CA Riom, 1re ch. civ., 5 janvier 2012, n° 10-02486
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
De Sousa
Défendeur :
Bara, Attaoui Loulou
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudron
Conseillers :
Mme Jacquemin, M. Meral
Avoués :
SCP Lecocq, Me Mottet
Avocats :
Mes Sibiaud, Pujo, Vignolle
Faits et procédure
Le 16 juin 2009, Madame Leslie De Sousa a acheté à Monsieur Lounis Bara un véhicule Peugeot 307 CC d'occasion au prix de 9 000 euros.
Madame Leslie De Sousa a souhaité faire changer la carte grise de son véhicule afin que puisse y figurer la mention du carburant utilisé. La préfecture a refusé de procéder au changement sollicité sans l'attestation du garage ayant effectué l'installation du kit bio-éthanol et sans l'autorisation préalable du constructeur.
Madame Leslie De Sousa a dès lors fait assigner son vendeur, Monsieur Lounis Bara, devant le Tribunal d'instance de Clermont-Ferrand afin d'obtenir la résolution de la vente ; Monsieur Lounis Bara a quant à lui appelé en garantie son propre vendeur, Madame Nadya Attaoui Loulou.
Par jugement en date du 1er septembre 2010, le Tribunal d'instance de Clermont-Ferrand a :
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur Bara,
- débouté Madame Leslie De Sousa de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Monsieur Lounis Bara, fondées sur la garantie des vices cachés,
- débouté Madame Leslie De Sousa et Monsieur Lounis Bara de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration en date du 5 octobre 2010, Madame Leslie De Sousa a formé appel de ce jugement contre Lounis Bara.
Par déclaration en date du 16 novembre 2010, Monsieur Lounis Bara a interjeté appel provoqué dudit jugement contre Madame Nadya Attaoui Loulou.
Les deux procédures ainsi initiées ont été jointes par ordonnance du 30 novembre 2010.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 3 février 2011, Madame Leslie De Sousa demande à la cour, au visa des articles 1603, 1615 et 1184 du Code civil, de :
- constater que Monsieur Bara lui a remis une carte grise falsifiée, la mention kit biéthanol n'y figurant pas,
- constater que Monsieur Bara a donc vendu un véhicule non conforme à la réglementation en vigueur puisque le changement de carte grise n'a pu être réalisé,
- dire en conséquence que Monsieur Bara a manqué à son obligation contractuelle de remettre des documents relatifs au véhicule conformes,
- constater que Monsieur Bara ne pouvait ignorer ce fait affectant le véhicule puisque n'ayant lui-même réalisé aucune démarche relative à la modification de la carte grise,
- en application de l'article 1184 du Code civil, le condamner en conséquence au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
- outre la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Madame Leslie De Sousa ne fonde plus ses demandes, comme en première instance, sur la garantie des vices cachés mais sur un manquement de Monsieur Lounis Bara à son obligation de délivrance conforme. Elle fait valoir qu'en matière de vente de véhicule automobile, cette obligation comprend notamment, en application de l'article 1615 du Code civil, celle de délivrer la carte grise du véhicule ; qu'en l'espèce, le vendeur n'avait effectué aucune formalité pour que la carte grise soit mise en conformité avec l'installation d'un kit bio-éthanol ; qu'actuellement, elle se trouve dans l'illégalité puisque la préfecture refuse de porter la mention bio-éthanol sur la carte grise et que le contrôle technique est refusé en raison de la discordance existante. Elle ajoute que la mauvaise foi de Monsieur Bara est établie puisqu'il ne pouvait qu'avoir connaissance de l'impossibilité de procéder aux modifications nécessaires, ce qui justifie sa condamnation à des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1134 du Code civil.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 28 octobre 2011, Monsieur Lounis Bara demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf à porter à la somme de 1 500 euros le montant de la condamnation de Madame Leslie De Sousa au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre la somme complémentaire de 1 000 euros. A titre subsidiaire, il sollicite le rejet des demandes de Madame Leslie De Sousa au motif de ce qu'elle ne justifierait d'aucun préjudice. A titre encore plus subsidiaire, il demande à ce que Madame Attaoui Loulou soit condamnée à le garantir des condamnations prononcées contre lui et condamnée en outre à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Lounis Bara fait valoir pour l'essentiel que l'obligation de délivrance conforme prévue par l'article 1604 du Code civil ne correspond pas à une obligation de conformité à la loi, qui ne peut être sanctionnée que sur le fondement de la garantie des vices cachés, mais de conformité aux dispositions contractuelles. Il ajoute que l'installation d'un kit bio-éthanol était connue de Madame Leslie De Sousa, que la mention 'essence' sur la carte grise n'était pas erronée puisque le véhicule pouvait encore fonctionner à l'essence et que Madame Leslie De Sousa a pu faire procéder au changement de propriétaire sur la carte grise. Il précise encore qu'en qualité de vendeur non professionnel, il n'avait pas à renseigner Madame Leslie De Sousa sur les obligations légales ; que par ailleurs le procès-verbal de contrôle technique établi lors de la vente est parfaitement valable et que si des difficultés sont apparues par la suite, c'est en raison d'une modification des normes en vigueur postérieure à la vente. Subsidiairement, il fait valoir que Madame De Sousa ne souffre d'aucun préjudice puisqu'elle a régulièrement utilisé le véhicule depuis la vente. Si néanmoins il était fait droit aux demandes de Madame De Sousa, il demande à ce que son propre vendeur soit condamné à le garantir puisque c'est ce dernier qui est à l'origine de l'installation du kit bio-éthanol.
