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Décisions

CA Pau, 1re ch., 31 juillet 2012, n° 11-02062

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

NDG Auto (SA)

Défendeur :

Vallois

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

M. Augey, Mme Beneix

Avocats :

SCP Duale-Ligney, SCP Piault - Lacrampe-Carraze, Mes Bourdalle, Moutet Fortis

TGI Pau, du 6 avr. 2011

6 avril 2011

Le 19 mars 2009, M. Vallois a fait l'acquisition d'un véhicule d'occasion de marque Nissan auprès de la SA NDG Auto pour un prix de 27 836 euro.

A l'occasion d'un contrôle routier, M. Vallois a appris que ce véhicule avait été frauduleusement immatriculé le 22 septembre 2008 sous le numéro 6213 YB 37 au nom de M. Vanquelef.

Par acte d'huissier du 2 août 2010 il a fait assigner la société NDG Auto devant le Tribunal de grande instance de Pau, afin de voir prononcer la nullité de cette vente pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance.

Par jugement du 6 avril 2011, cette juridiction a prononcé la résolution de la vente, et condamné le défendeur à restituer à M. Vallois la somme de 23 486 euro, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration au greffe du 27 mai 2011, la SA NDG Auto a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures déposées le 10 janvier 2012, elle a conclu à la réformation de cette décision ainsi qu'à la condamnation de M. Vallois au paiement d'une indemnité de 3 000 euro pour frais irrépétibles.

A titre subsidiaire elle a conclu à la réduction de la somme sollicitée au titre de la restitution du prix de vente compte tenu de l'utilisation faite par l'acquéreur du véhicule litigieux qui a nécessairement contribué à sa dépréciation pendant la durée de trois ans ayant suivi l'acquisition.

Elle fait observer que le véhicule aurait dû être immatriculé au nom de la SA Sofinco, ès qualités de crédit bailleur, ayant financé cet achat pour M. Vanquelef, mais qu'en raison d'une négligence imputable à cette société de crédit, le véhicule a été immatriculé directement au nom de ce dernier.

Elle soutient qu'elle a procédé à toutes les vérifications préalables ainsi qu'au transfert de la carte grise au profit de M. Vallois sans aucune difficulté, dans la mesure où le véhicule n'avait pas été gagé et qu'aucune déclaration de vol n'avait été effectuée.

Elle ajoute que ce véhicule n'a été signalé volé que le 10 avril 2009, c'est-à-dire un mois après la vente intervenue au profit de M. Vallois.

Elle soutient donc qu'elle n'a pas manqué à son obligation de délivrance qui s'apprécie au jour de la vente, puisque, à cette date, le véhicule était normalement immatriculé au nom de M. Vanquelef, et qu'ainsi cette vente doit être déclarée parfaite.

Dans ses dernières écritures du 27 décembre 2011, M. Vallois a conclu à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de la SA NDG Auto au paiement des sommes suivantes :

- 2 198,17 euro représentant le montant des travaux d'entretien et de réparations effectués sur ce véhicule ;

- 5 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance ;

- une indemnité de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient que le vendeur a manqué à son obligation de délivrance conforme, puisqu'elle porte sur un véhicule qui a été déclaré volé, alors qu'il pensait avoir acquis un véhicule libre de toute revendication possible de la part d'un tiers, peu important le fait que le vendeur ait ignoré ce fait au moment de la vente.

Il fait observer que la garantie de délivrance conforme est soumise au régime de la responsabilité sans faute, et qu'elle lui est donc acquise dès lors qu'il est démontré une distorsion entre la chose vendue et celle dont il a pris effectivement possession.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2012.

Motifs de l'arrêt

Il convient tout d'abord de rappeler la chronologie non contestée ayant abouti à la vente le 19 mars 2009 par la société NDG Auto à M. Vallois d'un véhicule de marque Nissan :

- 22 juillet 2008 : la société Sofinco finance par l'intermédiaire d'un crédit-bail la vente de ce véhicule au profit d'une société dénommée Alliance dont le gérant est M. Vanquelef ; une carte grise a été établie le 22 septembre 2008 au nom de M. Vanquelef ;

- 23 septembre 2008 : revente de ce véhicule par M. Vanquelef ;

- 9 décembre 2008 : achat de ce véhicule par M. Garidi ;

- revente (à une date non communiquée) de ce véhicule par M. Garidi à la société NDG Auto.

