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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 28 août 2012, n° 11-01673

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Equipassion (SARL)

Défendeur :

Pichenot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Billy

Conseillers :

MM. Leclercq, Morel

Avocats :

SCP Fillard Cochet-Barbuat, SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon

TGI Annecy, du 26 mai 2011

26 mai 2011

FAITS ET PROCEDURE

Par acte du premier février 2011 Mme Gisèle Pichenot, se référant à l'expertise réalisée par M. Chary, désigné en référé suite à une assignation du 2 juin 2009, a assigné la société Equipassion devant le Tribunal de grande instance d'Annecy aux fins qu'il prononce la résolution de la vente du cheval dénommé Chicago BZ qu'elle avait acheté le 3 juillet 2007 pour le prix de 13 000 euros, et ce en raison de défauts de conformité, et qu'il la condamne à lui rembourser cette somme outre intérêts ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de la privation de jouissance et de l'impossibilité de concourir avec le cheval, une somme de 14 856,59 euros au titre des dépenses exposées depuis la vente, une somme de 2 293 euros correspondant aux frais de pension au 28 février 2011, la somme de 200 euros par mois pour frais d'entretien jusqu'à la reprise du cheval, ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

La défenderesse n'a pas constitué devant le premier juge.

Par jugement réputé contradictoire du 26 mai 2011 le tribunal a fait droit à ces demandes, sauf en ce qu'il n'a fait courir les intérêts qu'à compter du premier février, date de l'assignation au fond, et en ce qu'il a réduit à 1 000 euros la somme accordée au titre du préjudice de jouissance et à 800 euros la somme allouée au titre de l'article 700 du CPC.

La société Equipassion a relevé appel de ce jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société Equipassion demande à la cour :

- de réformer le jugement,

- de débouter Mlle Pichenot de ses demandes,

- de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- qu'elle n'avait aucun moyen de déceler la maladie dont le cheval était atteint, que le vétérinaire lui-même n'avait pas relevé,

- qu'il n'est pas exclu que les déficiences présentées par l'animal ne soient apparues qu'après la vente, notamment à la suite d'une chute,

- que dès lors sa responsabilité ne peut être retenue, la vente devant, par conséquent, être maintenue.

Mme Gisèle Pichenot demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du cheval dénommé Chicago BZ,

- de condamner la société Equipassion à lui payer la somme de 13 000 euros correspondant au prix de vente de l'animal,

- de la condamner à lui payer la somme de 18 558,07 euros correspondant aux frais et dépenses exposés depuis la vente jusqu'à l'euthanasie du cheval (14 856,59 euros arrêtés par l'expert judiciaire au 30 avril 2010 et 3 701,48 euros du mois de mai 2010 jusqu'au mois de juin 2011),

- de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- de confirmer la décision en ce qu'elle a jugé que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter du premier février 2011, date de l'assignation au fond,

- d'ordonner le capitalisation des intérêts,

- de condamner la société Equipassion à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que le cheval qu'elle avait acheté à un professionnel pour effectuer des compétitions de dressage a présenté, après la vente, des problèmes locomoteurs ayant une origine antérieure et qui ont définitivement compromis toute activité sportive,

- que ce défaut de conformité justifie la résolution de la vente,

- que la venderesse doit ainsi lui restituer le prix et l'indemniser des frais d'entretien de l'animal ainsi que du préjudice qu'elle a subi en la privant de la possibilité de pratiquer son sport favori.

MOTIFS

Attendu qu'il ressort des dispositions des articles L. 213-1, L. 213-2 et L. 213-4 du Code rural que les maladies ou défauts affectant un animal d'élevage ou de rente n'entrant pas dans ceux limitativement énumérés par l'article R. 213-1 de ce même Code, qui seuls donnent ouverture aux actions résultant des articles 1641 à 1649 du Code civil, peuvent faire l'objet des actions prévues par les articles L. 211-1 à L. 211-15 du Code de la consommation ;

Que les maladies affectant le cheval vendu par la société Equipassion à Mme Pichenot ne faisant pas partie des affections limitativement énumérées par l'article R. 213-1, il y lieu d'examiner la demande au regard des articles du Code de la consommation précité ;

Attendu que selon l'article L. 211-4 du Code de la consommation le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité lors de la délivrance ;

Qu'aux termes de l'article L. 211-5, pour être conforme au contrat, le bien doit être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable ;

Attendu que M. le professeur Chary, expert judiciaire, conclut son rapport en date du 31 décembre 2010 comme suit :

"Mademoiselle Gisèle Pichenot a acheté le cheval Chicago BZ à la société Equipassion le 3 juillet 2007 pour la compétition de dressage. Depuis cette date, le cheval s'est révélé inapte à l'usage auquel il était destiné du fait de deux affections révélées successivement. Le défaut de conformité est manifeste.

