CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 19 juin 2012, n° 11-00740
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Touati
Défendeur :
Grasse
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lafon
Conseillers :
MM. Sabron, Lippmann
Les données du litige
Le 28 janvier 2008, M. Christophe G. a acheté dans un garage exploité à Cenon par M. Mohamed T. sous l'enseigne " Garage sans Frontières " un véhicule Renault Scénic d'occasion appartenant à Madame Anna R. M., concubine de M. T.
A la suite d'une panne d'injection survenue courant mai 2008, le véhicule a été examiné, en présence de M. T., par un garagiste concessionnaire Renault qui a établi le 21 mai 2008 une attestation faisant ressortir l'impropriété du véhicule pour pose d'un moteur non conforme.
M. G. a saisi son assureur protection juridique qui a mandaté le cabinet BCA pour procéder à une expertise.
M. T. a été convoqué à cette expertise mais ne s'y est pas présenté.
Dans un rapport du 9 octobre 2008 le cabinet BCA a relevé que M. T. avait monté sur le véhicule, acheté par sa compagne au prix de 4 389 euros au Centre Aquitaine d'Enchères Automobiles comme " non roulant, moteur hors service ", un moteur de remplacement acheté d'occasion qui n'était pas adapté au véhicule, de telle sorte que ce dernier était impropre à la circulation.
Après vaine mise en demeure, M. G. a saisi le Tribunal de grande instance de Bordeaux qui, par jugement du 7 janvier 2011, accueillant la quasi-totalité de ses demandes, a prononcé la résolution de la vente au vu de l'article 1604 du Code civil et condamné in solidum Madame R. M. sur le fondement du texte précité et M. T. sur celui de l'article 1382 du Code civil au paiement des sommes suivantes :
- 9 500 euros en remboursement du prix de vente ;
- 199,17 euros, montant des réparations effectuées sur le véhicule ;
- 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice de jouissance ;
- une indemnité de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Mohamed T. et Madame Anna R. M. ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 26 juin 2011.
Ils demandent à la cour dans leurs dernières conclusions :
- de débouter M. G. de ses demandes dirigées contre M. T. avec lequel il n'a pas de rapport contractuel et à qui le rapport d'expertise du cabinet BCA n'est pas opposable ;
- de débouter M. G. de ses demandes formées contre Madame R. M. en ce qu'elle n'a pas été convoquée à l'expertise sur laquelle se fonde ces demandes ;
- en toute hypothèse, de constater que M. G. ne justifie pas s'être acquitté de la somme de 9 500 euros ou, pour le moins, de retrancher de cette somme le chèque de 500 euros qui a été établi à l'ordre de " S. S. " ;
- de débouter M. G. de sa demande de dommages-intérêts en l'absence de trouble de jouissance, le véhicule ayant parcouru 6 487 km entre le 28 janvier 2008, date de l'achat, et le 21 juillet 2008 ;
- de réduire dans la proportion de 50 %, à raison de la diminution de valeur qu'a entraînée cette utilisation, la somme au paiement de laquelle ils sont susceptibles d'être condamnés en remboursement du prix ;
- de condamner M. G. à payer à M. T. et à Madame R., pour chacun, une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. G. a conclu à la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne l'indemnisation du trouble de jouissance qu'il demande de porter à 3 500 euros.
Il sollicite en outre une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les motifs de la décision
L'expertise est opposable à M. T. qui n'y a pas participé mais qui a été convoqué par l'expert.
Elle ne l'est pas à Madame R. M. qui est la concubine de M. T. et au nom de laquelle le véhicule avait été acheté avant la remise en état litigieuse puisqu'il est exact que l'expert ne l'a pas convoquée.
Pour autant, les conclusions de l'expert mandaté par l'assureur protection juridique de M. G. qui ont confirmé l'attestation du garage Renault Retail Group, établie en présence de M. T., selon lesquelles le véhicule était équipé d'un moteur non conforme ne sont pas contestées, ni par M. T., auteur de la réparation, ni par sa compagne qui avait acheté à moitié prix ce véhicule dont le moteur d'origine était hors service.
La facture d'achat du véhicule et celle du moteur sont produites aux débats et il est constant que le moteur acheté d'occasion dont M. T., mécanicien de profession, l'a équipé, n'est pas adapté, ce qui rend le véhicule impropre à la circulation.
C'est par conséquent à bon droit que le premier juge a prononcé sur le fondement de l'article 1604 du Code civil, relatif à l'obligation de délivrance conforme qui incombe au vendeur, la résolution de la vente du véhicule qui ne correspond pas aux caractéristiques de la commande.
Le moyen selon lequel il n'existe pas de rapport contractuel entre M. T. et M. G. est dénué de pertinence puisque le premier juge a fondé sa décision à l'égard du concubin de la venderesse qui est l'auteur de la réparation non conforme, garagiste de profession, sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil qui régissent la responsabilité pour faute.
M. T. est en effet, coresponsable à raison de la faute qu'il a commise en sa qualité de réparateur, du préjudice subi par M. G. par suite de la non-conformité de la chose vendue et c'est à bon droit que ce dernier poursuit sa condamnation in solidum avec Madame R. M. dès lors que par leurs faits respectifs, tous les deux ont contribué à la réalisation de son préjudice, y compris celui qui consiste dans le paiement d'un prix indu.
En ce qui concerne le remboursement de ce prix, M. G. justifie de ce qu'il a été réglé à hauteur de 9 500 euros au moyen de cinq chèques, un chèque de banque d'un montant de 4 500 euros, et quatre autres, un de 500 euros et trois de 1 500 euros, dont le débit figure sur le relevé de son compte bancaire.
S'il est exact que le chèque de 500 euros a été établi à l'ordre d'une autre personne que Madame G. M., il demeure qu'en première instance il n'a jamais été contesté que le prix payé par M. G. avait été de 9 500 euros, de telle sorte qu'il importe peu que, pour une raison que la venderesse est seule à connaître, le chèque sus visé ait été rédigé à l'ordre d'un tiers.
Enfin, M. G. subit un préjudice de jouissance par suite des désagréments que lui a causé la révélation de l'impropriété de son automobile.
Le premier juge a évalué de manière équitable ce préjudice à la somme de 2 000 euros, qui, par sa modération, tient précisément compte de ce que l'intimé a retiré une certaine utilité du véhicule avec lequel il a pu parcourir 6 487 km.
L'automobile n'a pas de valeur marchande dans la mesure où elle est équipée d'un moteur qui ne lui est pas adapté ; pour cette raison les appelants qui ont commis une faute grave en contribuant, tous deux, à sa mise sur le marché ne peuvent pas réclamer au titre de la restitution du prix une réduction de 50 % pour décote.
Il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
M. G. est en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais occasionnés par l'appel dilatoire de ses adversaires qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de 2 500 euros.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. Y ajoutant, condamne M. Mohamed T. et Madame Anna R. M. à payer à M. Christophe G. une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Les condamne aux dépens d'appel qui pourra être recouvrés par la SCP C.-C.-J., avocat postulant, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.