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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 22 novembre 2012, n° 12-00469

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Durisotti (SAS), Selurl Depreux (ès qual.), Rouvroy (ès qual.)

Défendeur :

Sotrenep (SARL), Miquel (ès qual.), Gan Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Valay-Briere, Barbot

Avocats :

Mes Deleforge, Hermary, Levasseur, Meignie

T. com. Arras, du 10 nov. 2010

10 novembre 2010

La SAS Durisotti, constructeur et transformateur de véhicules, a commandé à la SARL Sotrenep des pièces permettant la transformation de véhicules de type Kangoo.

Se plaignant d'une fragilité et de cassures anormales des pièces commandées, la SAS Durisotti a sollicité et obtenu, par ordonnance de référé du 5 juillet 2006, la désignation d'un expert, Monsieur Scherpereel, afin de déterminer l'origine de ces défectuosités.

L'expert a déposé son rapport le 28 août 2008.

Sur la base des conclusions expertales, la SAS Durisotti a fait assigner la SARL Sotrenep par acte du 10 mars 2009, afin de voir engager sa responsabilité contractuelle, sur le fondement d'un défaut de conformité et d'un manquement à l'obligation de conseil.

Aux termes d'un jugement prononcé le 10 novembre 2010, le Tribunal de commerce d'Arras a :

Dit que la SARL Sotrenep n'avait pas engagé sa responsabilité au visa des articles 1147 et 1134 du Code civil,

Dit qu'elle n'avait commis aucune faute ni manquement notamment dans le cadre de son obligation de conseil vis-à-vis de sa cliente,

Débouté la SAS Durisotti de l'ensemble de ses demandes,

Condamné la SAS Durisotti à payer à la SARL Sotrenep une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais d'expertise.

La SAS Durisotti a interjeté appel de ladite décision suivant déclaration reçue au greffe le 10 décembre 2010.

La SARL Sotrenep a été placée en liquidation judiciaire le 18 janvier 2011, Maître Miquel étant désigné en qualité de liquidateur ; il a été assigné en reprise d'instance par acte d'huissier délivré le 31 mai 2011.

Selon assignation du 13 juillet 2011, l'assureur de la SARL Sotrenep, la SA Gan Assurances, a été assigné en intervention forcée par la SAS Durisotti.

L'affaire a été radiée du rôle par ordonnance du 11 janvier 2012, faute de reprise d'instance par les parties, consécutivement à la loi emportant suppression de la profession d'avoué à la cour ; elle a été de nouveau enrôlée le 26 janvier 2011.

La SARL Sotrenep et son liquidateur, Maître Miquel, ont constitué avocat par acte signifié le 23 janvier 2012, et la SAS Durisotti par acte du 26 janvier 2012.

La SAS Durisotti ayant elle-même été placée en redressement judiciaire le 30 mars 2012, la Selurl Depreux, ès qualités de mandataire judiciaire, et la SCP Rouvroy-Declercq, ès qualités d'administrateur judiciaire, sont intervenues volontairement à l'instance par conclusions de reprise d'instance signifiées le 9 mai 2012.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières écritures signifiées le 7 décembre 2011, la SAS Durisotti demande à voir :

infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

constater l'intervention volontaire de Maître Miquel ès qualités de liquidateur de la SARL Sotrenep,

dire recevable l'action directe en intervention forcée dirigée à l'encontre de la compagnie d'assurances le Gan, assureur de SARL Sotrenep,

fixer sa créance dans la liquidation judiciaire aux sommes suivantes :

142 912 euros au titre du préjudice financier,

250 000 euros au titre du préjudice commercial,

condamner le Gan à payer lesdites sommes au titre de son contrat,

rejeter les objections du Gan quant à l'application d'un éventuel plafond de garantie, inapplicable en l'espèce,

très subsidiairement, ordonner un complément d'expertise sur l'étendue du préjudice financier et commercial, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée par le précédent rapport d'expertise,

dire que les sommes porteront intérêts à compter de l'assignation,

condamner le Gan à lui payer 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

rejeter les demandes présentées par Maître Miquel et le Gan au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner le Gan aux dépens de première instance et d'appel.

