 par Pierre-Eric Bazin ;

Vu les dernières conclusions des parties, du 28 juin 2012 (pour l'appelant), 14 septembre 2012 (pour la SARL Expo Occasion, intimée par l'appelant principal et appelante incidente à l'égard de la SAS Nissan West France) et 24 juillet 2012 pour la SAS Nissan West France, intimée sur l'appel provoqué de la SARL Expo Occasion et appelante incidente), auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du Code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 17 septembre 2012.

Vu les pièces régulièrement produites.

SUR CE

La recevabilité de l'appel principal, présenté dans les formes légales n'est pas discutée.

Il en est de même des appels incidents formés par la SARL Expo Occasion et la SAS Nissan West France ;

En l'état de ces appels, Pierre-Eric Bazin réitère devant la Cour une demande relative au préjudice de jouissance écartée en première instance, tandis que la SARL Expo Occasion, sans remettre en cause la résolution de la vente à ses torts, sollicite de ce chef le rejet de cette prétention, subsidiairement la réduction du montant réclamé et en tout état de cause la garantie de la SAS Nissan West France ; celle-ci conclut pour sa part à l'infirmation du jugement entrepris et au débouté des prétentions adverses, à tout le moins à la déduction du montant alloué de la somme de 30 000 euro à raison des bénéfices retirés par l'appelant de l'usage du véhicule et de la dépréciation de celui-ci, enfin au rejet de l'appel en garantie.

Il convient de rappeler que le véhicule acquis le 17 janvier 2007 par Pierre-Eric Bazin, mis en circulation en juillet 2001 et ayant parcouru 78 000 km, a présenté des difficultés de démarrage à froid immédiatement (le dirigeant du garage l'Expo Occasion déclarant au cours de l'expertise judiciaire avoir fait changer pour ce motif les bougies de chauffe le 8 février 2007) ; que ces difficultés ont conduit l'acquéreur à déposer le véhicule le 7 juin 2007 au garage Soleva, concessionnaire Nissan, qui à l'issue d'un contrôle de qualité, a conclu "courroie et tendeur à changer, mauvais démarrage, fuite d'huile échangeur air-air" ; que l'assureur Icare, auprès duquel Pierre-Eric Bazin avait souscrit un contrat garantie, a fait examiner le véhicule par le cabinet d'expertise BCA, qui à l'issue de ses investigations non contradictoires a conclu le 8 août 2007 à une avarie mécanique relevant de la conception du moteur ; que Pierre-Eric Bazin a obtenu par ordonnance de référé du 7 mars 2008, la désignation de Monsieur Henrat, expert, qui a opiné dans le même sens selon rapport du 24 septembre 2008 , chiffrant le coût du remplacement du moteur en échange standard à 8 500 euro et de la location mensuelle d'un véhicule identique à 1 615 euro.

Pierre-Eric Bazin, assignant la SARL Expo Occasion sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour vices cachés, a opté pour l'action rédhibitoire.

Cette demande a été accueillie à bon droit par le premier juge, par des motifs que la cour adopte.

La SAS Nissan West France, qui critique cette décision contrairement à la SARL Expo Occasion, ne contredit pas sérieusement ces motifs et le rapport d'expertise Henrat sur lequel le Tribunal de grande instance de Lons-Le-Saunier s'est appuyé.

Il sera précisé que si le démontage a été effectué avant l'expertise judiciaire et en l'absence de toutes les parties concernées, il a eu lieu pour la culasse sous le contrôle du cabinet BCA, expert automobile agréé dont la qualification technique n'est pas discutable, et pour le reste du moteur au sein du garage Soleva, tiers au litige ; de plus la SAS Nissan West France, qui reproche à Monsieur Henrat des conclusions succinctes et péremptoires - ce qui n'est du reste pas exact à la lecture du rapport - n'a présenté aucun dire, notamment pour soutenir que les dommages constatés par l'expert (culasse et têtes de pistons fendus) aurait pu être causés au moment de la dépose et des déshabillage du moteur ; enfin Monsieur Henrat a conclu clairement que "compte tenu de la configuration des dommages affectant la tête des pistons, fente et non détérioration par effet chalumeau" , il était possible de les imputer "soit à une fragilité des pistons soit à un choc thermique dû à une température de combustion trop élevé" -ce qui ne nécessitait pas d'investigation supplémentaire pour opter pour l'une ou l'autre de ces causes, puisqu'il s'agissait en tout état de cause d'un défaut de conception du moteur.

Il en résulte que le véhicule était bien affecté d'un vice caché antérieur à sa vente par la SARL Expo Occasion, et même existant dès sa mise en circulation.

Compte tenu du coût du remplacement du moteur (8 500 euro en échange standard tel que retenu par l'expert), un tel vice diminue tellement l'usage du véhicule que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il l'avait connu.

