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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 19 septembre 2012, n° 10-23404

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Switchback (SARL), Philippot (ès qual.), Brouard (ès qual.)

Défendeur :

France Telecom (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mmes Saint-Schroeder, Luc

Avocats :

SCP Duboscq-Pellerin, Mes Teytaud, Iteanu, Auckenthaler

T. com. Paris, du 25 nov. 2010

25 novembre 2010

La cour est saisie de l'appel déclaré le 3 décembre 2010 par la société à responsabilité limitée Switchback du jugement rendu le 25 novembre 2010 par le Tribunal de commerce de Paris.

Créée en 1996, la société Switchback a pour activité des prestations de services en télécommunications. Elle commercialise des cartes de téléphones prépayées.

La société France Télécom commercialise des minutes téléphoniques internationales qu'elle achète en gros auprès des opérateurs français et internationaux et qu'elle revend sur le marché concurrentiel de l'acheminement du trafic voix de la France vers l'international.

Le 23 février 2004, les parties ont conclu un contrat pour l'accès direct aux commutateurs internationaux de France Télécom qui prévoyait également une limite de crédit par France Télécom de 200 000 euro HT pour l'achat de services par la société Switchback.

Le 11 septembre 2009,Switchback a assigné France Télécom en indiquant que cette dernière avait modifié de façon unilatérale et brutale la limite de crédit qui lui était accordée et qu'elle avait suspendu et interrompu le service de façon abusive, sans respect du contrat.

Le 25 novembre 2010, aux termes du jugement dont appel le Tribunal de commerce de Paris a :

-débouté la société à responsabilité limitée Switchback de la totalité de ses demandes,

-condamné la société à responsabilité limitée Switchback à payer à la société anonyme France Télécom la somme de 592 973,87 euro TTC, outre les intérêts égaux à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du 1er octobre 2009 ainsi que la somme de 6 458,40 euro TTC, outre les intérêts égaux à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du 12 février 2010,

-condamné la société à responsabilité limitée Switchback à payer à la société anonyme France Télécom la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,-

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné la société à responsabilité limitée Switchback aux entiers dépens.

Le 22 avril 2011, le président du Tribunal de commerce de Paris a décidé par application de l'article L. 611-1 du Code de commerce, l'ouverture d'une procédure de conciliation en vue d'une négociation sur la créance de France Télécom. Cette procédure a échoué.

Le 30 mai 2011, la société Switchback a effectué une déclaration de cessation des paiements.

Le 7 juin 2011, par ordonnance sur incident, le magistrat en charge de la mise en état a débouté la société France Télécom de sa demande de radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 526 du Code de procédure civile.

Par leurs conclusions signifiées le 28 février 2012, Maître Gérard Philippot en qualité d'administrateur judiciaire de la société Switchback, Maître Xavier Brouard en qualité de mandataire judiciaire de la société Switchback et la société à responsabilité limitée Switchback demandent à la cour de :

à titre liminaire :

vu les articles 328 à 330 du Code de procédure civile

-donner acte à Maitre Gérard Philippot de son intervention volontaire es qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance de la société Switchback, en vertu d'un jugement rendu le 30 juin 2011 par le Tribunal de commerce de Paris,

-donner acte à Maître Xavier Brouard de son intervention volontaire es qualité de mandataire judiciaire de la société Switchback, en vertu d'un jugement rendu le 30 juin 2011 par le Tribunal de commerce de Paris,

sur le fond :

vu l'article 1134 du Code civil :

-infirmer le jugement,

statuant à nouveau

-dire que la société France Télécom a méconnu les dispositions contractuelles relatives à la clause de confidentialité,

-dire que la société France Télécom n'a pas exécuté loyalement le contrat conclu le 23 février 2004 avec la société Switchback et n'a pas respecté l'application du taux d'intérêt de retard convenu au contrat pour l'accès direct à ses commutateurs internationaux,

-dire que la société France Télécom a rompu abusivement le contrat du 23 février 2004 pour l'accès direct à ses commutateurs internationaux,

en conséquence :

-prononcer la résiliation du contrat pour l'accès direct aux commutateurs internationaux de France Télécom du 23 février 2004 aux torts exclusifs de la société France Télécom,

