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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 27 avril 2012, n° 10-00628

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Philippeau

Défendeur :

Blue Automobiles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deryckere

Conseillers :

Mmes Bellouard-Zand, Triol

Avocats :

Mes Hunel Ozier-Lafontaine, Brunet

TI Fort-de-France, du 26 juill. 2010

26 juillet 2010

Exposé du litige :

Le 30 juillet 2008, M. Lucien Philippeau a pris livraison d'un véhicule automobile destiné à sa fille, commandé le 21 mars 2008, auprès de la SAS Blue Automobiles. S'apercevant d'un défaut de carrosserie, il en a averti la concession automobile laquelle, par courrier du 18 septembre 2008, lui indiquait se tenir à sa disposition pour effectuer les travaux de carrosserie nécessaires.

L'offre de la SAS Blue Automobiles ne convenant pas à M. Philippeau, ce dernier a saisi le Tribunal d'instance de Fort de France lequel l'a, par jugement contradictoire du 26 juillet 2010, débouté de ses demandes et rejeté les demandes reconventionnelles de la SAS Blue Automobiles.

Par déclaration enregistrée au greffe le 24 septembre 2010, M. Lucien Philippeau a relevé appel du jugement.

Par des dernières conclusions déposées au greffe le 14 octobre 2011, l'appelant a demandé à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, de constater une livraison d'un véhicule non conforme par le concessionnaire, le consentement de ce dernier à la réparation du désordre mais sa non réalisation dans le délai d'un mois, le préjudice subi par l'acheteur et de condamner l'intimée à lui verser la somme de 2 278,50 euros à titre de remboursement des frais de location du véhicule de remplacement, celle de 3 000 euros, en réparation de son préjudice moral, celle de 2 000 euros, au titre de l'indemnisation de la résistance abusive et encore celle de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il expose qu'ayant acheté un véhicule neuf, il a le droit d'exiger la réparation du défaut de conformité en application des dispositions de l'article L. 211-4 du Code de la consommation. Il se fonde sur les termes de l'article L. 211-7 et de l'article L. 211-10 1erdu même Code pour souligner que le vendeur ne prouve pas la conformité de la livraison. Il justifie ses demandes par le préjudice par lui subi et les frais exposés.

Par conclusions déposées au greffe le 21 mars 2011, la SAS Blue Automobiles a demandé à la cour de confirmer le jugement déféré, de constater qu'il appartient à l'appelant de rapporter la preuve de l'existence du désordre au jour de la livraison et qu'une réception sans réserve couvre les défauts de conformité de la chose vendue, de considérer que les documents par elle versés aux débats attestent de la livraison du véhicule sans défaut de conformité et que le geste commercial qu'elle a consenti n'est pas une reconnaissance de responsabilité.

A titre subsidiaire, elle a sollicité le débouté des demandes adverses faute d'être justifiées.

Elle a réclamé enfin la condamnation de M. Philippeau à lui verser la somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle rappelle que M. Philippeau et son épouse ont pris livraison du l'automobile sans émettre aucune réserve en dépit d'une vérification attentive selon le propre aveu de l'appelant. Elle souligne que la charge de la preuve incombe à celui-ci et qu'elle-même est en possession de documents attestant de la parfaite conformité du véhicule à sa livraison. Elle explique avoir accepté la prise en charge des travaux de carrosserie par geste commercial et non au titre d'une prétendue reconnaissance de responsabilité. Elle expose que le bon de commande prévoyait une date de livraison au plus tard au 30 août 2008 et que M. Philippeau ne pouvait pas avoir déjà prévu une date d'acheminement du véhicule en Guadeloupe. Elle conteste les demandes indemnitaires de l'appelant.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 novembre 2011.

Motifs de l'arrêt :

Sur l'obligation de livraison conforme :

Aux termes de l'article L. 211-7 du Code de la consommation, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué.

En l'espèce, il n'est pas contesté que, dès le lendemain de la livraison du véhicule automobile, M. Philippeau s'est plaint de l'existence d'un enfoncement sur le toit de la voiture. Or, l'intimée ne rapporte pas la preuve de ce que ce défaut de conformité n'existait pas au jour de la livraison. En effet, elle ne peut valablement opposer à l'appelant une " check list " qu'il n'a pas lui-même signé, puisqu'elle n'a concerné que les rapports existants entre le concessionnaire et le transporteur dudit véhicule. Nulle pièce produite aux débats n'est par ailleurs de nature à combattre la présomption simple énoncée par les dispositions de l'article L. 211-7 du Code de la consommation précité. Dans ces circonstances, le premier juge a estimé, à tort, que l'acceptation sans réserve de la voiture par M. Philippeau lui interdisait de se prévaloir du défaut de conformité. Le jugement déféré sera donc infirmé.

Sur les conséquences de la livraison présumée non conforme :

Selon les dispositions de l'article L. 211-9 du Code de la consommation, en cas de non-conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien(').

Aux termes de l'article suivant, si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix. La même faculté lui est ouverte si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 211-9 ne peut être mise en œuvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur. (La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur).

L'article L. 211-11 du même code, l'application des dispositions des articles L. 211-9 et L. 211-10 a lieu sans aucun frais pour l'acheteur. Ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à l'allocation de dommages intérêts.

Il est justifié par un courrier de la SAS Blue Automobiles qu'au 18 septembre 2008, elle proposait à M. Philippeau de procéder aux travaux de carrosserie nécessaires. Ceux-ci ont manifestement été effectués, l'appelant ne le précisant pas clairement puisqu'il produit aux débats une facture de location d'un véhicule de prêt. Cependant, la cour ne dispose pas d'éléments permettant de connaître précisément à quelle date ont eu lieu les travaux de carrosserie et leur durée. En effet, ce même contrat de location d'un véhicule est insuffisant, à lui seul, à renseigner la cour sur ces points. Ainsi, l'appelant ne prouve-t-il pas que le concessionnaire n'a pas respecté le délai d'un mois prévu par les termes de l'article L. 211-10 du Code de la consommation. Au surplus, le caractère mineur du défaut de conformité ne lui permettait pas d'exiger davantage que la réparation du véhicule acquis.

Enfin, si la loi autorise l'acheteur à réclamer des dommages intérêts, encore doit-il les justifier. Or, en l'espèce, le remboursement des frais de location du véhicule ne saurait lui être octroyé, le fait que la voiture soit destinée à sa fille domiciliée à la Guadeloupe ne pouvant être mis à la charge de la SAS Blue Automobiles et, comme il a été rappelé précédemment, il n'est pas démontré que la location d'un véhicule de prêt du 5 août au 5 octobre 2008 est due, en tout ou partie, au retard pris dans la réparation de la Peugeot 206. Ensuite, l'appelant ne justifie sa demande au titre d'un préjudice moral par aucun élément particulier. Enfin, il ne démontre pas en quoi l'attitude de la concession automobile relève de la résistance abusive, celle-ci offrant, au contraire, rapidement de procéder aux réparations.

La demande en dommages intérêts de M. Philippeau doit donc être rejetée.

Sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :

L'équité justifie le débouté des demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il sera fait masse des dépens, dont chaque partie supportera la moitié.

Par ces motifs : Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Philippeau de sa demande fondée sur le défaut de livraison conforme ; Et statuant à nouveau sur ce point ; Constate le défaut de livraison conforme du véhicule automobile Peugeot 206 ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Lucien Philippeau de ses demandes en dommages intérêts ; Y ajoutant, Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Fait masse des dépens et condamne chaque partie à en supporter la moitié.