Outre que le choix entre action rédhibitoire et action estimatoire appartient à l'acquéreur dès lors que les conditions de la garantie des vices cachés sont remplies, l'option choisie par Pierre-Eric Bazin est d'autant plus justifiée que le simple remplacement du moteur par un autre identique n'apparaissait pas de nature à garantir que le dommage ne se reproduirait pas.

La résolution de la vente oblige le vendeur à restitution du prix, sans pouvoir prétendre à une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue où à l'usure résultant de cette utilisation, hors le cas où l'acquéreur serait responsable par son fait d'une dépréciation de la chose : tel n'est pas le cas ne l'espèce, étant ajouté que Pierre-Eric Bazin a dû cesser d'utiliser le véhicule 5 mois après son achat, et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir agi en justice pour faire reconnaître son droit à résolution de la vente (son propre assureur ne lui offrant pas au demeurant une garantie suffisante).

La SARL Expo Occasion, vendeur professionnel, est tenue de connaître les vices de la chose vendue, et par conséquent de verser à l'acheteur tous les dommages-intérêts, en sus de la restitution du prix.

Il en est de même de la SAS Nissan West France qui doit garantir la SARL Expo Occasion pour avoir importé et par conséquent mis en circulation le véhicule en France, sauf à observer que cette garantie ne peut porter que sur les dommages-intérêts et non sur le prix dont la restitution par l'effet de la résolution du contrat ne constitue pas pour le vendeur un chef de préjudice indemnisable.

Le premier juge a à juste titre retenu, à titre de dommages-intérêts, le coût de recherche de la panne par le garage Soleva (753 euro) et les frais d'assurance supportés jusqu'au 4 juin 2008 (807,58 euro) : le premier montant a été vérifié par l'expert Henrat à partir du devis Soleva annexé à son rapport, qu'il a détaillé (prise de compressions, contrôle système de préchauffage et d'alimentation et remplacement du débitmétre) ; en ce qui concerne le second montant, si l'assurance d'un véhicule est une obligation légale, comme le rappelle la SAS Nissan West France, devoir en supporter la charge alors que le véhicule en cause n'est pas utilisable constitue bien un préjudice causé par le vice à l'origine de cette immobilisation.

En revanche le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté totalement la prétention de Pierre-Eric Bazin à être indemnisé pour le préjudice né de ce que, précisément, il n'a pu jouir du véhicule acheté, la seule restitution du prix n'étant pas de nature à effacer les désagréments supportés par l'acquéreur.

Mais le vendeur n'est pas pour autant tenu de procurer à l'acquéreur un avantage équivalent de fait à la fourniture d'un véhicule identique, sous forme de location pour une durée liée aux aléas de la procédure qu'aucune des parties n'a maîtrisés.

Au surplus, Pierre-Eric Bazin n'a pas engagé les frais de location mis en compte, et déclare lui même qu'il a acheté un autre véhicule - qu'il qualifie d'ancien et au mauvais état sans fournir aucune pièce ni indiquer la date de cet achat.

Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de la cause, le préjudice de jouissance subi par Pierre-Eric Bazin sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 000 euro.

La SARL Expo Occasion, qui succombe, supporte les dépens à l'égard de Pierre-Eric Bazin, ses propres frais et ceux que ce dernier a engagés, à hauteur de 2 000 euro en sus du montant alloué en premier instance.

La SAS Nissan West France garantit la SARL Expo Occasion pour le paiement des sommes de 753 euro, 807,58 euro et 3 000 euro, ainsi que pour les dépens et les frais irrépétibles.

La SAS Nissan West France supportera les dépens de l'appel en garantie, ses propres frais et ceux que la SARL Expo Occasion a engagés, à hauteur de 1 000 euro.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Déclare recevables l'appel principal et les appels incidents, Infirme le jugement prononcé le 10 avril 2010 par le Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier en ce qu'il a : - débouté Pierre-Eric Bazin de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, - condamné la SAS Nissan West France à garantir la SARL Expo Occasion pour la totalité des condamnations prononcées à son encontre au profit de Pierre-Eric Bazin, Confirme ledit jugement pour le surplus, Statuant des chefs infirmés et ajoutant, Condamne la SARL Expo Occasion à payer à Pierre-Eric Bazin la somme de trois mille euros (3 000 euro) à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, Condamne la SARL Expo Occasion à verser à Pierre-Eric Bazin la somme de deux mille euros (2 000 euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel, Condamne la SARL Expo Occasion aux dépens à l'égard de Pierre-Eric Bazin, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Economou, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Nissan West France à garantir la SARL Expo Occasion pour le paiement à Pierre-Eric Bazin des sommes en principal de sept cent cinquante trois euros (753 euro), huit cent sept euros et cinquante huit cents (807,58 euro) et trois mille euros (3 000 euro), et des frais répétibles ou non de première instance et d'appel, Condamne la SAS Nissan West France à verser à la SARL Expo Occasion la somme de mille euros (1 000 euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Nissan West France aux dépens de l'appel en garantie formé par la SARL Expo Occasion, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Levy, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.