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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 20 novembre 2012, n° 11-05091

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

M. Plants (EARL), Axa France Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

MM. Chassery, Prouzat

TGI Carpentras, du 28 juin 2007

28 juin 2007

FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La Scea M. Plants, aux droits de laquelle vient l'Earl M. Plants, a vendu à Robert R., suivant facture du 5 juin 2000, 149 300 plants de poivrons en mini mottes, dont 70 000 plants de la variété "Zingaro".

Ayant constaté des anomalies de croissance sur les plants "Zingaro", M. R. a fait procéder à l'analyse d'un prélèvement par le laboratoire de la Fédération départementale du groupement de défense contre les ennemis des cultures (FDGDEC) qui, le 17 juillet 2000, a diagnostiqué un champignon pathogène, le fusarium solani, responsable, selon lui, des nécroses racinaires.

Le phénomène de dépérissement s'aggravant, M. R. a mandaté un expert agricole, Mme G., qui relevait, dans un rapport établi le 29 septembre 2000, que l'ensemble des plants de la variété "Zingaro" était infecté par le champignon fusarium solani et devait être détruit.

Par jugement du 12 juin 2001, le Tribunal de grande instance de Carpentras a ouvert une procédure de redressement judiciaire de M. R. convertie ultérieurement en liquidation judiciaire, M. R. étant désigné comme liquidateur.

En vue d'identifier l'origine de l'infestation, qui s'était étendue à l'ensemble de la récolte, M. R. a consulté un second expert agricole, M. L., qui, dans un rapport en date du 4 septembre 2003, confirmait que l'intégralité de la culture de poivrons de variété "Zingaro" puis les autres variétés mises en place en 2000 avaient dû être détruites en cours de culture en raison d'une infestation généralisée de fusariose et indiquait que la seule hypothèse susceptible d'expliquer le phénomène relaté, avec pour caractéristique principale une grande homogénéité et une apparition simultanée sur l'ensemble de la culture selon les variétés, est l'infestation des plants de poivrons avant leur mise en terre, laquelle a vraisemblablement dû se réaliser chez le pépiniériste qui les a produits.

Par acte du 17 décembre 2003, M. R. ès qualités a fait assigner la société M. Plants devant le tribunal de grande instance de Carpentras en vue d'obtenir, sur le fondement de la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil et, subsidiairement, pour inexécution de son obligation de délivrance conforme et faute contractuelle, l'indemnisation de ses préjudices ; la société Axa France Iard, assureur de la société M. Plants, est intervenue volontairement à l'instance.

Le tribunal, par jugement du 28 juin 2007, a notamment :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société M. Plants,

- débouté cette société de sa demande visant à l'irrecevabilité de l'assignation, de sa demande basée sur la reconnaissance d'un aveu judiciaire et de sa demande d'irrecevabilité au titre de l'article 7 du contrat de vente,

- déclaré l'action entreprise par M. R. ès qualités, irrecevable en application des articles 1641 et 1648 du Code civil,

- débouté M. R. de sa demande d'expertise ;

- débouté le même de ses demandes visant à mettre en cause la responsabilité de la société M. Plants,

- dit n'y avoir lieu à faire jouer la garantie de la société Axa France,

- condamné M. R. ès qualités à payer à la société M. Plants et à la société d'assurance Axa, respectivement, les sommes de 2 000 euro et 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. R. ès qualités a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Devant la Cour d'appel de Nîmes, il a sollicité, à titre principal, l'annulation de la vente pour dol et, subsidiairement, la mise en œuvre de la garantie des vices cachés de la société M. Plants.

Par arrêt du 14 janvier 2010, la cour a, entre autres dispositions :

- déclaré irrecevable l'action en nullité de la vente pour cause de dol, présentée pour la première fois en cause d'appel,

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré et, y ajoutant,

- débouté M. R. de son action en responsabilité civile, tant sur le fondement de l'article 1382 du Code civil pour dol que sur celui de l'article 1147 du même Code,

- dit que M. R. payera, par application de l'article 700 du Code de procédure civile, une somme complémentaire de 1 500 euro à la société M. Plants et une somme complémentaire de 1 000 euro à la société Axa France Iard.

Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions, sur le pourvoi formé par M. R., par un arrêt rendu le 26 mai 2011 par la Cour de cassation (1re chambre civile), aux motifs suivants :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 565 du Code de procédure civile ;

Attendu que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande formée pour la première fois en cause d'appel par M. R. sur le fondement du dol, l'arrêt retient que l'action en nullité pour vice du consentement en raison du dol dont M. R. aurait été victime, est incontestablement une demande nouvelle en cause d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. R., qui invoquait dans ses conclusions d'appel la nullité de la vente pour solliciter, comme en première instance, la réparation de son préjudice, ne formulait pas de nouvelles prétentions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 7 du Code de procédure civile ;

Attendu que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ;

Attendu que, pour débouter M. R. de ses demandes, l'arrêt retient qu'il ne résulte pas de l'examen de la facture produite que l'EARL M. Plants aurait livré des plants de la variété "corne de bœuf" ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'EARL M. Plants elle-même ne contestait pas cette livraison, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Désignée comme juridiction de renvoi, la Cour d'appel de Montpellier a été saisie à l'initiative de M. R. par déclaration faite le 6 juillet 2011 au greffe.

M. R., ès qualités, demande à la cour de :

Vu les articles 1641, 1645 et 1648 du Code civil,

Vu l'article 1116 du Code civil,

Vu les articles 1383 et suivants du Code civil,

Vu les articles 1386-1 et suivants du Code civil,

- constater que la destruction des cultures de poivrons réalisées sur 7,5 HA d'une parcelle appartenant à M. R. en 2000 est bien la conséquence de leur infestation par fusarium solani,

- constater que cette infestation est la conséquence directe de la présence de ce champignon dans les mini mottes fournies par la société M. Plants,

- dire que cette infestation constitue un vice caché et que, n'en ayant eu connaissance qu'au travers du rapport d'expertise amiable déposé par M. L. le 4 septembre 2003, il a agi à bref délai en faisant assigner la société M. Plants par acte du 17 décembre 2003,

- dire, par conséquent, la demande recevable et fondée, prononcer l'annulation de la vente intervenue entre M. R. et la société M. Plants et condamner celle-ci, solidairement avec son assureur, la société Axa France Iard, à tous dommages et intérêts,

Subsidiairement,

- constater que Thierry M., gérant de la société M. Plants, s'est adonné entre 1996 et 2002 à diverses expériences tendant à l'obtention d'une variété de basilic résistante aux attaques de fusarium,

- dire que M. R. n'aurait pas pris le risque de s'adresser à la société M. Plants pour l'acquisition de 148 000 plants de poivrons, réputés sensibles à fusarium solani, s'il avait été instruit de ces expériences,

- constater que celles-ci n'ont été portées à sa connaissance que par le truchement d'un article paru dans le journal "La Provence" le 2 juin 2008,

- dire, par conséquent, que la société M. Plants s'est rendue coupable à son égard d'une réticence dolosive et prononcer la nullité de la vente par application de l'article 1116 du Code civil,

- dire que la société M. Plants et son assureur, Axa France Iard, seront tenus de tous dommages et intérêts,

Très subsidiairement,

- constater que les expérimentations conduites dans ses serres par la société M. Plants sont constitutives d'une imprudence et qu'à tout le moins, l'absence ou l'insuffisance de traitement fongique approprié permettant d'éviter la propagation du champignon pathogène fusarium à d'autres végétaux destinés à la vente, constitue une imprudence ou une négligence au sens de l'article 1383 du Code civil,

- dire que la société M. Plants sera condamnée, solidairement avec son assureur, a l'indemniser des conséquences dommageables de cette négligence ou de cette imprudence,

Encore plus subsidiairement,

- constater qu'il pèse sur la société M. Plants, par application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, une présomption de responsabilité du fait du caractère "défectueux" des mini mottes infestées fournies à M. R.,

- constater que la société M. Plants ne rapporte aucun élément de preuve lui permettant de s'exonérer de cette présomption,

- condamner de plus fort la société M. Plants à l'indemniser du préjudice qui s'en est suivi,

En tout état de cause,

- ordonner une expertise confiée à tel expert agronome ou à tel biologiste qu'il appartiendra et qui recevra pour mission de :