Le pronostic sportif est définitivement compromis et les deux affections en cause ont une origine antérieure à la vente.

Aucune faute technique ne peut être reprochée au docteur vétérinaire François Maisonneuve.

Les frais exposés en pure perte par l'acheteuse se sont élevés à 14 856,59 euros jusqu'en avril 2010 auxquels s'ajouteront un montant supplémentaire de 355 euros par mois pour l'entretien jusqu'à la fin de la procédure." ;

Que, dans son rapport, l'expert précise que la téno-synovite de l'antérieur gauche, première des affections qui a été mise en évidence le 25 septembre 2007, soit moins de trois mois après la vente, intervenue le 3 juillet 2007, résulte d'anomalies osseuses notoirement antérieures à la vente puisque pour que de telles lésions apparaissent, il faut que le processus pathologique évolue depuis au moins 6 mois ;

Qu'il ajoute que la deuxième affection révélée, à savoir l'ataxie, présente un caractère congénital, donc antérieur à la vente, et qu'elle rend l'animal non seulement inapte à un usage sportif quelconque, mais encore dangereux pour les cavaliers qui le montent du fait des risques de chutes inopinées, aucune thérapeutique n'existant pour ce type de maladie ;

Qu'il précise encore que la société Equipassion n'avait aucune capacité à déceler l'ataxie, puisqu'un vétérinaire n'en avait pas lui-même les moyens ;

Attendu que, professionnelle ayant vendu à un particulier un cheval destiné à la compétition et au dressage, ce qu'elle ne conteste pas, alors que l'état de santé de cet animal ne lui permettait pas de remplir cette destination, et même le rendait dangereux pour son cavalier, la société Equipassion a manqué à son obligation de livrer un bien conforme au contrat puisque le cheval n'était pas propre à l'usage qui pouvait en être attendu ;

Que l'obligation de délivrance étant une obligation de résultat, le vendeur ne peut écarter sa responsabilité en cas d'inexécution que s'il prouve que sa défaillance est due à une cause étrangère qui ne lui serait pas imputable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, peu important qu'il ait ou non connu les affections présentées par l'animal ;

Que la société venderesse, en l'état des énonciations de l'expert, ne peut sérieusement soutenir que les défauts présentés par l'animal auraient une origine postérieure à la vente ;

Qu'il sera enfin relevé que le cheval dont s'agit, qui était de plus en plus ataxique et présentait des difficultés notoires à se lever, a dû être euthanasié le 16 juillet 2011, ainsi qu'il ressort du certificat vétérinaire produit aux débats ;

Attendu que Mme Pichenot est donc fondée, en application des articles L. 211-10 et L. 211-11 du Code de la consommation, à solliciter la résolution de la vente, la restitution du prix par le vendeur, soit la somme de 13 000 euros, ainsi que sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

Que ce préjudice est constitué :

- des frais qu'elle a dû exposer pour les soins et l'entretien du cheval, représentant une somme de 14 856,59 euros arrêtée par l'expert en avril 2010, à laquelle doit s'ajouter la somme de 3 701,28 euros correspondant, selon les justificatifs produits, aux frais de pension depuis le premier mai 2010 et aux frais d'euthanasie et d'équarrissage ;

- du préjudice de jouissance qu'elle a subi, puisqu'en raison de l'inaptitude du cheval elle n'a pu pratiquer son sport favori et concourir pendant plusieurs années, ce qui justifie l'allocation à son profit d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne les condamnations qu'il a prononcées au titre des frais de pension arrêtés au 28 février 2011 et du préjudice de jouissance, Statuant à nouveau, Condamne la société Equipassion à payer à Mme Gisèle Pichenot la somme de 3 701,48 euros au titre des frais de pension, d'euthanasie et d'équarrissage exposés depuis le premier mai 2010, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du premier février 2011, date de l'assignation, sur la somme de 2 293 euros et à compter du 12 octobre 2011, date de signification des conclusions d'appel, pour le surplus, Condamne la société Equipassion à payer à Mme Gisèle Pichenot la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice de jouissance, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, Dit que les intérêts attachés aux deux condamnations qui précèdent se capitaliseront annuellement conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Equipassion à payer à Mme Gisèle Pichenot la somme de 1 000 euros en dédommagement de ses frais irrépétibles d'appel, Rejette toute autre demande, Condamne la société Equipassion aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon.