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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 17 septembre 2012, n° 11-04697

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Menuiserie Marchand (SARL)

Défendeur :

Brefie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rastegar

Conseillers :

Mmes Schneider, Mittelberger

Avocats :

SCP Hunzinger/Calvano, Me Beckers

TI Colmar, du 22 sept. 2010

22 septembre 2010

La SARL Menuiserie Marchand a sous-traité des travaux de pose de menuiseries intérieures à M. Brefie artisan menuisier.

Les travaux effectués par M. Brefie ont donné lieu à l'établissement de 6 factures s'échelonnant du 15 mars 2008 au 15 octobre 2008 qui ont été réglées, tandis que les factures des 23 novembre et 3 décembre 2008 sont restées partiellement impayées.

M. Brefie a requis et obtenu par ordonnance du 9 avril 2009 qu'il soit enjoint à la SARL Menuiserie Marchand de lui payer la somme de 7 232,23 euro.

La SARL Menuiserie Marchand a formé opposition à cette ordonnance, et devant le Tribunal d'instance de Colmar, elle a conclu au rejet de la demande et a formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 629,36 euro en faisant valoir que les factures n'étaient pas conformes aux exigences de l'article L. 441-3 alinéa 3 du Code de commerce et que les travaux étaient affectés de désordres.

Par jugement du 22 septembre 2010, le Tribunal d'instance de Colmar a considéré :

- que si les factures n'étaient pas conformes aux exigences du Code de commerce, M. Brefie produisait néanmoins un relevé détaillé des prestations facturées dont le caractère excessif n'était pas établi, mais qu'en revanche il n'était pas établi que les frais de déplacement (239,20 euro) devaient être pris en charge ;

- que devait être déduite également une somme de 361,66 euro au titre de clés non restituées ;

- que l'existence des désordres allégués n'était pas établie ou qu'il n'était pas démontré que le remplacement de certaines portes aurait été la conséquence de désordres imputables à M. Brefie ;

Le tribunal d'instance a ainsi condamné la SARL Menuiserie Marchand à payer à M. Brefie la somme de 6 871,03 euro avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2009 outre un montant de 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL Menuiserie Marchand a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'appelante la SARL Menuiserie Marchand reçues au greffe le 7 février 2012 tendant à l'infirmation du jugement déféré, à ce que la cour dise et juge que les factures ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article L. 441-3 alinéa 3 du Code de commerce, déboute M. Brefie de ses demandes, et sur sa demande reconventionnelle, condamne M. Brefie à lui payer la somme de 361,66 euro et la somme de 267,70 euro, en tant que de besoin ordonne une expertise sur pièces aux fins de rechercher l'origine des désordres, et condamne M. Brefie à lui payer la somme de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Vu les conclusions de l'intimé M. Brefie reçues au greffe le 9 janvier 2012 tendant à la confirmation du jugement déféré, subsidiairement à ce que la cour dise et juge la SARL Menuiserie Marchand responsable du préjudice causé par la non-prise en charge par son assurance professionnelle des réparations consécutives aux désordres imputés à un défaut de pose, en supprimant les portes et en empêchant toute constatation d'éventuels désordres, en tant que de besoin ordonne une vue des lieux aux fins de vérification des dimensions des portes posées dans les 30 appartements de l'immeuble <adresse> et condamne la SARL Menuiserie Marchand à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les pièces de la procédure ;

Attendu qu'au soutien de son appel, la SARL Menuiserie Marchand fait valoir que les factures produites ne répondent pas aux prescriptions de l'article L. 441-3 alinéa 3 du Code de commerce, en ce qu'elles ne mentionnent pas la date de la prestation de service, la dénomination précise et le prix unitaire de cette prestation, qu'elles ne permettent aucune vérification par le juge et que cette faute civile l'autorise à refuser le paiement de ces factures non conformes.

