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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 janvier 2014, n° 12-13845

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Europe Auto (Sté)

Défendeur :

Volkswagen Group France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Guizard, Destours, Respaud, Lallement, Henry

TGI Paris, 4e ch. sect. 1, du 19 juin 20…

19 juin 2012

Vu le jugement du 19 juin 2012, par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a dit que le contrat de distributeur liant la société Europe Auto à la société Volkswagen Group France était régulièrement résilié à compter du jour du jugement, ordonné la cessation immédiate du contrat, débouté la société Europe Auto de sa demande en dommages et intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles et de toute autre prétention et condamné la société Europe Auto, sous le régime de l'exécution provisoire, à verser à la société Volkswagen Group France la somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 20 juillet 2012 par la société Europe Auto et ses dernières conclusions dans lesquelles il est demandé à la cour d'infirmer le jugement déféré, constater la continuité du lien contractuel au titre du contrat de distributeur, condamner la société Volkswagen Group France à payer à la société Europe Auto la somme de 298 112 euro à titre de dommages-intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande jusqu'au parfait paiement, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil, subsidiairement, juger que le contrat de distributeur a été rompu par la société Volkswagen Group France de façon abusive, brutale et fautive, la condamner à payer à la société Europe Auto la somme de 8 207 965, 85 euro à titre de dommages-intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande jusqu'au parfait paiement, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil, et, en tout état de cause, la condamner à payer à la société Europe Auto la somme de 60 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société Volkswagen Group France par lesquelles elle demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, débouter la société Europe Auto de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement, si par extraordinaire la résiliation devait être jugée abusive, fautive ou brutale, la débouter de ses demandes tendant à la continuité du lien contractuel au titre du contrat de distributeur Audi, juger que la société Europe Auto ne démontre ni le préjudice allégué, ni de lien de causalité entre le prétendu préjudice et la faute alléguée, la débouter de l'ensemble de ses demandes en dommages et intérêts, et, en tout état de cause, la condamner à payer à la société Volkswagen Group France la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Volkswagen Group France (anciennement dénommée Groupe Volkswagen France SA) est l'importateur exclusif, en France, des véhicules neufs de marques Volkswagen, Audi, Volkswagen Véhicules Utilitaires et Skoda, qu'elle distribue grâce à un réseau de distributeurs agréés sélectionnés sur le fondement de critères qualitatifs et quantitatifs. Elle dispose également d'un réseau de réparateurs agréés sélectionnés sur le fondement de critères qualitatifs, chargés de vendre les pièces de rechange et d'assurer l'entretien et la réparation des véhicules des marques concernées.

La société Europe Auto est distributeur et réparateur agréé des marques Volkswagen, Audi et Volkswagen Véhicules Utilitaires, sur la ville de Perpignan.

La société Volkswagen Group France et la société Europe Auto étaient liées par six contrats : trois contrats de distributeur agréé (vente de véhicules neufs des trois marques susvisées) et trois contrats de réparateur agréé (activité de service après-vente et vente de pièces de rechange pour ces trois mêmes marques).

Le présent litige ne concerne que le contrat de distributeur Audi, conclu le 30 septembre 2003 entre les parties, concernant la ville de Perpignan.

Les partenaires de la société Volkswagen Group France doivent procéder périodiquement à des investissements (article 10 et annexe 2, point 9 du contrat). A cet égard, dès la fin 2006 puis dans le courant de l'année 2007, la société Volkswagen Group France a informé l'ensemble de ses distributeurs de la nouvelle stratégie de positionnement et de développement de la marque Audi, visant à la positionner comme une marque premium de haut de gamme, et de sa volonté de la mettre en place en 2010 ("vision 2010 Audi"). Il s'agissait de mettre en œuvre, à l'horizon 2010, les nouvelles normes architecturales Audi, par l'intermédiaire d'un nouveau dimensionnement des surfaces dédiées à Audi, le regroupement dans un même espace des activités de vente de véhicules neufs, de service après-vente et de vente de véhicules d'occasion et la séparation des espaces dédiés à Audi des autres marques de la société Volkswagen Group France (la marque Volkswagen, en particulier, pour la société Europe Auto). Cette dernière participait, à hauteur de 200 000 euro au minimum, au coût du financement de la mise en œuvre de ces nouvelles normes.

