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Décisions

CA Nancy, 2e ch. civ., 7 juin 2012, n° 11-01964

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Contact Auto 54 (SARL)

Défendeur :

Papics

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Claude-Mizrahi

Conseillers :

MM. Magnin, Martin

Avocats :

SCP Millot-Logier, Fontaine, SCP Leinster Wisniewski Mouton, Mes Crouvizier, Dugravot

TI Nancy, du 28 juin 2011

28 juin 2011

Le 3 août 2010, M. Julien Papics a acquis auprès de la Sarl Contact Auto 54, un véhicule d'occasion de marque Renault, modèle Laguna, pour le prix de 4 490 euros, le procès-verbal de contrôle technique établi à la même date faisant mention de deux défauts à corriger sans obligation de contre-visite, soit un mauvais réglage des feux de croisement et une usure irrégulière des 4 pneumatiques.

Par exploit du 2 février 2011, M. Papics a fait assigner devant le Tribunal d'instance de Nancy la Sarl Contact Auto 54 aux fins de voir prononcer, sur le fondement des articles L. 211-7 et L. 211-9 du Code de la consommation, la résolution du contrat de vente et entendre condamner la défenderesse à lui rembourser la somme de 4 490 euros correspondant au prix de vente, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2010 ainsi qu'à lui payer les sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Papics a également demandé au tribunal de condamner la Sarl Auto Contact 54 à reprendre le véhicule à ses frais, dans le délai d'un mois à compter de la consignation par elle des condamnations mises à sa charge, et réservé ses droits à solliciter le remboursement des frais de gardiennage.

Le demandeur a fait valoir au soutien de ses prétentions, que le véhicule vendu n'est pas conforme à l'état décrit au procès-verbal de contrôle technique du 3 août 2010 ; qu'il résulte d'un nouveau contrôle technique effectué le 27 septembre 2010, soit quelques semaines après la vente, que le véhicule présente notamment une fissure de la barre de torsion arrière gauche, une usure prononcée des plaquettes de frein, un jeu anormal du boîtier de direction et du train arrière ainsi qu'un défaut d'étanchéité du moteur et de la boîte ; que ces désordres le rendent manifestement dangereux à la circulation et qu'il n'en aurait pas fait l'acquisition s'il avait eu connaissance de son état réel.

Bien que régulièrement assignée, la Sarl Contact Auto 54 n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.

Par jugement en date du 28 juin 2011, le tribunal a :

déclaré la Sarl Contact Auto 54 responsable, sur le fondement des articles L. 211-1 à L. 211-14 du Code de la consommation des désordres affectant le véhicule litigieux,

débouté M. Papics de sa demande tendant à voir prononcer la résolution de la vente portant sur le véhicule Renault Laguna intervenue le 3 août 2010,

condamné la Sarl Contact Auto 54 à payer à M. Papics la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

condamné la défenderesse aux dépens et au paiement d'une indemnité de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le premier juge, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 211-4 à L. 211-12 du Code de la consommation, a énoncé :

que la réalité des désordres est établie par la comparaison du procès-verbal de contrôle technique du 3 août 2010 avec celui du 27 septembre 2010,

que ces désordres apparus dans le délai de six mois sont présumés avoir existé au moment de la vente,

que de par leur accumulation qui emporte nécessairement une incertitude sur la fiabilité du véhicule et la crainte d'une panne imminente, ils rendent le véhicule impropre à l'usage habituellement attendu d'un bien de ce type au sens de l'article L. 211-5 1° du Code de la consommation,

qu'il convient d'en déclarer la Sarl Contact Auto 54 responsable,

que toutefois, M. Papics ne démontre pas que leur réparation serait impossible ni ne justifie d'un inconvénient majeur qui en résulterait ; qu'au contraire, les estimations qu'il produit des 15, 21 et 28 septembre 2010 mentionnent un coût total des travaux de remise en état de 833,23 euros,

qu'il ne peut dès lors et par application des articles L. 211-9 et 10 du Code de la consommation, prétendre qu'au paiement de ce montant, correspondant à l'indemnisation des défauts de conformité, sous forme de dommages et intérêts, ainsi qu'au préjudice de jouissance (immobilisation du véhicule pendant les différents contrôles effectués postérieurement à la vente et légitimes inquiétudes suscitées par les désordres constatés).

