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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. A, 20 mars 2012, n° 10-07273

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gascon

Défendeur :

Lemaire, Gan Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Besson

Conseillers :

Mme Chiclet, M. Sarrazin

Avocats :

SCP Yves, Yann Garrigue, SCP Gilles Argellies, Fabien Watremet, Mes Greciano, Geler

TGI Perpignan, du 20 juill. 2010

20 juillet 2010

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 mai 2005 Andréa Lemaire achetait auprès du garage Mayo un véhicule de type 4x4, de marque Land Rover, mis en circulation le 25 septembre 1999 avec un kilométrage de 96 385 au compteur, moyennant le prix de 12 000 euro TTC.

Après plusieurs incidents mécaniques repris par le garage Mayo courant 2006 et 2007 une expertise amiable mettait en évidence un antécédent d'accident matériel important, survenu en 2004 sur le véhicule.

Andréa Lemaire, soutenant que cet accident ne lui avait pas été signalé au jour de la vente, sollicitait le bénéfice d'une expertise judiciaire confiée à M. Thomas par ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance de Perpignan en date du 15 avril 2008.

L'expert déposait son rapport le 18 novembre 2008.

Il concluait à l'existence d'un choc violent subi par le véhicule sur la partie avant gauche en 2004 sans relever de manquements dans les réparations réalisées par le garage Mayo à l'époque. En revanche, il mettait en évidence une faute du garage lors d'une intervention mécanique du mois de mai 2007 et chiffrait le coût des travaux de reprise à 5 800 euro TTC.

Andréa Lemaire assignait Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne garage Mayo devant le Tribunal de grande instance de Perpignan en annulation de la vente et condamnation à lui restituer le prix versé et à l'indemniser de ses divers préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 20 juillet 2010, le tribunal a :

- donné acte à la SA Gan de son intervention volontaire ;

- condamné Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" à payer à Andréa Lemaire :

- la somme de 5 800 euro TTC à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

- la somme de 11 164 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son trouble de jouissance,

- la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes ;

- ordonné d'office l'exécution provisoire ;

- condamné Jean-François Gascon aux dépens distraits au profit de l'avocat constitué de la demanderesse.

Jean-François Gascon a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions de l'appelant remises au greffe le 15 décembre 2011 ;

Vu les conclusions de la SA Gan Assurances remises au greffe le 5 octobre 2011 ;

Vu les conclusions d'Andréa Lemaire, appelante à titre incident, remises au greffe le 4 mars 2011;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 janvier 2012 ;

MOTIFS

Sur l'incident d'instance :

Il résulte des dispositions de l'article 783 du Code de procédure civile qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

En outre, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue en application de l'article 784 du même Code.

En l'espèce Andréa Lemaire a signifié des conclusions récapitulatives le 11 janvier 2012 par lesquelles elle sollicite le rabat de la clôture prononcée le 2 janvier 2012.

Les dernières écritures de l'appelant ont été signifiées à l'intimée le 15 décembre 2011.

Entre le 15 décembre 2011 et le 2 janvier 2012, Andréa Lemaire, qui n'explicite pas en quoi ces conclusions appelaient une réponse ni pourquoi elle n'a pu y répondre avant la clôture, était en mesure de solliciter du conseiller de la mise en état le bénéfice d'un délai pour répliquer, ce qu'elle n'a pas cru devoir faire.

Ces écritures, signifiées plus de 9 jours après l'ordonnance de clôture et la veille de l'audience, seront déclarées irrecevables.

Sur la nullité de la vente :

Andréa Lemaire conclut à la nullité de la vente pour dol, l'existence d'un accident ayant gravement endommagé le véhicule au point de nécessiter son passage au marbre lui ayant été intentionnellement caché par son vendeur.

Jean-François Gascon soutient que sa cliente, qui était par ailleurs une amie, était au courant de l'accident survenu en 2004 comme en témoigne les deux attestations qu'il verse aux débats. Il expose que le passage au marbre n'est rendu obligatoire que pour les accidents de niveau T3, ce qui n'était pas le cas de celui ayant affecté le véhicule et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Andréa Lemaire de ses prétentions de ce chef.