Il aurait été indiqué au concessionnaire que, si la nouvelle surface et les nouvelles normes architecturales pouvaient être réalisées sur le terrain actuel de la concession, l'exclusivité de la marque Audi vis-à-vis des autres marques importées par la société Volkswagen Group France nécessitait la construction d'un nouveau site exclusif Audi c'est-à-dire, soit un site situé dans un bâtiment nettement séparé des autres bâtiments abritant les autres marques (schéma "E2"), soit un site situé sur un nouveau terrain, sur lequel seule la marque Audi serait représentée (schéma "E1").

Les propositions de septembre et décembre 2007 de la société Europe Auto ont été refusées par Volkswagen Group France, ces projets comportant des murs mitoyens entre les espaces dédiés aux différentes marques.

Le concédant a donc résilié le contrat de concession par courrier du 1er février 2008, avec un préavis de 24 mois, expirant au 1er février 2010, sur le fondement des articles 17 et 20 du contrat, au motif que : "L'absence de volonté réelle et non équivoque de [la société Europe Auto] de s'inscrire dans la stratégie Audi [était] incompatible avec la nécessité pour la marque Audi d'avoir totalement mis en place sa vision dès 2010.".

Cependant, pendant l'exécution du préavis, la société Volkswagen Group France a étudié les nouveaux projets présentés par son concessionnaire, mais les a refusés. Elle a finalement accepté, les 26 octobre et 3 novembre 2009, un projet de 2009 qui consistait à court-moyen terme, en une solution intermédiaire entre la concession en "Y" et celle d'un mur mitoyen séparant les marques Audi et Volkswagen, permettant une séparation des bâtiments abritant la vente de véhicules neufs des marques Audi d'une part et Volkswagen d'autre part, mais conservant la mitoyenneté des ateliers de réparation de ces deux marques. La société Volkswagen Group France a considéré que ce schéma respectait a minima ses ambitions de représentation de la marque et elle prolongeait donc le préavis de 26 mois, pour permettre à la société Europe Auto de réaliser les travaux convenus avant le 31 décembre 2011.

Or, la société Europe Auto ne conteste pas qu'elle n'a entrepris aucun des travaux sur lesquels les parties s'étaient mises d'accord en octobre-novembre 2009.

Par acte du 15 décembre 2011, la société Europe Auto a assigné la société Volkswagen Group France dans le cadre d'une procédure d'urgence à jour fixe devant le Tribunal de grande instance de Paris et le 19 décembre, en référé d'heure à heure, devant le président dudit tribunal.

Le juge des référés a accueilli les demandes de la société Europe Auto et décidé, par ordonnance du 30 décembre 2011, d'ordonner "à la société Groupe Volkswagen France SA de maintenir en vigueur le contrat de distributeur de la marque Audi conclu avec la société Europe Auto le 30 septembre 2003 jusqu'à la décision du Tribunal de grande instance de Paris 4e chambre 1re section saisi à jour fixe selon acte du 15 décembre dernier".

La société Volkswagen Group France a interjeté appel de ladite ordonnance devant la Cour d'appel de Paris. La société Europe Auto a également formé un appel incident. Le contrat s'est donc poursuivi jusqu'à l'intervention du jugement présentement déféré. Les parties se sont alors désistées de leur appel respectif.