" se faire remettre l'ensemble des éléments de la cause et notamment les constats, rapports d'expertise, examens de laboratoire ou autre ayant trait aux conditions dans lesquelles les cultures de poivrons réalisées par M. R. en 2000 ont dépéri,

" se prononcer sur l'origine de ce dépérissement et dire notamment s'il a pour origine une infestation par le champignon pathogène fusarium solani,

" rechercher les causes de cette infestation,

" dire si elle est susceptible d'avoir trouvé son origine dans les semences, dans l'eau d'irrigation, dans une pollution antérieure du terrain ou dans l'existence de l'agent pathogène dans les mini mottes fournies par la société M. Plants,

" dans ce dernier cas, dire si la présence éventuelle de l'agent pathogène dans les mini mottes fournies peut avoir pour origine les expérimentations conduites dans ses serres par M. M. sur fusarium oxysporum,

" se prononcer notamment sur l'éventualité d'une relation entre une infestation par fusarium oxysporum et une infestation secondaire par fusarium solani,

" d'une façon générale, fournir tous éléments d'appréciation permettant d'établir l'origine de l'infestation subie par les cultures de poivrons de M. R. en 2000,

- condamner dès à présent la société M. Plants in solidum avec son assureur, Axa France Iard, à lui payer la somme de 183 765,48 Frs, soit 28 010,44 euro, au titre du remboursement du prix des fournitures litigieuses,

- condamner de même la société M. Plants in solidum avec son assureur, Axa France Iard, à lui verser, en réparation du préjudice résultant de la perte de la récolte, la somme de 700 000 euro à titre de provision,

- ordonner une expertise comptable, qui sera confiée à tel expert-comptable qu'il plaira à la cour de désigner, pourvu qu'il dispose d'une expérience suffisante en matière d'activités agricoles, et qui aura pour mission de :

" se faire remettre l'intégralité des documents comptables de l'entreprise R. au titre des années 1998, 1999 et 2000,

" chiffrer l'ensemble des frais engagés par M. R. afférents à la récolte 2000,

" déterminé la perte de bénéfice résultant de la perte de sa récolte de poivrons pour la saison 2000,

" se faire communiquer le détail du passif de la liquidation judiciaire de M. R.,

" l'analyser et déterminer la part de ce passif découlant directement et indirectement de la perte de la récolte 2000 et de l'absence de bénéfice au titre de cet exercice,

" fournir tous les éléments d'appréciation des préjudices subis par M. R.,

- condamner la société M. Plants et la société Axa France Iard à lui verser la somme de 15 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. R., qui fonde son action sur la garantie des vices cachés et, subsidiairement, sur le dol du cocontractant, sa responsabilité quasi-délictuelle et sa responsabilité du fait des produits défectueux, fait essentiellement valoir que :

- le rapport d'expertise amiable de M. L. du 4 septembre 2003, éliminant les autres causes d'infestation envisageables, a mis en évidence, pour la première fois, l'existence d'un vice caché affectant les mini mottes fournies par la société M. Plants, ce dont il résulte que son action introduite le 17 décembre 2003 l'a été dans le bref délai de l'article 1648 (ancien) du Code civil,

- selon cet expert, la rapidité d'infestation et son caractère homogène sur l'ensemble de la culture exclut une propagation par le sol à partir d'un foyer initial, en sorte que la contamination des plants trouve nécessairement son origine dans le substrat des mini mottes,

- à partir de l'année 2000, la société M. Plants a d'ailleurs mis en œuvre des traitements anti-fusarioses dans ses propres serres,

- s'il avait connu les expériences conduites par M. M. à partir de 1996, portant sur le fusarium oxysporum, pathogène spécifique du basilic, il n'aurait pas commandé 148 000 plants de poivrons, tenant le risque de contagion aux mini mottes,

- la preuve étant faite que l'infestation des cultures de poivrons de M. R. a pour cause l'infestation des mini mottes fournies par la société M. Plants, la responsabilité de cette dernière est également engagée en raison soit de l'imprudence commise dans la conduite des expérimentations, soit de la négligence consistant à ne pas avoir procédé à un traitement antifongique approprié des végétaux, élevés dans ses serres,

- la contamination des cultures de M. R. par le fusarium solani, dont les mini mottes étaient infectées, relève aussi de la responsabilité des produits défectueux pesant sur la société M. Plants.

