Commission, 12 décembre 2012, n° M.6497
COMMISSION EUROPÉENNE
Résumé de la décision
Hutchison 3G AustriA/Orange Austria
Le 12 décembre 2012, la Commission a adopté une décision dans une affaire de concentration en vertu du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (1), et notamment de son article 8, paragraphe 2. Une version non confidentielle du texte intégral de la décision dans la langue faisant foi se trouve sur le site web de la direction générale de la concurrence, à l'adresse suivante:
http://ec.europa.eu/comm/competition/index_en.html
I. L'OPÉRATION ET LA PROCÉDURE
(1) Le 7 mai 2012, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement (CE) n° 139/2004 (le "règlement sur les concentrations"), d'un projet de concentration par lequel l'entreprise Hutchison 3G Austria Holdings GmbH ("H3G Austria Holdings", Autriche) (la "partie notifiante"), société mère de Hutchison 3G Austria GmbH ("H3G", Autriche) et filiale indirecte à 100 % de Hutchison Whampoa Limited ("HWL", Hong Kong), acquerrait, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, le contrôle de Styrol Holding 1 GmbH ("Styrol", Autriche) et de sa filiale indirecte à 100 % Orange Austria Telecommunications GmbH ("Orange", Autriche), à l'exclusion de Yesss! Telekommunikation GmbH ("Yesss!"), par achat d'actions (collectivement les "parties").
(2) Cette opération était subordonnée à la revente à Telekom Austria ("TA") de Yesss!, la marque de téléphonie mobile bas de gamme d'Orange. Cette dernière opération devait être examinée par l'autorité nationale autrichienne compétente en matière de concurrence (la "Bundeswettbewerbsbehörde" ou "BWB"). Par conséquent, la concentration relevant de la compétence de l'Union était l'acquisition, par H3G, d'Orange Austria (sauf l'entreprise "Yesss!").
(3) En outre, TA devait également acheter à H3G certains sites, des radiofréquences et des droits de propriété intellectuelle, appartenant à l'époque à Orange. Ce transfert de fréquences requiert l'approbation de l'autorité autrichienne de régulation des télécommunications, la Rundfunk & Telekom Regulierungs-GmbH ("RTR"), et de la Telekom- Control Kommission ("TKK").
(4) Le 29 mai 2012, la BWB, sur la base de l'article 9, paragraphe 2, point a), du règlement sur les concentrations, a demandé le renvoi, de la Commission à l'Autriche, du projet d'opération susvisé (la "demande de renvoi"). Se fondant sur une enquête de marché, la Commission a émis des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération envisagée avec le marché intérieur. Par la suite, la BWB n'a pas envoyé de rappel, conformément à l'article 9, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations, après que la Commission a adopté, le 28 juillet 2012, l'article 6, paragraphe 1, point c), de la décision. La Commission a donc décidé de traiter elle-même les éléments signalés par la BWB, en vertu de l'article 9, paragraphe 3, point a), du règlement sur les concentrations.
(5) Le 21 août 2012, la partie notifiante a présenté des engagements, conformément à l'article 8, paragraphe 2, et à l'article 10, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, en vue de lever les doutes de la Commission en ce qui concerne la compatibilité du projet de concentration avec le marché intérieur.
(6) Le 20 septembre 2012, la Commission a adressé à la partie notifiante une communication des griefs en vertu de l'article 18 du règlement sur les concentrations.
(7) Le 10 octobre 2012, le conseiller-auditeur de la Commission a donné à la partie notifiante la possibilité d'être entendue lors d'une audition. À la suite de leurs demandes, T-Mobile Austria ("T-Mobile"), Tele2 et UPC (Liberty Global) ont été autorisées à assister à l'audition en tant que tiers intéressés.
II. LES PARTIES
(8) HWL est un conglomérat multinational dont le siège est établi à Hong Kong. Les opérations de HWL et de ses entreprises liées consistent en six activités principales: ports et services connexes, biens immobiliers et hôtels, distribution, énergie, infrastructures et télécommunications. Dans l'Union européenne, les filiales de HWL comptent des opérateurs de réseaux mobiles en Autriche, au Danemark, en Irlande, en Italie, en Suède et au Royaume-Uni.
(9) H3G est un opérateur de réseaux mobiles ("ORM") qui exerce ses activités en Autriche sous la marque "3" et est détenu à 100 % par HWL.
