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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 13 mai 2009, n° 07-05163

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Partenaires (SA)

Défendeur :

Action Manutention (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Albert

Conseillers :

M. Belieres, Mme Salmeron

Avoués :

SCP Boyer Lescat Merle, SCP Chateau

Avocats :

SCP Didier Bats-Thierry Lacoste, Me Lataillade

CA Bordeaux, du 9 mai 2006

9 mai 2006

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Suivant devis initial du 11 août 2003 de 5 196,82 euro ramené à 3 811,22 euro HT la SARL Action Manutention s'est vu confier par la SA Partenaires la réparation de son chariot Ombi 20 CL mais celle-ci a refusé d'acquitter la facture correspondante établie pour un montant de 5 196,82 euro en raison d'une intervention supplémentaire opérée sur le distributeur hydraulique de la boîte de vitesse de sorte que le véhicule n'a pas été restitué.

Elle a, également, mis à la disposition du client un chariot FG 15 HT 17.

Elle a aussi vendu à la SA Partenaires suivant bon de commande du 12 septembre 2003 un chariot d'occasion de marque Komatsu FG 25 HT n° 21 03 04 année modèle 11/98 avec un nombre d'heures d'utilisation de 5 900 mais un moteur neuf au prix de 11 433, 68 euro HT avec versement d'un acompte de 3 430,10 euro qui, après livraison, s'est révélé être du type FG 25 T, d'une année modèle 11/97 avec un nombre d'heures de fonctionnement supérieur et affecté de désordres, tous éléments constatés par procès-verbal d'huissier du 1er octobre 2003.

Par acte du 21 octobre 2003 la SA Partenaires a fait assigner la SARL Action Manutention devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour obtenir la livraison d'un chariot conforme à la commande sous astreinte et, subsidiairement, en résolution de la vente et indemnisation et par voie de conclusions la défenderesse a formé une demande reconventionnelle en paiement du prix de vente du chariot FG 25, des factures de travaux du chariot Ombi 20 CL et de location du chariot FG 15 HT.

Par jugement du 27 septembre 2004 cette juridiction a

- condamné la SARL Action Manutention à livrer à la SA Partenaires un chariot élévateur conforme à sa commande du 12 septembre 2003 ou, à défaut, un chariot similaire sous astreinte de 50 euro par jour de retard pendant deux mois à compter d'un mois suivant la date de signification du jugement, passé ce délai, il sera à nouveau fait droit

- donné acte à la SA Partenaires de ce qu'elle s'engage à acquitter après livraison du chariot litigieux le solde du prix convenu sous déduction de l'acompte versé de 3 430,10 euro

- condamné la SA Partenaires à payer à la SARL Action Manutention la somme de 5 706,88 euro au titre des réparations du chariot Ombi 20 CL

- débouté la SARL Action Manutention de ses demandes de remboursement des frais d'expertise et en dommages et intérêts relatives à ce même chariot

- donné acte à la SA Partenaires de ce qu'elle offre de régler la somme de 3 811,22 euro à son adversaire

- dit que la SA Partenaires reprendra livraison de son chariot Ombi 20 CL au siège de la SARL Action Manutention sous astreinte de 50 euro par jour de retard pendant deux mois à compter d'un mois suivant la date de signification du présent jugement

- débouté la SARL Action Manutention de sa demande relative à la location du chariot FG 15 HT

- dit que ce chariot sera restitué à la SARL Action Manutention par la SA Partenaires lors de la reprise par cette dernière de son chariot Ombi 20 CL

- débouté la SA Partenaires de sa demande en dommages et intérêts pour l'ensemble des chariots

- débouté la SARL Action Manutention de sa demande d'expertise pour l'ensemble des chariots

- condamné la SARL Action Manutention à payer à la SA Partenaires la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions

- condamné la SARL Action Manutention aux dépens.

Par arrêt du 9 mars 2006 la cour d'appel a infirmé la décision et en ce qui concerne le chariot Ombi 20 CL

- condamné la SARL Action Manutention à restituer ce chariot en état de marche dans les locaux de la SA Partenaires

- dit que contre cette remise la SA Partenaires devra s'acquitter de la somme de 3 811,22 euro HT

- dit qu'une astreinte de 20 euro par jour de retard sera due à compter du 30ème jour suivant le présent arrêt si cette remise n'est pas intervenue dans ce délai

en ce qui concerne le chariot FG 25 HT

- condamné la SA Partenaires à payer le solde restant dû sur ce chariot à la SARL Action Manutention

en ce qui concerne le chariot FG 15 HT

- condamné la SA Partenaires à restituer ce chariot, un huissier dressant un état de cet engin lors de la restitution

- condamné la SARL Action Manutention à régler le loyer du pour la location de ce chariot soit 638,15 euro TTC par mois du jour où elle a pris possession jusqu'à sa restitution

- dit n'y avoir lieu à allocation de dommages et intérêts

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit que chacune des parties en supportera la moitié.

Par arrêt du 3 juillet 2007 la Cour de cassation a cassé cette décision au visa de l'article 16 du Code de procédure civile mais seulement en ce qu'elle a condamné la SA Partenaires à payer à la SARL Action Manutention le solde du sur le chariot FG 25 HT et l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts au motif que "l'arrêt retient que dans ses conclusions de première instance la SA Partenaires a reconnu avoir reçu un fax portant sur une offre actualisée d'un chariot 11/97 ce qui constitue un aveu judiciaire et a ainsi relevé d'office le moyen tiré de l'existence d'un aveu judiciaire sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations" ; elle a désigné la Cour d'appel de Toulouse comme cour de renvoi.

L'acte de saisine délivré par la SA Partenaires est en date du 17 octobre 2007.

MOYENS DES PARTIES

La SA Partenaires demande de

- confirmer le jugement en ce qu'il

* a condamné sous astreinte la SARL Action Manutention à livrer un chariot conforme à la commande du 12 septembre 2003 portant sur un chariot d'occasion Komatsu type FG 25 HT année modèle 11/98 intégralement révisé avec moteur neuf ou, à défaut, un chariot similaire présentant les mêmes caractéristiques

* préciser que la livraison sera réalisée par la SARL Action Manutention à ses frais et risques dans ses locaux à Cavignac

* lui a donné acte qu'elle acquitterait après livraison le solde du prix convenu sous déduction de l'acompte de 3 430,10 euro déjà versé

Très subsidiairement,

* prononcer la résolution de la vente aux torts exclusifs de la SARL Action Manutention

* condamner la SARL Action Manutention à restituer l'acompte versé à hauteur de 3 430,10 euro avec intérêts de droit à compter du versement de ladite somme en date du 16 septembre 2003

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en dommages et intérêts

* lui allouer la somme de 35 000 euro en réparation du préjudice inhérent au défaut de délivrance conforme outre la somme supplémentaire de 3 000 euro en cas de résolution de la vente

- lui accorder la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle indique que rien dans ses conclusions de première instance ne permet de relever une quelconque ambiguïté au sujet de l'offre de vente et encore moins un aveu judiciaire, qu'au contraire ces écritures contiennent l'indication particulièrement explicite que jamais, que ce soit par lettre ou par fax, que ce soit à la date du 4 septembre 2003 ou à une autre date, elle n'a reçu la proposition de vente d'un chariot année modèle 11/97.

Elle soutient que la cour de renvoi est saisie tant de sa demande en principal tendant à obtenir la livraison d'un chariot conforme à la commande du 12 septembre 2003 qu'à titre subsidiaire tendant à voir prononcer la résolution de la vente, ces prétentions ayant déjà été formulées en première instance.

Elle affirme que la proposition de vente de la SARL Action Manutention datée du 30 juillet 2003 faxée en double exemplaire le 4 septembre 2003 a toujours comporté la désignation année modèle 11/98, que l'association par cette société du rapport d'émission de ce fax en 4 pages avec une lettre du 4 septembre 2003 en 2 pages portant sur un chariot FG 25 HT année 11/97 résulte d'un montage grossier et explique qu'elle n'a pu répondre à la sommation en date du 28 juin 2005 d'avoir à communiquer "le rapport intégral des télécopies passées et reçues par elle le 4 septembre 2003" dès lors que n'ayant attaché aucune importance particulière à ce fax avant la survenance du litige elle n'a pas conservé ce document.

