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Décisions

CA Pau, 1re ch., 15 juin 2012, n° 11-02233

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chimits

Défendeur :

Patrick Vignau Cass'auto 64 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

MM. Castagne, Augey

Avocats :

SCP Duale-Ligney, SCP Piault - Lacrampe-Carraze, Mes Madar, Labes

TGI Pau, du 4 mai 2011

4 mai 2011

Suivant un bon de commande du 3 avril 2008, Mme Chimits a acquis de la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 un véhicule neuf de marque Renault Kangoo pour un prix de 17 500 euro.

Par acte d'huissier du 17 décembre 2009, elle a engagé une procédure à son encontre devant le Tribunal de grande instance de Pau afin de voir prononcer la nullité du contrat de vente pour cause de dol, et à titre subsidiaire elle a sollicité la résolution de la convention pour défaut de livraison conforme, en soutenant que ce véhicule n'était pas neuf, et qu'il ne correspond pas à la gamme commandée, en ce qu'il comprend notamment des options en moins grande quantité.

Par jugement du 4 mai 2011, cette juridiction l'a déboutée de ses demandes, et l'a condamnée à payer à la SARL Patrick Vigneau une indemnité de 1 200 euro pour frais irrépétibles.

Par déclaration au greffe du 10 juin 2011, Mme Chimits a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures déposées le 11 octobre 2011, elle a conclu à la réformation de cette décision, au prononcé de la nullité de la vente pour dol ou erreur, et à titre subsidiaire à la résolution de cette convention, et sollicité la condamnation de l'intimée à la restitution du prix de vente, ainsi que 8 000 euro à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 5 000 euro pour frais irrépétibles.

Elle soutient qu'il s'agit non pas d'un véhicule neuf mais d'occasion dont la mise en circulation est antérieure au 31 octobre 2008, date à laquelle il a été importé d'Italie.

Elle fait valoir que ce véhicule s'est trouvé entre les mains d'une société italienne entre le 31 octobre 2008 et le 26 janvier 2009, date à laquelle elle l'a revendu à un négociant en automobile de Lyon, et que cette dernière l'a cédé en tant que véhicule d'occasion au garage Vigneau.

Dans ses dernières écritures du 9 septembre 2011, la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 a conclu à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de Mme Chimits au paiement d'une indemnité de 2 000 euro pour frais irrépétibles.

Elle soutient :

- que l'appelante ne rapporte pas la preuve de manœuvres dolosives ;

- que le véhicule était neuf puisqu'il affichait un kilométrage de 10 km au moment de la vente, et qu'il disposait des options présentes en série sur les véhicules de la gamme " privilège ".

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2012.

Motifs de l'arrêt

1) sur la demande en nullité du contrat pour dol.

L'article 1116 du Code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il appartient donc à Mme Chimits de rapporter la preuve de manœuvres frauduleuses du vendeur tendant à lui faire croire que la vente portait sur un véhicule neuf alors qu'en réalité il s'agissait d'un véhicule d'occasion.

Elle ne justifie pas de ce que le vendeur lui aurait sciemment dissimulé qu'il s'agissait d'un véhicule d'importation venant d'Italie, lequel aurait été cédé par la suite à une société lyonnaise, pas plus qu'elle n'établit que la société Patrick Vigneau Cass'Auto 64 aurait procédé à une manipulation du compteur kilométrique pour lui faire croire qu'il n'aurait pas effectivement circulé depuis sa fabrication.

En conséquence, elle sera déboutée des fins de sa demande en nullité de la vente fondée sur le dol.

2) sur la demande en nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles.

Mme Chimits s'appuie à titre subsidiaire sur les dispositions de l'article 1110 du Code civil dont il résulte que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Il résulte des pièces versées aux débats que le 3 avril 2008, Mme Chimits a souscrit un bon de commande d'un véhicule neuf portant sur un véhicule Renault Kangoo de modèle Privilège d'un prix de 17 500 euro TTC.

La facture du 2 février 2009 éditée par l'EURL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 mentionne expressément qu'il s'agit de la vente d'un véhicule neuf de marque Renault Kangoo de marque Privilège, mis en circulation le 30 septembre 2008.

Il résulte des pièces versées au dossier et il n'est pas contesté que ce véhicule a été importé d'Italie où il a reçu sa première immatriculation le 31 octobre 2008, ainsi qu'il ressort d'un document établi par le ministère des transports de ce pays ; que le premier propriétaire est une société domiciliée à Milan dénommé Cargo Rent SPA ; qu'il s'agit d'une société de location de véhicules qui l'a conservé du 31 octobre 2008 jusqu'au 26 janvier 2009, date à laquelle elle l'a revendu à une société lyonnaise dénommée Star'Terre, négociant en automobiles.

La société Star'Terre a fait immatriculer ce véhicule, et a souscrit pour ce faire une déclaration d'achat de véhicule d'occasion.

De même, le garage Vigneau Automobiles a souscrit le 19 février 2009 une déclaration d'achat d'un véhicule d'occasion portant sur le véhicule litigieux.

Il s'agit certes de documents destinés à faire procéder à l'immatriculation du véhicule, mais les acquéreurs successifs ont bien déclaré qu'il s'agit d'un véhicule d'occasion et non d'un véhicule neuf.

D'autre part, M. Vigneau n'a fourni aucun justificatif des kilomètres parcourus par ce véhicule depuis sa première mise en circulation, alors que la société Cargo Rent SPA a conservé ce véhicule pendant trois mois, et qu'il s'agit d'une société de location de véhicules qui a donc vocation par définition à mettre ce véhicule à la disposition d'utilisateurs afin qu'ils circulent.

Enfin, il est établi et non contesté que ce véhicule a été acheminé depuis Lyon jusqu'à Oloron lors de la vente intervenue entre le société Star'Terre et M. Patrick Vigneau, soit environ 800 km.

Il résulte de ce qui précède et il est suffisamment établi que la vente a porté sur un véhicule d'occasion et non pas un véhicule neuf tel que commandé par Mme Chimits.

Il s'agit là d'une erreur sur une qualité substantielle et essentielle, et il convient en conséquence de réformer le jugement en toutes ses dispositions et de déclarer nulle et de nul effet la vente intervenue entre la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 et Mme Chimits.

Dès lors il y a lieu d'une part d'ordonner à Mme Chimits de restituer à la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 le véhicule, de condamner cette société à rembourser à Mme Chimits le montant du prix soit la somme de 17 500 euro outre celle de 57 euro correspondant au coût de la notice d'utilisation et du carnet d'entretien libellé en langue française, soit une somme totale de 17 557 euro, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément à la demande.

Mme Chimits n'a pas fourni d'éléments de nature à caractériser un préjudice moral qu'elle appuie sur les manœuvres accomplies par l'intimée, lesquelles n'ont pas été retenues par la cour ; elle sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts.

Par contre, il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager pour faire valoir sa demande en justice ; la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 4 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 qui succombe dans cette instance sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort. Réforme le jugement du Tribunal de grande instance de Pau du 4 mai 2011 et statuant à nouveau : Annule la convention de vente du véhicule de marque Renault conclue le 3 avril 2008 entre la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 et Mme Marie-Claude Chimits. Ordonne à Mme Marie-Claude Chimits de restituer le véhicule de marque Renault Kangoo à la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64. Condamne la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 à payer à Mme Marie-Claude Chimits : - la somme de 17 557 euro (dix-sept mille cinq cent cinquante-sept euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter de ce jour ; - une indemnité de 4 000 euro (quatre mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs autres demandes. Condamne la SARL Patrick Vigneau Cass'Auto 64 aux dépens. Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.