Attendu que les factures en litige se rapportent aux prestations effectuées pour les mois d'octobre et de novembre 2008 et ne mentionnent que la liste des chantiers concernés et le nombre total d'heures de main-d'œuvre facturées ainsi que leur prix unitaire ;

qu'en cela, elles ne satisfont pas aux exigences de l'article L. 441-3 alinéa 3 du Code de commerce puisqu'elles n'indiquent pas les dates et les dénominations précises des prestations de service facturées ;

que cette exigence est sanctionnée par une amende pénale mais que ces dispositions n'ont prévu aucune sanction civile telle que la nullité de la facture ou le défaut d'exigibilité de la prestation insuffisamment caractérisée ;

que le non-respect de cette exigence ne laisse subsister aucun préjudice, dès lors que M. Brefie a dans le cadre de cette procédure, produit le détail des prestations facturées, précisant le nombre d'heures de travail effectué chaque jour, la nature de la prestation et le chantier concerné ;

qu'il résulte au demeurant du courrier de la SARL Menuiserie Marchand du 8 janvier 2009 qu'elle était bien en possession du détail des prestations réalisées en octobre et novembre 2008 puisqu'elle indique avoir vérifié les factures et estime que "pour le chantier Furstenberger le 26 octobre, vous avez posé 4 cylindres toute la journée, c'est cher payé" ;

qu'en toute hypothèse, ce document très détaillé a été soumis au débat contradictoire des parties et que la SARL Menuiserie Marchand ne justifie nullement de ce que le nombre d'heures de travail mis en compte serait excessif ;

que s'agissant du chantier de Cernay, seule été mis en compte le "forfait de 45 euro HT" pour la pose des portes à l'exclusion de toute main-d'œuvre complémentaire, et que pour le chantier Domial facturé le 23 novembre 2008, seules ont été mises en compte les heures de travail effectuées à l'exclusion de la pose de portes.

Attendu que la SARL Menuiserie Marchand considère que M. Brefie est tenu d'une obligation de résultat, n'a pas rapporté la preuve de ce qu'il a exécuté son travail conformément aux règles de l'art, et que la preuve contraire résulte d'ailleurs de la production de ses courriers et factures ;

qu'elle fait valoir que M. Brefie a posé les portes de l'appartement Elbers avec un espace de plus de 2 cm entre le sol et le bas de la porte et a tenté de camoufler cette malfaçon par la pose d'une alaise, que le même espace supérieur aux tolérances a été constaté dans l'appartement de Mme Vonesch, l'obligeant à modifier le ferrage de 5 portes, que les roulettes de placard n'ont pas été posées dans le chantier Furstenberger, que sur le chantier Domial, elle a été contrainte d'effectuer une finition acrylique sur le bloque-porte de 6 portes, et que le cadre d'une porte était cintrée, l'obligeant à déposer le cadre ;

qu'à titre subsidiaire, elle entend ainsi déduire des factures mises en compte ses propres factures se rapportant aux portes qu'elle a dû remplacer et aux moins-values que le maître d'œuvre lui a imposées au titre des reprises nécessaires, comme l'établit le dossier d'avenants du 30 juin 2009.

Attendu que M. Brefie a exécuté la prestation de service qui lui a été commandée, et qu'il appartient à la SARL Menuiserie Marchand qui affirme que cette prestation aurait été mal exécutée, de rapporter la preuve des désordres affectant les travaux exécutés ;

que la circonstance que M. Brefie soit tenu d'une obligation de résultat n'a pas pour effet d'inverser la charge de la preuve, qui doit être administrée par celui qui allègue l'existence de malfaçons.

Attendu que la SARL Menuiserie Marchand entend déduire des sommes réclamées le montant des quatre factures qu'elle a émises au titre de désordres ainsi que les avenants en moins-value que lui a imposés le maître d'œuvre M. Breyer.

Attendu que la facture n° 7341 du 9 juin 2008 pour un montant de 361,66 euro se rapportant à la fourniture de clés ainsi qu'à celle de panneaux 3 plis ne fait pas l'objet de contestations, M. Brefie admettant son exigibilité et ayant au demeurant établi un chèque de ce montant, lequel a été retourné par la SARL Menuiserie Marchand.