La SAS Durisotti invoque une inexécution du contrat pour deux motifs :

- d'une part, une non-conformité des pièces à la commande. Elle soutient qu'elle avait expressément choisi un certain type de produit plastique, ainsi qu'en atteste le bon de commande du 19 juillet 2000, qui fait la loi des parties ; que pourtant, l'expertise a constaté la livraison de matériaux d'une nature différente à celle commandée.

- d'autre part, une non-conformité des pièces à l'usage. A ce titre, elle se fonde sur le rapport d'expertise et affirme que l'inadaptation du produit est de la responsabilité de la SARL Sotrenep en tant que fournisseur et professionnel, tenu d'une obligation de résultat ; que la SARL Sotrenep devait proposer un matériau dont les caractéristiques satisferaient son client, non professionnel dans la fabrication de pièces plastiques ; que la SARL Sotrenep, qui avait visité les lieux, était parfaitement informée de la destination des pièces à produire ; qu'elle ne peut prétendre qu'elle ignorait que ces pièces allaient être peintes, alors que cela résultait des préconisations techniques figurant au bon de commande et que, selon l'expert, il est connu que ce type de pièces doit être peint.

La SAS Durisotti demande par conséquent la résolution du contrat, ainsi que l'indemnisation de son préjudice.

Elle ajoute que le placement de la SARL Sotrenep en redressement judiciaire ne l'empêche pas d'agir directement à l'encontre de l'assureur, le Gan ; que ce dernier ne conteste pas sa garantie mais oppose, à tort un plafond de garantie inapplicable compte tenu des termes de la police.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées 24 janvier 2012, la SARL Sotrenep et son liquidateur, Maître Miquel, demandent à la cour de :

déclarer éteinte la créance de la SAS Durisotti à l'endroit de la SARL Sotrenep, en application des articles L. 622-26, L. 631-14 et L. 641-3 du Code de commerce,

la déclarer en toute hypothèse inopposable à la procédure collective,

déclarer irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes de la SAS Durisotti dirigées à l'encontre de la SARL Sotrenep,

la débouter de toutes ses demandes,

en toute hypothèse, dire que la SARL Sotrenep n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard de la SAS Durisotti en application des articles 1147 et 1134 du Code civil,

dire qu'elle n'a commis aucune faute, ni manquement, notamment dans le cadre de son obligation de conseil,

déclarer irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes de la SAS Durisotti dirigées à l'encontre de la SARL Sotrenep,

débouter la SAS Durisotti de toutes ses demandes,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

y ajoutant,

condamner la SAS Durisotti à payer à la SARL Sotrenep et à Maître Miquel une indemnité complémentaire en cause d'appel de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

la condamner à payer "à la concluante" une indemnité procédurale de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise.

La SARL Sotrenep et Maître Miquel font valoir que la SAS Durisotti n'a pas régulièrement déclaré sa créance et que sa demande en relevé de forclusion a été rejetée par le juge commissaire ; qu'il s'ensuit que sa créance est éteinte et, en toute hypothèse, inopposable à la procédure ; que la combinaison des articles L. 622-26 et L. 622-23 du Code de commerce interdit à la SAS Durisotti de poursuivre sa procédure devant la cour ; qu'en conséquence, toute action dirigée à l'encontre de la SARL Sotrenep et de son liquidateur est irrecevable.

