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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 11 janvier 2012, n° 10/10530

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tramos International NV (SA), Home Shopping Service (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mme Saint-Schroeder, M. Schneider

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarenne, SCP Bommart Fortser Fromantin

Avocat :

Me Le Gall

T. com. Paris, du 23 juin 2009

23 juin 2009

La cour est saisie de l'appel, déclaré le 17.05.2010, d'un jugement rendu le 23.06.2009 par le Tribunal de commerce de Paris.

Le 14 mars 2003 la société de droit belge Tramos International et la SA Home Shopping Service Groupe M6 (HSS) ont conclu une convention de vente portant sur l'offre du produit Tramas Ontvetter - dégraisseur - Nettoie 1000 dans le cadre de l'émission de télé achat diffusée par cette dernière sur la chaîne M6 et régie par les conditions générales d'achats 2003.

Selon cette convention était appliqué un tarif dégressif de vente selon le volume et la société Tramos International acceptait une remise de fin d'année de 3 % et une contribution de 10 % pour les émissions en direct et la prise en charge des retours suivant un tarif défini. Les étiquettes étaient la propriété de HSS et ne pouvaient être utilisées que dans le cadre de la convention. Par ailleurs cette société s'interdisait toute diffusion et commercialisation sous la marque "Nettoie 1000" en dehors de la société HSS y compris pour les retours et invendus qu'elle pouvait cependant commercialiser sans marque auprès de sa clientèle. Enfin un préavis de trois mois devait être respecté en cas de rupture de la convention.

Par lettre du 03.11.2004, la société HSS indiquait cesser toute commande sur le produit "Nettoie 1000" sous trois mois à compter de cette date, en précisant que ce délai lui était concédé à titre commercial et en alléguant une diminution non négligeable des commandes,

La société Tramos International indique que dans le cadre de l'exécution de cette convention, elle avait facturé entre le 30.09.2004 et le 23.12.2004 diverses sommes dont, à cette dernière date, une somme de 14 649,40 euro pour un montant total de 16 791,40 euro, tandis que la société HSS lui avait facturé entre le 05.08.2004 et le 01.02.2005 une somme de 9 230,08 euro et que très peu de temps après la dernière commande du mois de juin 2004, la société HSS avait commercialisé un produit contrefaisant "super Nettoie 1000" qui lui était totalement étranger et que la publicité aurait présenté comme une amélioration de son propre produit ;

A la suite de la lettre du 03.11.2004 et par lettre du 22.12.2004 la société Tramos International avait indiqué à HSS être contrainte de facturer un stock considérable d'étiquettes pour un montant de 14 649,40 euro qu'elle tenait à sa disposition et que du fait de la rupture de la convention, elle ne pouvait utiliser.

Par lettre du 09.02.200, la société HSS contestera la facturation de cette somme du 23.12.2004 que la société Tramos International maintiendra le 23.02.2005 avant d'adresser deux nouveaux rappels les 16.03 et le 15.04.2005 avant que la société HSS lui indique le 20.05.2005 que cette facture restait en litige.

La société HSS se prévalant d'un solde de factures lui restant due pour un montant de 7 354, 40 euro a assigné la société Tramos International par acte du 23.08.2007 en paiement de cette somme outre les intérêts conventionnels pour un montant de 1 037,37 euro à compter du 27.08.2005 par application de l'article L. 441-6 du Code de commerce tandis que la société Tramos International sollicitera son indemnisation pour la rupture abusive de la convention.

Par le jugement déféré du 23.06.2009, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société Tramos International à payer à la société HSS la somme de 8 391,77 euro avec intérêts conventionnels à compter du 27.10.2005, celle de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les dépens, la société HSS étant déboutée de sa demande reconventionnelle, et les parties du surplus de leurs demandes et l'exécution provisoire étant ordonnée.

Par dernières conclusions du 14.10.2010, la SA Tramos International, appelante, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il lui a donné acte de ce qu'elle reconnaissait devoir la somme de 7 354,40 euro et en ce qu'il a débouté la société HSS de sa demande de 1 500 euro pour résistance abusive et injustifiée, de condamner cette dernière à lui payer à titre principal, la somme de 14 649,40 euro outre intérêts conventionnels puis judiciaires, celle de 28 546,66 euro au titre du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales, celle de 10 000 euro au titre de l'abus de droit commis par la société HSS, subsidiairement, de condamner la société HSS au titre de la concurrence déloyale et parasitaire la somme de 38 546,66 euro outre intérêts judiciaires jusqu'à complet paiement, d'ordonner la compensation des sommes dues entre parties, de condamner, en tout état de cause la société HSS à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens.