Andréa Lemaire pour preuve du dol qu'elle invoque met en avant l'accord donné par Jean-François Gascon de restituer le prix de vente du véhicule devant l'expert amiable.

Mais l'accord verbal donné en cours d'expertise amiable par lequel le garagiste a admis, avant de se raviser, le principe d'une résolution de la vente avec restitution du prix, ne peut constituer la preuve du dol exigée par l'article 1116 al. 2 du Code civil.

Le passage au marbre du véhicule, mis en avant par Andréa Lemaire, ne démontre pas plus l'intention dolosive du vendeur.

L'expertise judiciaire et le certificat de vente produit au débats établissent que le véhicule appartenait à Michel Ramos, au moment de l'accident survenu en 2004.

Celui-ci, dans une attestation manuscrite datée du 13 juin 2008 à laquelle est annexée la copie de sa carte d'identité, affirme avoir discuté avec Andréa Lemaire de l'accident ayant endommagé le véhicule antérieurement à son acquisition par cette dernière.

Il précise que la candidate acquéreur s'est présentée à son domicile pour obtenir de plus amples renseignements sur le véhicule.

En l'état de ces éléments, Andréa Lemaire ne peut qu'être déboutée de sa demande de nullité de la vente pour dol et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la résolution de la vente :

Andréa Lemaire conclut à la résolution de la vente, au visa de l'article 1184 du Code civil, pour manquements de son vendeur à son obligation précontractuelle de renseignements. Elle soutient que l'absence de contrôle technique, réalisé antérieurement à la vente, conforte la thèse des manquements reprochés.

Jean-François Gascon conteste avoir manqué à ses obligations et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Andréa Lemaire de ses prétentions de ce chef.

L'article 1184 du Code civil n'envisage la résolution du contrat qu'en cas de manquements graves du cocontractant constatés judiciairement.

En l'espèce, il a été exposé dans les motifs qui précèdent qu'Andréa Lemaire avait été informée de l'accident subi par le véhicule en 2004, antérieurement à la vente.

Que cette information n'ait pas été portée sur le contrat, comme le reproche Andréa Lemaire, ne suffit pas à caractériser un manquement grave du vendeur.

D'ailleurs, l'expert judiciaire exclut la possibilité que l'accident de 2004 et les travaux de remise en état réalisés par le garage Mayo aient joué un rôle causal dans la survenance des multiples pannes, postérieurement à la vente du 14 mai 2005.

L'absence de contrôle technique au moment de la vente, ainsi que le met en exergue Andréa Lemaire, ne caractérise pas plus un manquement grave du vendeur, susceptible de justifier la résolution demandée.

Andréa Lemaire sera déboutée de ses prétentions de ce chef et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la responsabilité contractuelle du garagiste :

Jean-François Gascon pour solliciter l'infirmation du jugement, soutient que l'expert ne démontre pas clairement le lien entre son intervention et le dommage survenu 100 km plus tard et n'explicite pas les règles de l'art qu'il aurait dû respecter.

Andréa Lemaire conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle du garagiste sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.

L'expert judiciaire Thomas en page 7 de son rapport écrit que "la panne qui immobilise le véhicule depuis le mois de mai 2007 survient immédiatement après la restitution du véhicule suite à la rupture de la soupape d'admission du 4ème cylindre ; cette rupture résulte du contact de la soupape avec le piston. Lors de la réparation, le garage Mayo devait contrôler si les soupapes étaient ou n'étaient pas entrées en contact avec les pistons ; une prise de compression (qu'il a alors réalisée) ne permet pas d'apprécier si les soupapes sont ou ne sont pas entrées en contact avec les pistons."

Les photographies reproduites en page 3 du rapport illustrent les désordres.