Elle estime inutile toute mesure d'expertise à ce sujet, soulignant que le bon de commande du 12 septembre 2003 qui fait la loi des parties conformément à l'article 1134 du Code civil stipule expressément que le chariot commandé est d'une année modèle 11/98, caractéristique entrée dans le champ contractuel, qu'il a été accepté par la SARL Action Manutention et a reçu un commencement d'exécution puisque le chèque d'acompte qui l'accompagnait a été immédiatement encaissé.

Elle fait valoir que le matériel livré le 30 septembre 2003 n'est pas conforme à la commande ni sur l'année du modèle ni sur son type puisqu'il s'agissait d'un chariot année modèle 11/97 et de type T qui n'était plus côté sur le marché depuis l'année 1996, ni sur le nombre d'heures d'utilisation puisqu'il était en réalité de 6026 heures, ni sur son état puisqu'il présentait certains désordres peu compatibles avec un moteur neuf (colliers desserrés, grilles de protection du ventilateur absentes, fuite à l'échappement) outre une absence de freinage après 10 minutes d'essai, un défaut de fonctionnement des feux, des pneus plus usés à l'avant qu'à l'arrière, tous éléments qu'elle a fait constater par voie d'huissier le 1er octobre 2003 et qu'au surplus il n'était pas accompagné de son certificat de conformité qui n'a été communiqué que plus tard.

Elle précise qu'au vu de son fax de protestation du jour même de la livraison, le vendeur s'est immédiatement rendu sur son site, qu'une altercation s'en est suivie, qu'il a repris le bon de livraison et y a rajouté la mention 11/97 qui ne figurait pas à l'origine.

Elle prétend qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir fait obstacle à l'exécution du jugement du tribunal de commerce dès lors qu'il n'était pas assorti de l'exécution provisoire, que les deux chariots proposés en remplacement Caterpillar type GP 25 K année 2000 et Komatsu type FG 25 HT année 2000 étaient en réalité du millésime 1999, que le nombre d'heures d'utilisation annoncé soit respectivement 1640 et 1470 était en réalité de 5.531 et 1536, qu'ils n'étaient ni l'un ni l'autre équipés d'un moteur neuf.

Elle demande l'exécution en nature du bon de commande ou à défaut la résolution de la vente.

Elle estime avoir subi un préjudice caractérisé par l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'utiliser le chariot, ce qui l'a obligée à prendre en location un autre chariot auprès d'une société tierce depuis le mois de septembre 2004 générant un coût de 22 078,49 euro suivant décompte arrêté au 31 octobre 2008, a été contrainte d'agir en justice et a dû dénoncer les montages grossiers auxquels s'est livrée le vendeur pour tenter en vain d'abuser la religion des premiers juges et réclame ainsi la somme globale de 35 000 euro.

Elle précise qu'en cas de résolution de la vente, celle-ci générerait un préjudice spécifique complémentaire de 3 000 euro.

La SARL Action Manutention demande dans ses dernières conclusions du 11 juin 2008

Avant dire droit,

- en l'état du doute existant quant à la nature de la télécopie adressée à la SA Partenaires le 4 septembre 2003 et ses modalités de transmission d'ordonner une mesure d'expertise en vue d'examiner l'offre reçue par cette société et celle adressée par ses soins et les supports sur lesquels apparaissent les heures de transmission, afin d'établir de façon incontestable la nature de l'offre émise le 4 septembre 2003 du chariot élévateur ainsi que l'ensemble des documents contractuels y afférents, des courriers échangés entre parties, des documents de transport

A défaut,

- constater qu'elle a tenté d'exécuter le jugement du tribunal de commerce du 27 septembre 2004

- constater que la SA Partenaires s'y est opposée de façon abusive et dire que cette société est de mauvaise foi

- la débouter de l'ensemble de ses demandes

- la condamner à

* acquitter le solde restant du au titre du chariot vendu soit la somme de 10 244,57 euro avec intérêts au taux légal depuis le 27 septembre 2004

* lui payer la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner la SA Partenaires aux entiers dépens.

Elle soutient que la cour de renvoi n'est saisie que pour statuer sur le solde restant dû sur le chariot Komatsu FG 25 HT et la demande de dommages et intérêts, à l'exclusion de la résolution de la vente dans la mesure où celle-ci a été considérée comme valable tant par la cour d'appel de Bordeaux que par la Cour de cassation.