Dans le jugement entrepris, le tribunal a débouté le concessionnaire, estimé la résiliation intervenue régulière, constaté que la société Volkswagen Group France n'était jamais revenue sur cette résiliation pendant l'exécution du préavis, que le concédant ne s'était rendu coupable d'aucune discrimination à l'encontre de la société Europe Auto et qu'aucune mauvaise foi n'était imputable à la société Volkswagen Group France ;

Considérant que le concessionnaire appelant soutient que la résiliation intervenue est abusive, en l'absence de critères précis et définis ; qu'il soutient que les motifs de son exclusion du réseau n'auraient pas de liens avec les critères de sélection du réseau, l'imposition d'une concession de type exclusif à Perpignan relevant d'une volonté discrétionnaire de la société Volkswagen Group France et que cette résiliation serait discriminatoire, d'autres concessionnaires ayant vu leur concession maintenue avec des projets ne satisfaisant pas aux critères imposés à la société Europe Auto ;

Sur la régularité de la résiliation

Considérant qu'il résulte de l'article 1134 alinéa 2 du Code civil, que, dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n'a été prévu, la résiliation unilatérale est offerte aux deux parties, sauf abus sanctionné par l'alinéa 3 du même texte ;

Considérant que l'article 17 du contrat de concession prévoit la faculté, pour l'une ou l'autre partie, de résilier le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'autre partie avec préavis de vingt-quatre mois courant à compter de la date de réception de la lettre de résiliation ; que l'article 20 prévoit que "lorsque le fournisseur notifie au distributeur la résiliation du présent contrat, il doit spécifier de manière détaillée les raisons objectives et transparentes de la décision de résiliation" ;

Considérant, en l'espèce, que la société Volkswagen Group France a résilié le contrat de concession par courrier du 1er février 2008, avec un préavis de 24 mois, expirant au 1er février 2010, sur le fondement des articles 17 et 20 du contrat , au motif que : "L'absence de volonté réelle et non équivoque de [la société Europe Auto] de s'inscrire dans la stratégie Audi [était] incompatible avec la nécessité pour la marque Audi d'avoir totalement mis en place sa vision dès 2010 " ; que la société concédante a donc respecté le délai de préavis du contrat ;

Considérant, par ailleurs, que la faculté de résiliation était prévue par le contrat de concession, sans que soit exigée la démonstration d'une faute du concessionnaire ;

Considérant, cependant, que le concédant a exposé ses motifs de résiliation, ceux-ci étant relatifs à la réorganisation du système de distribution Audi et notamment, au réaménagement des concessions ; que cette réorganisation a été clairement exposée aux concessionnaires et tendait à privilégier, en cas de vente de plusieurs marques de la société Volkswagen Group France, la vente séparée des véhicules Audi, soit au sein de bâtiments dédiés à Audi séparés des autres marques de Volkswagen sur le même terrain, soit au sein de bâtiments sur un terrain isolé, exclusivement dédiés à Audi ; que contrairement à ce qui est prétendu par le concessionnaire, l'objectif de Volkswagen Group France était parfaitement connu de la société Europe Auto, dès la réunion de Perpignan du 10 juillet 2007, au cours de laquelle un employé commercial de Volkswagen Group France a présenté à la société Europe Auto les différents types de concessions, à savoir les types exclusifs E1 (bâtiments isolés) et E2 (bâtiments séparés sur un même site) et les types non exclusifs Y, W et G (seuls ces deux derniers étant expressément exclus) ; qu'à cette occasion, était exigée des concessionnaires une représentation exclusive de la marque Audi dans un bâtiment exclusivement dédié à cette seule marque, totalement séparé des autres marques distribuées par le concessionnaire, soit sur le terrain actuel, soit sur un nouveau terrain ;

Considérant qu'il est indifférent, au regard de la validité de la résiliation intervenue, que les motifs de cette résiliation, portant sur la réorganisation future des concessions, ne soient pas relatifs au non-respect des critères de sélection des concessionnaires ; qu'en effet, le concédant a la faculté de réorganiser son réseau de distribution selon ses propres critères et de mettre un terme au contrat de concession des concessionnaires qui n'y adhérent pas, à tout moment, sans avoir à s'en justifier, sous réserve du respect du préavis et de la bonne foi contractuels, et sous réserve d'absence de mise en œuvre d'une pratique anticoncurrentielle ; que la violation des critères sélectifs de la distribution aurait entraîné une résiliation sans préavis ;