Sur le fond, ils soutiennent que le tribunal a parfaitement analysé les faits de la cause et que le jugement doit donc être confirmé ; qu'en effet, la SAS Durisotti a la qualité de professionnel reconnu dans le domaine de la transformation de carrosserie automobile et disposait des connaissances suffisantes ; que pourtant informée de l'existence de deux types de produit ABS, elle n'a pas sollicité le type le plus résistant et le plus coûteux ; que le contrat de commande ne contient aucune précision quant à la nature du matériau choisi ; que la SAS Durisotti a conçu les pièces commandées et choisi le matériaux nécessaire à leur fabrication, imposant un cahier des charges, et devait installer ces pièces et les mettre en peinture ; qu'ainsi, son propre rôle était limité à la fabrication de pièces selon les prescriptions de la SAS Durisotti ; que selon l'expertise, les pièces fournies sont conformes à la commande, conformes aux échantillons initiaux, et conformes à l'usage auquel elles étaient destinées ; que si l'expert a estimé que la livraison n'avait pas été "totalement conforme", la livraison fournie s'est avérée finalement la plus adaptée ; que le choix d'un produit inadapté en terme de résistance et l'application d'une peinture inadaptée relèvent de la seule responsabilité de la SAS Durisotti, concepteur initial du cahier des charges ; que celle-ci n'a jamais indiqué que les pièces devraient être peintes et rien ne le laissait supposer, de sorte qu'aucune obligation d'information et de conseil n'incombait au fabricant en amont de la livraison ; que de surcroît, la SAS Durisotti, professionnel de la carrosserie automobile, connaissait les caractéristiques du matériau commandé et ses inconvénients ; qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une non-conformité en relation causale avec son préjudice.

Subsidiairement, la SARL Sotrenep et Maître Miquel contestent le rapport d'expertise sur l'évaluation des préjudices, faute d'examen de la totalité des véhicules concernés et de réponse aux dires soulevés. Ils soutiennent que le préjudice matériel invoqué par la société Durisotti est purement hypothétique et non justifié, à l'instar du préjudice commercial qui n'est établi ni dans son principe, ni dans son quantum ; qu'en toute hypothèse, une part importante du préjudice doit être mise à la charge de la SAS Durisotti.

Par conclusions signifiées le 30 décembre 2011, la SA Gan Assurances (le Gan) prie la cour de :

déclarer irrecevables, en tout cas mal fondées, les demandes présentées par la SAS Durisotti à son encontre,

constater que la responsabilité de la SARL Sotrenep n'est pas engagée à l'occasion du présent litige, au vu du contrat RC n° 031270312,

en toute hypothèse, débouter la SAS Durisotti de ses demandes au titre d'un préjudice matériel et d'un préjudice commercial,

subsidiairement, si une part de responsabilité était mise à la charge de la SARL Sotrenep, dire qu'elle ne saurait intervenir que dans les limites du contrat souscrit par SARL Sotrenep et FACAM auprès d'elle, avec toutes conséquences de droit,

condamner la SAS Durisotti à lui payer une indemnité procédurale de 2 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Le Gan soutient que faute de déclaration de sa créance par la SAS Durisotti et compte tenu du rejet de sa demande de relevé de forclusion, toute action à l'encontre de l'assureur responsabilité civile est vouée à l'échec ; qu'en toute hypothèse, les garanties contractuelles de l'assureur ne peuvent être mobilisées dès lors que la responsabilité de la SARL Sotrenep n'est pas engagée.

Sur ce point et s'agissant des préjudices allégués, le Gan reprend l'argumentation développée par la SARL Sotrenep et son liquidateur.

A titre subsidiaire, concernant sa garantie, le Gan indique que deux polices d'assurance sont en cause : la police souscrite par la FACAM, et la police souscrite par la SARL Sotrenep ; que compte tenu de la nature des activités déclarées au premier de ces contrats, seule la seconde est susceptible d'application ; qu'en vertu de ce contrat, la garantie est plafonnée avec une franchise ; que subsidiairement, une franchise de 10 %, avec un minimum et un maximum sont applicables ; qu'en toute hypothèse, la police d'assurance contient une clause d'exclusion après mise en circulation des produits ou après achèvement des travaux.