Elle affirme que le 4 septembre 2003 elle a fait parvenir à la SA Partenaires un nouveau devis sur 4 pages reprenant les deux pages de l'ancien devis concernant un chariot élévateur datant de novembre 1998 référencé FG 25 HT pour la somme de 11 433,68 euro HT et deux pages d'un nouveau devis concernant un chariot élévateur datant de novembre 1997 référencé FG 25 HT pour la somme de 11 433,68 euro HT, proposition acceptée le 12 septembre 2003 avec remise d'un chèque d'acompte de 30 % du prix soit 3 430,10 euro le 16 septembre 2003, lequel a été livré le 30 septembre 2003.

Elle s'étonne que la SA Partenaires indique être dans l'impossibilité de fournir le rapport intégral des télécopies passées et reçues le 4 septembre 2003, alors que les difficultés relatives au millésime du chariot datent du lendemain de la livraison et estime que le document communiqué par l'acheteur est un faux grossier.

Elle souligne que le chariot a été réceptionné sans réserve, que le bon de livraison porte la mention de l'année du véhicule à savoir novembre 1997 et a bien été en possession de l'acheteur puisque celui-ci y a apposé la mention "garde le 1 500 kg en attente du retour du Ombi", que le type de chariot est inopérant dès lors que le modèle T a été remplacé par le modèle HT dès 1995, qu'il était en parfait état de fonctionnement comme relevé par le transporteur puisque l'acquéreur s'en est servi au-delà de 100 heures, que le bon de commande mentionnait 5 900 heures tout comme le bon de livraison, que le constat d'huissier dressé le 1er octobre 2006 mentionne 6 026 heures et celui dressé le 23 décembre 2003 6 030,8 heures.

Elle précise n'avoir pu constater d'éventuels désordres, s'étant heurtée au refus de la SA Partenaires de lui permettre de l'examiner en vue de procéder aux réglages nécessaires et affirme qu'en réalité l'acheteur s'est rendu compte, à la livraison, qu'il s'était trompé dans le choix de son achat car le chariot vendu est un 2 T 500 et que ses caractéristiques font qu'il est trop large pour les allées de circulation des entrepôts et qu'un chariot de 1 T 800 aurait mieux convenu à son site.

Elle indique avoir par acte déclaratif du 10 novembre 2004 proposé de livrer en remplacement l'un des deux chariots suivants Caterpillar type GP 25 K année 2000 ou Komatsu type FG 25 HT année 2000, qu'elle a par acte déclaratif du 16 novembre 2004 rectifié son offre le chariot Caterpillar étant de 1999, que l'expert Bassoulet mandaté par ses soins a indiqué que le matériel proposé était équivalent.

Elle sollicite la condamnation de la SA Partenaires au paiement du solde du prix outre une indemnité de 800 euro par mois à compter du 27.09.2004 et jusqu'à l'arrêt à intervenir à titre de dommages et intérêts puisqu'elle se trouve depuis cette date dans l'impossibilité de vendre ou de louer son chariot.

Elle conclut, ainsi, au débouté de l'ensemble des demandes de la SA Partenaires qui ne peut solliciter ni la résolution de la vente ni la confirmation d'un jugement qui n'a pu être exécuté de son seul chef, ni l'indemnisation d'un prétendu préjudice qui trouve son origine dans le refus d'accepter l'un des chariots équivalents proposés en remplacement et dans l'impossibilité pour elle d'utiliser le chariot acheté en raison de la configuration de ses lieux de stockage, d'autant que les factures de location présentées à l'appui représentent le double du prix de l'engin, ce qui est démesuré et traduit une volonté de nuire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la portée de la cassation

Le litige initial entre parties portait sur 3 chefs de contentieux distincts : les travaux de réparation du chariot Ombi 20 CL, la mise à disposition du chariot FG 15 HT, l'acquisition du chariot FG 25 HT.

L'arrêt de la cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux pour les seules dispositions relatives au dernier chariot.

Mais elle l'a cassé pour l'ensemble des dispositions figurant dans le dispositif de cette décision relatives à l'acquisition de ce chariot Komatsu FG 25 HT.