-condamner la société France Télécom à réparer le préjudice subi par elle par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 1 650 000 euro sauf à parfaire,

-condamner France Télécom à émettre un avoir pour les factures d'intérêts de retard des 6 août et 10 septembre 2009 et de ré-émettre une facture avec un taux de 1,5 fois le taux d'intérêt légal,

-ordonner la compensation des sommes dues par la société Switchback à la société France Télécom au titre de l'exécution du contrat jusqu'à sa résiliation aux torts exclusifs de cette dernière, après prise en compte des intérêts de retard modifiés en respect du taux contractuellement prévu, avec les dommages et intérêts prononcés à l'encontre de la société France Télécom,

à titre subsidiaire, si la cour considérait que la société France Télécom n'avait pas commis une rupture abusive en méconnaissance des dispositions contractuelles,

vu l'article L. 442-6 du Code de commerce :

-dire que la société France Télécom a rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Switchback,

en conséquence :

-condamner la société France Télécom à réparer le préjudice subi par la société Switchback par l'allocation à cette dernière de dommages et intérêts à hauteur de 1 650 000 euro sauf à parfaire,

-ordonner la compensation des sommes dues par la société Switchback à la société France Télécom au titre de l'exécution du contrat jusqu'à la rupture brutale par la société France Télécom des relations commerciales établies, avec les dommages et intérêts prononcés à l'encontre de la société France Télécom,

en tout état de cause :

-débouter la société France Télécom de l'intégralité de ses demandes,

-condamner la société France Télécom à payer à la société Switchback la somme de 8 500euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner la société France Télécom aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions signifiées le 23 mars 2012, la société anonyme France Télécom demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a :

*débouté Switchback de l'intégralité de ses demandes,

*à titre reconventionnel, condamné Switchback au paiement d'une somme de 592 973,87euro TTC avec intérêts à 3 fois le taux légal à compter du 1er octobre 2009,

*condamné la société Switchback à lui payer la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

*condamné la société Switchback aux entiers dépens,

y ajoutant :

-condamner la société Switchback au paiement d'une somme complémentaire de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner la société Switchback aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

Sur ce

Considérant que Maître Gérard Philippot en qualité d'administrateur judiciaire de la société Switchback, Maître Xavier Brouard en qualité de mandataire judiciaire de la société Switchback et la société à responsabilité limitée Switchback, visant les articles 1134 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce, soutiennent que :

-France Télécom a engagé sa responsabilité contractuelle en ne respectant pas les dispositions du contrat et en le rompant abusivement, par application de l'article 1134 du Code civil,

-l'inobservation de la clause de confidentialité prévue à l'article 10 du contrat par la société France Télécom, qui a mis en copies à des tiers des courriers électroniques destinés à la société Switchback, a porté atteinte à l'image de marque de cette dernière,

-France Télécom, alors que le contrat signé en 2004 prévoit un taux de 1,5 fois le taux d'intérêt légal, a fait application d'un taux d'intérêt de retard rétroactif de 3 fois le taux d'intérêt légal,

-France Télécom a unilatéralement remis en cause l'encours ; alors qu'elle avait accepté de le faire évoluer au cours du temps et l'avait finalement accordé pour 500 000 euro et même 750 000 euro en pratique, France Télécom s'est brusquement rétractée sans préavis en demandant la réduction de l'encours à 300 000 euro,

-France Télécom a brutalement suspendu l'intégralité du service fourni le 14 août 2008 sans avoir envoyé préalablement de lettre de mise en demeure à la société Switchback, violant ainsi les dispositions de l'article 22.2.2 du contrat,

-France Télécom n'a pas non plus respecté l'article 7.4 du contrat qui prévoit la possibilité de suspension des services uniquement en cas de dépassement de la limite de crédit ; en effet à la date du 14 août 2009 la société Switchback ne dépassait pas l'encours accordé par France Télécom et réduit à 300 000 euro la semaine précédente, puisqu'elle était uniquement redevable de la somme de 246 717,08 euro correspondant à la facture de juin 2009,

-France Télécom faisant preuve de mauvaise foi et de déloyauté, a abusivement rompu le contrat la liant à la société Switchback en la privant sans préavis de ses ressources et en l'excluant ainsi du marché des télécommunications,