Par conclusions signifiées le 9 mai 2012, la Selurl Depreux, ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Durisotti, et la SCP Eric Rouvroy et Gilbert Declercq, ès qualités d'administrateur de la SAS Durisotti, demandent qu'il soit statué ce que de droit sur les demandes présentées par cette dernière.

SUR CE,

Sur la responsabilité de la SARL Sotrenep à l'égard de la SAS Durisotti :

Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise dressé par Monsieur Scherpereel le 28 août 2008 que la SAS Durisotti procède, dans le cadre de ses activités, à la transformation de véhicules, dont des Renault type Kangoo, qu'elle modifie de fourgon en pick-up ; que pour les besoins de cette construction, elle procède à la pose de revêtements en matériau plastique dénommé dit "ABS" sur diverses parties de la structure arrière qu'elle transforme ; que pour satisfaire ses besoins, elle dispose du choix entre deux types d'ABS : l'ABS pur, ou l'ABS industriel dit "régénéré" ;

Attendu que selon les pièces versées aux débats, il apparaît que dans le cadre des négociations qui ont précédé le contrat cadre conclu le 19 juillet 2000, la SARL Sotrenep, société spécialisée dans la fabrication de pièces plastiques, a proposé à la SAS Durisotti, suivant offre du 5 juin 2000, deux versions à réaliser dans ces deux matériaux différents qu'elle a pour sa part respectivement qualifiés de "matière Koblend" pour désigner l'ABS recyclé, et "ABS standard" pour évoquer l'ABS pur ;

Que selon la seule copie de ce contrat cadre produite par la SAS Durisotti (pièce n° 3) et non critiquée par la SARL Sotrenep, son liquidateur, ou encore Le Gan, la SAS Durisotti a demandé la fourniture de pièces en ABS, en biffant la colonne relative au Koblend ; qu'en outre, lors de la passation de sa 1ère commande, le 8 décembre 2000, la SAS Durisotti a indiqué que l'ensemble des pièces à réaliser le soient en "ABS" ;

Que compte tenu des vocables employés par les parties dans le cadre des pourparlers qui ont précédé la signature du contrat cadre, la cour estime, à l'inverse de l'expert qui considère que le contrat est silencieux sur ce point, qu'il ressort des documents contractuels ci-dessus examinés que la SAS Durisotti a clairement spécifié qu'elle faisait choix d'un ABS pur, et non d'un "ABS régénéré" ; qu'en effet, ces dernier termes n'ayant jamais été employés par la SARL Sotrenep, la société Durisotti aurait utilisé le mot Koblend utilisé par le fabricant si elle avait entendu choisir ce type de matériau ;

Qu'il s'en déduit que la SARL Sotrenep aurait dû livrer l'ensemble des pièces fournies par elle fabriquées en ABS pur ;

Or, attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que parmi les pièces fournies par la SARL Sotrenep, cloisons et hayons ne sont pas fabriqués dans la même matière : la matière des cloisons est en ABS pur, à l'inverse des hayons ;

Que toutefois, l'expert, qui a eu recours à un sapiteur sur ce point, expose que compte tenu de leur destination, les pièces non conformes en Koblend se sont en pratique révélées mieux adaptées au type de construction en cause, compte tenu de la souplesse et de la meilleure aptitude au vieillissement de ce matériau ;

Qu'ainsi, le défaut de conformité imputable à la SARL Sotrenep n'a entraîné aucun préjudice, l'expert allant d'ailleurs jusqu'à regretter que cette non-conformité n'ait pas été étendue à la totalité de la fourniture (page 13 du rapport) ;

Attendu toutefois que l'expert expose que les désordres constatés - des fissures importantes dans les pièces fabriquées - ont une double origine :

- un choix inadapté du produit commandé - soit l'ABS pur - en terme de résistance aux chocs et de maintien durable de sa souplesse, condition indispensable compte tenu de son utilisation sur un véhicule par nature soumis à des efforts mécaniques divers,

