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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 6 janvier 2012, n° 10-08024

LYON

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Rhône-Dauphine Express (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cuny

Conseillers :

Mme Grasset, M. Maunier

T. com. Lyon, du 7 oct. 2010

7 octobre 2010

EXPOSE DU LITIGE

La société Vecera représentée par Monsieur G exerce une activité de coursiers et de transporteurs rapides.

Elle était en relations commerciales avec la société Rhône Dauphine Express.

Le 13 février 2008, la société Vecera a informé la société Rhône Dauphine Express de ce qu'un de ses salariés, Monsieur B, exigeait depuis plusieurs semaines le versement de "pots de vins" à son profit pour continuer à lui confier des courses.

Monsieur G a également déposé plainte entre les mains de Monsieur le procureur de la République du Tribunal de grande instance de Lyon.

Au motif que suite à la dénonciation de ces faits et au dépôt de plainte, les relations avec son donneur d'ordres, la société Rhône Dauphine Express, se sont dégradées et que celui-ci s'est désengagé sans aucun préavis écrit, et ce de toute évidence à titre de représailles, la société Vecera l'a fait assigner en dommages et intérêts pour rupture brutale et abusive des relations établies sur le fondement des articles L. 442-6 du Code de commerce et 1382 du Code civil.

En cours de procédure, la société Vecera a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire et Maître D ès qualités de liquidateur judiciaire est intervenu volontairement à la procédure.

Monsieur G est également intervenu volontairement pour obtenir réparation de son préjudice personnel.

Par jugement en date du 7 octobre 2010, le Tribunal de commerce de Lyon a statué comme suit :

"Dit recevable l'intervention volontaire de Maître Patrick-Paul D en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Vecera.

Dit Monsieur Mohamed Tarik G irrecevable en ses demandes.

Déboute la société Vecera de l'ensemble de ses demandes.

Rejette comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties.

Condamne la société Vecera à payer à la société Rhône Dauphine Express la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du CPC,

Condamne la société Vecera aux entiers dépens de l'instance."

Maître D ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Vecera et Monsieur G ont relevé appel de ce jugement.

Ils font valoir dans leurs dernières écritures signifiées le 7 juin 2011 :

- que les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ont vocation à être combinées avec les dispositions légales réglementaires ou conventionnelles particulières applicables aux différents secteurs d'activité,

- que les dispositions de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 dite "loi Loti" ont vocation à s'appliquer à défaut de convention écrite conclue entre les parties et ne peuvent préjudicier aux dispositions législatives applicables en matière de contrat tel que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, qu'il en est de même des dispositions impératives du décret n° 2003-1294 qui doivent se combiner avec l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- qu'au mois de février 2008, la société Rhône Dauphine Express a rompu partiellement et brutalement le contrat de sous-traitance et que le 28 avril 2008, elle a notifié la rupture des relations qui existaient entre elles depuis le mois de décembre 2006, et ce à effet du 31 juillet 2008, que cette rupture en deux temps ne respecte ni les dispositions de l'article 12 du décret du 26 décembre 2003, ni les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

* qu'à la date de la lettre de rupture officielle, il y avait déjà eu une importante rupture de fait, et que la société Rhône Dauphine Express explique en vain cette rupture par la prétendue perte du service de fret d'Air France au mois d'avril 2008 dont elle n'a jamais informé la société Vecera et dont elle ne démontre pas le caractère imprévisible et insurmontable,

* que le préavis de trois mois pour la rupture finale n'était manifestement pas suffisant alors que la société Vecera réalisait 80 % de son chiffre d'affaires avec la société Rhône Dauphine Express d'autant que pendant la durée du préavis celle-ci a encore réduit le volume d'affaires confiées,