(10) Orange est un ORM autrichien. À la date de la notification, Orange et sa société mère Styrol appartenaient à Stubai S.C.A., filiale à 100 % du fonds de capital-investissement Mid Europa Partners ("MEP"), et à Orange Belgium SA, filiale à 100 % de France Télécom SA Yesss! était une filiale à 100 % d'Orange.
III. RÉSUMÉ
(11) À la lumière des données sur le chiffre d'affaires des parties, l'opération envisagée était une opération à l'échelle de l'Union. Elle entraînerait une diminution du nombre d'opérateurs de réseaux, qui passerait de quatre à trois (les autres ORM, Telekom Austria et T-Mobile, détenant des parts de marché correspondant respectivement à [40- 50 %] et à [30-40 %] du nombre total d'abonnés), et la création du troisième plus grand ORM autrichien avec une part de marché totale de [20-30%].
(12) L'enquête de marché de la Commission a révélé des problèmes de concurrence dus à la disparition d'Orange sur un marché qui était déjà très concentré et dans lequel il n'y avait aucune perspective d'entrée. La crainte était donc que l'opération notifiée n'occasionne des problèmes de concurrence sur le marché de détail de la fourniture des services de communications mobiles aux clients finals en Autriche à la suite d'effets unilatéraux.
(13) Pour dissiper les craintes de la Commission, H3G a présenté une série d'engagements comportant, dans leur version finale, trois volets.
a) Premièrement, H3G s'engageait à céder des radiofréquences et d'autres droits à un nouvel opérateur intéressé entrant sur le marché autrichien de la téléphonie mobile. L'éventuel nouvel ORM aurait le droit d'acquérir non seulement des fréquences de H3G, mais aussi d'autres fréquences lors d'une vente publique que l'autorité autrichienne de régulation des télécommunications a prévue pour 2013. Ladite autorité réserverait des fréquences à un nouvel entrant de manière à lui permettre de constituer un réseau physique de services de télécommunications mobiles en Autriche. Le nouvel entrant bénéficierait aussi de conditions privilégiées pour l'achat et la location de sites pour la constitution de son propre réseau en Autriche.
b) Deuxièmement, H3G s'engageait à fournir, selon les modalités convenues, l'accès de gros à son réseau, jusqu'à 30 % de sa capacité, à un maximum de 16 opérateurs de réseaux mobiles virtuels ("ORMV") au cours des dix prochaines années. Les ORMV intéressés pourraient ainsi proposer des services de télécommunications mobiles aux clients finals en Autriche dans des conditions de concurrence.
c) Troisièmement, un engagement ferme garantissait que H3G n'achèverait pas l'acquisition d'Orange avant d'avoir conclu un accord d'accès de gros avec au moins un ORMV.
(14) Compte tenu de ces engagements, la Commission a conclu que l'opération ne poserait plus de problèmes de concurrence, étant donné que la décision est subordonnée au parfait respect des engagements.
IV. EXPOSÉ DES MOTIFS
A. Les marchés de produits en cause
(15) Dans des décisions antérieures de la Commission, les marchés des services de télécommunications mobiles ont été définis comme suit:
d) services de télécommunications mobiles aux clients finals (marché des services de télécommunications mobiles de détail);
e) accès de gros et départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile;
f) marché de gros de l'itinérance internationale; et
g) marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles.
(16) Dans ce contexte, les activités de H3G et d'Orange se chevaucheraient sur le marché des services de télécommunications mobiles aux clients finals. Les parties étaient également des concurrents potentiels sur le marché de l'accès de gros et du départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile. Il y avait aussi un lien entre les activités de H3G et d'Orange sur le marché de gros de l'itinérance internationale et sur le marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles.
Services de télécommunications mobiles aux clients finals
(17) La Commission a examiné si, aux fins de la présente affaire, il était nécessaire de subdiviser davantage le marché des services de télécommunications mobiles aux clients finals par type de client (entreprises ou particuliers, utilisateurs de services postpayés ou de services prépayés) ou par type de technologie de réseau (2G/GSM ou 3G/UMTS).
(18) Sur la base de la consultation des acteurs du marché et de considérations relatives à l'offre, pour ce qui concerne les services de télécommunications mobiles aux clients finals, la Commission a tenu compte d'un marché global de produits pour des clients qui sont tant des particuliers que des entreprises.
