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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. B, 3 novembre 2009, n° 08-01768

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Marta

Défendeur :

Bayern Automobiles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Conseillers :

M. Boinot, Mme Gravie-Plande

Avoués :

SCP Solange Casteja-Clermontel, Hélène Jaubert, SCP Corine Arsene-Henry, Pierre Lancon

Avocats :

Mes Lasserre, Gadrat, Donitian, Laydeker

TGI Bordeaux, du 13 févr. 2008

13 février 2008

Faits et procédure :

M. Marta a acquis le 29 juillet 2004 de la société Bayern Automobiles un véhicule automobile BMW 330 CD coupé au prix de 38 888 euros. Il s'est plaint de défauts affectant la peinture. Par acte d'huissier de justice du 17 janvier 2005, il a assigné la société Bayern Automobiles devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux en résolution de la vente du véhicule, en soutenant que le vendeur n'avait pas respecté son obligation de délivrance.

Par jugement du 29 novembre 2005, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a constaté que la société Bayern Automobiles avait manqué à son obligation de délivrance à l'égard de M. Marta et il a condamné en conséquence la société Bayern Automobiles à restituer à M. Marta le prix de vente à hauteur de la somme de 38 888 euros en principal ; avant dire droit sur les demandes indemnitaires de M. Marta et de la société Bayern Automobiles, il a ordonné une consultation pour déterminer la valeur actuelle du véhicule compte tenu de la dépréciation consécutive à l'utilisation qui en avait été faite par M. Marta.

Le consultant, M. Barrot, a déposé son rapport le 19 juin 2006.

Par jugement du 13 février 2008, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné M. Marta à payer à la société Bayern Automobiles une somme de 21 500 euros représentant l'indemnité de dépréciation du véhicule restitué pour usage du véhicule et fautes, ce avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. Marta et condamné la société Bayern Automobiles au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Marta a relevé appel de ce jugement du 13 février 2008 dans des conditions de régularité non contestées, par déclaration remise au greffe de la cour d'appel le 25 mars 2008.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 août 2008.

Prétentions et moyens des parties :

Par ses dernières conclusions déposées le 25 juillet 2008, M. Marta sollicite de la cour qu'elle réforme le jugement frappé d'appel en ce qu'il a alloué à la société Bayern Automobiles la somme de 21 500 euros à titre d'indemnité de dépréciation du véhicule, qu'elle rejette la demande de la société Bayern Automobiles et la condamne à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; à titre subsidiaire, qu'elle juge que l'indemnité qui lui sera allouée se compensera avec l'indemnité de dépréciation du véhicule due à la seule utilisation qu'il a pu en faire et dans la limite de 10 250 euros, tout en contestant être débiteur de cette somme, et qu'en tout état de cause, elle condamne la société Bayern Automobiles à lui payer une somme en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient qu'il ne peut être fait de différence entre les acquéreurs selon que la résolution de la vente résulte d'un vice caché ou d'un défaut de délivrance conforme, que, dans les deux cas, la résolution doit replacer les deux parties dans l'état antérieur à la vente et que le vendeur ne peut prétendre à indemnité de dépréciation que s'il démontre que cette dépréciation est due à une faute de l'acquéreur. Il fait valoir qu'en l'espèce, il n'a commis aucune faute et n'a pas volontairement dégradé le véhicule et que les rayures de carrosserie ont été prises en charge par son assureur et ont été réparées. Il ajoute que la résolution de la vente n'a pas pour effet de remettre automatiquement les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la vente, que la demande formée sur l'enrichissement sans cause ne peut qu'être rejetée, que la société Bayern Automobiles, qui a livré un véhicule atteint de vices ne peut invoquer sa faute et qu'il n'a eu aucune attitude fautive. Contestant la somme demandée par la société Bayern Automobiles, il estime, d'une part, que l'indemnité due ne peut correspondre qu'à la dépréciation du véhicule résultant exclusivement de l'utilisation qu'il a faite du véhicule et non à son ancienneté et que la société Bayern Automobiles s'est rendue responsable de la décote du véhicule en refusant de remplacer le véhicule par un autre identique dans les plus brefs délais, et, d'autre part, qu'une surcote doit être appliquée au véhicule puisqu'il en a assuré l'entretien normalement et que la seule dépréciation susceptible d'être retenue résulte du kilométrage parcouru. Reconventionnellement, il forme une demande indemnitaire fondée sur le fait que le manquement de la société Bayern Automobiles lui a causé un préjudice résultant de la faute du vendeur, du préjudice moral et des tracas causés.