La société M. Plants conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. R. ès qualités à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; elle soutient que les demandes sont irrecevables comme tardives et, subsidiairement, que la preuve d'un lien de causalité entre la vente des plants et le préjudice invoqué n'est pas rapporté, pas plus que la preuve d'une faute, de manœuvres dolosives ou de simples négligences de sa part.

Elle expose en substance que :

- aucune réclamation ne lui a été adressée dans le délai de 5 jours de l'arrivée du produit, conformément à l'article 7 des conditions générales de vente, et M. R., qui était parfaitement informé des difficultés rencontrées par ses plantations depuis le mois de septembre 2000, n'a pas agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil,

- ne s'étant prévalu du dol, comme cause de nullité de la convention, que par conclusions du 29 octobre 2009, soit plus de 9 ans après avoir eu connaissance des faits, son action sur ce fondement est également prescrite,

- l'estimation de M. L. d'une perte de récolte de 705 815 kg n'est pas justifiée, alors que les plants produits ont été enlevés par M. R. avec en moyenne 20 jours de retard et qu'ils ont été implantés sous chenille en plein champ, ce dont il est résulté des pertes et un rendement inférieur à celui d'une culture sous serre,

- en 2000, M. R. a diversifié ses cultures et malgré une perte de récolte sur les poivrons, a vu son chiffre d'affaires progresser de 15,69 % par rapport à 1999, la liquidation judiciaire ne trouvant pas sa cause dans cette perte de récolte, mais dans le manque de trésorerie, dont souffrait l'exploitation depuis 1998,

- sur les 7 hectares de terres plantés en poivrons, la moitié seulement a fait l'objet en 2000 d'un traitement préalable de désinfection des sols et M. R. n'a pas, cette année-là, utilisé de produits phytosanitaires en pulvérisation, ce qui traduit une carence professionnelle de sa part,

- la preuve que le dépérissement du plant de poivron "Zingaro" analysé le 6 juillet 2000 par la FDGDEC est imputable au fusarium solani n'a pas été scientifiquement apportée du fait de l'absence de vérification du diagnostic par le test dit "de Koch",

- en toute hypothèse, l'identification du fusarium solani sur les plants de poivrons n'aurait pas permis d'établir la preuve d'un lien de causalité avec sa production,

- des clients, qui ont été livrés et facturés entre le 12 avril et le 20 juillet 2000 en plants de poivrons de la même catégorie que ceux utilisés par M. R., ont été pleinement satisfaits des plants, qui ont donné un rendement normal,

- M. R. a fourni ses propres semences, celles-ci étant un vecteur possible du fusarium solani,

- une négligence de sa part n'est pas démontrée, alors qu'elle est inscrite depuis le 31 janvier 1995 au registre officiel de contrôle phytosanitaire et qu'elle fait l'objet de contrôles réguliers sur la qualité des traitements et des méthodes phytosanitaires employés,

- le terreau, qu'elle utilise, présente toutes les garanties d'un état sanitaire homogène et constant et ne peut dès lors constituer une source possible de contamination parasitaire.

La société Axa France Iard conclut également à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. R. à lui payer la somme de 2 000 euro en remboursement de ses frais irrépétibles ; elle soutient que l'action fondée sur la garantie des vices cachés n'a pas été introduite à bref délai et se trouve donc irrecevable et qu'aucune manœuvre ou réticence dolosive n'est démontrée à l'encontre de la société M. Plants ; subsidiairement, elle indique que les manœuvres ou réticences constitutives du dol sont des actes volontaires, non assurables, pour lesquels sa garantie n'est pas due ; elle affirme, par ailleurs, que la preuve d'une faute à l'origine des dommages invoqués n'est pas rapportée, dans des conditions de nature à engager la responsabilité de son assuré sur le fondement de l'article 1383 du Code civil.

Enfin, elle fait valoir que le plafond de la garantie prévue à la police souscrite par la société M. Plants est de 488 978 euro et que sa garantie n'est donc susceptible de trouver application que dans la limite de ce plafond.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 octobre 2012.