- et l'application par la SAS Durisotti d'un type de peinture inadapté se comportant comme un déclencheur du phénomène de fissuration et n'offrant qu'une piètre protection contre le vieillissement ;

Que l'expert indique que ces facteurs, en s'additionnant, ont conduit aux désordres constatés ;

Que dès lors, se pose la question d'un éventuel manquement de la SARL Sotrenep à son obligation d'information et de conseil à ces deux égards ;

Que s'agissant du choix inadapté de l'ABS pur, la cour estime qu'en sa qualité de spécialiste en carrosserie qui a elle-même conçu et posé les pièces à fabriquer, la SAS Durisotti devait savoir, tel que l'explique l'expert, en page 11 de son rapport, qu'eu égard aux efforts divers et variés de déformations auxquels est normalement soumise une carrosserie automobile, la greffe d'une structure composite (en plastique) sur une structure métallique partielle, requiert l'utilisation d'un matériau souple ; que dès lors, en sa qualité de professionnel averti en ce domaine, elle ne saurait faire peser sur son cocontractant son erreur dans le choix du matériau ABS pur, inadapté à l'utilisation qu'elle voulait en faire ;

Qu'en revanche, la SAS Durisotti n'est pas spécialisée dans les matériaux plastiques eux-mêmes et ne dispose d'aucune compétence particulière en ce domaine particulièrement technique, à telle enseigne que c'est la SARL Sotrenep qui l'a informée de l'existence de deux types de matériaux dans le cadre des négociations précontractuelles ; que l'analyse de la cour est confortée par l'avis de l'expert qui énonce (page 14) que seul le fabricant pouvait connaître la nature exacte du produit livré et donc émettre les consignes spécifiques y afférentes ;

Qu'à cet égard, l'expert rappelle justement, en page 13 de son rapport, que la fiche technique relative aux deux matériaux proposés par la SARL Sotrenep met clairement en évidence et en garde quant à la typologie de peinture à utiliser, laquelle est fondamentalement différente selon la nature du produit utilisé ;

Qu'au surplus, la cour observe encore qu'en page 2 de son offre du 5 juin 2000, la SARL Sotrenep précise que "la teinte convenue est un gris passe-partout grainé à peindre (prévoir un léger ponçage sur la contre-dépouille des deux feux arrières avant peinture) (...)" ; qu'ainsi, cette société apparaît mal fondée à soutenir qu'elle n'était pas informée de la mise en peinture future de ces pièces, et qu'aucun élément ne lui permettait de présupposer que ces pièces seraient peintes ;

Qu'en tout état de cause, même à supposer que la mise en peinture de ces pièces par la SAS Durisotti n'ait jamais été évoquée dans le cadre des échanges précontractuels, il apparaît néanmoins que la SARL Sotrenep, qui a effectué une visite sur le site de la SAS Durisotti avant d'émettre son offre, connaissait parfaitement le domaine d'activité de la SAS Durisotti, à savoir la transformation de véhicules automobiles, et l'expert indique clairement qu'il est parfaitement courant et connu que dans le domaine de l'automobile, le type de pièces fabriquées et livrées par la SARL Sotrenep fera toujours l'objet d'une application de peinture ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SARL Sotrenep aurait dû attirer l'attention et mettre en garde son cocontractant, la SAS Durisotti, profane en la matière, sur la différence de peinture à appliquer en fonction du matériau plastique choisi par cette dernière ; que la SARL Sotrenep, qui conteste un quelconque devoir d'information sur ce point, n'allègue ni ne justifie avoir rempli ses obligations à cet égard ;

Que la responsabilité contractuelle de la SARL Sotrenep se trouve donc engagée sur ce fondement, le jugement entrepris devant dès lors être infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu cependant que l'expertise ayant mis en évidence qu'une partie des désordres avait pour origine une faute imputable à la SAS Durisotti elle-même quant au choix du matériau par elle commandé, la cour estime, au regard des éléments dont elle dispose, que le manquement commis par la SARL Sotrenep a contribué pour moitié aux désordres allégués ;