Par ses dernières conclusions déposées le 10 février 2009, la société Bayern Automobiles sollicite de la Cour qu'elle confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. Marta à lui verser une indemnité de dépréciation du véhicule, qu'elle le réforme en ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée et qu'en conséquence, elle condamne M. Marta à lui verser la somme de 23 191,37 euros à titre d'indemnité de dépréciation du véhicule, qu'elle rejette la demande de M. Marta, réforme le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. Marta la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et qu'elle condamne M. Marta à lui verser une somme en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rappelant que la résolution de la vente a été prononcée pour délivrance non conforme et non pour vices cachés, elle fait valoir que cette résolution remet les parties dans l'état où elles étaient avant la conclusion du contrat et donne lieu à des restitutions réciproques, notamment la compensation de la perte de valeur du véhicule résultant de son vieillissement et de son usage, sans référence à une quelconque faute de l'acquéreur. Elle estime que la dépréciation du bien correspond à la différence entre le prix d'achat et la valeur résiduelle estimée, que cette évaluation est étrangère à toute imputabilité de l'usure du véhicule et qu'il n'y a pas lieu à une surcote en l'absence de preuve d'un entretien normal du véhicule.

Motifs :

Sur l'indemnité de dépréciation du véhicule sollicitée par la société Bayern Automobiles :

M. Marta a assigné la société Bayern Automobiles en résolution de la vente du véhicule sur le fondement de l'article 1604 du Code civil, en soutenant que le vendeur n'avait pas respecté son obligation de délivrance. Par jugement, aujourd'hui irrévocable, du 29 novembre 2005, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a constaté que la société Bayern Automobiles avait manqué à son obligation de délivrance à l'égard de l'acquéreur du véhicule. Dès lors, M. Marta ne peut obtenir le bénéfice des effets d'une résolution sur le fondement de la garantie des vices cachés. La cour doit apprécier sa demande au regard des seuls effets d'une résolution prononcée pour défaut de conformité.

S'il est admis par les parties que la résolution de la vente, qui a pour effet que les parties doivent être remises en l'état antérieur à sa conclusion, entraîne la restitution du prix par le vendeur et la restitution de la chose par l'acquéreur, la difficulté vient de ce que le vendeur sollicite, outre la restitution du bien, une indemnité au titre de l'utilisation de ce bien.

Or, l'effet rétroactif de la résolution d'une vente pour défaut de conformité permet au vendeur de réclamer à l'acquéreur une indemnité correspondant à la dépréciation subie par la chose en raison de l'utilisation que ce dernier en a faite. Il incombe en ce cas au vendeur de rapporter la preuve de l'existence et de l'étendue de cette dépréciation, sans qu'il soit nécessaire de prouver la faute de l'utilisateur. C'est donc inutilement qu'aujourd'hui, M. Marta soutient qu'il ne peut y avoir de différence entre les acquéreurs selon que la résolution de la vente résulte d'un vice caché ou d'un défaut de délivrance conforme et c'est de manière erronée qu'il ajoute que, dans un cas comme dans l'autre, le vendeur ne peut prétendre à indemnité de dépréciation que s'il démontre que cette dépréciation est due à une faute de l'acquéreur.

La société, qui invoque la dépréciation subie par la chose en raison de l'utilisation faite par l'acquéreur, et non un enrichissement sans cause comme l'écrit M. Marta, sollicite l'allocation de la somme de 23 191,37 euros qu'elle évalue en retenant que la dépréciation du bien correspond à la différence entre le prix d'achat, 38 888 euros, et la valeur résiduelle estimée, 15 696,63 euros.

Cependant, puisque la valeur de dépréciation à retenir doit correspondre à la dépréciation subie par la chose du fait de l'utilisation qu'en a faite l'acquéreur, peu important par ailleurs l'ancienneté de ce véhicule, ce mode d'évaluation ne permet pas de déterminer la somme lui revenant à ce titre.

