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Décisions

CA Dijon, ch. civ. A, 15 décembre 2009, n° 08-02082

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fontaine

Défendeur :

Le Strike (SARL), AGF (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dufrenne

Conseillers :

MM. Richard, Besson

Avoués :

SCP Avril & Hanssen, SCP Andre-Gillis

Avocats :

SCP Floriot-Tribolet, Me Gambini

TGI Chaumont, du 2 oct. 2008

2 octobre 2008

FAITS PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le 14 mai 2006, M. Sylvain Fontaine s'est rendu au bowling exploité à Chaumont par la société Le Strike ; il a fait une chute qui, selon le certificat médical du docteur Sid Bouayed, chef de service au centre hospitalier de Chaumont du 22 mai 2006, a occasionné une fracture oblique courte, tibio péronière du quart inférieur du tibial droit.

Après avoir obtenu du juge des référés du Tribunal de grande instance de Chaumont l'organisation d'une mesure d'expertise médicale confiée au docteur Michel Coudurier qui a déposé son rapport le 26 février 2007, M. Fontaine a, suivant acte d'huissier du 28 décembre 2007, saisi le juge du fond d'une action en responsabilité et indemnisation.

Par décision du 2 octobre 2008, le Tribunal de grande instance de Chaumont l'a débouté de l'intégralité de ses demandes et condamné aux entiers dépens.

M. Fontaine a formé appel par déclaration remise le 20 novembre 2008.

Par conclusions déposées le 12 mars 2009, il demande à la cour, au visa des articles 1147 du Code civil et L. 221-1 du Code de la consommation, de :

réformer le jugement,

le juger bien-fondé en ses demandes,

juger la société Le Strike entièrement responsable de l'accident dont il a été victime le 14 mai 2006 au sein de l'établissement exploité par cette société,

condamner solidairement la société Le Strike et sa compagnie d'assurances AGF à lui verser la somme de 5 600 euro à titre d'indemnité provisionnelle,

ordonner une mesure d'expertise médicale à confier au docteur Coudurier chargé de la mission qu'il propose en pages 7 à 9 de ses écritures,

le dispenser de la consignation dans la mesure où il bénéficie de l'aide juridictionnelle,

condamner solidairement la société Le Strike et la compagnie d'assurances AGF aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 3 avril 2009, la société Le Strike et la compagnie d'assurances AGF requièrent pour leur part la cour de :

constater que M. Fontaine ne rapporte pas la preuve formelle du caractère anormalement dangereux des installations de la société,

dire en tout état de cause que la preuve d'un lien de cause à effet entre ces installations et l'accident dont M. Fontaine a été victime n'est pas rapportée,

par conséquent,

débouter M. Fontaine de toutes ses demandes et confirmer le jugement,

condamner M. Fontaine à leur payer une somme de 1 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

le condamner aux entiers dépens.

La cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties à la décision déférée ainsi qu'aux écritures échangées en appel et visées plus haut.

DISCUSSION

Sur l'action en responsabilité de M. Fontaine

Attendu que M. Fontaine reprend son action en responsabilité en faisant valoir que la société Le Strike n'a pas satisfait à l'obligation de sécurité prévue à l'article L. 221-1 du Code de la consommation et ayant, pour ce professionnel, le caractère d'une obligation de moyens ;

qu'il lui fait plus précisément grief de ne pas avoir mis à la disposition des joueurs non professionnels qu'elle accueille une piste de bowling ayant une zone d'évolution exempte de tout risque ;

qu'il se prévaut à cet effet d'attestations qui, selon lui, démontrent que la zone d'approche de la piste était trop glissante ;

Attendu, s'agissant de l'obligation incombant à la société Le Strike, qu'il résulte de l'extrait du registre du commerce et des sociétés délivré le 18 mai 2006 (pièce numéro 1 de l'appelant) que la société Le Strike exerce une activité de bar, bowling, restauration, débit de boissons, jeux, spectacles, animations, locations de salles ;

qu'il n'est pas discuté qu'en application des dispositions de l'article L. 221-1 du Code de la consommation, ses services devaient, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par ce professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ;

Attendu, s'agissant des conditions normales d'utilisation d'une piste de bowling, qu'une piste de bowling est encadrée de deux goulottes ou gouttières, qu'elle est huilée pour la protéger, hors une zone juste avant les quilles que l'on dégraisse pour permettre à la boule de mieux accrocher, que la zone d'approche est celle où le joueur prend son élan (d'une longueur inférieure à 5 mètres), séparée de la piste elle-même (d'une longueur elle-même inférieure à 18 mètres) par une ligne de faute à ne pas franchir au risque de glissade et chute dues à l'huilage ;