(19) En ce qui concerne une éventuelle distinction entre services prépayés et services postpayés, la Commission a estimé que certains arguments justifiaient la distinction en l'espèce. Bien que la Commission ait conclu que le prépaiement et le postpaiement font partie du même marché, du moins eu égard à la substitution de l'offre, les particularités et les interactions entre ces segments ont été examinées plus avant dans l'appréciation sous l'angle de la concurrence.
(20) En dépit de différences manifestes de performance en ce qui concerne le trafic des données sur les réseaux 2G, 3G et LTE, à la lumière des résultats de la consultation des acteurs du marché, la Commission a considéré que la subdivision du marché des télécommunications mobiles aux clients finals par type de technologie de réseau (2G, 3G et futures technologies 4G) ne se justifiait pas.
(21) Du point de vue de la demande, les services conçus pour une utilisation sur un appareil de reconnaissance vocale se distinguent des services destinés à être utilisés sur un appareil d'échange de données uniquement. Toutefois, la Commission a conclu qu'il n'était pas opportun d'abandonner sa pratique antérieure consistant à définir un seul marché comprenant tous les services fournis, qu'ils soient destinés aux appareils d'échange de données uniquement ou aux appareils de reconnaissance vocale
(22) En Autriche, RTR/TKK ont constaté dans l'ordonnance sur les marchés des télécommunications que l'accès mobile à haut débit pour les clients résidentiels est un service de substitution des services internet pour lignes fixes. La Commission n'a pas contesté cette constatation dans le cas de l'Autriche. Cependant, en ce qui concerne l'appréciation en l'espèce, la question inverse se posait, à savoir si les services fixes à haut débit sont des services de substitution des services mobiles de données en général ou des services mobiles à haut débit en particulier. La Commission a conclu que les services fixes à haut débit n'étaient pas des services de substitution des services mobiles de données et, partant, ne relevaient pas du même marché de produits.
(23) Le marché de produits visé par la décision était défini comme un marché unique en Autriche pour la fourniture de services de télécommunications mobiles aux clients finals.
Marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile
(24) L'accès de gros aux réseaux est fourni aux ORMV par les ORM. Dans des décisions antérieures, la Commission a considéré l'accès de gros aux réseaux et le départ d'appel comme faisant partie du même marché de produits. Lors de l'enquête de marché, les acteurs du marché ont unanimement confirmé que cette approche est également appropriée en l'espèce.
Marché de gros de l'itinérance internationale
(25) La demande de services de gros d'itinérance internationale émane, d'une part, d'opérateurs de réseaux mobiles étrangers qui souhaitent proposer à leurs propres clients des services de téléphonie mobile en dehors de leur propre réseau et, d'autre part, en aval, d'abonnés souhaitant utiliser leurs téléphones mobiles en dehors de leur propre pays. La Commission a conclu qu'il existait un marché de gros distinct pour l'itinérance internationale.
Marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles
(26) Comme constaté dans des décisions antérieures de la Commission, il n'existe pas de services de substitution pour la terminaison d'appel sur chaque réseau individuel, étant donné que l'opérateur transmettant l'appel sortant ne peut atteindre le destinataire visé que par l'intermédiaire de l'opérateur du réseau auquel le destinataire est connecté. La Commission a donc conclu qu'il existait un marché de gros distinct pour la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles.
B. Les marchés géographiques en cause
(27) Lors de l'enquête de marché, la grande majorité des acteurs interrogés ont considéré que les marchés géographiques concernés correspondaient au marché national, c'est-à- dire au marché limité au territoire de l'Autriche mais pas moins. En ce qui concerne les services de télécommunications mobiles aux clients finals, il semblait ne pas y avoir de pratique commerciale à prendre en considération ou de capacité de discrimination entre les utilisateurs sur la base de leur localisation sur le territoire autrichien.
(28) Conformément aux décisions antérieures de la Commission et sur la base des résultats de l'enquête de marché, les marchés de l'accès de gros et du départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile, le marché de gros de l'itinérance internationale et le marché de gros de la terminaison d'appel sur les réseaux mobiles ont également été définis comme étant de portée nationale (c'est-à-dire, à l'échelle de l'Autriche).