Sur le montant des dommages et intérêts à allouer à la SAS Durisotti :

Attendu qu'il résulte des conclusions expertales que les désordres ont contraint la SAS Durisotti à réparer certains véhicules, soit par la réalisation d'une coiffe en polyester collée sur les pièces défectueuses, soit, lorsque les produits étaient trop endommagés, par leur dépose et leur remplacement par un kit polyester complet ;

Que cependant, devant l'expert, la SAS Durisotti n'a justifié que du coût de remise en état de 78 véhicules sur les 187 véhicules concernés par les transformations ; que devant la cour, elle n'a pas complété ni offert de compléter ses pièces sur ce point, mais, au vu du quantum de la réparation sollicité de ce chef, il apparaît qu'elle limite ses prétentions à ces seuls véhicules, à l'exclusion des 109 autres véhicules potentiellement affectés par des désordres ;

Que l'évaluation de ce poste de préjudice par l'expert, à hauteur de la somme de 142 912,85 euros, porte uniquement sur les 78 véhicules ayant fait l'objet de réclamation de la part des clients de la SAS Durisotti et réparés par celle-ci, et cette évaluation a été opérée sur la base des justificatifs produits par la SAS Durisotti ;

Que la SARL Sotrenep, son liquidateur et son assureur ne précisent pas en quoi l'estimation de l'expert serait erronée ;

Que dès lors, c'est à tort que la SARL Sotrenep, son liquidateur, Maître Miquel, et le Gan soutiennent que le préjudice de la SAS Durisotti ne serait qu'hypothétique ;

Qu'au vu des éléments dont elle dispose, la cour estime donc que le préjudice matériel subi par la SAS Durisotti s'élève à la somme totale de 142 912,85 euros ;

Attendu en revanche que la SAS Durisotti n'explicite aucunement le préjudice commercial dont elle aurait été victime, ni ne produit la moindre pièce de nature à étayer ce préjudice ; qu'il conviendra donc de rejeter ses prétentions à ce titre ;

Qu'ainsi donc, en définitive, seul un préjudice matériel est démontré, et après application de la part de responsabilité incombant à la SARL Sotrenep, ce poste de préjudice doit être réparé à hauteur de la somme 71 456,43 euros ;

Sur l'effet de l'absence de déclaration de sa créance dans les délais par la SAS Durisotti :

Attendu que la procédure collective à l'encontre de la SARL Sotrenep a été ouverte en 2011 ;

Attendu qu'en vertu de l'article L. 622-24 du Code de commerce, les créances doivent être déclarées à la procédure collective dans le délai prévu par l'article R. 622-24 du même Code ; qu'en l'espèce, la société Durisotti ne conteste pas avoir déclaré tardivement sa créance à la procédure collective ouverte à l'endroit de la société Sotrenep (cf. page 7 de ses écritures), par déclaration reçue le 21 mars 2011 ; que si la société Sotrenep, son liquidateur, Maître Miquel, et son assureur, le Gan, soutiennent, sans produire la décision dont s'agit, que le juge commissaire a rejeté sa demande en relevé de forclusion par ordonnance rendue le 12 août 2011, force est néanmoins de souligner que la société Durisotti n'allègue ni ne démontre avoir été relevée de la forclusion instituée par l'article L. 622-26 du Code de commerce ;

Qu'en application de l'alinéa 2 de l'article L. 622-24, les créances non déclarées régulièrement dans les délais légaux ne sont plus éteintes comme sous l'empire de la législation antérieure, mais inopposables au débiteur, ainsi qu'à certains garants personnes physiques visés par ce texte ;

Qu'il résulte donc de ces dispositions que la créance de la SAS Durisotti doit être déclarée inopposable à la procédure collective ouverte à l'encontre de la SARL Sotrenep ;

