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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 24 mai 2012, n° 09-09041

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Le Clos de Champeau (SARL)

Défendeur :

Dupont Restauration (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parenty

Conseillers :

M. Brunel, Mme Delattre

Avocats :

Selarl Eric Laforce, SCP Francois Deleforge-Bernard Franchi, Mes Schmitt, Lepoutre

T. com. Lille, du 24 nov. 2009

24 novembre 2009

Vu le jugement contradictoire du 24 novembre 2009 du Tribunal de commerce de Lille ayant condamné la Sarl le Clos de Champeau à régler à la SA Dupont Restauration la somme de 120 408,33 euro en deniers et quittances valables, avec intérêts au taux contractuel de 1,5 fois l'intérêt légal du 14 mars au 10 octobre 2008, condamné la SA Dupont Restauration à payer à la Sarl Le clos de Champeau la somme de 24 116,04 euro au titre des allégements de charges non répercutés majorée des intérêts légaux à compter du jugement et avec anatocisme et 7 700 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et commercial de même que 4 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté les parties du surplus ;

Vu l'appel interjeté le 22 décembre 2009 par la Sarl le Clos de Champeau ;

Vu les conclusions déposées le 20 mars 2012 pour la société Dupont Restauration ;

Vu les conclusions déposées le 20 mars 2012 pour la société le Clos de Champeau ;

Vu l'ordonnance de clôture du 22 mars 2012 ;

La société le Clos de Champeau a interjeté appel aux fins d'infirmation partielle de la décision ; elle demande à la cour de dire que la société Dupont Restauration a manqué à ses obligations contractuelles, en ne respectant pas les règles d'hygiène et de sécurité, en n'ayant pas répercuté le réel coût de revient des marchandises et prestations à sa cliente, en n'ayant pas respecté les dispositions relatives à la résiliation, en ayant contrevenu à l'article L. 441-3 du Code de commerce ; en conséquence, elle réclame 150 000 euro avec intérêts légaux depuis l'assignation jusqu'à complet paiement et anatocisme ; à titre subsidiaire, elle demande une expertise sur le coût de revient ; elle sollicite par ailleurs le débouté de son adversaire en son appel incident et réclame 8 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile ;

L'intimée sollicite la confirmation du jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts qu'elle réclame à hauteur de 57 000 euro ; elle demande à la cour de dire qu'il n'y a pas lieu à restitution des avantages Fillon, de débouter la société le Clos de Champeau et de la condamner à lui payer 4 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société le Clos de Champeau qui exploite une maison médicalisée pour personnes âgées de 78 lits à st Jean le Blanc a conclu le 28 mai 2003 un contrat de fournitures de prestations de restauration avec la société Dupont Restauration aux termes duquel la société Dupont Restauration devait préparer les trois repas journaliers des résidents en se chargeant de l'approvisionnement en denrées alimentaires, de la préparation des menus avec le directeur, du service et du nettoyage de la cuisine et du matériel ; il était convenu que la société Dupont Restauration facture chaque mois à la société le Clos de Champeau le prix tel que défini à l'article 11 du contrat.

La société le Clos de Champeau fait valoir que ce prix devait se décomposer en dépenses contrôlées consistant en la répercussion par la société Dupont Restauration à l'identique des coûts de revient hors taxe des différents biens et services consommés par elle sur présentation de justificatifs y compris la masse salariale et en frais de gestion correspondant à 573 euro HT pour les frais de structure et 0,0465 euro HT au couvert ; elle se plaint de ce que dès le début du contrat les dépenses engagées par la société Dupont Restauration n'ont pas été justifiées, de ce qu'un contrôle sanitaire a révélé de graves négligences au niveau de la gestion de la cuisine en 2007 par le personnel de la société Dupont Restauration, ce qui l'a amenée à résilier le contrat le 13 février 2008 avec effet au 30 mai 2008 ; elle affirme que par la suite, elle a appris que la société Dupont Restauration bénéficiait d'avantages financiers de la part de ses fournisseurs et s'est aperçue de ce que son interlocutrice n'avait pas reproduit à l'identique le coût de revient des biens et services ; elle envoyait alors une lettre recommandée à la société Dupont Restauration le 26 février 2008, lui demandant de régulariser sa facturation et de lui payer 123 538,39 euro ; elle retenait le paiement des dernières factures ; elle précise que la société Dupont Restauration a reconnu devoir une partie de la réclamation sans pour cela émettre un avoir ; un échange de courriers s'en suivait et le 25 mars 2008, la société Dupont Restauration indiquait qu'elle cesserait ses fonctions au 27 mars 2008 ; par courriel du 29 mars 2008, elle modifiait la date pour la fixer au 1 avril 2008.