Attendu, s'agissant des modalités d'exécution de l'obligation de sécurité incombant à la société Le Strike, que M. Fontaine, qui déclare dans ses écritures avoir déjà joué par le passé au bowling dans un cadre ludique et en connaître les règles et usages minimums, justifie s'être acquitté d'une droit d'entrée de 23 euro (ticket de carte bancaire du milieu de l'après-midi du 14 mai 2006 constituant la pièce 2 de ses communications) ;

qu'il ne démontre et ne prétend au demeurant pas que l'établissement a omis de mettre à sa disposition des chaussures spéciales destinées à éviter toute glissade intempestive sur la zone d'approche ;

qu'il maintient par contre que la zone d'approche sur laquelle les joueurs et lui-même ont évolué était particulièrement glissante ;

Mais attendu d'abord que les attestations qu'il communique ne permettent pas de caractériser avec certitude l'état anormal de la zone d'approche ;

qu'il convient en effet de relever que les déclarations écrites des membres et amis de sa famille sont contredites par celles des clients de l'établissement puisque :

- après s'être employée à décrire la piste sur laquelle M. Fontaine est tombé, Mme Eliane Pommier (sœur de la victime) a complété son premier témoignage écrit pour déclarer "l'aire de lancement était à ma connaissance anormalement glissante et moi-même j'ai glissé et failli tomber",

- M. Henri Pommier (beau-frère) indique seulement "c'était au tour de Sylvain de jouer, il a lancé sa boule et a glissé sur l'aire de lancement et a chuté (...) la préposée aux chaussures est venue nous dire, il faut le tirer de là il y a de l'huile il va se tacher (...).",

- Mlle Magali Pommier (nièce), énonce "tout le monde remarqua que la zone d'élancement glissé beaucoup. Plus d'une fois je fus déséquilibrée en glissant et manquant chaque fois de tomber",

- M. Romain Pommier a tout d'abord déclaré "au cours de la partie, Sylvain, mon oncle, a glissé et tombé sur la piste" avant d'écrire le 31 juillet 2006 "en complément de ma précédente attestation je déclare que l'aire de lancement était anormalement glissante",

- M. Cédric Vandaepel rapporte quant à lui "je me suis rendu compte que l'aire de lancement était très glissante, ce qui me valut d'ailleurs quelques frayeurs et je suis tombé lors d'un lancer sans gravité,

alors que

- M. Manuel Ferreira Da Silva atteste que M. Fontaine "était vraiment turbulent et déchaîné",

- M. Emmanuel Simonin relate que "(...) à un moment donné il a franchi la ligne de faute et s'est retrouvé sur la piste, alors qu'il y a des panneaux d'interdiction puisque cette dernière est huilée (...). C'est M. Fontaine qui par son attitude irresponsable est allé chuter sur cette partie interdite au public et signalée par des panneaux au sol. On peut penser qu'il n'avait pas toutes ses capacités de raisonnement pour être allé marcher sur la piste alors que c'est dangereux",

- M. Nicolas Hahn rapporte que "M. Fontaine est arrivé au bowling en faisant le pitre. Il a enjambé les barrières pour aller commander les boissons au lieu de faire le tour. Je lui ai signalé mais [il] n'en a pas tenu compte et a repris le même chemin pour repartir. Il a continué à se rendre intéressant sans tenir compte des consignes. Il est tombé en marchant sur les pistes de bowling, lesquelles étaient graissées de façon tout à fait normale. M. Fontaine étant la seule personne à être tombée ce jour-là" ;

Attendu ensuite qu'il convient de considérer que M. Fontaine, qui déclare lui-même en page 4 de ses écritures avoir remarqué que la zone d'approche était particulièrement glissante, s'est exposé au risque de glissade en marchant sur la piste huilée ;

qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Le Strike a présenté à ses clients une piste de bowling dont la zone d'approche était bien séparée de la piste elle-même et dont le caractère anormal n'est pas établi par M. Fontaine qui, surtout, n'a pas respecté les consignes de sécurité en pénétrant sur la zone interdite ;

que les dispositions du jugement déboutant M. Fontaine de ses demandes seront confirmées ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de ce texte ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Chaumont du 2 octobre 2008, Ajoutant, Déboute M. Fontaine de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Fontaine aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux lois sur l'aide juridictionnelle.