-la société Switchback a subi un préjudice qui doit être estimé à 1 650 000 euro, soit 650 000 euro au titre des pertes, 750 000 euro au titre du manque à gagner et 250 000 euro au titre de la perte d'image ; elle a été contrainte, après la coupure par France Télécom, face aux plaintes des clients, d'émettre un nombre important d'avoir pour tenter d'apaiser les tensions ; elle a subi une perte de son chiffre d'affaires et a constaté un prévisionnel négatif de son résultat d'exploitation en 2010 ; la suspension brutale des services et l'atteinte à la confidentialité ont mis à mal son image de marque à l'égard de ses clients et de ses collaborateurs,

-France Télécom a engagé sa responsabilité en rompant brutalement les relations commerciales établies entretenues avec la société Switchback par application de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

-le contrat conclu le 23 février 2004 a été exécuté sans difficulté pendant plus de 6 ans ; les encours avaient atteint 700 000 euro en juillet 2008 ; France Télécom fournissait 90 % des minutes revendues à la société Switchback ; durant des années France Télécom a donc permis à la société Switchback de disposer d'encours importants et ainsi de fournir les minutes de télécommunication correspondantes à sa clientèle ; en réduisant le plafond d'encours, alors que rien ne justifiait un tel retournement, France Télécom a modifié unilatéralement et substantiellement les conditions du contrat ; les relations commerciales existantes ont donc été rompues sans préavis ;

Considérant que la société anonyme France Télécom réplique que :

-le 14 août 2004, au vu du dépassement de la limite de crédit, elle a par notification écrite préalable et conformément aux termes de l'article 7.4 du contrat, indiqué qu'elle suspendrait le service le soir même ; en effet la limite de crédit correspondant à la consommation en cours à cette date était à plus de 560 000 euro correspondant à la facture impayée de juin pour 246 717,08 euro, les consommations de juillet pour 214 291,55 euro et celles des 14 premiers jours d'août pour 111 922,77 euro ;

-elle était régulièrement confrontée aux retards de paiement de Switchback et elle a en vain sollicité la tenue d'une réunion avec Switchback avant de prendre la décision de suspendre le service ;

-elle n'a envoyé en copie à un salarié de Switchback que les comptes de la société qui constituent une information publique non confidentielle par laquelle elle a répondu à un courriel de M. Barbe, gérant de Switchback, qui lui-même avait mis son salarié M. Guerbe en copie, en agissant pareillement ;

-le contrat d'accès du 23 février 2004 est un contrat cadre qui ne prévoit pas de quantité de consommations ni d'échéancier des prestations de la part de Switchback ; ce contrat fixe seulement le prix et les caractéristiques d'un service et chaque vente de services se forme lorsque Switchback utilise ce service ; elle a donc appliqué à bon droit le taux de 3 fois le taux de l'intérêt légal aux impayés de Switchback par application des dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce ; en effet le paiement des consommations postérieures au 1er janvier 2009 doit respecter les délais de paiement et pénalités de retard fixés par la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 ce dont Switchback a été dûment informée ;

-Switchback était en dépassement de l'encours et en retard de paiement sur plusieurs factures depuis 2007 ce qui a motivé la rupture des relations contractuelles établies, rupture parfaitement motivée par l'inexécution de ses obligations par Switchback qui d'ailleurs s'est opposée à leur reprise ;

-Switchback ne démontre pas les préjudices dont elle réclame l'indemnisation ; en outre son hypothétique perte d'exploitation et le préjudice d'image invoqué sont des préjudices immatériels exclus de tout droit à indemnisation par l'article 11 du contrat d'accès et les avoirs que Switchback a consentis à des clients pour 650 000 euro relèvent d'un préjudice commercial exclu du champ de l'indemnisation par le même article ;

-la baisse de ses résultats et les éventuels préjudices subis par Switchback ne lui sont pas imputables ; les plaintes des clients n'ont pas trait à une coupure brutale du service mais à des problèmes de qualité ;