Suivant déclaration reçue le 26 juillet 2011, la Sarl Contact Auto 54 a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. Papics tendant à la résolution du contrat de vente, concluant au rejet de l'ensemble des demandes de celui-ci ainsi qu'à sa condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante a critiqué le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclarée responsable des désordres affectant le véhicule et l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts alors même qu'il n'a retenu aucune faute à son endroit et qu'elle a parfaitement satisfait à ses obligations de vendeur de véhicule d'occasion en fournissant un contrôle technique effectué le jour même de la vente. Elle a fait valoir que certains défauts relevés par le contrôle technique du 27 septembre 2010 ne pouvaient être détectés que par des investigations particulières et approfondies, tels le défaut d'étanchéité du moteur et celui de la boîte de vitesse qui nécessitent le démontage complet du véhicule ; que si elle est une professionnelle de la vente de véhicules, elle n'est pas spécialiste en matière de contrôle technique, lequel est strictement encadré par l'arrêté du 10 juin 1991 et porte sur une vérification de visu de 116 points listés.

La Sarl Contact Auto 54 a prétendu par ailleurs que la preuve n'est pas rapportée que le véhicule serait impropre à l'usage qui en est habituellement attendu ; que les défauts relevés par le second contrôle technique sont des défauts mineurs ; que M. Papics, qui continue d'ailleurs de circuler avec le véhicule sans justifier avoir procédé aux travaux de remise en état invoqués, ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice.

M. Papics a conclu au rejet de l'appel principal et formé un appel incident aux fins de voir prononcer la résolution du contrat du contrat de vente, demandant à la Cour de condamner la société Contact Auto 54 à lui restituer le prix de vente de 4 490 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2010, de la condamner à la reprise du véhicule à ses frais et après le délai d'un mois suivant la consignation par elle des condamnations mises à sa charge, de la condamner enfin à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts outre les dépens qui seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle, enfin de lui donner acte qu'il se réserve de solliciter le remboursement des frais de gardiennage.

M. Papics a rappelé les dispositions des articles L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-7 du Code de la consommation, en observant que la Sarl Auto Contact 54, qui est un vendeur professionnel, n'est pas en mesure de renverser la présomption établie par l'article L. 211-7 s'agissant de défauts apparus dans le délai de six mois à compter de la délivrance du bien.

Il a prétendu par ailleurs que les défauts de conformité constatés ne peuvent être qualifiés de mineurs de sorte qu'il est fondé à solliciter la résolution de la vente, cette solution s'imposant d'autant que le coût de la réparation apparaît manifestement disproportionné par rapport au prix de vente.

Sur ce :

Vu les dernières écritures déposées le 3 février 2012 par la Sarl Contact Auto 54 et le 12 décembre 2011 par M. Papics, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Attendu, suivant l'article L. 211-4 du Code de la consommation dont les dispositions sont invoquées par M. Papics que "le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance", l'article L. 211-5 précisant que pour être conforme au contrat, le bien doit notamment 'être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable' et l'article L. 211-7 que "les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance" ; qu'il résulte par ailleurs de l'article L. 211-12 que l'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien ;

Attendu que la garantie légale de conformité instituée par ces textes, qui suppose l'existence d'un défaut de conformité au contrat, lequel recouvre, dans une vision élargie de la conformité, tant les vices cachés que les manquements à l'obligation de délivrance conforme, concerne tous les contrats de vente de meubles corporels, qu'ils soient neufs ou d'occasion, conclus entre un professionnel et un consommateur ;

Attendu qu'il est constant, ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, que le procès-verbal de contrôle technique dressé le 27 septembre 2010, soit moins de deux mois après l'acquisition par M. Papics du véhicule Laguna, fait état d'une fissure ou cassure de la barre de torsion, de l'usure prononcée des plaquettes de frein, du jeu anormal de la crémaillère du boîtier de direction et d'un défaut d'étanchéité du moteur et de la boîte de vitesses ;

