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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. civ. A, 13 septembre 2012, n° 11-02644

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chalmeton (SARL)

Défendeur :

Chardayre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mmes Hebrard, Michel

Avocats :

SCP Carrel, Pradier, Dibandjo, SCP Pericchi, Mes Pomies Richaud, Vajou, Barnier

TI Mende, du 19 mai 2011

19 mai 2011

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 27 mai 2011 la SARL Chalmeton a régulièrement relevé appel d'un jugement rendu le 19 mai 2011 par le Tribunal d'instance de Mende :

- ayant jugé qu'elle a manqué à son devoir de renseignement et à son obligation de conseil à l'égard de Monsieur Thierry Chardayre,

- ayant prononcé en conséquence la résolution du contrat conclu le 30 juillet 2010 avec M. Thierry Chardayre visant à la mise en place des menuiseries extérieures,

- lui ayant ordonné de payer l'acompte de 3 000 euro versé par Monsieur Thierry Chardayre et ordonné à ce dernier de mettre à sa disposition le matériel déjà livré,

- ayant rejeté sur ce point la demande d'astreinte présentée par Monsieur Thierry Chardayre et les prétentions indemnitaires des parties,

- enfin l'ayant condamnée aux dépens en ce compris les frais de constat d'huissier ainsi qu'à payer à Monsieur Thierry Chardayre la somme de 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 6 janvier 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l'appelante sollicite la cour de la déclarer recevable en son appel,

d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de débouter Monsieur Chardayre de toutes ses demandes, au visa des articles 1134 et 1583, 1142 et 1315 du Code civil, du devis du 30 septembre 2010 et de la facture du 9 novembre 2010, de le condamner au paiement de la somme de 8 179,05 euro outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 novembre 2010, de la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts et de celle de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans ses écritures en réplique signifiées le 6 janvier 2012 et déposées le 9 de ce même mois, auxquelles il est également explicitement renvoyé, Monsieur Thierry Chardayre conclut à :

- la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a :

* jugé que l'entreprise Chalmeton avait manqué à son devoir de renseignement et à son obligation de conseil à son égard,

* prononcé la résolution du contrat en date du 30 juillet 2010 conclu entre lui et la SARL Chalmeton,

* ordonné à la SARL Chalmeton de payer l'acompte de 3 000 euro par lui versé et lui a ordonné de mettre à disposition de la SARL Chalmeton le matériel déjà livré,

- sa réformation pour le surplus en faisant droit à son appel incident, en :

- condamnant la SARL Chalmeton à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel mais également de jouissance et moral,

- condamnant la SARL Chalmeton à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déboutant la SARL Chalmeton de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires et la condamnant au paiement des dépens en ceux compris le coût du constat d'huissier et de la notification.

SUR CE

La SARL Chalmeton critique le jugement déféré en ce que faisant application des dispositions combinées des articles 1184 et 1147 du Code civil, il a prononcé à ses torts, pour manquement à son devoir de renseignement et à son obligation de conseil, la résolution du contrat de vente et pose de menuiseries extérieures conclu le 30 juillet 2010 avec Monsieur Chardayre alors même qu'elle n'a pas failli à ses obligations, ayant fourni le catalogue du fabricant au client qui a, sur la base de cette documentation, arrêté son choix sur l'un des deux systèmes d'installation possibles de volets roulants, ayant au vu du devis signé et accepté par Monsieur Chardayre, transmis au maçon chargé de la construction de la maison les plans d'architecte annotés des réservations et dimensions destinées à recevoir les volets et fenêtres et ayant livré des menuiseries ainsi que des volets parfaitement conformes à la commande.

Le devis n° 01119/BC/2107 dressé le 30 juillet 2010 par la SARL Chalmeton et accepté le même jour avec versement d'un acompte de 3 000 euro, par Monsieur Thierry Chardayre porte commande notamment de menuiseries PVC modèle Résidence et de volets roulants en aluminium modèle Equinoxe.

Il n'est pas discuté que la fenêtre de la salle de bain commandée en oscillo-battant avec vitrage opaque a été livrée non équipée d'un tel vitrage, sans oscillo-battant, et que les fenêtres 2 vantaux dormant du garage sont livrées avec oscillo-battants sans que puisse être admise, soit une interversion en raison des différences de dimension des fenêtres, 600 x 850 pour la salle de bain et 1 000 x 1150 pour le garage, soit une modification apportée par le client postérieurement à la signature du devis, non rapportée en preuve par les seules annotations portées sur le devis non contresignées par Monsieur Chardayre. Les baies coulissantes ont été livrées sans leur cadre ou dormant.