La société le Clos de Champeau assignait en référé la société Dupont Restauration qui cessait ses activités le 1 avril 2008 ; elle décidait alors d'exploiter elle-même la cuisine ; le juge des référés renvoyait les parties à se pourvoir au fond.

La société le Clos de Champeau rappelle que le contrat prévoyait un respect des règlements relatifs à la sécurité, à la police et à l'hygiène en vigueur, obligation violée par la société Dupont Restauration comme en témoigne un rapport de la DDASS du 28 octobre 2007, manquement qu'elle n'avait pas pour obligation de faire figurer sur la lettre de résiliation au rang des griefs retenus, qu'elle n'a pas justifié des dépenses engagées par elle et facturées dans leur nature et leur montant, ses factures ne respectant en outre pas les dispositions de l'article,L. 441-3 du Code de commerce qui impose d'y faire figurer la date de la prestation de service, la quantité, la détermination précise et le prix unitaire des produits et services rendus ainsi que toute réduction, qu'elle n'a pas répercuté les remises et réductions dont elle était bénéficiaire, comme en attestent les fournisseurs, séparant pour ce faire l'avoir de la facturation, tandis qu'elle n'en conteste pas la réalité et fournit plusieurs explications non satisfaisantes sur cette non répercussion. Elle estime que c'est à la société Dupont Restauration de justifier du fait qu'elle a facturé le réel coût de revient dans la mesure où de tous temps elle-même a contesté la facturation, ce qui renverse la charge de la preuve, que l'article L. 442-6 impose au prestataire de services qui se prétend libéré de justifier du fait qui a éteint son obligation, qui est applicable puisque la société Dupont Restauration a habillé les remises consenties, ce qui représente une pratique restrictive.

Elle ajoute que la société Dupont Restauration n'a pas non plus tenu compte des rabais bas salaire dont elle bénéficiait, qui venaient diminuer les charges sociales des salariés affectés, charges sociales prises en compte dans la détermination du prix de revient, qu'elle en a reconnu le principe mais n'a pas établi d'avoir.

Subsidiairement, elle formule une demande d'expertise, qui n'est pas une demande nouvelle et peut se formuler à n'importe quel stade de la procédure, aux fins de déterminer les avoirs ou remises dont la société Dupont Restauration a bénéficié, à laquelle l'ordonnance de référé, qui l'a rejetée, ne fait pas obstacle et parce qu'elle n'a pas l'autorité de la chose jugée, et parce qu'elle ne visait pas la même chose, le juge ayant renvoyé les parties à se pourvoir au fond, ce qui n'équivaut pas à un débouté.

Elle fait valoir également que la société Dupont Restauration n'a pas respecté les dispositions contractuelles relatives à la résiliation puisqu'elle ne pouvait suspendre ses prestations que si le défaut de règlement des factures était injustifié, ce qui n'est pas le cas puisqu'il était invoqué une erreur de facturation avec un trop versé, qu'elle a abusé de sa confiance et doit répondre du préjudice subi, soit un préjudice moral et financier ; elle s'oppose à la demande reconventionnelle de son adversaire qui ne justifie pas d'un préjudice puisque les salariés ont été repris par elle et qu'aucune atteinte n'a été faite à son image.

La société Dupont Restauration lui réplique que ses factures ont été payées sans aucune contestation jusqu'à la période de préavis de rupture, qu'elle a mis en demeure la société le Clos de Champeau le 15 février 2008 d'avoir à payer les dernières factures incontestablement dues, que n'ayant obtenu aucun règlement, elle l'a informée de son intention de suspendre ses prestations à compter du 27 mars 2008 et de résilier le contrat à dater du 17 avril 2008, qu'elle a accepté de reporter la date de suspension et ordonné à ses salariés de prendre leur poste le 1 avril 2008, salariés chassés de leur poste par les responsables de la maison de retraite : elle en conclut que les contestations élevées par la société le Clos de Champeau n'ont pour but que de la faire échapper au paiement des dernières factures puisqu'elle n'a plus besoin de sa co-contractante.