- qu'outre la brutalité de la rupture et le non-respect du chiffre d'affaires pendant le préavis, la société Rhône Dauphine Express peut aussi se voir reprocher sa mauvaise foi, que ses tentatives de justifications ne sont étayées d'aucun élément probant et qu'elle n'a du reste pas cru devoir motiver sa lettre de rupture, qu'en réalité, elle a eu recours à d'autres sous-traitants ayant décidé de ne plus travailler avec la société Vecera après que celle-ci ait décidé de rendre public le comportement de son préposé, que l'on est en présence d'une rupture abusive, que le document produit par la société Rhône Dauphine Express censé être un compte rendu de l'entretien préalable au licenciement de Monsieur B est diffamatoire à l'égard de la société Vecera et de son gérant, qu'il apparaît avoir été établi pour les besoins de la cause, que Monsieur B n'a pas contesté son licenciement pour faute grave, qu'aucun des motifs allégués par la société Rhône Dauphine Express n'est établi,

- que vu le volume que représentait la relation avec la société Rhône Dauphine Express dans le chiffre d'affaires, le préjudice matériel de la société Vecera est important, qu'elle a dû cesser son activité quelques mois après la rupture des relations commerciales et qu'elle a été contrainte de solliciter sa liquidation judiciaire, qu'au préjudice matériel s'ajoute le préjudice moral,

- que Monsieur G a également subi un préjudice matériel et moral.

Ils demandent à la cour de :

"Dire et Juger que la société Rhône Dauphine Express a rompu brutalement et abusivement les relations commerciales établies entre les parties,

Condamner la société Rhône Dauphine Express à payer à Maître Patrick-Paul D, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Vecera, la somme de 80 000 euro en réparation du préjudice matériel subi par la société Vecera, outre la somme de 50 000 euro en réparation du préjudice moral subi par la société Vecera et celle de 5 000 euro en application de l'article 700 du CPC,

Condamner la société Rhône Dauphine Express à payer à M. Mohamed Tarik G la somme de 10 000 euro en réparation de l'ensemble de ses préjudices, outre la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du CPC,

Condamner la société Rhône Dauphine Express aux entiers dépens distraits au profit de la SCP L DE M ET L sur son affirmation de droit, en application des dispositions de l'article 699 du CPC."

Dans ses dernières conclusions signifiées le 8 mars 2011, la société Rhône Dauphine Express réplique :

- que c'est le contexte particulier prévalant dans ce dossier qui l'a contrainte à rompre ses relations avec la société Vecera, que le préavis de trois mois qui a été respecté alors que les relations n'ont duré que 17 mois est conforme à la loi "Loti", que les demandes de la société Vecera et de son liquidateur judiciaire ne sont pas justifiées, non plus que celles de Monsieur G,

* qu'elle n'avait pas d'autre choix que de rompre les relations avec son salarié indélicat mais aussi avec le sous-traitant coursier qui avait bénéficié d'avantages indus,

* que la Loti a été respectée, qu'à suivre la thèse des appelants, elle n'aurait jamais vocation à être invoquée,

- qu'il n'y a pas eu rupture partielle et de manière significative de la relation commerciale avant le 28 avril 2008, date de la lettre de rupture, que la Loti ne fait aucunement référence à la notion de prétendue dépendance, que s'il est vrai qu'en fin de préavis, les chiffres réalisés dans le cadre des relations entre les deux sociétés ont été inférieurs à celui connu fin décembre 2007, cette différence s'explique par le fait que la société Vecera était moins disponible, que les volumes d'affaires confiées à la société Rhône Dauphine Express étaient eux-mêmes réduits du fait par exemple des réductions du fret Air France et que les volumes d'affaires du début de l'année 2008 avaient été artificiellement gonflés par les "arrangements" consentis par Monsieur B à la société Vecera, qu'en l'état de la lettre de rupture, il est concevable que la société Vecera préférait réserver ses disponibilités pour ses autres clients avec lesquels elle pouvait espérer des profits ultérieurs, qu'elle ne s'est jamais engagée sur un chiffre minimum à l'égard de la société Vecera,

- que Monsieur G qui a participé au délit dont il se prétend victime n'est pas fondé à réclamer quelque somme que ce soit,

- que les montants réclamés par la société Vecera sont sans rapport avec le chiffre d'affaires effectivement réalisé, que le chiffre d'affaires en 2007 correspondait à une moyenne mensuelle de 11 519 euro, qu'il y a lieu de déduire du chiffre d'affaires sur trois mois les prestations réalisées pendant le préavis pour un montant de 12 750 euro et que la marge brute est de 26 %, qu'il n'est pas justifié d'un préjudice moral.