La cour ne peut donc que constater une livraison non conforme à la commande.

Les menuiseries PVC livrées avec volets roulants incorporés puis ensuite facturés par la SARL Chalmeton sont certes conformes au devis ainsi que le soutient cette dernière société appelante.

Il n'en demeure pas moins que les dites menuiseries PVC ne peuvent être posées dans les ouvertures de la maison d'habitation de Monsieur Chardayre dès lors que celles-ci sont pourvues de coffres pour réservation de volets roulants.

Le plan de coupe de la maison d'habitation fait clairement apparaître dans le mur à 2,15 m de hauteur l'incorporation de coffres pour volets roulant.

Le devis a été signé le 30 juillet 2010 par Monsieur Chardayre. Tout juste dix jours plus tard, le 10 septembre 2010, "Les maçons de la Margeride" ont adressé à Monsieur Chardayre leur facture globale comportant plus particulièrement un poste "coffres volets roulants" attestant ainsi à cette date de la réalisation de tels coffres pour réservation de volets roulants.

La SARL Chalmeton prétend, sans en justifier d'ailleurs puisque la seule mention manuscrite "Remis au Maçon le 14 septembre 2010" émanant d'un scripteur non identifiable, ne peut valoir preuve, avoir remis au maçon les plans de réservations le 14 septembre 2010. A supposer que ces plans concernant l'un les seuils PVC et Aluminium, l'autre le Coulissant 2 Rails aient été remis - et Monsieur Didier Pascal exerçant sous l'enseigne "Les Maçons de la Margeride" atteste le 21 mars 2011 qu'il n'a jamais été destinataire d'un quelconque courrier de la SARL Chalmeton relativement aux coffres des volets roulants, force est de relever que cette remise a été en tout état de cause postérieure à la réalisation des coffres pour volets roulants.

Si ainsi qu'elle le soutient la SARL Chalmeton a été destinataire des plans d'architecte de la maison d'habitation Chardayre sur la base desquels elle aurait établi les réservations, alors elle n'a pu manquer de constater la présence sur plan de coffres pour volets roulants dans le bâti. De plus le représentant de la SARL Chalmeton lors de sa nécessaire venue sur le chantier, venue totalement déniée tant par le maître de l'ouvrage que par l'entreprise de maçonnerie sans que la contradiction soit avancée par l'appelante, se devait, dans l'hypothèse où les coffres n'étaient pas encore en place, de s'interroger sur le bâti au droit des ouvertures. Dès lors, la SARL Chalmeton qui vendait et posait les menuiseries - raison même du choix de cette entreprise par le maître de l'ouvrage - se devait d'informer Monsieur Chardayre de l'impossibilité de poser des menuiseries PVC avec volets roulants incorporés sans une modification préalable des plans, les coffres prévus empêchant la pose de menuiseries PVC livrées avec volets roulants incorporés sans modification.

Or, si la société appelante prétend qu'elle a déféré à son obligation d'information et de conseil et que le maître de l'ouvrage a, en connaissance de cause, fait le choix de menuiseries PVC livrées avec volets roulants incorporés, elle n'en rapporte pas la preuve. Il en est de même en ce qui concerne l'affirmation d'une modification de son choix initial par Monsieur Chardayre, à réception des menuiseries et à tout le moins postérieurement au devis.

Rien ne permet de corroborer les affirmations de l'appelante quant à la communication préalable avec délai de réflexion à Monsieur Chardayre, du catalogue "Made by Maugin collection 2010". Et en admettant même cette communication, force est de constater que le catalogue n'est pas des plus explicites pour un profane comme l'intimé. En effet s'il est évident que le coffre des "Volets VR3A" se trouve à l'extérieur de l'habitat et celui des "Volets Equinoxe" et des "Volets Caméléon" à l'intérieur, le maître de l'ouvrage profane peut valablement penser, si son attention n'est pas attirée spécialement par un professionnel, que, l'architecte ayant prévu à l'intérieur un coffre pour volets roulants, le coffre Equinoxe à l'intérieur de l'habitat , "(...) compatible avec tous les types de fenêtres Maugin, PVC ou Alu" pouvait s'adapter à son immeuble, au besoin par insertion dans le coffre prévu au plan.