C. Appréciation sous l'angle de la concurrence
(29) L'appréciation sous l'angle de la concurrence a essentiellement porté sur le marché des services de télécommunications mobiles aux clients finals.
1. Effets unilatéraux
Parts de marché et structure du marché après la concentration
(30) Le marché autrichien des services de télécommunications mobiles aux clients finals était déjà très concentré avant l'opération, ce qui conduirait à l'éviction d'un concurrent à part entière et à la réduction de quatre à trois du nombre d'acteurs du marché. Les problèmes de concurrence recensés en l'espèce par la Commission étaient la conséquence de plusieurs facteurs: la structure du marché, le taux élevé de diversion entre les parties, les marges considérables qu'elles réalisaient et l'importance des parties avant la concentration en ce qui concerne l'acquisition de nouvelles activités.
(31) Des problèmes de concurrence seraient apparus à la suite de l'opération envisagée, en particulier à cause des barrières élevées à l'entrée, de l'absence d'une puissance d'achat suffisante et de l'existence d'un incitant encourageant les concurrents à suivre les augmentations de prix pratiquées par l'entité issue de la concentration. En outre, l'argument de la partie notifiante selon lequel la pression concurrentielle exercée sur le marché par Orange allait probablement se détériorer à court et à moyen terme ne pouvait pas être accueilli sur la base des éléments de preuve disponibles.
(32) L'opération envisagée réunirait deux des quatre ORM en Autriche. H3G et Orange étaient respectivement le quatrième et le troisième ORM dans le classement selon la taille des parts de marché sur le marché autrichien des services de télécommunications mobiles aux clients finals. Malgré leurs faibles parts de marché par rapport aux deux autres ORM, TA et T-Mobile, la Commission a estimé que l'opération entraverait de manière significative l'exercice d'une concurrence effective.
(33) Outre les ORM, le marché autrichien ne comptait que deux ORMV indépendants qui ne possédaient pas leur propre réseau et étaient hébergés par l'un des ORM. Et alors qu'un nombre important de revendeurs indépendants étaient présents en Autriche, ils représentaient dans la pratique une part négligeable du nombre total d'abonnés.
(34) La Commission a analysé les parts de marché des parties sous des angles différents afin de s'assurer que son appréciation était complète et reflétait les caractéristiques particulières du marché considéré. La Commission a examiné les valeurs et les variations delta de l'IHH, dont l'importance est mentionnée dans les lignes directrices horizontales. La Commission a ensuite analysé attentivement la position des parties dans certains segments qui étaient particulièrement pertinents pour la croissance et l'innovation (comme les communications postpayées voix et données et données uniquement) et qui étaient susceptibles d'avoir une incidence sur l'ensemble du marché des services de télécommunications de pointe. Enfin, la Commission a tenu compte du pouvoir dynamique des parties sur le marché, provenant de la capacité, qu'elles avaient à l'époque considérée, d'attirer de nouveaux clients.
(35) Alors que les parts de marché combinées des parties seraient inférieures à [20-30 %], les valeurs de l'IHH et les valeurs delta étaient supérieures à celles définies en tant que premiers indicateurs de l'absence de problèmes de concurrence dans les lignes directrices horizontales.
(36) Le segment des communications privées postpayées voix et données (c'est-à-dire, les offres groupées pour une utilisation sur des appareils à reconnaissance vocale) et le segment des communications de données uniquement ont été examinés attentivement, étant donné que ces segments étaient particulièrement importants pour le marché dans son ensemble et son développement à court terme.
(37) L'utilisation des données était déjà le principal moteur de la croissance du marché et, d'après les prévisions, cette tendance devait se poursuivre et s'intensifier au cours des années suivantes. En effet, LTE est un protocole de réseau conçu pour les données, dans lequel la voix ne représente normalement qu'une très petite partie du trafic total. La Commission a constaté que le segment des communications privées postpayées voix et données et le segment des communications de données uniquement représentaient les parts de marché les plus importantes des recettes totales à la fois d'Orange et de H3G.
Capacité de changer d'opérateur et proximité du rapport de concurrence
(38) En outre, en analysant la capacité de changer d'opérateur et la proximité du rapport de concurrence afin d'apprécier les pressions concurrentielles que les parties s'imposent mutuellement, la Commission a mis en évidence une forte pression concurrentielle exercée, d'une part, par H3G sur Orange et, d'autre part, par Orange sur H3G.