Elle demande à la cour de :

"A titre principal,

De rejeter les demandes de la société Vecera et son liquidateur.

De rejeter les demandes de Monsieur G.

De les condamner solidairement à payer à la société Rhône Dauphine Express la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du CPC,

A titre subsidiaire,

Juger que le préjudice de la Société Vecera ne saurait dépasser la somme de 5 669,82 euro ;

Débouter la société Vecera et son liquidateur de leurs plus amples demandes,

Rejeter les demandes de la société Vecera formulées au visa de l'article 700 du CPC,

En tout état de cause,

Condamner solidairement la société Vecera, son liquidateur Maître D et Monsieur G aux entiers dépens distraits au profit de la SCP B S."

L'ordonnance de clôture est en date du 6 septembre 2011.

SUR CE, LA COUR

Attendu que pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières écritures devant la cour ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

Attendu que la société Rhône Dauphine Express a pour activité le transport express de colis par groupage et que parallèlement à cette activité de 'groupage express', elle effectue, à la demande, le transport de colis nécessitant un départ immédiat dans l'urgence, ce service étant dénommé Top Course ; qu'afin de réaliser son service Top Course, elle a recours à des prestataires extérieurs parmi lesquels figurait la société Vecera depuis décembre 2006 ;

Attendu que la société Rhône Dauphine Express explique que le service Top Course fonctionne de la façon suivante :

- ses opérateurs reçoivent les appels des clients,

- en fonction du type de course à effectuer (distance, colis et clients), l'opérateur fait appel à l'un des coursiers "sous-traitants" figurant sur la liste des prestataires préalablement sélectionnés par l'entreprise, d'après diverses caractéristiques précises (type de véhicule, nombre, disponibilité, distance qu'ils sont prêts à parcourir (...)),

- les opérateurs dédiés au service "Top Course" travaillent en toute indépendance et font librement choix du prestataire sous-traitant qu'ils estiment le mieux adapté au type de course à effectuer ;

Attendu qu'il est établi et non contesté :

- que courant février 2008, Monsieur G, représentant légal de la société Vecera, s'est plaint auprès de la société Rhône Dauphine Express d'avoir été 'racketté' depuis plusieurs mois par l'un de ses animateurs, Monsieur B, pour avoir des transports,

- que Monsieur B a été convoqué par le directeur des ressources humaines de la société Rhône Dauphine Express, mis à pied le 13 février 2008 et licencié pour faute grave par courrier du 5 mars 2008 ;

Attendu que par courrier recommandé du 21 février 2008 (AR signé le 27 février 2008), le conseil de la société Vecera a écrit à la société Rhône Dauphine Express pour se plaindre de la dégradation des relations de ces deux sociétés depuis la dénonciation des faits ci-dessus et d'une réduction des missions confiées à la société Vecera ; qu'il disait cette situation contraire aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce en insistant sur le préjudice qui en résultait pour la société Vecera "totalement dépendante de vos ordres de missions" et demandait le rétablissement des relations commerciales telles qu'elles existaient jusqu'au 13 février 2008 ;