-Switchback reste lui devoir 592 973,87 euro (facture de juin: 246 717,08 euro, facture de juillet: 214 291,65 euro, facture d'août: 111 922,77 euro, intérêts de retard pour août: 3 146,47euro, intérêts de retard pour septembre: 2 951,58 euro, solde sur le trafic facturé et le prix des liaisons d'accès après compensation avec trop-perçus et avoirs: 13 944,32 euro) ;

Considérant, au vu des pièces produites que :

- la société Switchback immatriculée en 1996 qui développe des prestations de services en télécommunications a conclu le 23 février 2004 un contrat pour l'accès direct aux commutateurs internationaux de cette dernière pour lui permettre de commercialiser des minutes téléphoniques internationales qu'elle achète en gros et qu'elle revend sur le marché concurrentiel du trafic voix vers l'international

- selon les stipulations de ce contrat :

France Telecom fournit au client, en l'espèce Switchback un service de terminaison de trafic international par accès direct à son commutateur international de Bagnolet par livraison du trafic international à la sortie de points opérateur de présence (pop) (articles 1 et 2),

La tarification est annuelle et France Telecom se réserve le droit de modifier ses tarifs et leurs structures à tout moment, cette modification entrant en vigueur sept jours après notification au client qui peut alors cesser d'envoyer son trafic vers la destination qui a fait l'objet d'une évolution tarifaire (article 3),

la facturation est mensuelle (article 4),

la facture est exigible à sa date et réglée dans le délai maximal de trente jours suivant sa date, et peut s' opérer le cas échéant en cas de créances réciproques par compensation (article 5),

Tout retard de paiement, paiement partiel ou non-paiement pourra entraîner l'application par France Telecom des articles 22.2.2 intitulé ' suspension ou résiliation pour défaut de paiement' et 9 ' pénalité de retard ' (article 6),

Une procédure de dépôt de garantie et de son actualisation est prévue (article 7.1 à 7. 3),

la limite de crédit par France Télécom pour l'achat par le client de services dans le cadre du présent contrat est fixée à 200 000 HT. Cette limite de crédit pourra être modifiée par France Télecom moyennant une notification écrite envoyée au client. Dans le cas où le client atteindrait la limite de crédit, France Telecom pourra suspendre tout ou partie des services immédiatement après la notification préalable au client. Par ailleurs le client pourra notamment se voir exiger à tout moment par France Télécom de payer le montant dépassant la limite de crédit (article 7. 4),

les intérêts de retard sont dûs dès le premier jour de retard au taux de une fois et demi le taux d' intérêt légal et calculés sur le montant total HT des sommes dues par le client par fraction indivisible de 15jours (article 9),

une obligation de confidentialité du contrat, de ses annexes et de ses données s' imposait entre les parties (article 10),

la responsabilité de France Télecom n'est engagée que sur faute grave dûment prouvée, exclut les préjudices indirects et/ou immatériels de toute nature et ne saurait excéder le montant total de 200 000 euro (article 11),

la survenance d'un cas de force majeure permet à l'autre partie de suspendre le contrat (article 12),

les notifications se font par écrit suivant une procédure précisée (article 13),

- pendant plusieurs années le contrat s'exécutait sans difficultés: la société Switcback justifiait adresser ses bilans annuels conformément à l'article 6 du contrat ; selon les documents d'encours produits par Switchback les encours moyens passaient de l'ordre de 200 000 euro (2004) à 360 000 (2005), 400 000 (2006) 348 000 (2007) 472 000 (2008) en atteignant des pointes à 731 000 et 718 000 euro en juillet et octobre 2008 ; par mèl du 14 octobre 2008 France Télécom accusait réception d' un règlement d' une échéance de 311 445, 82 euro ' on time ' en exprimant sa satisfaction précisant vouloir accompagner Switchback qu 'elle considérait comme l'un de ses meilleurs clients dans sa croissance,

- des retards de paiement intervenaient :

Le 3 juin France Télécom réclamait le paiement d'une somme de l'ordre de 319000 euro échue depuis le mois de mai 2009,

Le 1er juillet 2009 France Telecom réclamait une somme de 281 407,81 euro correspondant à diverses factures et indiquait suspendre le service par application de l'article 4 en cas de non-paiement sous 48 heures,