Elle affirme n'avoir commis aucune faute dans l'exécution de la prestation de restauration, que la pièce produite et relative aux manquements aux normes d'hygiène traduit en réalité l'inadaptation et le mauvais état des locaux, que la société le Clos de Champeau ne lui a jamais rien reproché à ce niveau, qu'il n'y a jamais eu la moindre réclamation des pensionnaires, que la société le Clos de Champeau a embauché le personnel qui selon elle aurait été incapable de respecter les règles d'hygiène, qu'il n'y a pas eu de rupture fautive en cours de préavis au 1 avril 2008 puisque le Clos de Champeau ne pouvait arguer d'aucune contestation sérieuse pour se soustraire à ses obligations, ce qui a été consacré par la cour d'appel saisie de l'appel de l'ordonnance de référé, que dès lors elle ne peut, alors que toutes les précautions ont été prises, venir prétendre que la suspension et la rupture pour non-paiement seraient injustifiées.

Elle précise que le montant de la créance due correspond à des débours déjà effectués par elle, qu'il a été consacré par la cour d'appel saisie en référé, que les intérêts moratoires contractuels y ont été légitimement inclus, que la cour d'appel a précisé que ce montant n'est pas contesté, ce qui n'empêche pas la débitrice de prétendre désormais que la facturation ne serait pas justifiée, qu'elle produit donc l'ensemble des justificatifs.

Elle précise que le contrat indique les éléments composant la facturation, soit pour le personnel : les rémunérations et charges sociales et pour les denrées, boissons et produits divers : le coût de revient facturé par les fournisseurs, plaide que l'interprétation faite par la société le Clos de Champeau sur ce point est erronée ; tout d'abord elle conteste avoir accepté de répercuter sur sa cliente les allégements dont elle a reconnu être bénéficiaire, fait remarquer que l'appelante a toujours réglé les débours salariaux, parfaitement informée du montant de ces dépenses contrôlées, que les abattements aujourd'hui réclamés sont conçus comme un avantage à l'employeur qui n'a pas à les répercuter sur les facturations en frais de personnel, qu'il s'agit d'une contrepartie au risque social qu'elle a elle-même supporté, la convention ne souffrant aucune interprétation : elle demande donc la réformation de la décision sur les bas salaires.

En ce qui concerne les rabais qui n'auraient pas été répercutés, elle répond que la définition du coût de revient a été précisée par les parties au contrat, qu'il s'agit du coût de revient des matières facturées par les fournisseurs, qu'elle a toujours respecté, comme le prouve les tarifs des fournisseurs qu'elle produit, que le prix d'achat effectif est le prix figurant sur la facture, nonobstant la marge arrière, que les dispositions de l'article L. 441-3 relatives aux mentions obligatoires contenues dans les factures ont été respectées.

Elle affirme que les pièces 30 et 34 censées prouver l'existence d'avoir sont des faux, que les justificatifs ont toujours été fournis à la société le Clos de Champeau au fur et à mesure, laquelle a réglé les factures sans protestation, preuve de la bonne exécution, que l'article L. 442-6 relatif aux pratiques restrictives n'est pas applicable au présent litige, que la demande d'expertise présentée en référé a été abandonnée par son adversaire en appel de l'ordonnance rendue, qu'il s'agit donc d'une nouvelle prétention irrecevable, qui ne tend pas aux mêmes fins que celle présentée aux premiers juges et qui de surcroît vise à pallier la carence en preuve de l'appelante.

Elle formule une demande reconventionnelle dans la mesure où la société le Clos de Champeau l'a contrainte à écourter d'un mois l'exécution du préavis à raison de son refus obstiné de payer, les salariés ayant été chassés dans des conditions vexatoires. Elle estime son préjudice égal à un mois de chiffre d'affaire, soit 27 000 euro et à 30 000 euro en ce qui concerne le préjudice moral tenant à la mauvaise publicité qui lui a été faite.