Attendu qu'il appartient à la Sarl Contact Auto 54, qui a vendu le véhicule litigieux dans le cadre de son activité professionnelle, de rapporter la preuve que ces défauts, qui ont été révélés dans le délai de six mois à compter de la délivrance du véhicule, n'existaient pas au moment de la vente ;

Qu'or, les seuls éléments qu'elle fait valoir à cet égard, s'agissant du kilométrage parcouru depuis la vente (2330 kilomètres) et de l'absence de mention de ces défauts au procès-verbal de contrôle technique dressé le 3 août 2010, sont insuffisants à combattre la présomption instituée par les textes susvisés ;

Que la Sarl Contact Auto 54 ne peut davantage soutenir, eu égard à sa qualité de professionnelle de l'automobile, que certains défauts, tels le défaut d'étanchéité du moteur et de la boîte de vitesses, ne pouvaient être détectés qu'au moyen d'investigations approfondies, sous-entendant qu'elle n'aurait pas été à même d'opérer ; que de même, ses développements concernant les vérifications auxquelles sont astreints les centres de contrôle technique, sont totalement hors sujet ;

Attendu que du fait de la multiplicité des défauts l'affectant, faisant légitimement craindre une panne imminente, le véhicule ne présentait pas, au jour de la vente, les qualités qu'un acheteur peut attendre d'un bien semblable, de même âge et ayant parcouru le même kilométrage (109 424 kilomètres) ;

Attendu que l'action en garantie, régulièrement engagée par M. Papics dans le délai de deux ans à compter de la délivrance du véhicule, conformément à l'article L. 211-12 du Code de la consommation, est dès lors parfaitement fondée ;

Attendu suivant l'article L. 211-9 du Code de la consommation, qu'en cas de défaut de conformité, l'acheteur a le choix entre la réparation et le remplacement du bien ; que toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acquéreur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut ; qu'il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acquéreur ;

Que par ailleurs, l'article L. 211-10 donne la faculté à l'acquéreur de rendre la chose et se faire restituer le prix ou de garder le bien et se faire rendre une partie du prix, " si la réparation ou le remplacement du bien sont impossibles " (alinéa 1er) ou " si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 211-9 ne peut être mise en œuvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche " (alinéa 2), étant précisé à l'alinéa 3 que la résolution du contrat ne pourra être prononcée si le défaut de conformité est mineur ;

Attendu que s'il est constant en l'espèce, que la Sarl Contact Auto 54 n'a pas, dans le délai d'un mois suivant la réclamation de M. Papics, fait effectuer les réparations nécessaires, il n'en demeure pas moins que les défauts litigieux, auxquels il peut être remédié par des travaux d'un montant de 833,23 euros TTC suivant estimations du Garage du Saule, ne sont pas suffisamment graves pour justifier la résolution de la vente ; qu'en outre, ainsi que l'a fort justement relevé le premier juge, la réparation du véhicule n'est pas de nature à présenter un inconvénient majeur pour l'acquéreur qui n'a jamais cessé de l'utiliser, ce qu'il ne conteste pas ;

Attendu que c'est également par une exacte appréciation des éléments de la cause, que le tribunal a retenu l'existence tant d'un préjudice de jouissance résultant de l'immobilisation du véhicule pendant les différents contrôles effectués postérieurement à la vente et durant le temps qui sera nécessaire aux réparations, que d'un préjudice moral né des légitimes inquiétudes suscitées par les désordres et qu'il a alloué à M. Papics une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de dommages confondues ;

Qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Attendu que la Sarl Contact Auto 54 qui succombe en son appel sera déboutée de sa demande du chef des frais irrépétibles et condamnée aux entiers dépens ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Reçoit la SA Contact Auto 54 en son appel principal et M. Julien Papics en son appel incident contre le jugement rendu le 28 juin 2011 par le Tribunal d'instance de Nancy ; Confirme ce jugement en toutes ses dispositions ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la Sarl Contact Auto 54 aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.