Le 29 juillet 2009 France Telecom se prévalait du compte débiteur de Switchback pour un montant du même ordre et réitérait les dispositions de l'article 4,

- le 6 aout 2009 France Télécom se référant aux discussions préalables ramenait la limite de crédit de 500 000 à 300 000 euro, notifiait une hausse de tarif de 5 % sur l'ensemble des destinations effectives sous sept jours et proposait une rencontre prochaine que Switchback réclamera elle-même en urgence,

- à cette même date France Télécom adressait une facture d'intérêts au taux de 11,37 % sur l'année 2009 pour un montant de 3146, 47 euro,

- le 12 Août 2012, France Télécom demandait à Switchback de la tenir informée du paiement de la facture de 246 000 euro du 6 juin 2009,

- le 13 Août 2009 à 18 heures 9 minutes France Télécom suspendait l'accès à 4 équipements (4 E 1) sur 6 à compter du lendemain en demandant à Switchback de respecter une limite de consommation de 100 Keuro par mois pour s' inscrire dans la nouvelle limite de crédit puis par mel du lendemain indiquait que sans nouvelles avant 14 heures elle suspendrait un cinquième équipement,

- le même jour à 15 heures 53 minutes France Telecom notifiait que ses services techniques avaient suspendu les liens suite à un différend commercial, puis indiquait le lendemain ne pouvoir rétablir un seul équipement,

- le 25 août 2009 France Télecom mettait en demeure Switchback de lui régler pour le 31 août 2009 le solde débiteur de 260 861, 40 euro,

- un rendez- vous en personne était convenu le 27 09 2009 pour le 2 septembre 2009,

- à la suite de ce rendez- vous, France Telecom proposait le 3 septembre 2009 un protocole d'accord aux termes duquel Switchback s'engageait à ramener son encours à 300 000 euro et à régler la somme de 180 000 euro en deux versements du 2 et 30 octobre 2009,

- le 10 septembre France Télecom facturait des intérêts au même taux que précédemment sur la période du 7 août 2009 au 10 septembre 2009 pour un montant de 2951,58 euro,

- aucun accord n'étant intervenu, Switchback a délivré le 11 septembre 2010 l'assignation à l'origine du jugement déféré ;

-dans le cadre de la procédure de première instance, et de l'offre de médiation judiciaire qui en définitive n'aura pas de suite, France Télécom a établi un avoir faisant suite à un geste commercial pour un montant de 6 458,40 euro TTC, ramenant sa créance au titre, selon elle, de soldes d'impayés au montant de 592 973,87 euro TTC,

Considérant qu'est vaine l'argumentation de Switchback tirée des conditions dans lesquelles le tribunal a considéré que l'offre de médiation judiciaire aurait été refusée par Switchback, dès lors que cette dernière se borne à indiquer que ce refus qu'elle conteste aurait pesé dans la décision du juge, alors que par l'effet dévolutif de l'appel la cour est saisi de l'entier litige, en fait et en droit ;

Considérant qu'est tout autant dénuée de portée l'argumentation de Switchback tirée de la violation de l'obligation de confidentialité à raison de la communication en copie de certains mèls à des salariés de cette société, et notamment d'informations financières à un collaborateur technique, alors que cette société et ses mandataires judiciaires s' ils se prévalent d' un préjudice d' image de ce chef ne le chiffrent pas et ne sollicitent donc aucune indemnisation à ce titre ce qui ne saurait se confondre avec le préjudice d' image réclamé dérivant des conséquences de la suspension d'accès ;

Considérant que vainement encore Switchback conteste les retards de paiement notamment des factures de mars, avril et mai 2009 dont les dates d'exigibilité, compte tenu des stipulations contractuelles étaient début mai, juin, et juillet 2009, alors que cette société admet ne les avoir réglées que le 3 juin, 6 juillet et 31 juillet 2009 soit au-delà de la date d'exigibilité,

Considérant qu' il en est de même de la facture du mois de juin exigible le 5 août 2009 qui ne sera pas payée avant la réduction de la limite de crédit de 500 000 euro à 300 000euro appliquée par France Télécom,