Or, ces dispositions découlent de l'analyse des relations entre parties faite par le juge d'appel qui a, notamment, considéré que "la SA Partenaires avait reconnu dans le cadre d'un aveu judiciaire avoir reçu le 4 septembre 2003 une proposition de prix concernant un chariot de 11/97, sans la moindre contestation établi un chèque représentant le tiers de cette acquisition et avoir reçu sans contestation ce chariot le 30.09.2003 émettant ensuite par fax du même jour un certain nombre de critiques sans mentionner la date de construction de l'engin alors que celle-ci apparaît sur la plaque constructeur, engin qu'elle a ensuite utilisé".

La Cour d'appel de Bordeaux a condamné la SA Partenaires à payer le solde du prix parce qu'elle a préalablement considéré, en se fondant uniquement sur un aveu judiciaire, que cet acheteur avait accepté la proposition de vente d'un chariot de 11/97.

Or c'est bien l'élément qui sert de point de départ à ce raisonnement qui a été censuré par la Cour de cassation puisque cette dernière a reproché au juge d'appel "d'avoir retenu d'office le moyen tiré de l'existence d'un aveu judiciaire sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations".

L'intégralité du litige relatif à cette vente rentre donc dans la saisine de la Cour d'appel de Toulouse.

Sur la vente du chariot FG 25 HT

Il convient tout d'abord de souligner, que devant la cour de renvoi les deux parties admettent l'absence de tout aveu judiciaire de la SA Partenaires sur la réception et l'acceptation d'une proposition de vente d'un chariot de 11/97.

Aux termes de l'article 1604 du Code civil le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme à l'usage auquel elle est destinée.

Le défaut de conformité consiste en une différence entre la chose promise au contrat et la chose délivrée.

Le bon de commande du 12.09.2003 portait sur "un chariot élévateur Komatsu type FG 25 HT année 11/98 n° 210304 capacité nominale 2 500 kilos (...) Moteur Nissan gaz 48,5 CV 0 km moteur neuf, Eclairage complet comprenant feux stop, recul et clignotants (...), compteur 5 900 heures pour l'ensemble du chariot sauf moteur, matériel garanti un an pièces, main d'œuvre et déplacements moyennant le prix de 11 433,67 euro HT chèque de 30 % à la commande le solde en 60 jours par traite acceptée, livraison de ce matériel à nos chais de Cavignac".

Il a été faxé par la SA Partenaires à la SARL Action Manutention le 12.09.2003 à 16 h 34.

Le chèque d'acompte a été encaissé le 16 septembre 2003.

La discussion qui s'est instaurée entre parties quant au contenu des offres de vente objets des fax litigieux en 4 pages, la SA Partenaires invoquant une offre en date du 30.07.2003 en double exemplaire avec production des documents correspondants portant mention des coordonnées de transmission sur chacun d'eux à 17 h 32 pour les pages 1 et 2 et 17 h 33 pour les pages 3 et 4 et la SARL Action Manutention un rapport d'émission du 4.09 à 17 h 32 avec une offre datée du 4.09.03 portant sur un chariot type FG 25 HT année 11/97, sans inscription directe des références et heures de son envoi sur ledit document importe peu pour la solution du litige dès lors que la rencontre des volontés ne résulte pas de ces seuls fax mais d'un bon de commande écrit émis par l'acheteur, parfaitement explicite quant au type et à l'année du chariot puisqu'elle figure en tête de la liste des caractéristiques du bien concerné, dûment accepté par la SARL Action Manutention puisqu'elle n'a pas formulé la moindre remarque à sa réception le 12.09 à 16 h 34 et a accepté le chèque d'acompte qu'elle a dûment encaissé.

L'année de construction du chariot est une donnée entrée dans le champ contractuel comme toutes celles figurant sur le bon de commande qui était précédé des mentions suivantes "Suite à votre proposition d'un chariot élévateur et à nos différents entretiens, nous vous confirmons notre commande comme suit (...) :"

Toute mesure d'expertise relative à ces fax est donc inutile pour statuer sur le contentieux opposant les parties.