Sur ce

Le contrat était conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties ayant la possibilité de le faire cesser pour une fin de mois calendaire à condition de prévenir l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception 3 mois avant la fin du mois retenu comme échéance, sauf la possibilité de résilier immédiatement pour inexécution grave par une des parties. Il semble qu'aucune difficulté n'ait émaillé les relations entre les parties jusqu'au jour de la résiliation par le Clos de Champeau du contrat, par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2008, mettant fin au contrat pour le 31 mai 2008, la résidence désirant reprendre la gestion de la cuisine.

Il était prévu que les prestations du restaurateur feraient l'objet d'une facturation mensuelle au titre du mois écoulé, les factures étant payables au plus tard dans un délai de 25 jours fin de mois de la prestation. En cas d'incident de paiement, l'article 14-3 permettait au restaurateur de résilier le contrat de plein droit 15 jours après une mise en demeure restée en tout ou partie sans effet, cette résiliation pour défaut de paiement entraînant la possibilité pour le restaurateur de suspendre ses prestations 8 jours calendaires après mise en demeure et d' exiger la totalité des sommes dues.

Le conflit est né des dernières factures dont le Clos de Champeau a contesté le bien-fondé via la société gestion sanitaire et sociale ; faute de ce paiement, la société Dupont Restauration a décidé de suspendre ses prestations. La société le Clos de Champeau plaide le non-respect par la société Dupont Restauration de ses obligations contractuelles.

Sur le non-respect par la société Dupont Restauration de ses obligations contractuelles

- sur le non-respect des règles de salubrité, de sécurité et d'hygiène :

La société le Clos de Champeau en veut pour preuve un rapport de la DDASS d'Orléans du 28 octobre 2007 qui relève certes certaines mauvaises pratiques de fonctionnement mais relate essentiellement la nécessaire restructuration des locaux pour respecter les obligations réglementaires de conception, dimensionnement et agencement ; dans son courrier en réponse, la société le Clos de Champeau n'en disconvient pas et sur la partie imputable au personnel répond que la société Dupont Restauration a remédié aux mauvaises pratiques. Il s'en suit qu'elle se reconnaît responsable de l'essentiel et admet que pour le reste, informée, la société Dupont Restauration a pris les mesures nécessaires. L'argument doit être écarté qui ne peut justifier une résiliation pour faute.

- sur le non-respect des dispositions contractuelles relatives à la justification de sa facturation et au prix :

Le contrat est un contrat dit de "fournitures sur dépense contrôlées" dont la définition figure à l'article 11 sous l'intitulé "prix" : le prix hors taxe est constitué chaque mois du coût de revient des fournitures du mois "denrées alimentaires, boissons, produits et services divers" auxquels s'ajoutent les frais et honoraires ; la première partie s'entend de la répercussion à l'identique des coûts de revient hors taxe des différents biens et services consommés par Dupont Restauration en exécution de ses obligations contractuelles, cette répercussion étant faite à l'euro près sur présentation de justificatifs, comme les factures fournisseurs, y compris la masse salariale calculée et facturée mensuellement.

Comme l'a fait remarquer la cour, saisie sur appel d'un référé provision, entre mai 2003 et avril 2008, les factures établies sur ces bases ont été intégralement payées sans aucune contestation.

Tardivement, le Clos de Champeau reproche essentiellement à la société Dupont Restauration de n'avoir pas produit ses pièces justificatives, soit les factures fournisseurs et les éléments de la masse salariale.

Il n'a pas été véritablement contesté, comme en atteste le courrier de la société Dupont Restauration du 27 janvier 2004, que conformément aux termes du contrat, un dialogue existait, comme il le confirme pat attestation, avec monsieur Vidal, en charge du contrôle du service de restauration qui assurait un pointage des salariés et fournissait les pièces comptables. Il déclare qu'il remettait à la directrice les bons de livraison, le report sur le cahier d'achat, le compte d'exploitation, les pièces justificatives de la masse salariale. Il s'agissait au moins de comptes rendus mensuels, voire même hebdomadaires (courrier du 27 juin 2005) et les factures ont été établis selon ces comptes rendus mensuels contradictoires car l'hypothèse contraire aurait d'évidence amenée la société le Clos de Champeau à en contester en temps et en heure le bien fondé.