MOTIFS DE LA DECISION :

La société M. Plants ne saurait, pour prétendre que l'action engagée à son encontre est irrecevable comme tardive, invoquer l'article 7 de ses conditions générales de vente, figurant au verso des bons de livraison, selon lequel les réclamations sur la non-conformité du produit commandé doivent être formulées par écrit dans les cinq jours de l'arrivée du produit ; en effet, les demandes, que formule à son encontre M. R. ès qualités, reposent, non sur une délivrance non conforme des plants de poivrons commandés, mais sur sa garantie des vices cachés et, subsidiairement, sur sa réticence dolosive, sa responsabilité quasi-délictuelle et sa responsabilité du fait des produits défectueux.

Elle ne peut davantage soutenir que l'action en nullité pour dol est prescrite en application de l'article 1304 du Code civil, alors que selon ce texte, le délai de cinq ans pour agir en nullité court à compter de la découverte du dol, que M. R. invoque, comme évènement révélateur du dol imputé à son cocontractant, la parution d'un article consacré à M. M. dans le journal "La Provence" du 2 juin 2008 et que la demande de nullité a été faite par voie de conclusions déposées, le 29 octobre 2009, devant la Cour d'appel de Nîmes, soit avant l'expiration du délai d'exercice de l'action.

Il résulte de l'article 1648 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite ; il est de principe que le délai prévu par ce texte court à compter du jour où l'acquéreur a une connaissance complète du vice.

En l'occurrence, le laboratoire de la FDGDEC a mis en évidence, dès le 17 juillet 2000, la présence du fusarium solani sur les plants de poivrons "Zingaro" apportés pour analyse le 6 juillet et dans son rapport d'expertise amiable du 29 septembre 2000, établi à la demande de M. R. et après visite des lieux du 18 août, Mme G., ingénieur agronome, a constaté le dépérissement généralisé des 70 000 plants de poivrons "Zingaro", dont elle indiquait qu'ils étaient infestés par le fusarium solani et devaient être détruits ; dans ses conclusions d'appel, page 4, M. R. ès qualités précise d'ailleurs que le phénomène s'est aggravé et généralisé de juillet à octobre 2000, entraînant inéluctablement le dépérissement des plants de poivrons et l'extension des symptômes à l'ensemble des parcelles, quelle que soit la variété (Zingaro, Charly, Nanibal), et conduisant à la nécessité de procéder à l'arrachage systématique de l'ensemble de la culture avant la fin de la récolte (sic).

Il s'ensuit que M. R. a eu une connaissance complète, au plus tard fin septembre 2000, après le dépôt du rapport de Mme G., de la nature et de l'importance du phénomène de dépérissement, dont sa récolte de poivrons se trouvait affectée, en raison de l'infestation des plants par le fusarium solani, champignon pathogène responsable des nécroses racinaires ; l'action en garantie des vices cachés, qu'il a introduite, le 17 décembre 2003, soit plus de trois après, ne l'a donc pas été dans le bref délai de l'article 1648 susvisé et se trouve donc atteinte par la prescription.

C'est vainement que M. R. soutient que délai de l'action n'a pu courir avant le dépôt du rapport de M. L., expert agricole, du 4 septembre 2003, lequel s'est borné à émettre l'hypothèse que le dépérissement des plants de poivrons ne pouvait s'expliquer que par leur infestation avant leur mise en terre, vraisemblablement chez le pépiniériste, après avoir relevé que l'infestation était apparue de manière homogène sur l'ensemble des plants "Zingaro" et que les autres variétés avaient manifesté les mêmes symptômes de contamination par fusariose avec un certain décalage dans le temps ; nonobstant l'avis de cet expert sur la cause possible d'une infestation par les plants livrés, M. R. n'ignorait rien du phénomène de dépérissement des plants par le fusarium solani et de son incidence sur la pérennité de sa culture, depuis le mois de septembre 2000.

C'est donc à juste titre que le premier juge a déclaré son action, fondée sur la garantie des vices cachés, irrecevable comme prescrite.

Selon l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; au cas d'espèce, M. R. reproche à la société M. Plants d'avoir dissimulé à son cocontractant le fait que son gérant, M. M., s'était livré, à partir de 1996, à des expériences sur le fusarium oxysporum, pathogène spécifique du basilic, information qui, si M. R. l'avait connue, aurait amené celui-ci à ne pas commander 148 000 plants de poivrons, tenant le risque de contagion aux mini mottes.