(39) La Commission a conclu que les éléments de preuve qualitatifs disponibles correspondaient à la preuve directe fournie par les ratios de diversion observés et étayaient la conclusion selon laquelle le degré de cette proximité, ainsi que les autres éléments de preuve présentés dans la décision laissaient présager que la concentration entraverait de façon significative l'exercice d'une concurrence effective.
(40) Lors de son appréciation de la force concurrentielle de H3G avant et après la concentration, la Commission a estimé que H3G était un important, voire le principal, moteur de la concurrence sur le marché et que sa motivation à conserver un rôle moteur, en l'absence de gains d'efficience, diminuerait après l'opération.
(41) En outre, tout portait à croire que H3G aurait été moins motivée à opposer une concurrence agressive que ne l'auraient fait les parties en l'absence de la concentration.
Absence de facteurs compensatoires
(42) La Commission a analysé d'éventuels facteurs compensatoires, tels que la puissance d'achat, les barrières à l'entrée et la probabilité de nouvelles entrées, et a conclu qu'il était peu probable que des ORM ou des ORMV entrent sur le marché autrichien à la suite de l'opération notifiée. Même si un ORM entrait sur le marché, il aurait dû attendre l'attribution de radiofréquences appropriées, constituer un réseau de radiocommunications et ensuite lancer ses services auprès des clients; tout cela aurait pris un temps considérable. Il pouvait donc être exclu qu'en l'absence de mesures correctives appropriées, toute entrée sur le marché surviendrait à un moment suffisamment opportun pour avoir un effet de discipline sur les niveaux de prix résultant de la concentration.
(43) Sur le marché des services de télécommunications mobiles aux clients finals, il n'y avait aucune puissance d'achat compensatoire suffisante pour exercer une pression concurrentielle sur les ORM de manière à contrebalancer les effets négatifs attendus de la concentration.
Effets escomptés de l'opération envisagée sur les prix dans le segment des services de téléphonie postpayés (voix et données) et réaction d'autres concurrents après la concentration
(44) La Commission a analysé la pression à la hausse sur les prix (PHP) dans le segment des services postpayés. La PHP permet d'estimer dans quelle mesure l'entreprise issue de la concentration serait incitée à augmenter les prix après la concentration, compte tenu notamment des prix, des marges et des ratios de diversion observés sur le marché et en émettant des hypothèses sur la demande. L'opération envisagée entraînerait une PHP importante au détriment des consommateurs.
(45) La valeur estimée de l'indice brut de pression à la hausse sur les prix ("IBPHP") a été calculée par utilisateur sur la base des chiffres fournis par les parties pour les recettes moyennes par utilisateur et des ratios de diversion livrés par la PNM (portabilité des numéros mobiles) pour la dernière période de douze mois.
(46) L'analyse de la Commission à l'aide de l'approche de l'IBPHP laissait présager des hausses considérables des prix adaptés à la qualité à la suite de l'opération envisagée dans le segment des services privés postpayés.
(47) L'approche de l'IBPHP ne tient compte que des incitations auxquelles les parties sont confrontées. Les concurrents auraient dû répondre aux hausses de prix pratiquées par l'entité issue de la concentration en augmentant leurs propres prix. Cette réaction aurait encore relâché les pressions sur les prix de l'entité issue de la concentration, ce qui aurait déclenché des effets en retour qui auraient dû susciter de nouvelles hausses de prix.
(48) Alors que H3G était un concurrent particulièrement important sur le marché autrichien avant la concentration, ce qui avait pour effet que les prix sur ce marché étaient bas par rapport aux autres États membres, les incitations de H3G auraient changé à la suite de l'opération envisagée. Cette évolution des incitations n'apparaissait que partiellement dans les calculs de la PHP et constituait une raison supplémentaire d'escompter une hausse des prix adaptés à la qualité par rapport à ce qui se serait produit en l'absence de la concentration.
(49) Il s'ensuit que les données laissaient incontestablement présager d'importantes hausses des prix adaptés à la qualité pratiquées par l'entité issue de la concentration dans le segment des services postpayés.
(50) La Commission a en outre analysé la réaction que l'on pouvait attendre des concurrents sur le marché des télécommunications de détail. Elle a constaté que les concurrents étaient peu susceptibles d'accroître l'offre ou de réduire les prix en réaction à une hausse des prix pratiquée par l'entité issue de la concentration. La baisse de la concurrence ne pouvait pas non plus être entièrement et effectivement compensée par des ORMV ou d'autres prestataires de services présents sur le marché autrichien.
