CA Orléans, ch. com., 12 janvier 2012, n° 11-01414
ORLÉANS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Violette 2008 (SARL)
Défendeur :
Eclosion Net (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Raffejeaud
Conseillers :
MM. Garnier, Monge
Avocats :
SCP Laval Lueger, SCP Desplanques Devauchelle, Mes Vos, Gonsard
Exposé :
La SARL Violette 2008, qui exploite une activité de création de sites internet et d'exploitation de leur contenu dans le domaine de la mode et de ses dérivés, a sollicité la société Eclosion.Net pour qu'elle procède à un audit de son site "Do it in Paris" et pour la conseiller sur sa stratégie de communication en ligne. Eclosion.Net a établi le 7 octobre 2010 un devis de 17 000 euro HT soit 20 332 euro TTC, comprenant une mission d'audit et une mission de recommandation, et stipulant que 60 % du prix était payable à la signature du devis. La société Violette 2008 a accepté ce devis le jour même. Eclosion.Net a émis ce même 7 octobre 2010 une facture de 12 199,20 euro TTC, puis adressé un rapport à la fin du mois de novembre Violette 2008 a aussitôt contesté cette prestation au motif qu'il n'aurait pas été tenu compte des limites budgétaires qu'elle avait fixées, et elle a mis fin à leurs relations par courriel du 26 novembre 2010. La SA Eclosion.Net a émis en date du 2 décembre 2010 sa facture du solde et mis en demeure sa cliente le 10 décembre de régler les deux factures. À défaut d'exécution, elle a fait assigner la société Violette 2008 devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Tours, qui a condamné celle-ci par ordonnance du 7 mars 2011 au paiement d'une provision de 20 332 euro correspondant au montant total du devis accepté.
La SARL Violette 2008 a relevé appel le 4 mai 2011.
Elle demande à la cour de juger n'y avoir lieu à référé au motif que la demande se heurte à des contestations sérieuses tenant, en substance
.à l'irrégularité du devis, en ce qu'il ne comporte pas toutes les mentions légales requises
.à celle de la facture, en tant qu'elle ne mentionne pas l'adresse email de l'émettrice
.à une erreur sur la prestation convenue, du fait du caractère sibyllin du devis
.à l'émission prématurée de la facture violant l'article L. 441-3 du Code de commerce
.à la non-conformité de la prestation par rapport à l'objet convenu entre les parties
.à l'impossibilité de facturer le solde sans avoir remis le rapport rectifié promis.
La société Eclosion.Net répond que l'accord des cocontractants est valablement formalisé par le devis accepté, qu'elle a exécuté la prestation demandée et qu'elle a facturé sa prestation conformément aux clauses du devis. Elle réfute tout vice du consentement, et affirme que l'enveloppe de 40 000 euro invoquée par sa cliente portait sur les prestations techniques de développement, et non sur les missions fixées dans le devis. Elle fait valoir que ses recommandations constituaient une base de travail, et que l'audit a bien renseigné Violette 2006 sur le coût des solutions propres à lui permettre d'atteindre ses objectifs de développement. Elle rappelle qu'elle était prête à poursuivre son travail lorsque sa cocontractante a unilatéralement rompu leurs relations. Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise, et réclame 5 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle affirme subir en raison des critiques adressée à son travail.
Il est référé pour le surplus aux dernières conclusions récapitulatives des parties, respectivement déposées et signifiées le 2 novembre 2011 s'agissant de la SARL Violette 2008, et le 17 novembre 2011 s'agissant de la SA Eclosion.Net.
L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 17 novembre 2011, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.