La dépréciation à déterminer correspond à la décote résultant du kilométrage parcouru par l'acquéreur (total : 117 400 km), dont l'évaluation, effectuée sur la base des propositions non contestées de l'expert, est chiffrée à 10 250 euros pour les 75 000 km parcourus au-dessus du kilométrage standard et à 5 876 euros pour les 43 000 premiers kilomètres dont l'acquéreur a également bénéficié, soit un total de 16 126 euros.

Par ailleurs, d'une part, l'acquéreur, pour écarter la décote résultant de travaux de carrosserie nécessités par un sinistre survenu lorsqu'il utilisait le véhicule, produit un devis de réparation et une lettre de son agent d'assurance l'avisant de ce que ces travaux sont pris en charge par la compagnie Axa. Cependant, il ne justifie pas de l'exécution de ces travaux. Et le vendeur, à qui il appartient de rapporter la preuve de l'existence et de l'étendue de cette dépréciation, ne produit aucun justificatif démontrant qu'il ait dû supporter le coût de réparation de ces travaux et n'apporte aucune explication sur ce point dans ses écritures.

D'autre part, l'acquéreur revendique l'application d'une surcote ajoutée à la valeur du véhicule lorsqu'il est justifié d'un entretien complet et correct de l'entretien du véhicule. Mais l'expert, qui a constaté que le programme d'entretien du véhicule prévoyait une vidange avec remplacement du filtre à huile tous les 30 000 km, filtre à air et gasoil tous les 60 000 km, a relevé, au vu du carnet d'entretien du véhicule, que les préconisations du constructeur n'avaient pas été respectées, ce qui résulte également des factures produites aux débats devant la cour. Et surtout, cette absence de surcote n'est pas la conséquence de l'utilisation du véhicule - il n'est d'ailleurs pas justifié d'une dépréciation du véhicule pour ce fait - mais de la négligence de l'acquéreur qui n'a pu justifier d'un entretien du véhicule conforme aux préconisations du constructeur ; il en résulte que, même si les interventions alléguées par M. Marta n'ont pas correspondu à ce qui aurait dû être pratiqué, aucune dépréciation du véhicule n'a été subie par le vendeur lors de sa récupération.

Dès lors, la dépréciation totale subie par le véhicule en raison de l'utilisation qu'en a faite l'acquéreur, correspond à la somme de 16 126 euros.

En conséquence, la cour condamne M. Marta à payer à la société Bayern Automobiles la somme de 16 126 euros correspondant à la dépréciation du véhicule, outre les intérêts au taux légal.

Sur l'indemnité sollicitée par M. Marta :

A l'appui de sa demande d'indemnité, M. Marta fait valoir que le manquement de la société Bayern Automobiles, qui a entraîné la résolution de la vente, lui a causé un préjudice "constitué par tous les éléments résultant de la faute du vendeur, y compris le préjudice moral et les tracas" qu'il a subis, outre le refus d'échange du véhicule alors qu'il avait payé pour un véhicule exempt de vices.

Cependant, par ce seul argument, il ne démontre pas la faute du vendeur et le préjudice, notamment moral, qui en résulterait pour lui et qui ne serait pas réparé par la résolution de la vente.

La cour, confirmant le jugement, rejette donc sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres chefs de demande :

Le jugement du 29 novembre 2005 avait réservé les demandes présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Désormais, puisque la société Bayern Automobiles succombe sur la demande en résolution de la vente et M. Marta sur l'indemnité de dépréciation, aucune des parties ne succombe totalement. En conséquence, la cour condamne chacune d'elles à conserver à sa charge ses propres dépens.

De même, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont été contraintes d'exposer.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement prononcé le 13 février 2008 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M. Marta, L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau : Condamne M. Marta à payer à la société Bayern Automobiles la somme de 16 126 euros, en réparation de la dépréciation résultant de l'usage du véhicule restitué, ce avec intérêts au taux légal compter de ce jour, Rejette les chefs de demande fondés sur l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel, les frais de consultation de M. Barot étant partagé par moitié entre elles.