Attendu que par un nouveau courrier recommandé du 21 avril 2008 (AR signé le 22 avril 2008), il signalait que le chiffre d'affaires réalisé par la société Vecera avec la société Rhône Dauphine Express était passé de 18 000/19 000 euro à environ 12 000 euro HT par mois et que cette baisse significative d'activité équivalait à une cessation partielle de la relation commerciale établie alors qu'elle n'avait été précédée d'aucun préavis écrit ; qu'il mettait la société Rhône Dauphine Express en demeure d'indemniser la société Vecera pour le manque à gagner subi en février et mars 2008 et de reprendre le niveau d'activité préexistant pendant une période de préavis ne pouvant être inférieure à 6 mois en précisant que faute de se conformer à la mise en demeure, une action en justice serait intentée ;

Attendu que par courrier du 23 avril 2008, la société Géodis Calberson a formé au nom de sa filiale, la société Rhône Dauphine Express toutes réserves sur le contenu du courrier du 21 avril 2008 ;

Attendu que par courrier recommandé du 28 avril 2008 (AR signé à une date illisible), la société Rhône Dauphine Express a notifié à la société Vecera la rupture des relations contractuelles à effet du 31 juillet 2008, "respectant ainsi un préavis de 3 mois, conforme aux usages et à l'ancienneté de nos relations" ;

Attendu que par courrier recommandé du 5 mai 2008 (AR signé le 6 mai 2008), le conseil de la société Vecera a fait savoir à la société Rhône Dauphine Express que le préavis de trois mois était insuffisant dès lors qu'elle réalisait la quasi-totalité de son chiffre d'affaires avec elle, soulignant que le nombre de courses avait considérablement diminué depuis la dénonciation des agissements de Monsieur B, le chiffre d'affaires qui s'élevait à 18 000/19 000 euro étant passé en avril 2008 à 5 576 euro HT ; qu'il ajoutait que sa cliente serait contrainte de s'adresser à justice pour obtenir l'indemnisation de son préjudice en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Attendu que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5°) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit, tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.(...) A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure" ;

Attendu que l'existence d'un accord professionnel ne dispense pas la juridiction d'examiner si le préavis, qui respecte le délai minimal fixé par cet accord, tient compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce ;

Attendu que dès lors que par courrier recommandé du 28 avril 2008, la société Rhône Dauphine Express a notifié à la société Vecera la rupture des relations commerciales à effet du 31 juillet 2008, elle a nécessairement renoncé à se prévaloir d'une inexécution par celle-ci de ses obligations ou d'un cas de force majeure la dispensant du respect d'un préavis ; qu'ainsi, elle ne peut valablement et utilement invoquer dans le cadre de la présente procédure le versement par Monsieur G à Monsieur B de sommes d'argent dans le but d'obtenir des courses comme de nature à justifier une rupture partielle puis totale des relations établies sans préavis écrit ou moyennant un préavis insuffisant, ce versement ne pouvant au surplus en l'état des éléments de la cause être considéré comme formellement démontré ; qu'en effet, il n'est question de l'encaissement par Monsieur B d'un chèque de 1 200 euro tiré sur le compte de Madame G en août 2007 que dans un compte-rendu d'entretien préalable du 27 février 2008 (non signé par quiconque) entre le directeur de la société Rhône Dauphine Express et le responsable des ressources humaines d'une part et Monsieur B assisté de deux représentants du personnel d'autre part où Monsieur B a déclaré que ce chèque était en réalité destiné à un certain Si M. Ali, connaissance commune de Monsieur B et de Monsieur G à l'égard de qui celui-ci était débiteur ; qu'en outre, si une enquête pénale a été diligentée suite à la plainte de Monsieur G, ainsi que cela ressort d'un courrier du parquet de Lyon en date du 13 juillet 2009, il n'est fourni aucun élément quant au résultat et à la suite de cette enquête ;

Attendu qu'il ressort d'une attestation de l'expert-comptable de la société Vecera en date du 20 février 2008 et qu'il n'est pas contesté par la société Rhône Dauphine Express que le chiffre d'affaires de la société Vecera résultant de leurs relations a été en 2008 de 139 048 euro HT ;

Attendu que selon une autre attestation du même expert-comptable en date du même jour, ce chiffre d'affaires représente 79,7 % du chiffre d'affaires de la société Vecera ;