En ce qui concerne les allégements dont la société le Clos de Champeau désire la répercussion, le tribunal fait d'abord remarquer que le contrat fait simplement allusion sans autre précision à la masse salariale, puis il estime que le courrier du 18 mars 2008 par lequel la société Dupont Restauration reconnaît le principe de ces abattements n'en admet pas pour autant la répercussion. Cela étant dit, l'argument essentiel de ce courrier est de dire que les refacturations n'en tiennent pas compte parce que ces allégements doivent être calculés à la personne sur les deux sites et ce de manière analytique. Pourtant le tribunal fait un distinguo entre les avantages Aubry et les avantages Fillon. Pour lui la loi Aubry a un tel impact en termes d'engagements pour l'entreprise que ces aides ne doivent pas entrer dans le coût de revient. Pour les allégements Fillon, il part du principe qu'ils ont pour objectif principal de baisser le coût social mais pas d'exigence en termes de contrepartie pour les entreprises, tout en reconnaissant un risque social, des coûts d'encadrement et de formation ; il semble à la cour qu'il y a là une contradiction. Le raisonnement commun est de dire que ces abattements aujourd'hui réclamés sont en réalité des avantages concédés au seul employeur qui a à sa charge en contrepartie un certain nombre d'exigences qu'ils soient en termes de surcoût ou de risque. La lecture de la convention, ne permet pas d'affirmer que la commune intention des parties a été d'inclure dans la notion de "masse salariale" la répercussion d'abattements que la cour considère comme "attachés" à l'entreprise employeur en compensation de contreparties qu'elle fournit personnellement, même si l'on fait allusion à des coûts de revient à l'euro près. Il n'y a pas de justification d'une répercussion de l'avantage concédé sur le client final qui n'assume pas ces contreparties.

Compensant des coûts internes à l'entreprise, ces deux formes d'abattements n'ont pas à être répercutées.

En ce qui concerne les rabais non répertoriés, la société Dupont Restauration produit aux débats les tarifs de ses principaux fournisseurs qui correspondent aux montants facturés à la maison de retraite. Pour preuve contraire, la société le Clos de Champeau produit deux pièces émanant de la boucherie Bordet et de la pâtisserie Marie. La pièce 27 correspond à une proposition du 1 avril 2008 faite au moment de la rupture du contrat, le jour même, donc insusceptible d'éclairer le débat ; quant à la pâtisserie Marie, elle n'a jamais fourni le Clos de Champeau et la pièce 28 n'établit pas pour autant que la remise suggérée ait été appliquée alors que les éléments versés pour la Résidence de la Peupleraie semblent contredire son application. Par ailleurs, le prix d'achat doit s'entendre du prix d'achat figurant sur la facture déduction faite des rabais ou ristournes, connus au moment de la facturation, nonobstant les remises arrière.

Reste le document émanant du compte client Dupont Restauration chez le fournisseur la Normandie à Paris ; la société Dupont Restauration considère qu'il s'agit d'un faux ; outre qu'il s'agit d'une production tardive d'un document émanant d'un des fournisseurs connus de la société Dupont Restauration, la cour remarque qu'il n'est certifié par aucun comptable ou expert-comptable ; il est contesté par le directeur commercial de cet établissement qui affirme que cet état de compte porte le nom d'une personne, madame Le Fur, qui ne fait plus partie du personnel et qu'il ne correspond dans ses références à aucune pièce comptable faisant partie de la comptabilité de l'établissement La Normandie ; il ajoute qu'en tous cas la Normandie ne livrait pas la Résidence de la Peupleraie ; en l'état, elle ne peut l'accueillir comme preuve de l'existence des avoirs prétendus.

Par contre, la société Dupont Restauration apporte la preuve que dans le cadre de sa relation commerciale avec ses fournisseurs, elle exécutait quelques diligences pour eux en termes de référencement ou publicité qu'elle facturait, ce qui pouvait entraîner des compensations dans les paiements.