Motifs de l'arrêt :
Attendu que l'acceptation du devis par la société Violette 2008, manifestée par l'apposition de la mention "Bon pour accord" et la signature de son représentant, démontre que les parties étaient d'accord sur la chose et le prix, et c'est à bon droit que le premier juge a dit que cette convention de louage d'ouvrage était valablement conclue, les mentions réglementaires dont l'appelante invoque l'absence au visa des articles R. 123-237 et R. 123-238 n'étant pas requises pour la validité des rapports entre cocontractants ;
Attendu que la prestation commandée y était définie sous l'intitulé "MISSIONS", distinguant "audit et diagnostic"("audit ergonomique : 3 000 euro ; audit technique : 3 000 euro ; audit marketing & media : 5 000 euro") et "recommandations" ("positionnement, arborescence et ergonomie générale : 2 000 euro ; périmètre fonctionnel, préconisation technique : 2 000 euro ; CRM, animation marque, politique publicitaire, plan de revenus, plan d'acquisition trafic : 4 000 euro") ; qu'en l'état d'une désignation aussi détaillée, poste par poste avec ventilation du prix entre chacun, l'objet du contrat était clairement déterminé, étant rappelé que les deux parties sont des professionnels de la même spécialité ;
Attendu que les productions démontrent (cf. pièces intimée n° 7,8,9, et appelante n° 3 et 4) que la société Eclosion.Net a remis durant la dernière semaine de novembre 2010 à sa cliente d'une part, un audit ergonomique, un audit technique et un audit marketing et media de son site "Do it in Paris", assortis de diagnostics qui étaient énoncés et explicités un par un, tels "une navigation peu intuitive; une arborescence perfectible et une hiérarchisation peu adaptée; des pictogrammes qui n'aident pas à la clarté de l'offre ; un manque de prise de parole ; certaines cibles oubliées ; un fil d'Ariane à peine perceptible ; un accès aux sous-rubriques non uniforme et non homogène ; une utilisation des majuscules qui complique la lecture..." ; et d'autre part un document intitulé "recommandation dispositif digital" définissant des profils d'utilisateurs, une stratégie relationnelle, des préconisations d'organisation visuelle pour rendre claire et attractive la page web et simplifier la navigation du visiteur, une étude de charges et revenus et une approche budgétaire ; que ces prestations correspondent exactement à celles énoncées dans le devis ;
Attendu que la société Violette 2008 ne rapporte pas la preuve de son affirmation, contestée, selon laquelle les cocontractants seraient convenus de plafonner le coût des améliorations préconisées dans la partie "recommandations" ; que le devis ne contient aucune mention à cet égard, et qu'au stade du référé, les courriers échangés entre les parties tant avant qu'après la conclusion de leur accord, ne le démontrent pas avec évidence ;
Que l'appréciation du vice du consentement allégué, et contesté, échappe aux pouvoirs du juge des référés ;
Attendu que la prestation fournie est donc conforme à celle qui avait été commandée ;
Qu'il n'y a pas lieu en référé d'apprécier la qualité ou l'originalité de ce travail, dont il suffit de constater qu'il est réel, spécifique au site web considéré, et non manifestement dépourvu de consistance et d'utilité pour un exploitant de site désireux de disposer d'un diagnostic sur les insuffisances de son produit et de propositions en vue d'en améliorer l'attractivité ;
Que sont ainsi démontrées la réalité et la conformité de la prestation facturée ;
Et attendu que la facturation est conforme aux stipulations du devis accepté qui fait la loi des parties ;
Que 60 % du montant global étant stipulés facturables à la signature du devis et payables à réception de la facture, la première facture, émise pour ce montant le 7 octobre 2010, était bien exigible ; qu'il en va de même pour celle du 2 décembre 2010, le solde de 40 % étant stipulé facturable au 30 novembre 2010 et payable à réception de la facture ;
Que la contestation de la facturation formulée par l'appelante au visa de l'article L. 441-3 du Code de commerce n'est pas sérieuse, ce texte légal prohibant les facturations tardives mais n'interdisant nullement au créancier de facturer tout ou partie du prix avant l'exécution de sa prestation ;
Qu'est pareillement dépourvue de caractère sérieux la contestation tirée par l'appelante de ce que la société Eclosion.Net aurait facturé le solde sans lui avoir préalablement remis une version remaniée de son étude, dès lors que les parties étaient convenues que le solde était payable au 30 novembre 2010 et qu'au surplus, la société Violette 2008 a signifié par courriel du 26 novembre 2008 qu'elle rompait toute relation ;
Attendu que c'est donc à raison que le premier juge a dit que la créance d'Eclosion.Net envers Violette 2008 n'était pas sérieusement contestable pour le total des deux factures, et qu'elle lui a alloué une provision de leur montant cumulé; que l'ordonnance sera donc confirmée;
Attendu enfin que les contestations formulées dans ses écritures judiciaires par l'appelante sur la qualité, l'originalité et l'utilité du travail fourni par Eclosion.Net n'excèdent pas la mesure de la libre critique et ne revêtent aucun caractère fautif qui serait au surplus appréciable en référé, l'intimée ne justifiant en outre pas du préjudice qui en serait résulté pour elle ; que sa demande de dommages et intérêts n'est pas fondée ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort : Confirme, en toutes ses dispositions, la décision entreprise Déboute la société Eclosion.Net de sa demande de dommages et intérêts Condamne la SARL Violette 2008 aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la SA Eclosion.Net une indemnité de procédure de 2 000 euro (deux mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile Accorde à la SCP Desplanques & Devauchelle, titulaire d'un office d'avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du Code de procédure civile.