Le seul fait que la SARL Chalmeton justifie qu'elle a proposé suivant devis du 22 novembre 2010 à un dénommé Bernard Roziere la pose de volets roulants dans un coffre maçonnerie fourni par le client, ne permet pas de dire qu'elle a formulé une proposition identique à Monsieur Chardayre, proposition que celui-ci aurait refusé en pleine connaissance de cause, préférant une menuiserie avec volet roulant intégré nécessitant une modification des ouvertures existantes résultant des plans initiaux, et ce, alors même que les devis des deux autres entreprises requises par l'intimé font bien état de fenêtres - coulissants et de volets roulants totalement indépendants.

Dès lors, la SARL Chalmeton, à laquelle il appartenait de se renseigner sur la finalité des travaux qu'elle avait acceptée et de s'assurer que le devis estimatif qu'elle établissait était en concordance avec les plans de la construction et l'état des lieux, ne rapporte pas la preuve qu'elle a rempli son obligation d'information et de conseil, conseil qui implique une incitation, une recommandation, une orientation de choix, une préconisation de la solution la plus adaptée aux besoins exprimés par le client, et qu'elle a attiré l'attention de Monsieur Chardayre sur l'inadaptation de la menuiserie avec volet roulant intégré choisie au regard de l'état des lieux et des ouvertures existantes ou du plan de construction ainsi que sur les modifications éventuelles à apporter pour parvenir à sa pose.

Le manquement à l'obligation de conseil précontractuelle est assimilable à une défaillance contractuelle de la SARL Chalmeton.

La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son obligation. Monsieur Chardayre est donc en droit contrairement aux conclusions de la SARL Chalmeton de demander la résolution du contrat avec dommages et intérêts.

Au regard du non-respect par elle de son obligation de délivrance et de son obligation de conseil, la faute de la SARL Chalmeton qui a des conséquences au final pour Monsieur Chardayre sur près de la moitié de la vente et à tout le moins un bon tiers si l'on suit les calculs de l'appelante qui exclue les coulissants, est suffisamment grave pour que soit prononcée la résolution du contrat conclu le 30 juillet 2010.

Le jugement entrepris mérite donc confirmation quant à un tel prononcé avec restitution par la SARL Chalmeton de l'acompte de 3 000 euro à Monsieur Chardayre et à ce dernier de la mise à disposition de la SARL Chalmeton du matériel déjà versé. De même la décision ne peut qu'être approuvée en ce qu'elle a débouté la SARL Chalmeton de ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de Monsieur Chardayre.

Par contre, il ne peut en être de même en ce qui concerne le rejet des prétentions indemnitaires de Monsieur Chardayre. Le chantier a indiscutablement pris du retard ne serait-ce que par une acquisition plus tardive du hors d'air de l'immeuble construit. Certains artisans, ils en attestent en février 2011, ont donc décalé leur intervention, pour la famille Chardayre intégrer les lieux plus tardivement.

L'action a été introduite par Monsieur Chardayre tout juste un mois après la livraison des menuiseries. Il ne peut lui être opposé une quelconque inertie.

Le mode de financement en lui-même de l'immeuble, au moyen d'un crédit, n'est quant à lui pas opposable à la SARL Chalmeton.

Certes Monsieur Chardayre ne démontre pas avoir été contraint d'exposer des frais de location du fait de la non-intégration de l'immeuble à la date prévue mais son préjudice né du retard apporté au chantier et à la prise de possession avec sa famille de son bien à la date prévue est réel et mérite indemnisation.

Au regard de ces éléments la SARL Chalmeton sera condamnée à payer à Monsieur Chardayre la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts.

Succombant en son appel la SARL Chalmeton supportera les entiers dépens d'appel en sus de ceux de première instance et participera équitablement aux frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur Chardayre en cause d'appel à hauteur de 1 000 euro, l'indemnité qui lui a été octroyée par le ti lui demeurant acquise.

Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, en matière civile, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a débouté Monsieur Thierry Chardayre de ses prétentions indemnitaires ; Statuant à nouveau de ce seul chef, Condamne la SARL Chalmeton à payer à Monsieur Thierry Chardayre la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne la SARL Chalmeton aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur Thierry Chardayre la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Accorde à la SCP Pomies-Richaud et Vajou le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.