Considérant que, à tort Switchback conteste le taux appliqué aux intérêts de retard qui est celui qui résulte des dispositions impératives de l'article L. 441-6 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 applicable à compter du 1ER janvier 2009,portant ce taux d' intérêt à trois fois et demi le taux d' intérêt légal, d' une part, car ce texte ne subordonne pas son application à sa contractualisation, d'autre part car peu importe la date du contrat générant ces intérêts majorés et sa qualification puisque l'importance du dispositif de la loi et son caractère impératif justifient qu'elle soit applicable aux contrats en cours ;

Considérant que la suspension est intervenue le 13 août 2009 d'abord pour 4 équipements puis le lendemain pour la totalité, pour dépassement de la limite de crédit notifiée le 6 Août 2009, qu'une telle décision relève non des dispositions de l'article 22 mais de celles de l'article 7. 4 du contrat comme l'indique exactement France Télécom ;

Considérant que, au sens de cet article la limite de crédit, qui, selon les stipulations contractuelles s'exprime HT s'entend des factures exigibles auxquelles s'ajoutent les consommations arrêtées à la date de la facture ;

Considérant qu' à la date de la notification de la limite de crédit soit le 6 août 2009 les sommes en relevant étaient constituées de la facture du 6 juillet 2009 se rapportant aux consommations du mois de juin 2009 pour un montant de 206 285,18 euro HT et de celle du 6 août 2009 pour un montant de 179 173,62 euro HT se rapportant aux consommations du mois de juillet 2009 outre un solde d' impayés antérieurs arrêtés au 5 août 2009 pour un montant non discuté de 13 944,32 euro HT, soit une somme globale de 399 403,12 euro HT ;

Considérant qu'il n'est pas discuté par les parties que si, lors du contrat, la limite de crédit fixée était de 200 000 euro HT, celle-ci avait été portée au montant de 500 000 euro HT alors même qu' il n'est pas justifié pour ce montant d' une notification écrite et que le dépassement de la limite de 200 000 euro HT remontait à l'origine des relations ;

Considérant que les sommes dues s' inscrivaient alors dans cette limite de crédit de 500 000 euro HT ;

Considérant que, si les stipulations contractuelles permettaient à France Télécom de réduire la limite de crédit, cette société engage sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442- 6 du Code de commerce, n'étant pas discuté que les parties entretenaient une relation commerciale établie au sens dudit article, en revenant brutalement sans aucun préavis sur une limite de crédit résultant de la pratique contractuelle des parties sans faire l'objet d' une autorisation écrite, en limitant cette dernière de près de moitié alors qu'à la date de sa notification la partie contractante respectait la limite de crédit antérieurement consentie et en se prévalant du dépassement de cette nouvelle limite de crédit dans les jours qui suivent sans avoir permis à son contractant de s'adapter à cette nouvelle limite de crédit ;

Considérant que de fait la suspension totale est intervenue le 14 août 2009 et s'analyse en réalité comme la rupture à l'initiative de France Télécom des relations contractuelles, sans qu'ait été consenti un préavis écrit d' une durée suffisante, France Télécom ne pouvant se prévaloir d'aucune offre sérieuse de rétablissement ni du non-paiement de factures puisque la limitation de crédit au montant de 300 000 euro assortie de l'obligation faite à Switchback de réduire ses consommations à 100 000 euro par mois ne lui permettait plus de générer une activité suffisante ;

Considérant que France Télécom ne peut pas plus exciper des difficultés rencontrées pour joindre son contractant qui ne sauraient résulter de ses propres mèls et alors qu' une réunion aurait en définitive été tenue le 2 septembre et tout le contexte des relations conflictuelles révélant une précipitation manifeste de la part de France Télécom à l'égard d' une société qu' elle considérait quelques mois auparavant comme l'une de ses meilleurs clientes ;

Considérant en définitive qu'en se prévalant huit jours après avoir réduit sensiblement la limite de crédit du dépassement de cette limite, France Telecom a pris l'initiative d'une brusque rupture ;

Considérant qu'eu égard à la nature et à l'ampleur des relations établies et à leur durée, la société France Télécom aurait dû consentir un préavis écrit d' une durée de six mois ; pour cette rupture ;

Considérant que sur le fondement précité Switchback n'est fondé qu'à solliciter l'indemnisation de la brusque rupture et non les conséquences de la rupture ;