Qu'à l'inverse, il convient de rappeler que l'action directe dont dispose la victime d'un dommage à l'encontre de l'assureur du responsable, en vertu de l'article L. 124-3 du Code des assurances, fait naître au profit de la victime un droit à indemnité sur lequel celle-là dispose d'un droit propre et exclusif ; qu'ainsi, son action directe ne pouvant ni nuire ni profiter à l'ensemble des créanciers, la victime n'a pas à déclarer sa créance d'indemnité à la procédure collective ouverte à l'encontre de l'assuré ; qu'au surplus, la rédaction de l'article L. 622-26 sus rappelé limite la règle de l'inopposabilité à certains garants du débiteur au nombre desquels ne figure pas l'assureur ;

Que dès lors, l'action directe de la SAS Durisotti à l'encontre de l'assureur de la SARL Sotrenep peut être exercée en dépit de l'absence de déclaration de créance à la procédure collective de cette dernière ;

Attendu que l'action directe de la victime contre l'assureur ne peut s'exercer que dans les limites de la convention passée entre ce dernier et son assuré, l'auteur du dommage ; que l'assureur peut dès lors opposer à la victime le plafond de garantie contractuellement prévu ;

Attendu qu'en l'espèce, la SAS Durisotti ne conteste pas que, tel que soutenu par le Gan, la police applicable soit la police des Entreprises Industrielles et Commerciales n° 031270312 souscrite par la FACAM ;

Que l'existence d'un plafond de garantie concernant les frais de pose et de dépose des produits fabriqués, est non seulement reconnue par la SAS Durisotti, mais elle ressort en outre clairement des conditions produites par le Gan ;

Qu'ainsi, selon les conditions particulières de la police fixant le montant des garanties (page 2), les frais de dépose et de repose sont couverts à hauteur de "40 000 euros par sinistre et par imputation sur le montant assuré en (e) ci-dessus, avec un maximum de 80 000 euros par année d'assurance quel que soit le nombre de sinistre" avec une franchise de 1 150 euros - le (e) visant les dommages corporels, matériels et immatériels couverts dans la limite de 3 050 000 euros par année d'assurance ;

Que tel que l'écrit le Gan dans ses conclusions, ces plafonds doivent être revalorisés selon "l'indice général des taux de salaires horaires au temps, toutes activités France entière publié par l'INSEE" visé à l'article 10 des conditions générales B880, compte tenu d'un indice de souscription à 422,12 et d'un indice d'échéance à 436,02, d'où le Gan arrive à une variation de 1 033 ; qu'en conséquence, en appliquant cette variation, les plafonds de garanties applicables au présent cas d'espèce s'élèvent à 41 320 euros par sinistre, et à 82 640 euros par année d'assurance, avec une franchise de 1 202,90 euros ;

Que toutefois, pour y échapper, la SAS Durisotti excipe de ce que ces frais de dépose et de repose ne s'entendent que de l'opération matérielle consistant à déposer le produit défectueux pour le remplacer par un autre, et n'englobent pas la fabrication des nouvelles coques, le rapatriement des véhicules et toutes les interventions annexes ;

Que cependant, alors qu'elle est censée disposer des justificatifs correspondants, la SAS Durisotti ne fournit à la cour aucune indication sur le montant des préjudice autres que ceux liés à la pose et à la dépose du matériel défectueux qu'elle aurait pu subir ; qu'une mesure d'expertise ne saurait être ordonnée pour suppléer sa carence sur ce point;

Qu'en tout état de cause, les conditions spéciales applicables en l'espèce contiennent une clause d'exclusion au titre IV intitulé "Exclusions", article 5-3 "En ce qui concerne les garanties responsabilité civile après mise en circulation des produits ou après achèvement des travaux", stipulant en caractères gras très apparents, qu'est exclu de la garantie :

B) le coût représenté par :

- le remplacement, le remboursement, en tout ou partie, la remise en état ou la reconstruction, la rectification, le perfectionnement des produits, ouvrages ou travaux, livrés ou exécutés par l'assuré ou par ses sous-traitants, ainsi que le coût des frais annexes pouvant s'y rapporter, tels que les frais de transport nécessités par le rapatriement ou la réexpédition des produits, les frais de dépose et de pose.