Cadre d'analyse en ce qui concerne la pression concurrentielle due à Orange en l'absence de la concentration
(51) La Commission a analysé la position concurrentielle d'Orange, ses parts de marché et ses projets, abstraction faite de la concentration. La Commission a constaté que, sans la concentration, Orange serait restée un concurrent important sur le marché autrichien des services de télécommunications mobiles aux clients finals.
Conclusions sur les effets non coordonnés
(52) Les résultats de l'enquête de marché et de la propre analyse de la Commission ont donc amené celle-ci à conclure que la disparition d'Orange en tant qu'opérateur de réseau indépendant et fournisseur indépendant de services de télécommunications mobiles aux utilisateurs finals, ainsi que la réduction du nombre des opérateurs, passant de quatre à trois, auraient entravé de manière significative l'exercice d'une concurrence effective dans le marché intérieur par le biais d'effets non coordonnés sur le marché autrichien de la fourniture de services de télécommunications mobiles aux clients finals.
Autres marchés
(53) L'opération envisagée ne soulevait pas de problèmes de concurrence sur les autres marchés concernés, à savoir l'accès de gros et le départ d'appel sur les réseaux publics de téléphonie mobile, le marché de gros de l'itinérance internationale et le marché de gros de la terminaison d'appel des réseaux mobiles.
(54) Même si la Commission a relevé des éléments indiquant que la concentration pourrait avoir affecté les possibilités d'accès pour les ORMV, il n'était pas nécessaire de prendre une décision définitive à cet égard, étant donné que les engagements proposés par la partie notifiante avaient pour but de faciliter l'entrée sur le marché et tenaient donc également compte de la possibilité, autant qu'elle l'excluait, que l'opération ait des effets négatifs sur le marché autrichien de gros de l'accès aux réseaux et du départ d'appel.
Gains d'efficience
(55) Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante a invoqué l'argument des gains d'efficience.
(56) Pour que la Commission puisse prendre en considération des effets favorables à la concurrence en vertu du règlement sur les concentrations, les gains d'efficience doivent être vérifiables, susceptibles d'être répercutés sur les consommateurs et spécifiques à la concentration à condition qu'il n'existe aucune autre mesure réalisable moins anticoncurrentielle pour obtenir les mêmes retombées positives.
(57) Il ressort de l'analyse de la Commission qu'il n'a pas été démontré que les gains d'efficience allégués étaient vérifiables, spécifiques à la concentration et bénéfiques pour les consommateurs. Par conséquent, ils n'ont pas pu être pris en compte pour compenser le préjudice concurrentiel résultant de l'opération envisagée.
1. Effets coordonnés
(58) La Commission a constaté que certaines caractéristiques du marché autrichien des télécommunications mobiles pouvaient être propices à la coordination et que certains comportements parallèles antérieurs des ORM autrichiens pouvaient faire apparaître une coordination. Toutefois, les éléments en ce sens ne satisfaisaient pas au niveau de preuve requis que la Commission doit respecter conformément à la jurisprudence, à savoir une entrave significative à l'exercice d'une concurrence effective donnant lieu à des effets coordonnés.
(59) En toute hypothèse, même s'il y avait présomption d'effets coordonnés sur le marché des services de télécommunications mobiles aux clients finals, il n'en demeurerait pas moins que les engagements proposés par la partie notifiante visaient à faciliter l'entrée sur le marché et remédiaient donc également à d'éventuels effets coordonnés. Il pouvait donc être exclu que l'opération telle qu'elle était modifiée par les engagements entrave de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sous la forme d'effets coordonnés sur le marché autrichien des services de télécommunications mobiles aux clients finals.
D. Engagements proposés par la partie notifiante
(60) Afin de remédier aux problèmes de concurrence relevés par la Commission, la partie notifiante a présenté, le 20 août 2012, une première série d'engagements conformément à l'article 6, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. Les acteurs du marché ont ensuite été consultés au sujet de ces engagements. Les 9, 19, 24 et 29 octobre 2012 et les 11 et 12 novembre 2012, à la lumière des résultats de la consultation des acteurs du marché et des problèmes de concurrence communiqués par la Commission, une série d'engagements révisés a été présentée conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. La dernière version consolidée de ce document est jointe en annexe III à la décision de la Commission.