Considérant qu'au titre de la brusque rupture le préjudice consiste non dans la perte du chiffre d'affaire mais dans la perte de la marge brute qui aurait pu être réalisée sur le gain manqué, qu' eu égard aux éléments fournis et à un résultat d'exploitation ramené à 41 249 euro en 2009 par rapport à celui de 2008 qui s'élevait à 143 111 euro et aux autres éléments affectant ce résultat d'exploitation la cour a les éléments suffisants pour fixer ce préjudice au montant de 70 000 euro ;

Considérant que Switchback est déboutée de ses demandes au titre des avoirs qu'elle prétend avoir établi sans en justifier en faveur de clients et fournisseurs mécontents comme de la perte d' image, alors même qu' ils se rattacheraient à la brusque rupture dès lors que la responsabilité de France Télécom est, selon les stipulations contractuelles, exclusive de la prise en charge de dommages immatériels ;

Considérant que France Télécom réclame la condamnation de Switchback à lui payer les sommes suivantes au titre des prestations fournies et non payées soit un montant total de 592 973,87 euro TTC :

- facture du 6 juillet 2009 pour un montant de 246 717,08 euro TTC,

- facture du 6 août 2009 pour un montant de 214 291,63 euro TTC,

-facture du 4 septembre pour un montant de 111 922,77 euro TTC,

-facture d'intérêts de retard du 6 août 2009 pour la période du 1 janvier au 4 août 2009 d'un montant de 3 146,47 euro TTC,

-facture d'intérêts de retard du 10 septembre 2009 pour la période du 7 août au 8 septembre 2009,

- solde d'impayés pour un montant de 13 944,32 euro TTC ;

Considérant que, la cour ayant à l'audience demandé la justification de la production de créance par France Télécom à la procédure collective de la société Switcback, la société France Télécom a versé aux débats la déclaration de créance qu'elle avait faite le 20 septembre 2011 pour un montant de 580 013,25 euro TTC ;

Considérant que France Télécom ne peut donc se prévaloir d'un montant supérieur à cette somme tandis que sa demande ne peut tendre qu'à une fixation de créance ;

Considérant qu'il résulte de cette déclaration qu'elle prend en compte les trois factures afférentes à des consommations, les deux factures d'intérêts, les éléments indiqués au solde d' impayés, qu'elle déduit en outre les montants saisis sur le compte bancaire de Switchback dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,

Considérant que cette déclaration de créance ne tient pas compte de l'avoir consenti le 3 novembre 2010 au titre de geste commercial pour un montant de 6 458,40 euro TTC, qu' il y a donc lieu de déduire de la créance de France Télécom.

Considérant que, pour le surplus, Switchback ne conteste pas les montants réclamés tandis que la cour par le présent arrêt a validé les demandes au titre des factures d'intérêts ;

Considérant que France Télécom dans sa déclaration de créance n'incluait pas les intérêts sur le montant de 580 013,25 euro TTC ni les sommes qui lui ont été alloués au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Considérant qu'il s'ensuit que seule la somme de 573 554,85 euro TTC est inscrite au passif de la société Switcback.

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la compensation judiciaire entre les créances réciproques procédant de l'exécution d'un même contrat en sorte que, après compensation, la fixation de créance est ramenée au montant de 503 554,85 euro TTC.

Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du Code de procédure civile ne sont pas réunies, le jugement étant confirmé sur l'application de cet article ;

Considérant que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel ;

Par ces motifs : Infirme le jugement, Statuant à nouveau, Condamne la SA France Telecom à payer à la SARL Switchback assistée de la SCP Brouard Daude prise en la personne de Xavier Brouard et de Me Philippot respectivement mandataire judiciaire et administrateur judiciaire au redressement de cete société une somme de 70 000 euro ; Ramène la créance de France Telecom au montant de 573 554,85 euro TTC et inscrit ce montant au passif de la SARL Switchback en redressement judiciaire, Ordonne la compensation judiciaire entre les créances réciproques et ramène après compensation la fixation de créance au montant de 503 554,85 euro TTC, Inscrit les dépens de première instance au passif de la SARL Switchback, Rejette le surplus des demandes, Laisse à chaque partie ses propres dépens d'appel.