Cass. com., 7 février 2012, n° 10-27.716
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Tripartite propulsion (SARL)
Défendeur :
Le Bihan inox (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Blondel, SCP Boré, Salve de Bruneton
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, du 24 septembre 2010), que la société Tripartite propulsion a commandé à la société Le Bihan inox, des tubes d'un certain diamètre ; que des relevés ayant démontré que leur épaisseur était par endroit inférieure, la société Tripartite propulsion a assigné en résolution de la vente et en dommages-intérêts la société Le Bihan inox qui a demandé le paiement d'une certaine somme ;
Attendu que la société Tripartite propulsion fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à la société Le Bihan inox une certaine somme avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2006, alors, selon le moyen : 1°) que le vendeur est tenu de délivrer une chose dont les caractéristiques correspondent à la commande et que l'acheteur ne peut être tenu d'accepter une chose différente ; qu'en affirmant que la société Le Bihan inox avait bien exécuté son obligation de délivrance conforme bien qu'elle ait relevé que la société Tripartite propulsion avait commandé onze tubes inox d'une épaisseur précise de 12,7 mm et que la société Le Bihan inox lui avait livré des tubes dont l'épaisseur variait entre 10,8 et 15,6 mm, la cour d'appel a violé l'article 1604 du Code civil ; 2°) qu'une convention peut déroger aux usages professionnels et aux normes applicables ; qu'en admettant que des tolérances admises par des normes techniques étaient applicables au contrat conclu entre les sociétés Tripartite propulsion et Le Bihan inox, bien qu'elle ait relevé que le contrat ne faisait référence à aucune norme de tolérance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) que le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige, tout pacte obscur ou ambigu s'interprétant contre le vendeur ; qu'en retenant, pour considérer que la société Le Bihan inox avait satisfait à son obligation de délivrance conforme, que la société Tripartite propulsion "aurait dû se préoccuper de savoir quelles étaient les cotes extrêmes acceptables par rapport à la cote nominale idéale prévue" et qu'"il n'y a pas de faute de la société Le Bihan inox à n'avoir pas rappelé dans son devis la norme de tolérance usuellement appliquée" bien qu'il lui ait appartenu, en qualité de vendeur, de préciser les caractéristiques du produit, et notamment que l'épaisseur des tubes pouvait varier par rapport à la dimension stipulée et, qu'à défaut de l'avoir fait, le contrat devait s'interpréter comme mettant à sa charge l'obligation de délivrer des tubes de l'épaisseur exacte stipulée dans le contrat, la cour d'appel a violé l'article 1602 et 1604 du Code civil ; 4°) que la réception ne libère le vendeur de son obligation de délivrance que si l'acheteur a été en mesure, le jour de la livraison, de contrôler la conformité de la chose remise et son aptitude à remplir sa mission ; qu'en retenant que "la société Tripartite propulsion a accepté la livraison des tubes sans réserve", sans rechercher si elle était en mesure d'en contrôler immédiatement l'aptitude à remplir l'usage prévu, alors que la société Tripartite propulsion soutenait, dans ses conclusions d'appel, que les défauts n'avaient pu être relevés que lorsque la société AMPC avait tenté de les usiner et qu'elle avait alors refusé immédiatement la livraison par lettre recommandée, d'où il s'évinçait que ce n'est qu'au moment de les faire usiner que la non-conformité avait pu être décelée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir souverainement relevé que la société Tripartite propulsion, travaillant régulièrement pour la marine nationale, connaissant le cahier des charges de sa cliente et les tolérances de fabrication incompatibles avec les tolérances usuelles, est un professionnel spécialisé dans le domaine naval militaire, tandis que la société Le Bihan inox est un fabricant généraliste de produits en inox, l'arrêt retient que l'absence totale de tolérance est inconnue en matière de fabrication industrielle, d'usinage et d'assemblage, et que l'expert a établi que les cotes des tubes respectaient les tolérances prévues tant par la norme américaine ASTM A-312 que par la norme européenne EN 10216-5 ; que l'arrêt retient encore que le silence du contrat sur les tolérances n'exclut pas celles qui sont conformes aux normes usuelles ; qu'en l'état de ces constations et appréciations dont elle a déduit que les tubes livrés par la société Le Bihan inox étaient conformes à la commande passée par la société Tripartite propulsion, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la dernière branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.