Demeurent toutefois garantis, dans la limite des sommes spécialement fixées dans les conditions particulières, les frais de dépose et de repose des seuls produits atteints d'un défaut ayant été à l'origine de dommages corporels ou matériels ou se manifestant par leur propre destruction ou détérioration (...).

Que la SAS Durisotti et son mandataire ne remettent pas en cause la validité de cette clause, ni n'en discutent la portée ;

Qu'ainsi donc, en application de cette stipulation claire et précise, la SAS Durisotti ne peut obtenir remboursement de frais autres que ceux afférents à la pose et à la dépose des produits défectueux livrés par la SARL Sotrenep - frais dont elle ne justifie pas, tel que relevé ci-dessus ;

Que la SAS Durisotti et son mandataire ne formulent aucune observation en ce que le Gan applique le plafond prévu pour un seul sinistre ; que le Gan ne soutient pas que le montant du préjudice effectivement subi par la SAS Durisotti au titre des frais de dépose et de repose serait inférieur à ce plafond de garantie ; qu'en conséquence, il échet de faire application dudit plafond en condamnant l'assureur au paiement de la somme de 41 320 euros, dont à déduire la franchise - laquelle est absolue, en vertu de la définition qu'en donnent les conditions spéciales, Titre I, article 1-11) - de 1 202,90 euros, soit la somme totale de 40 117,10 euros ;

Que la SAS Durisotti demande que cette somme produise intérêts à compter de l'assignation, sans critique du Gan sur ce point ; que si cette demande apparaît fondée en droit, en application de l'article 1153 du Code civil, en revanche, faute de précision de la SAS Durisotti quant à l'acte précisément visé par elle, la cour considère qu'il ne peut s'agir que de l'assignation de l'assureur devant la cour par laquelle la SAS Durisotti a, pour la première fois, sollicité la condamnation du Gan, soit le 13 juillet 2011 ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu que la SAS Durisotti triomphant pour l'essentiel en son recours, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge du Gan qui succombe ; que sera également allouée à la SAS Durisotti une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'à l'inverse, la SARL Sotrenep, représentée par son liquidateur Maître Miquel, ainsi que LE Gan, seront déboutés de leurs propres demandes d'indemnité procédurale ;

Par ces motifs : LA COUR, - Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Statuant de nouveau, par voie de réformation, - Déclare la SARL Sotrenep responsable envers la SAS Durisotti d' un manquement à son obligation de renseignement et de conseil et Dit que cette faute a contribué pour moitié aux dommages subis par la SAS Durisotti ; - Déboute la SAS Durisotti de sa demande en réparation d'un préjudice commercial en lien avec cette faute ; - Dit que le montant de l'indemnisation due à la SAS Durisotti en réparation de son préjudice matériel s'élève à la somme de 71 456,43 euros ; - Déclare la créance de la SAS Durisotti inopposable à la procédure collective ouverte à l'encontre de la SARL Sotrenep ; - Déclare recevable l'action directe formée par la SAS Durisotti à l'encontre de la SA Gan Assurances, assureur de la SARL Sotrenep ; - Déboute la SAS Durisotti de sa demande subsidiaire d'expertise ; - Condamne La SA Gan Assurances à payer à la SAS Durisotti la somme de 40 117,10 euros, en réparation de son préjudice matériel, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2011 ; - Condamne la SA Gan Assurances à payer à la SAS Durisotti la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Déboute Maître Miquel, ès qualités de liquidateur de la SARL Sotrenep, ainsi que la SA Gan Assurances de leurs demandes respectives présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne la SA Gan Assurances aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les honoraires d'expertise de Monsieur Scherpereel.