Attendu que la société Vecera produit les factures qu'elle a établies à l'intention de Top Course 69 en dates des 1er octobre 2007, 2 novembre 2007 et 31 décembre 2007 s'établissant respectivement à 15 088 euro HT, 19 503 euro HT et 16 719 euro HT ; qu'il ressort des pièces du dossier que le chiffre d'affaires réalisé par la société Vecera avec la société Rhône Dauphine Express, service Top Course, a été de 18 380 euro en janvier 2008, 10 912 euro en février 2008, 10 571 euro en mars 2008, 5 576 euro en avril 2008, 4 905 euro en mai 2008, 6 195 euro en juin 2008 et 1 650 euro en juillet 2008 ; qu'il n'est par contre fourni aucun détail concernant chacun des autres mois de la période de leurs relations contractuelles qui se sont étendues de décembre 2006 au 31 juillet 2008 ; qu'en réalité le chiffre d'affaires de l'année 2007 correspond à une moyenne mensuelle de 11 587,33 euro HT ;

Attendu qu'en l'état de ces chiffres et notamment de la moyenne mensuelle sur l'année 2007, étant observé que la société Rhône Dauphine Express ne s'était pas engagée sur la base d'un chiffre d'affaires minimum garanti, il ne peut être retenu que les chiffres d'affaires réalisés par la société Vecera avec cette société, service Top Course, pour les mois de février et mars 2008 manifestent une rupture brutale partielle des relations établies sans préavis ;

Attendu que la notification de la rupture par courrier recommandé du 28 avril 2008 à effet du 31 juillet 2008 moyennant donc un préavis de trois mois respecte les stipulations de la loi d'orientation des transports intérieurs n° 82-1153 du 30 décembre 2002 dite Loti et du décret d'application n° 2003-1294 du 26 décembre 2003 ; que si l'existence d'un accord interprofessionnel ne dispense pas la juridiction d'examiner si le préavis qui respecte le délai minimal de cet accord tient compte de la durée des relations commerciales et des autres circonstances de l'espèce, force est de constater qu'en l'espèce la relation remontait à décembre 2006, soit moins de 18 mois, que la loi Loti ne fait pas référence à la notion de "prétendue dépendance", qu'il n'est pas établi que la société Rhône Dauphine Express savait que la société Vecera réalisait avec elle près de 80 % de son chiffre d'affaires et qu'au surplus, cette situation procède d'un choix de la société Vecera et d'un risque qu'elle a unilatéralement décidé de prendre, étant observé qu'aucune clause d'exclusivité ne liait les deux sociétés ;

Attendu qu'au regard des éléments du dossier et notamment de la durée des relations commerciales établies, le délai de préavis de trois mois tel que stipulé par la Loti apparaît en l'espèce suffisant ;

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'à partir du mois d'avril 2008 et pendant toute la durée du préavis, le chiffre d'affaires mensuel réalisé par la société Vecera avec la société Rhône Dauphine Express a considérablement diminué ainsi que cela résulte des chiffres énoncés supra ;

Attendu que la société Rhône Dauphine Express l'admet et l'explique par trois motifs :

- une moindre disponibilité de la société Vecera,

- des volumes d'affaires confiés à la société Rhône Dauphine Express eux-mêmes réduits du fait par exemple de la réduction du fret d'Air France,

- des volumes d'affaires du début de l'année 2008 artificiellement augmentés par les arrangements consentis par Monsieur B à la société Vecera ;

Attendu que par un mail du 22 avril 2008, la société Rhône Dauphine Express lui indiquait que suite à sa demande, elle lui confirmait que la ramasse quotidienne à 21 h qu'elle lui confiait chez son client Air France ne lui serait plus confiée à compter du lundi 14 avril pour ne plus perturber sa disponibilité pour d'autres prestations ; que par courrier du 5 juin 2008, elle a relevé son manque de disponibilité en énonçant toute une série de transports pour lesquels elle l'avait sollicitée en vain entre le 18 mars 2008 et le 2 juin 2008 inclus et qu'il est produit des tableaux d'indisponibilité de la société Vecera établis par la société Rhône Dauphine Express ainsi que plusieurs mails de la société Rhône Dauphine Express à la société Vecera entre le 13 juin 2006 et le 31 juillet 2006 ayant pour objet un transport refusé ;