Par dernières conclusions du 25.07.2010, la SA HSS, intimée, demande à la cour la confirmation du jugement, de débouter la SA Tramos International de toutes ses demandes, de dire irrecevables ou mal fondées les demandes de dommages et intérêts formées par cette dernière au titre de l'abus de droit ou de la concurrence déloyale et parasitaire, de condamner la SA Tramos International à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens ;

SUR CE

Considérant que la SA Tramos International, sans méconnaître devoir la somme de 7 354,40 euro au titre de diverses factures, discute la condamnation prononcée contre elle au titre des intérêts de retard pour un montant de 1 037,37 euro par application de l'article L. 441-6 du Code de commerce en faisant valoir que les conditions d'application de ce texte ne sont pas réunies puisque ni les factures, ni les conditions générales d'achat ne font état d'un quelconque taux d'intérêt applicable en l'absence de paiement dans les délais légaux, tandis que la société HSS sollicite la confirmation du jugement de ce chef ;

Considérant que les intérêts de retard tels qu'évalués par le tribunal sont dus, leur montant n'étant pas en lui-même discuté, puisque les dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce relatives aux pénalités de retard sont impératives, qu'elles ne subordonnent pas le droit aux pénalités à une contractualisation de ses dispositions, la liberté des parties n'étant maintenue que pour un éventuel dépassement du taux d'intérêt qui est impératif et calculé sur la base du taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne, le jugement étant donc confirmé de ce chef ;

Considérant que, pour se prévaloir d'une rupture brutale et abusive des relations commerciales, en application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la SA Tramos International prétend que, à la date de leur dénonciation, les relations commerciales duraient depuis trois ans pour avoir commencé en 2002, qu'elle était fondée à obtenir au regard de cette durée un délai de préavis de quatre mois, que cette rupture est intervenue de fait sans préavis, puisqu'elle se situe au deuxième trimestre 2004, date à laquelle le chiffre d'affaires entre les parties se chiffrait à 2 142 euro en diminution de 45 % par rapport à celui réalisé antérieurement à raison de la commande par la société HSS d'un produit contrefaisant, que le préjudice résultant de cette rupture brutale est constitué d'une part par l'impossibilité découler le stock d'étiquettes qu'elle a donc facturé le 23.12.2004 pour un montant de 14649,40 euro, d'autre part par la perte de sa marge bénéficiaire pendant cette durée de quatre mois soit la somme de 28 546,66 euro correspondant à la moyenne de son chiffre d'affaires annuel affecté d'une marge de 25 % rapporté sur une période de quatre mois (342 560 X 25 % X 4 /12).

Considérant que la société HSS réplique que la rupture brutale au sens de l'article L. 442- 6 du Code de commerce n'est pas caractérisée, dès lorsqu'elle a respecté conformément aux usages un délai de préavis qui était d'une durée suffisante s'agissant de relations commerciales ne comportant aucune exclusivité, la société Tramos International ne justifiant au demeurant d'aucun préjudice ; qu'elle ajoute que son activité consiste, non à vendre ses propres produits, mais à proposer dans le cadre d'émissions de télé-achat des produits de nature à susciter des commandes de la part de consommateurs et de téléspectateurs, que ce n'est pas elle qui a créé le produit "super Nettoie 1000" et qui le commercialise,

Considérant qu'il n'est pas utilement contredit et résulte des pièces produites que la nature des relations commerciales relevait des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, que ces relations étaient établies depuis 2002 ainsi qu'en atteste un bon de commande du 19.09.2002, que le courant d'affaires entre les parties avait atteint pour les années 2002 et 2003 plus de 400 000 euro ainsi que l'a indiqué la société Tramos International le 22.12.2004, que ce montant a été ramené pour l'année 2004 à celui de 224 678 euro dont 222 536 euro au titre du premier semestre 2004 et 2 142 euro au titre du second semestre 2004 ainsi qu'il ressort des facturations par la société HSS de la redevance pour remise de fin d'année, que cette dernière société ne discute pas que la dernière commande adressée à la société Tramos International l'aurait été fin juin 2004, qu'elle ne discute pas plus qu'à la même date, la société HSS aurait proposé dans le cadre de son émission un produit sous la marque "super Nettoie 1000" d'une société concurrente aux caractéristiques similaires ainsi qu'il ressort des étiquettes se rattachant à ce produit ;