Faute d'avoir à l'époque contesté les factures et les pièces comptables réputées versées à leur appui, la société le Clos de Champeau doit apporter désormais la preuve de ce qu'elle avance pour les contredire et force est de constater que ses allégations sont peu étayées. Elle affirme que les factures sont contraires aux dispositions de l'article L. 441-3 du Code de commerce car elles ne reprendraient pas la date de vente ou de prestation de service ni la quantité ou le prix unitaire. Si défaut il y avait, encore qu'il ne soit pas avéré, lorsque l'on étudie l'ensemble des pièces que la société Dupont Restauration a accepté de verser aux débats, outre que ces arguments n'ont été soulevés que bien tardivement, ce manquement n'entraînerait pas la nullité des factures et l'inexistence des prestations les sous tendant. Puis la société le Clos de Champeau argumente sur l'application de l'article L. 446-6 III qui ne concerne que les pratiques prévues au même article et qui sont inapplicables à ce contrat antérieur à l'entrée en vigueur de la loi et à défaut de pratiques restrictives dont la démonstration n'est pas faite.

Toutes ces contestations formées par la société le Clos de Champeau qui fait feu de tout bois ne résistent pas à l'examen ; l'expertise n'ayant pas pour but de suppléer la carence d'une partie, ne peut être ordonnée car en définitive il s'agirait d'examiner l'ensemble de la comptabilité de la société Dupont Restauration pour révéler l'existence même des avoirs prétendus, dont la société le Clos de Champeau n'a pu faire la démonstration ; mais encore, la cour fait siens les arguments développés par le conseiller de la mise en état faisant état des tergiversations procédurales de la société le Clos de Champeau. Il convient de rejeter cette demande par application de l'article 146 du Code de procédure civile.

- sur le non-respect des dispositions contractuelles applicables en matière de résiliation

Il est établi que les dispositions contractuelles relatives à la résiliation du contrat et à la suspension des prestations par le restaurateur ont été strictement respectées, qu'elles étaient motivées par un arriéré important, dont le montant a été contesté pour des motifs que la cour estime injustifiés d'une part mais qui d'autre part était dû et n'aurait été compensé, en cas de motifs reconnus valables, que pour une faible part qui ne pouvait faire échec au paiement. La société le Clos de Champeau a été condamnée à payer faute de contestation sérieuse sur le principe de la dette ; en conséquence, la société Dupont Restauration ne s'est rendue coupable d'aucun abus de droit en résiliant. En outre, elle a pris des mesures nécessaires pour que cette suspension ne surprenne pas la direction et en a reculé le délai. Elle n'a donc commis aucun manquement et n'a adopté aucun comportement déloyal. Le débouté de l'ensemble des demandes de la société le Clos de Champeau s'impose.

Le principe de sa condamnation sera confirmé, en deniers et quittances valables puisque les sommes ont été réglées.

Sur la demande reconventionnelle de la société Dupont Restauration

La société Dupont Restauration base le calcul de son préjudice sur le fait que son adversaire l'a contrainte à écourter sa prestation d'un mois et sur les conditions vexatoires qui ont présidé à la rupture.

Le tribunal n'a pas retenu le chiffre d'affaires moyen proposé par la société Dupont Restauration en raison du fait que les moyens d'exploitation n'ont pas donné lieu à réaffectation ; la société Dupont Restauration lui objecte qu'il s'agit des moyens de gestion du restaurant mis en œuvre au siège de la société et non sur place. Cela étant, il n'est pas d'usage de retenir le chiffre d'affaire mais plutôt la perte de marge bénéficiaire. De ce point de vue, prenant en compte l'objection formulée par la société Dupont Restauration, la cour estime que sur les deux fondements, toutes causes de préjudices confondues, il y a lieu d'octroyer à l'intimée une somme globale de 10 000 euro.

Succombant, la société le Clos de Champeau sera condamnée à payer 4 000 euro à la société Dupont Restauration en cause d'appel sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe Confirme le jugement entrepris sur la condamnation principale, le principe des dommages et intérêts à payer à la société Dupont Restauration et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; L'infirme pour le surplus ; Déboute la société le Clos de Champeau de sa demande de remboursement au titre des allégements de charges non répercutés ; Condamne la société Clos de Champeau à payer 10 000 euro de dommages et intérêts à la société Dupont Restauration ; Déboute la société le Clos de Champeau de l'ensemble de ses demandes ; Condamne la société le Clos de Champeau à payer 4 000 euro à la société Dupont Restauration en cause d'appel sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvré directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.