Attendu que les tableaux établis par la société Rhône Dauphine Express ne peuvent être considérés comme ayant valeur probante, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même ;

Attendu que la société Vecera a contesté par courrier du 12 juin 2006 le courrier de la société Rhône Dauphine Express en date du 5 juin 2008, de sorte qu'en l'état des positions contraires des parties et de l'absence d'autres éléments, l'indisponibilité de la société Vecera dont il est question dans ces courriers ne peut être considérée comme caractérisée ;

Attendu en revanche que la société n'a pas réagi au courrier du 22 avril 2008 et aux différents mails ; qu'abstraction faite de l'objet du courrier du 22 avril 2008 qui n'est pas déterminant quant à l'indisponibilité de la société Vecera, une moindre disponibilité apparaît donc bien établie à partir du courant du mois de juin 2008 ;

Attendu que la société Rhône Dauphine Express ne fournit aucun élément de nature à établir qu'elle-même a subi une réduction des volumes d'affaires qui lui étaient confiées ; qu'elle ne justifie pas et n'allègue même pas avoir fait part à un quelconque moment d'une telle situation à la société Vecera ; qu'elle n'établit pas non plus que cette baisse de son activité, à la supposer démontrée, était imprévisible et ne pouvait être anticipée ;

Attendu enfin qu'ainsi que cela a déjà été indiqué, il ne peut être considéré comme formellement établi qu'il y a effectivement eu des 'arrangements' entre Monsieur B et la société Vecera qui ont artificiellement augmenté les volumes d'affaires en début d'année 2008 ; qu'en tout état de cause, les volumes d'affaires effectivement confiés démontrent qu'il était possible à la société Rhône Dauphine Express de confier de tels volumes ;

Attendu en conséquence que la baisse significative du chiffre d'affaires réalisé par la société Vecera avec la société Rhône Dauphine Express d'avril 2008 à juillet 2008 qui ne peut s'expliquer par la seule moindre disponibilité de la société Vecera à partir de courant juin 2008 est imputable à la société Rhône Dauphine Express avant cette date et imputable pour partie à cette société après cette date ;

Attendu qu'il est ainsi établi une rupture brutale partielle des relations établies sans préavis écrit en avril 2008 et un manquement de la société Rhône Dauphine Express à ses obligations durant le préavis de rupture totale ;

Attendu qu'il ne peut par contre être reproché à la société Rhône Dauphine Express d'avoir rompu abusivement ses relations contractuelles avec la société Vecera au motif qu'elle n'avait aucun reproche à lui faire au sujet de la qualité de ses prestations ; que tout contractant lié par un contrat à durée indéterminée a la possibilité de le rompre unilatéralement moyennant un préavis sans avoir à justifier d'un motif valable ;

Attendu que si la société Vecera a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 25 juin 2009 et si un extrait KBIS de son registre du commerce mentionne à la date du 20 octobre 2008 une cessation totale d'activité à compter du 10 octobre 2008, aucun élément ne permet d'établir un lien de cause à effet entre la réduction de son chiffre d'affaires d'avril à juillet 2008 inclus imputable à la société Rhône Dauphine Express et sa cessation d'activité en octobre 2008, puis, son état de cessation des paiements, la Cour ayant par ailleurs exclu le caractère brutal du fait d'un délai de préavis de rupture totale qui aurait été insuffisant et le caractère abusif de la rupture ; que la société Vecera ne produit pas les rapports qui ont pu être établis par les organes de la procédure collective dans le cadre de celle-ci ni de documents comptables concernant l'exercice 2008 ; qu'elle ne justifie pas de vaines démarches pendant la durée du préavis pour contracter avec d'autres donneurs d'ordre ; que rien ne permet de conclure qu'elle aurait connu un sort différent et n'aurait pas fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire du seul fait de la rupture des relations après le préavis de trois mois, si par ailleurs le volume d'affaires habituel avait été maintenu en avril, mai, juin et juillet 2008 ;