Madame Nadya Attaoui Loulou n'a pas comparu. L'acte d'appel et les conclusions de Monsieur Lounis Bara lui ont été signifiés le 3 mai 2011 (remise à l'étude d'huissier) puis à nouveau le 27 mai 2011 (remise à l'étude de l'huissier).
La procédure a été clôturée par une ordonnance en date du 22 novembre 2011.
Sur ce :
Attendu que Madame Leslie De Sousa fonde donc désormais ses demandes sur la non-conformité du véhicule vendu aux prévisions contractuelles ;
Attendu que la preuve de ce défaut de conformité de la chose vendue incombe à l'acquéreur ;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le véhicule vendu était bien équipé d'un kit bio-éthanol conformément à l'accord des parties ; que de même il n'est pas contesté que cet équipement était en état de fonctionnement ; qu'en outre, le véhicule fonctionne aussi à l'essence comme indiqué sur la carte grise ;
Que le véhicule vendu est donc, au moins dans ses caractéristiques techniques, conforme à la convention des parties ;
Attendu cependant qu'il est reproché au vendeur d'avoir fourni un certificat d'immatriculation (carte grise) ne comportant pas la mention du carburant bio-éthanol, ce qui serait contraire aux prévisions contractuelles et empêcherait notamment le passage avec succès du contrôle technique ;
Que pourtant, il ressort des éléments versés aux débats et spécialement de la réponse ministérielle du 21 juillet 2009 qu'à la date de la vente aucune réception à titre isolée des véhicules équipés de kits bio-éthanol n'était possible puisque les kits de transformation alors commercialisés avaient fait l'objet d'expertises démontrant qu'ils n'étaient pas satisfaisants et que les constructeurs refusaient dès lors de les homologuer, la réponse ministérielle ajoutant qu'il n'y avait dès lors actuellement aucune possibilité réglementaire de transformation des véhicules existants ; que Madame Leslie De Sousa ne conteste aucunement cet état de fait, relevant au contraire dans ses écritures que la simple pose du kit bio-éthanol "n'offre pas assez de garantie sur la fiabilité du moteur ainsi que sur le système injection entraînant ainsi systématiquement le refus de modification par la Drire" ;
Qu'en conséquence il apparaît pour le moins hasardeux d'affirmer que les parties avaient néanmoins convenu, en contradiction avec les règles alors applicables, que l'installation du kit bio-éthanol devait pouvoir être homologuée administrativement ; qu'à tout le moins Madame Leslie De Sousa, sur laquelle repose la charge de la preuve, ne démontre en aucune façon qu'une telle disposition avait été expressément convenue entre les parties ; que faute de cette démonstration, elle ne peut prétendre que le véhicule vendu n'est pas conforme aux prévisions contractuelles ;
Attendu en outre que Madame Leslie De Sousa ne peut soutenir avoir ignoré cette difficulté relative à la carte grise dès lors qu'elle résulte de textes législatifs et réglementaires ; qu'elle ne peut en toute hypothèse reprocher à son vendeur de ne pas la lui avoir révélée alors que, s'agissant en l'espèce de relations entre deux non-professionnels, tous deux se trouvaient de ce point de vue à égalité, le vendeur n'étant pas tenu d'une obligation d'information spécifique à l'égard de l'acheteur ; que la mauvaise foi du vendeur n'est du reste aucunement démontrée puisqu'il n'est pas établi qu'il avait lui-même connaissance de l'impossibilité de faire homologuer la transformation, réalisée du reste non par lui-même mais par son propre vendeur ; que l'affirmation de Madame Leslie De Sousa selon laquelle Monsieur Bara aurait dissimulé la transformation lors du contrôle technique réalisé avant la vente n'est fondée sur aucun élément, l'absence de réserves pouvant notamment se justifier par une moindre sensibilisation des contrôleurs techniques à cette question avant de nouvelles instructions intervenues en 2011 ; que certes, le certificat de cession mentionne que le vendeur certifie que le véhicule n'a pas subi de transformation notable susceptible de modifier les indications du certificat de conformité ou de l'actuelle carte grise' ; que cependant, il ne peut en l'espèce être tiré aucune conséquence de cette clause puisque les deux parties étaient justement d'accord pour constater que la vente portait sur un véhicule transformé, auquel il avait été ajouté un kit bio-éthanol ;
Attendu en conséquence qu'en l'absence de démonstration d'une non-conformité du véhicule vendu aux prévisions contractuelles, Madame Leslie De Sousa devra être déboutée de ses demandes et le jugement entrepris devra être confirmé en toutes ses dispositions y compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, avec la précision que les demandes de Madame Leslie De Sousa sont également rejetées sur le fondement de la non-conformité du véhicule vendu ;
Attendu que Madame Leslie De Sousa, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement à Monsieur Lounis Bara d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : La Cour, statuant publiquement et par défaut, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, les demandes de Madame Leslie De Sousa étant rejetées également sur le fondement de la non-conformité du bien vendu. Et y ajoutant, Condamne Madame Leslie De Sousa à payer à Monsieur Lounis Bara la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne Madame Leslie De Sousa aux dépens d'appel et dit qu'il sera fait application de l'article 699 du Code de procédure civile.