Même si l'absence de remise du document administratif afférent au chariot litigieux a été régularisée ultérieurement, les pièces versées aux débats établissent que le chariot livré n'était pas identique à celui vendu ni de la qualifié spécifiée dans le contrat.

En effet, l'engin remis le 30 septembre 2003 à 16 h 30 est un chariot FG 25 T novembre 97 et non un chariot FG 25 HT novembre 1998, avec plus de 6 020 heures au compteur au lieu de 5 900 heures.

Le constat d'huissier dressé le 1er octobre 2003 à 9 h 45 en atteste puisqu'il mentionne que "la plaque indique année 1997, la commande était prévue année 1998 (...) la plaque constructeur indique donc 97 précédemment indiqué (...) le compteur indique 6 026 heures, la commande portait sur un chariot pour 5900 heures".

La déclaration de conformité du constructeur en date du 11 juin 1997 confirme que le chariot n° de série 210304 est de type FG 25 T 1R TDL CASCADE et a été fabriqué en 1997.

En raison du faible intervalle de temps écoulé entre la livraison en fin d'après-midi et le constat d'huissier le lendemain en tout début de matinée, la différence de 126 heures entre celles annoncées sur l'offre de vente (5 900) et celles effectives (6 026) existait bien lors de la remise de l'engin et ne résulte pas d'une utilisation par l'acquéreur lui-même.

Ces données objectives caractérisent un manquement du vendeur à son obligation de délivrance puisque le chariot n'est pas conforme aux caractéristiques prévues et convenues.

L'action exercée sur ce fondement à l'encontre de la SARL Action Manutention est bien ouverte à la SA Partenaires qui ne peut être considérée comme ayant accepté sans réserves le chariot livré.

Le vendeur fournit certes un bon de livraison à destination de l'acheteur présenté par le transporteur sur lequel est apposée une signature avec à sa gauche la mention pré-imprimée "reçu les marchandises ci-dessus en bon état", sans autre rubrique.

Mais outre que ce document fait état d'un refus de restituer un autre matériel dont la reprise était prévue sur ce même document, il a été immédiatement suivi d'un fax de protestation moins de 3/4 plus tard faisant part du vif mécontentement concernant le matériel livré en désignant plusieurs points et précisant que la liste n'est pas exhaustive et dès le lendemain matin un constat d'huissier a été dressé portant notamment sur l'année de construction, le type et le nombre d'heures au compteur du chariot accompagné en fin de journée à 17 h 10 d'un nouveau fax dénonçant notamment "un chariot livré sans certificat de conformité et ne correspondant pas à l'offre du 30.07.03 et au bon de commande du 12.09.03 portant sur un chariot Komatsu novembre 1998, occasion, moteur neuf".

Le fait que le bon de livraison produit, entièrement manuscrit, mentionne "FG 25 HT (11 97) n'est pas de nature à caractériser une réception sans réserves sur l'année modèle, dès lors que la SA Partenaires a affirmé dès le 8 octobre 2003 par courrier que le bon de livraison avait été repris par le vendeur lors de sa venue dans les locaux immédiatement après l'incident de livraison à 17 h 30 le 30.09.2003 et que ladite mention avait été rajouté postérieurement, qu'une simple photocopie de ce document a été versée aux débats et non l'original, que l'attestation du transporteur en date du 22 octobre 2003 reste taisante à ce sujet, se bornant à dire que les bons de livraison ont été signés tout en confirmant être retourné dans les locaux du client vers 17 h 15 sur demande du responsable de la SARL Action Manutention qui l'y a rejoint à 17 h 35 pour récupérer l'autre matériel de location.

En toute hypothèse, le nombre d'heures d'utilisation du chariot ne figurait pas sur le document.

L'extrême rapidité de la réaction de l'acheteur vaut protestations de sorte que la livraison doit être considérée, en droit, comme émise avec réserves, étant souligné que celui-ci n'en a pas payé le prix.

Par ailleurs la SA Partenaires n'a pas fait usage du chariot comme l'établissent les constats d'huissiers du 23.12.2003 et 5.11.2008 qui mentionnent respectivement 6 030,8 et 6 033 heures d'utilisation contre 6 026 heures au 1.10.2003, la différence de 7 heures en 5 ans correspondant aux essais initiaux et déplacements parfois nécessaires pour libérer son emplacement de stockage.