Attendu que la société Vecera verse au dossier une attestation de son expert-comptable, le cabinet AAC à Lyon en date du 1er juillet 2008 selon laquelle sa marge brute après déduction du coût du carburant a été pour la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2007 de 79 733 euro sur 97 892 euro HT de chiffre d'affaires ; qu'elle produit également son bilan et son compte de résultat pour la période du 20 décembre 2006 au 31 décembre 2007 ;

Attendu qu'en l'état des éléments du dossier et notamment des attestations de l'expert-comptable, du chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé en 2007 avec la société Rhône Dauphine Express, du chiffre d'affaires réalisé au cours des mois d'avril à juillet 2008 inclus, de la baisse de chiffre d'affaires imputable à la société Rhône Dauphine Express et des informations ressortant de son compte de résultat pour l'exercice du 20 décembre 2006 au 31 décembre 2007, il y a lieu de chiffrer le préjudice matériel subi par la société Vecera du fait de la rupture partielle brutale sans préavis des relations établies en avril 2008 et de la diminution du volume de courses imputable à la société Rhône Dauphine Express pendant la durée du préavis ainsi que son préjudice moral consistant en réalité dans la désorganisation qui en est résultée pour elle à la somme globale de 14 000 euro ;

Attendu que l'intervention volontaire de Monsieur G a été à bon droit déclarée recevable au regard des articles 328 et suivants du Code de procédure civile ; qu'en revanche, le tribunal a à tort déclaré sa demande irrecevable au motif qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur une telle demande pour également l'en débouter ; qu'il n'existe aucune cause d'irrecevabilité de ladite demande, Monsieur G ayant qualité et intérêt pour former et ayant le droit d'agir à ce titre ;

Attendu que la société Rhône Dauphine Express n'a nullement soutenu que Monsieur G avait un lourd passé pénal ; qu'elle n'a fait à cet égard que relater les explications fournies par Monsieur B qu'elle a d'ailleurs licencié pour faute grave ; qu'elle a également pu craindre et même penser que Monsieur G avait effectivement versé des fonds à Monsieur B au titre du "racket" des lors que ce dernier aurait reconnu avoir encaissé un chèque de 1 200 euro tout en affirmant qu'il avait une toute autre cause et Monsieur G ne fournissant quant à lui aucune explication sur ce point ; que Monsieur G ne justifie d'aucun préjudice moral imputable à faute à la société Rhône Dauphine Express ; qu'il ne justifie pas davantage d'un préjudice matériel faute de preuve d'un lien de cause à effet entre les faits retenus à la charge de la société Rhône Dauphine Express et la cessation d'activité puis la liquidation judiciaire de la société Vecera ; qu'il doit être, non pas déclaré irrecevable en ses demandes, mais débouté de celles-ci ;

Attendu que vu les éléments du litige et sa solution, il y a lieu de condamner la société Rhône Dauphine Express à payer à la société Vecera prise en la personne de son liquidateur judiciaire la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la société Rhône Dauphine Express supportera quant à elle l'intégralité de ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel à l'exclusion de ceux exposés par Monsieur G qui resteront à la charge de celui-ci ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant contradictoirement, Infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau, Déboute Monsieur G de ses demandes, Condamne la société Rhône Dauphine Express à verser à la société Vecera prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître Patrick-Paul D : - la somme de 14 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral, - la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires, Laisse à la charge de Monsieur G les dépens par lui exposés, Condamne la société Rhône Dauphine Express aux autres dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.