(61) Dans le but de remédier aux problèmes de concurrence soulevés et d'obtenir l'autorisation conditionnelle relative à l'opération envisagée, H3G s'est engagée à donner à un maximum de 16 ORMV l'accès de gros au réseau de H3G jusqu'à 30 % dudit réseau au cours des dix prochaines années, ce qui permettrait auxdits opérateurs de proposer des services de communications mobiles aux clients finals en Autriche. En outre, H3G a pris l'engagement ferme de conclure un accord d'ORMV avec un ORMV, qui devra être approuvé par la Commission.
(62) Les conditions détaillées dans lesquelles l'accès serait donné seraient publiées sur le site web de H3G sous la forme d'une offre de référence.
(63) L'offre de référence serait à la disposition des ORMV qui souhaitent fournir des services de téléphonie mobile aux consommateurs finals sous leur propre marque, pour autant qu'ils ne sont pas sous le contrôle d'un ORM exerçant des activités en Autriche.
(64) Conformément aux engagements, H3G n'est pas tenue d'exécuter la mise en œuvre technique auprès de plus de deux ORMV à la fois. Toutefois, cette limite ne s'applique pas aux mises en œuvre techniques qui durent depuis plus de 12 mois consécutifs.
(65) Les prix de gros figurent à l'annexe A de l'offre de référence. Les prix ne sont pas subordonnés à des engagements de volume minimal ou de recettes minimales.
(66) Pour la téléphonie vocale et les SMS, des prix unitaires sont appliqués (tant pour le départ d'appel que pour la terminaison). Pour les échanges de données, les ORMV ont le choix du prix unitaire - soit un prix unitaire unique ou un prix unitaire différencié.
(67) En outre, les ORMV peuvent choisir un tarif de détail proposé par H3G, auquel sera appliquée la tarification basée sur le prix de détail minoré. Cette dernière tarification n'est disponible que pour les services d'accès aux données avec carte SIM vendue sans terminal [et n'est pas disponible pour d'autres produits ou des innovations tels que les offres de communication en champ proche (NFC - Near Field Communication), les subventions de terminaux téléphoniques ou les offres en matière de contenu].
(68) L'offre de référence prévoit un tarif unitaire de base (téléphonie vocale, SMS et données) et un tarif unitaire réduit. Les tarifs réduits sont applicables à toutes les unités achetées après dépassement d'un seuil annuel de réduction déterminé.
(69) L'offre de référence contient une offre de H3G qui permet l'accès de gros à son réseau, et notamment l'accès à la technologie LTE.
(70) H3G examinera les demandes raisonnables de services supplémentaires (en plus de l'accès de gros) si les ORMV le souhaitent, sous réserve d'un accord séparé sur les conditions à respecter.
(71) Une procédure accélérée de règlement des litiges a été mise en place pour les litiges survenant entre un ORMV et H3G pendant les négociations.
(72) H3G s'est engagée à ne pas achever l'acquisition d'Orange Austria avant d'avoir conclu avec un ORMV un accord d'ORMV fondé sur l'offre de référence et devant être approuvé par la Commission.
(73) Un mandataire indépendant chargé du suivi serait désigné pour vérifier que H3G respecte ses engagements. Pendant toute la durée des engagements, le mandataire chargé du suivi rendrait régulièrement compte à la Commission de la négociation d'accords d'ORMV, de manière que la Commission puisse apprécier si H3G a rempli ses obligations découlant des engagements. Le mandataire chargé du suivi contrôlerait également la procédure accélérée de règlement des litiges.
(74) La Commission a consulté les acteurs du marché à propos de ces engagements et, au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, a conclu que, sous réserve du parfait respect des engagements pris par H3G, l'opération envisagée n'entraverait pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie importante de celui-ci.
V. CONCLUSION
(75) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a conclu dans sa décision que l'opération envisagée n'entraverait pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie importante de celui-ci.
(76) En conséquence, la Commission a déclaré la concentration compatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l'accord EEE, conformément à l'article 2, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, ainsi qu'à l'article 57 de l'accord EEE.FR 3.8.2013 Journal officiel de l'Union européenne C 224/17.
Note :
(1) JO L 24 du 29.1.2004, p 1.