Attendu que la facture n° 7587 du 7 janvier 2009 d'un montant de 1 473,47 euro se rapporte à la pose d'une alaise refusée par le client Mme Elbers, à la main-d'œuvre pour la reprise de cinq portes chez M. Vonesch, à des roulettes de placard manquantes sur le chantier Furstenberger, ainsi qu'un cadre cintré sur le chantier Domial ;

que s'il résulte des courriers du maître d'œuvre M. Breyer que les portes posées dans l'appartement de Mme Elbers présentaient dans le bas de porte un jour d'environ 2 cm, ce désordre s'explique selon M. Brefie par un défaut de conception de la SARL Menuiserie Marchand qui les a fabriqués, et par une mauvaise exécution de la pose selon cette dernière ;

que ni le courrier de M. Breyer, ni aucun compte-rendu de chantier ne permettent de déterminer l'origine de ce désordre, et que le remplacement des portes par la SARL Menuiserie Marchand ne permet plus à ce jour de déterminer à qui est imputable ce désordre ;

que la pose d'une alaise pour combler l'espace trop important ne témoigne d'aucune reconnaissance de responsabilité de la part de M. Brefie, alors que ce procédé a été mis en œuvre à la demande de la SARL Menuiserie Marchand qui a en cela répercuté l'ordre de service de M. Breyer ;

que la SARL Menuiserie Marchand doit ainsi le prix de cette alaise dont elle a demandé la pose, même si Mme Elbers a ultérieurement refusé ce procédé pour exiger le remplacement des portes.

Attendu que la SARL Menuiserie Marchand ne justifie pas davantage de ce que les travaux de reprise concernant cinq portes de l'appartement de M. Vonesch seraient imputables à M. Brefie, alors qu'il n'est pas établi que l'importance du talon de la porte ait été la conséquence d'une pose défectueuse de la porte.

Attendu que la SARL Menuiserie Marchand ne justifie pas de la responsabilité de M. Brefie dans la disparition des roulettes devant équiper un placard du chantier Furstenberger.

Attendu que M. Brefie a admis que six cadres de portes du chantier Domial étaient cintrées, a reconnu que ce désordre lui était imputable et a porté en déduction de sa propre facture du 3 décembre 2008 une somme de 272 euro correspondant à la main-d'œuvre nécessaire à cette reprise.

Attendu les factures n° 7600 émises par la SARL Menuiserie Marchand le 20 janvier 2009 portant sur le remplacement des portes chez le client Elbers concernent l'espace entre le sol et les bas de portes, et qu'aucun élément de la procédure ne permet de considérer que cet espace excédant la tolérance admise provient d'une pose défectueuse et non de la confection des portes réalisées par la SARL Menuiserie Marchand.

Attendu que la facture n° 7752 du 19 novembre 2008 est relative au remplacement des portes chez les clients Kohler et De Vittori et que les pièces produites par la SARL Menuiserie Marchand ne permettent pas de démontrer que ces portes ont été remplacées ni que les désordres allégués sont imputables à une pose défectueuse réalisée par M. Brefie.

Attendu que le 30 juin 2009, le maître d'œuvre M. Breyer a adressé à la SARL Menuiserie Marchand plusieurs avenants portant pour certains extension du marché de travaux et pour d'autres moins-values au titre de la reprise de portes, de la mise en peinture de portes remplacées ainsi que de la reprise de plafonds ou de peintures suite à la pose de placards ;

que l'acceptation par la SARL Menuiserie Marchand de ces moins-values concerne les seules relations contractuelles entre l'entreprise et le maître d'œuvre et ne suffit pas à démontrer la réalité des désordres ni surtout leur imputabilité à M. Brefie, ce d'autant que le contrat a pris fin entre les parties au début du mois de décembre 2008.

Attendu qu'en définitive, la SARL Menuiserie Marchand n'a pas pris la précaution de faire constater les désordres dont elle fait grief à M. Brefie, ne l'a pas mis en demeure de reprendre les malfaçons dont elle fait état, et n'est en mesure de produire aucun élément objectif ni attestation d'un intervenant sur les chantiers considérés, venant démontrer que M. Brefie serait à l'origine des malfaçons qu'elle a dû réparer ;

qu'aucune mesure d'investigation n'est envisageable, alors que l'examen des factures ne permet en rien de déterminer l'origine de désordres qui ne peuvent plus être constatés ;

que le jugement déféré doit être confirmé.

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Brefie l'intégralité des frais non compris dans les dépens ;

qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Déclare l'appel recevable ; Au fond le Dit mal fondé et le rejette ; Confirme le jugement déféré ; Condamne la SARL Menuiserie Marchand à payer à M. Brefie la somme de 500 euro (cinq cents euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SARL Menuiserie Marchand aux dépens d'appel.