La SARL Action Manutention ne peut, ainsi, prétendre être libérée de son obligation de délivrance.

La demande d'exécution forcée par la remise d'un chariot strictement conforme à la commande s'avère impossible concrètement, le vendeur n'ayant eu à disposition que le matériel livré et pouvant difficilement se procurer un matériel identique, vu ses caractéristiques, notamment quant au nombre d'heures d'utilisation et eu égard à l'ancienneté de la commande (2003) et de l'engin (1998).

La délivrance d'un matériel semblable, tentée amiablement, a donné lieu à des difficultés qui n'ont pas pu être surmontées en raison de divergences sur l'appréciation des équivalences.

La résolution judiciaire, réclamée subsidiairement, doit dès lors être prononcée.

Outre qu'une telle demande a toujours été présentée dès l'origine à ce titre, l'acheteur qui s'est engagée dans l'une des voies d'option à sa disposition peut toujours revenir sur son choix tant que la décision judiciaire n'est pas définitive.

Et la nature des défauts de conformités affectant le chariot livré présente un degré de gravité suffisant pour la justifier.

Il convient en conséquence, de remettre les choses en l'état en ordonnant la restitution du chariot par l'acheteur et du prix reçu par le vendeur soit l'acompte de 3,430,10 euro qui, conformément aux articles 1378 et 1153 du Code Civil, porte intérêts au taux légal à compter du 16.09.2003 date de son règlement effectif puisqu'en sa qualité de professionnel la SARL Action Manutention est irréfragablement qualifiée de vendeur de mauvaise foi.

La SA Partenaires subit un préjudice complémentaire né de la privation de jouissance du véhicule, qui a persisté dans le temps, ce qui justifie l'octroi de la somme de 8 000 euro au regard du trouble effectivement subi en relation de causalité directe avec le manquement du vendeur qui marque la limite de la réparation.

Elle produit, certes, un nombre considérables de factures de location de chariot pour la période du mois d'octobre 2004 au 25.10.2008 pour un coût très nettement supérieur.

Mais aucun élément de la cause ne permet de retenir que l'intégralité de cette dépense était destinée à suppléer à la privation de jouissance du chariot litigieux puisque cette entreprise avait l'habitude de recourir à la location pour faire face à ses besoins, que les matériels loués, qui ont varié dans le temps, ne présentent pas les mêmes caractéristiques que celui qui avait été acquis.

Par ailleurs, la SA Partenaires n'avait pas réglé le prix du chariot Komatsu et avait donc conservé la disponibilité des fonds correspondants d'un montant non négligeable soit 10 244,57 euro.

Le choix de la résolution de la vente n'est pas en lui-même source d'un dommage particulier ; tout au moins, celui-ci n'est pas démontré.

Conformément à l'article 1153-1 du Code civil, cette indemnité porte intérêt au taux légal à compter de la décision judiciaire qui la fixe soit à compter du prononcé du présent arrêt.

Sur les demandes annexes

La SARL Action Manutention qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ; elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de la SA Partenaires la totalité des frais exposés pour agir, se défendre et assurer sa représentation en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 1 500 euro à ce titre

Par ces motifs : LA COUR, statuant dans les limites de sa saisine, - Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a retenu le manquement de la SARL Action Manutention à son obligation de délivrance du chariot objet de la commande du 12 septembre 2003, Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, - Prononce la résolution de la vente du chariot marque Komatsu type FG 25 intervenue le 12 septembre 2003 entre la SA Partenaires et la SARL Action Manutention. - Condamne la SARL Action Manutention à rembourser à la SA Partenaires la somme de 3 430,10 euro au titre du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2003. - Dit que dès réception de ces fonds la SA Partenaires devra restituer le véhicule à la SARL Action Manutention, ce vendeur devant supporter les frais de transport qui se révèleraient nécessaires. - Condamne la SARL Action Manutention à payer à la SA Partenaires la somme de 8 000 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour. - Condamne la SARL Action Manutention à payer à la SA Partenaires la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. - Déboute la SARL Action Manutention de sa demande à ce même titre. - Condamne la SARL Action Manutention aux entiers dépens d'appel. - Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP Boyer Lescat Merle, avoués.