La société M. Plants ne conteste pas que son gérant, ainsi qu'il ressort de l'article paru le 2 juin 2008 dans le journal "La Provence", a développé un basilic greffé, résistant aux attaques du fusarium oxyporum, après avoir, à titre expérimental, inoculé le fusarium à divers porte-greffes et découvert que seul celui issu d'une plante importée de Tanzanie et cueillie sur le sommet du Kilimandjaro était résistante au champignon.

Pour autant, il ne peut être reproché à la société M. Plants de n'avoir pas fait connaître à M. R., lors de l'achat par celui-ci, au printemps 2000, de plants de poivrons, la teneur des expériences menées par M. M. sur le basilic, alors qu'aucun risque connu de transmission aux plants de poivrons du fusarium oxyporum n'existait alors ; il ressort d'ailleurs du courrier d'un ingénieur de recherche à l'Inra Bordeaux Aquitaine (M. B.) en date du 27 septembre 2011, produit aux débats, que le fusarium oxyporum est un champignon exclusivement inféodé au basilic, incapable de provoquer des dégâts sur le poivron ; la preuve de la réticence dolosive de la société M. Plants à raison du silence gardé sur les expériences conduites sur le basilic et de son caractère déterminant du consentement, n'est donc pas rapportée, en sorte que M. R. ne peut qu'être débouté de son action en nullité de la vente pour dol.

Le créancier d'une obligation née d'un contrat, telle l'obligation pesant sur le vendeur de garantir la chose vendue des défauts cachés, ne peut se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle des articles 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que le soutient justement la société M. Plants en pages 32 et 33 de ses conclusions d'appel ; en revanche, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux découlant des articles 1386-1 et suivants peut se cumuler avec d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, comme le prévoit l'article 1386-18.

Pour tenter d'établir le caractère défectueux des plants de poivrons livrés, M. R. invoque l'avis de M. L., expert agricole, qui, à partir d'un faisceau d'indices (étendue et homogénéité de l'infestation, sol pour partie désinfecté et pour partie non désinfecté, eau d'arrosage d'origines différentes, absence de contamination antérieure), indique, dans son rapport du 4 septembre 2003, que l'infestation des plants après leur mise en terre par le fusarium solani s'est vraisemblablement produite chez le pépiniériste, qui les a produits ; ce même expert, dans une note établie postérieurement, le 7 septembre 2006, souligne, au vu de la photographie couleur d'un plant de poivron arraché, prise par Mme G., que la coloration sombre ou noire (caractéristique du fusarium) observée en partie centrale du système racinaire, correspondant au terreau de la motte de plantation, permet de penser que la contamination ne résulte pas de phénomènes extérieurs (terre, eau), mais provient des plants ; selon un autre expert agricole, également consulté, (M. de P.), auteur d'un rapport en date du 15 novembre 2007, le constat de l'existence de nécroses racinaires exclut que l'apparition du fusarium solani ait été provoquée par un excès d'eau, lequel n'aurait entraîné qu'une asphyxie racinaire insusceptible de causer la mortalité des plants ; enfin, M. R. communique deux attestations de tiers (Olivier B., Jean-Marc E.), dont il résulte que de 2000 à 2002, la société M. Plants a été confrontée à des problèmes de fusarioses dans sa pépinière de Monteux (84), et s'est approvisionnée en produits phytosanitaires ("Plantsain", "Bioptisain") commercialisés par les sociétés Mycos et Bioptima.

Force est cependant de constater qu'une contamination des 149 000 plants de poivrons, préalablement à leur livraison à M. R., en raison de la présence du fusarium solani dans le terreau utilisé par le pépiniériste, n'est qu'une hypothèse élaborée à partir de l'analyse en laboratoire d'un prélèvement unique, ayant permis d'identifier le champignon sur les racines des poivrons "Zingaro", et des constatations faites le 18 août 2000 par Mme G., ayant relevé le dépérissement généralisé des 70 000 plants de poivrons de cette variété ; d'autres hypothèses de contamination, toutes aussi plausibles, peuvent, en effet, être envisagées, étant non contesté, selon les termes du courrier adressé, le 10 juin 2003, à M. R. par la direction régionale de l'agriculture de Provence Alpes Côtes d'azur, que le fusarium solani se conserve et est véhiculé par les substrats de culture (sol, compost, terreau), les déchets végétaux de plantes contaminées ou les semences elles-mêmes.