C'est à l'occasion d'un contrôle de gendarmerie postérieur à la vente que M. Vallois a appris que ce véhicule avait été précédemment immatriculé de manière frauduleuse le 22 septembre 2008 au nom de M. Vanquelef, alors que la Sofinco en sa qualité de crédit bailleur en était restée propriétaire, et qu'il s'agissait d'un véhicule signalé volé le 10 avril 2009.

M. Vallois soutient que la société NDG Auto a manqué à son obligation de délivrance.

Il s'appuie sur les dispositions des articles 1604 et 1615 du Code civil dont il résulte que la délivrance de la chose consiste dans son transport en la puissance et la possession de l'acheteur, et que cette obligation comprend ses accessoires et tous ceux qui étaient destinés à son usage perpétuel, et notamment en l'espèce la remise à l'acheteur des documents administratifs relatifs au véhicule vendu, notamment la carte grise, constituant une obligation contractuelle essentielle du vendeur.

En l'espèce, la bonne foi du vendeur professionnel n'est pas en cause, puisque lors de la vente de ce véhicule à M. Vallois, il était normalement immatriculé au nom de M. Vanquelef, il n'avait pas été signalé volé, et il n'était pas gagé, et il n'est pas contesté que le vendeur a accompli toutes les démarches administratives nécessaires à la vente et à son immatriculation au nom de M. Vallois.

La société NDG Auto soutient que le manquement à l'obligation de délivrance s'apprécie à la date de la vente, soit le 19 mars 2009, et qu'elle n'a pas manqué à son obligation en vendant un véhicule conforme au bon de commande, assorti d'un certificat d'immatriculation ne présentant aucune anomalie.

La société NDG Auto a fait référence à un arrêt du 7 mai 2008 rendu par la première chambre de la Cour de cassation mais qui s'applique à un défaut de conformité d'un matériel qui doit être apprécié au regard des données techniques connues ou prévisibles au moment de la vente.

En l'espèce il est avéré que le véhicule a été immatriculé de manière frauduleuse le 22 septembre 2008 c'est-à-dire antérieurement à la vente, que la garantie de délivrance conforme est soumise au régime de la responsabilité sans faute, et qu'elle est due lorsqu'il existe une distorsion entre la chose vendue telle qu'elle était prévue et telle qu'elle se trouve être en réalité.

Il résulte des pièces du dossier qu'au moment de la vente à M. Vallois, c'était la société Sofinco qui était propriétaire du véhicule et non M. Vanquelef, et dès lors le véhicule n'était pas libre de toute revendication.

La vente d'un véhicule ayant fait l'objet antérieurement d'une immatriculation frauduleuse constitue un défaut de délivrance de la chose vendue, et un manquement du vendeur à ses obligations, indépendamment de la bonne foi de ce dernier.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et ordonné la restitution du prix de 23 486 euro, avec les intérêts au taux légal à compter du 2 août 2010, date de l'assignation en justice.

D'autre part, M. Vallois a sollicité le paiement d'une somme de 2 198,17 euro représentant le montant des réparations effectuées sur le véhicule.

Il sera débouté de cette demande, ces frais étant liés à l'utilisation qu'il a pu faire du véhicule pendant plusieurs mois et qui se compensent avec la dépréciation qui en est résultée.

Le jugement sera donc également confirmé de ce chef.

Par ailleurs, M. Vallois ne rapporte pas la preuve d'un préjudice de jouissance indemnisable, puisqu'il n'a pas été privé, même partiellement, de l'usage du véhicule en cause.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Enfin, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA NDG Auto a lui payer une indemnité de 1 000 euro pour frais irrépétibles.

D'autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Vallois les frais irrépétibles qu'il a dû exposer en cause d'appel ; la SA NDG Auto sera condamnée à lui payer à ce titre une indemnité de 2 000 euro.

La SA NDG Auto qui succombe dans cette procédure sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Pau du du 6 avril 2011, et y ajoutant : Condamne la SA NDG Auto à payer à M. Hubert Vallois une indemnité de 2 000 euro (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs autres demandes. Condamne la SA NDG Auto aux dépens. Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.