Considérant que si la nature de la vente dans le cadre d'émissions de télé-achat ne permettait pas de garantir à la société Tramos International un volume de ventes, la diminution considérable du volume d'affaires entre parties et les affirmations non contredites d'une dernière commande en juin 2004 et l'offre à la même date d'un produit sous une marque voisine d'un produit concurrent établit une rupture quasi totale des relations contractuelles à l'issue du premier semestre 2004, et donc plusieurs mois avant leurs dénonciation le 03.11.2004, qu'il s'ensuit que la résiliation est intervenue brutalement sans qu'aucun préavis n'ait été respecté, les circonstances de la rupture privant de toute portée le préavis accordé à partir de cette date ;

Considérant au regard de la durée des relations commerciales et de leur nature, un délai de préavis d'une durée de trois mois était suffisant, que le préjudice résultant du non-respect de ce préavis correspond à la perte de marge qui aurait pu être réalisée sur le chiffre d'affaires manqué, laquelle s'apprécie par rapport à la moyenne du chiffre d'affaires réalisé au cours des années 2002 et 2003 soit le montant non discuté de 342 560 euro en tenant compte d'une marge de 25 % dont le pourcentage n'est pas discuté soit un montant de 21 410 euro ;

Considérant que vainement la société Tramos International réclame le paiement de la somme de 14 649,40 euro, objet de sa facture du 23.12.2004 correspondant au stock d'étiquettes qu'elle avait acquis en janvier 2004, et qu'elle n'a pu utiliser, du fait de la rupture brutale des relations commerciales, dès lors, d'une part que si le préavis de trois mois avait été respecté, ces étiquettes auraient, pour partie, dues être apposées à ses frais, d'autre part, que l'acquisition de ces étiquettes avait pour objet de lui permettre de faire face à ses obligations contractuelles sans aucune obligation pour la société HSS d'en reprendre le stock non utilisé, et enfin, que le préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales, sauf circonstances particulières, non réunies en l'espèce, ne consiste jamais que dans l'indemnisation du caractère brutal, savoir le non-respect du préavis, et non, dans celle découlant de la rupture elle-même ;

Considérant que, par voie de conséquence, au titre de la rupture brutale, la société HSS est condamnée à payer la somme de 21 410 euro ;

Considérant que, devant la cour, la société Tramos International sollicite une somme de 10 000 euro au titre de l'abus de droit dans l'exercice de son droit de la résiliation unilatérale par la société HSS, en se prévalant du non-respect d'un préavis raisonnable et de l'offre d'un produit étranger à la concluante sous une dénomination voisine ;

Considérant que la société HSS réplique que cette demande est nouvelle en appel, et que, libre de mettre fin aux relations contractuelles en ayant respecté un préavis raisonnable, elle n'a commis aucun abus ;

Considérant que, cette demande est recevable, s'agissant d'une prétention qui n'est que le complément de celle liée à la rupture brutale précédemment retenue, mais que la société Tramos International ne peut qu'en être déboutée, puisque les circonstances invoquées au soutien de l'abus de droit sont celles qui ont permis de caractériser la rupture brutale, et qu'elles ne sauraient justifier une double indemnisation ;

Considérant que la société Tramos International ne peut utilement réclamer, fut-ce à titre subsidiaire, une indemnisation au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, d'une part, car la cour a admis dans son principe la demande formée au principal au titre de la rupture brutale des relations commerciales, sauf à ne pas retenir la totalité de l'indemnisation réclamée, d'autre part, car cette demande, comme le soutient exactement la société HSS est, en tout état de cause, nouvelle en appel, pour ne pas avoir été formée devant les premiers juges ;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la compensation judiciaire entre les condamnations

Considérant qu'il résulte du sens de cet arrêt que la société HSS qui est condamnée à un montant en principal supérieur à celui mis à la charge de la société Tramos International ne peut qu'être déboutée de sa demande pour résistance abusive et injustifiée, le retard à recevoir le paiement ayant en tout état de cause, déjà été pris en compte par les intérêts alloués ;

Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du Code de procédure civile ne sont pas réunies, le jugement étant réformé sur la condamnation prononcée de ce chef ;

Considérant que chacune des parties supportera ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement sur la condamnation prononcée contre la SA Tramos International à payer à la SA Home Shopping Service HSS, la somme de 8 391,77 euro avec intérêts au taux conventionnel à compter du 27.10.2005 et en ce qu'il a débouté la SA HSS de sa demande de dommage et intérêts pour résistance abusive ; Le réforme pour le surplus ; Statuant à nouveau et y ajoutant ; Dit irrecevable comme nouvelle en appel la demande formée par la SA Tramos International au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; Condamne la SA HSS à payer à la SA Tramos International la somme de 21 410 euro au titre de la rupture brutale des relations commerciales ; Ordonne la compensation judiciaire entre les condamnations réciproques ; Rejette le surplus des demandes ; Laisse à chacune des parties ses propres dépens de première instance et d'appel.