L'hypothèse d'une contamination par le sol ou provoquée par un excès d'humidité ne peut, en premier lieu, être exclue, alors que l'examen des factures de produits phytosanitaires communiquées par M. R., laisse à penser qu'ayant acheté en 1999 14,50 litres de fongicide "Tachigaren", celui-ci avait déjà été confronté à un développement de fusariose, que le traitement effectuée début avril 2000, en vue de la désinfection des sols au bromure méthyle (facture Sedasol du 5 avril 2000), a été fait sur 3 052 m2, dont rien n'indique qu'ils portent sur une partie de la parcelle AZ n° 155, de plus de 7 hectares, affectée à la culture des poivrons et que d'après un courrier de l'Inra de Montfavet (M. B.) en date du 30 octobre 2006, que communique la société M. Plants, les nécroses racinaires, visibles sur les photographies du dossier, sont très probablement dues à une asphyxie des racines consécutive à des précipitations trop abondantes ou à des erreurs lors des irrigations ; l'auteur de ce courrier indique que si le fusarium solani s'était trouvé sur les plants ou dans le terreau chez le pépiniériste, les conditions d'élevage des plants (température, hygrométrie) auraient favorisé le développement rapide du champignon et ce dernier (s'il avait été présent et pathogène), malgré les traitements phytosanitaires, aurait détruit les plants, très sensibles à ce stade végétatif.

Il ressort des bons de livraison que les plants fournis à M. R. l'ont été entre le 12 avril et le 31 mai 2000 ; or, la société M. Plants produit les attestations d'autres clients, également maraîchers, ayant été livrés en plants de poivrons de diverses variétés au cours de la même période et affirmant n'avoir rencontré aucun problème particulier, sanitaire ou de productivité, avec ces plants.

Une autre cause possible de contamination des plants par le fusarium solani réside dans les semences, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été fournies à la société M. Plants par M. R. lui-même.

Régulièrement inscrite, depuis le 30 janvier 1995, sur le registre officiel du contrôle phytosanitaire tenue par le service régional de la protection des végétaux dépendant du ministère de l'agriculture, la société M. Plants fait l'objet de contrôles annuels portant sur les méthodes de production, d'autocontrôle et de surveillance mises en place, contrôles n'ayant relevé en 1999 et 2000 aucun manquement particulier de sa part ; aucun élément n'est, par ailleurs, fourni permettant d'incriminer la qualité des terreaux utilisés par la société M. Plants, provenant de la société K. France, filiale d'un groupe leader sur le marché européen pour la fabrication de substrats et terreaux.

Enfin, il ne peut être déduit de l'utilisation par la société M. Plants, notamment en 2000, des produits "Plantsain" et "Bioptisain", que celle-ci a été confrontée à une infestation en pépinière des plants de poivrons par le fusarium solani, le premier produit cité étant un fongicide agissant en particulier sur le fusarium oxyporum s'attaquant au basilic, le second étant un engrais liquide racinaire.

Il n'est donc pas établi que les plans de poivrons livrés en avril et mai 2000 à M. R. aient été défectueux au point d'engager la responsabilité de la société M. Plants.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions ; il convient, y ajoutant, de débouter M. R. pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. R., de ses actions en nullité de la vente pour dol, responsabilité quasi-délictuelle et responsabilité du fait des produits défectueux.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. R. ès qualités doit être condamné aux dépens d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu'à payer à la société M. Plants la somme de 3 000 euro et à la société Axa France Iard celle de 1 000 euro, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de Carpentras en date du 28 juin 2007, Y ajoutant, Déboute M. R. pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. R., de ses actions en nullité de la vente pour dol, responsabilité quasi-délictuelle et responsabilité du fait des produits défectueux. Condamne M. R. ès qualités aux dépens d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu'à payer à la société M. Plants la somme de 3 000 euro et à la société Axa France Iard celle de 1 000 euro, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.