Les éléments qui précèdent mettent clairement en évidence la cause de la panne moteur et son imputabilité au garagiste, défaillant lors de la mise en place du kit de distribution qui permet de synchroniser les ouvertures/fermetures des soupapes en regard des positions des pistons.

La responsabilité contractuelle de Jean-François Gascon est engagée par application des dispositions de l'article 1147 du Code civil et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation des préjudices :

Sur le préjudice matériel :

L'expert judiciaire chiffre le coût des travaux de remise en état à la somme de 4 076,81 euro HT soit 5 800 euro TTC en page 8 du rapport.

Cette somme, non contestée par les parties, sera retenue.

Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" sera condamné à payer à Andréa Lemaire la somme de 5 800 euro TTC à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le trouble de jouissance :

Jean-François Gascon réclame l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a statué ultra petita sur le trouble de jouissance et demande à la cour de retenir principalement la somme de 520 euro pour la période du 12 mai 2007 au 3 juillet 2007, subsidiairement celle de 6 690 euro pour la période du 12 mai 2007 au jour de l'assignation, telle que demandée par l'intimée en première instance.

Andréa Lemaire conclut à la confirmation du jugement.

Il résulte des mentions de l'assignation introductive d'instance signifiée le 1er avril 2009, reprises par le jugement déféré, que la demande de condamnation formée par Andréa Lemaire au titre de son trouble de jouissance était assortie de la mention "sauf à parfaire" qui permet de saisir le juge des préjudices subis entre l'introduction de l'instance et le jugement.

Le moyen tiré de la violation de l'article 5 du Code de procédure civile sera rejeté.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le véhicule d'Andréa Lemaire est immobilisé depuis le 12 mai 2007, consécutivement aux manquements contractuels relevés dans les motifs qui précèdent.

Jean-François Gascon ne peut valablement soutenir que la propriétaire pouvait en solliciter la restitution dès le 1er avril 2009, jour de l'introduction de l'instance, alors qu'à cette date aucune décision au fond n'était encore intervenue et qu'une contre expertise ou un complément d'expertise pouvaient toujours être ordonnés.

Le préjudice de jouissance d'Andréa Lemaire est justifié entre le 12 mai 2007 et le 20 juillet 2010 soit 1164 jours.

L'expert propose une base d'estimation de 10 euro par jour qui n'est pas utilement contestée par les parties et sera retenue.

Jean-François Gascon sera condamné à payer à Andréa Lemaire la somme de 11.640 euro au titre de son préjudice de jouissance et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les frais de gardiennage :

Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" revendique des frais de gardiennage à hauteur de 8 euro par jour dans les motifs de ses dernières conclusions.

Cette prétention n'est pas reprise dans le dispositif de ses écritures.

Il ne pourra être statué sur ce poste, la cour n'étant saisie que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009.

Sur la présence en appel de la compagnie Gan Assurance :

La compagnie Gan Assurances demande à la cour de confirmer le jugement déféré qui avait retenu son exception de garantie et de constater qu'aucune demande n'est formée contre elle, en cause d'appel.

Il est un fait qu'aucune des parties en présence ne forme de demande à l'encontre de la SA Gan Assurance.

Le jugement sera en conséquence confirmé.

Sur les autres demandes :

En succombant, Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" sera tenu aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge d'Andréa Lemaire et de la SA Gan Assurances les frais irrépétibles engagés en cause d'appel et Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" sera condamné à leur payer, à chacun, la somme de 1 000 euro.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Sur l'incident de procédure : Déclare irrecevables les conclusions d'Andréa Lemaire signifiées le 11 janvier 2012 ; Sur le fond : Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" au titre des frais de gardiennage ; Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant ; Constate que la cour n'est pas valablement saisie des prétentions de Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" relatives aux frais de gardiennage ; Condamne Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile ; Condamne Jean-François Gascon exerçant sous l'enseigne "Garage Mayo" à payer à Andréa Lemaire et à la compagnie Gan Assurances la somme de 1 000 euro chacun pour leurs frais engagés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.