Sur le règlement d'exemption

Considérant que, conformément au règlement d'exemption CE n° 1400-2002, l'éviction, par un concédant, d'un concessionnaire de son réseau, pour non-respect de conditions anticoncurrentielles, serait irrégulière au regard du droit de la concurrence ; que telles seraient, par exemple, des conditions qui interdiraient au concessionnaire de vendre des véhicules de marques de producteurs concurrents dans son bâtiment ; qu'en revanche, n'est pas considéré comme anticoncurrentiel le fait, pour le fabricant de plusieurs marques, d'exiger de ses distributeurs la vente distincte de chaque marque dans des établissements distincts ; que le règlement n'interdit pas au concédant d'imposer la séparation des marques du même groupe dans des salles différentes, ou d'exiger la séparation physique des locaux afférents à chaque marque ; qu'il n'exclut pas davantage que ces exigences soient élargies aux services après-vente et aux ventes de véhicules neufs ; qu'enfin, la société Europe Auto ne peut prétendre avoir été empêchée, par les normes Audi, d'avoir pu exposer des marques de producteurs concurrents, faute de place ; qu'en effet, elle n'a jamais demandé à pouvoir distribuer des véhicules de marques concurrentes ; qu'en définitive, la résiliation n'est pas illicite au regard du règlement communautaire n° 1400-2002 qui vise à promouvoir le multimarquisme ;

Sur la discrimination alléguée

Considérant, s'agissant de la discrimination alléguée par la société Europe Auto, que celle-ci n'est fondée ni en droit ni en fait ;

Considérant, en effet, que la loi du 4 août 2008 (n° -776) a supprimé l'interdiction des pratiques discriminatoires (ancien texte de l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce) à compter de son entrée en vigueur, soit le 5 août 2008 ; qu'à compter du 5 août 2008 donc, la discrimination, en droit commercial, n'est plus interdite, sous réserve qu'elle ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle ; que, par ailleurs, les pratiques de discrimination bénéficient de l'exemption automatique du règlement d'exemption CE n° 1400-2002 du 31 juillet 2002, lorsque le fournisseur automobile a une part de marché inférieure à 40 %, ce qui est précisément le cas de la société Volkswagen Group France, dont la part de marché est de l'ordre de 12 %, selon la société Volkswagen elle-même, non contredite sur ce point par la société Europe Auto ;

Considérant, au surplus, que la société Europe Auto ne démontre pas que les quelques concessionnaires qu'elle cite auraient bénéficié de conditions plus favorables qu'elle, ceux-ci étant placés dans des situations différentes ; que la société Volkswagen Group France démontre, au contraire, que 90 % de ses concessionnaires ont appliqué les nouvelles lignes de présentation Audi ; que l'exigence systématiquement rappelée à la société Europe Auto, ainsi qu'à ses éventuels futurs repreneurs, était exactement la même que celle rappelée aux autres distributeurs, c'est-à-dire celle de la réalisation d'une concession Audi "exclusive", de type E1, ou de type E2 ; qu'enfin, en acceptant de proroger de deux ans la résiliation du contrat Audi de la société Europe Auto, sur la base de la validation d'un projet architectural non conforme à la vision Audi 2010, la société Volkswagen Group France a, au contraire, accordé un traitement plus favorable à la société Europe Auto qu'à certains autres distributeurs, dont le contrat a été résilié pour absence de présentation de projet conforme dans les délais, sans prorogation du préavis ni validation d'un projet a minima pour le moyen terme ;

Sur le déséquilibre significatif

Considérant que l'appelante soutient encore que la résiliation serait contraire à l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, qui réprime la soumission ou la tentative de soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que ces exigences tendant à obliger le concessionnaire à créer des locaux séparés, sur un terrain séparé, seraient constitutives de ce déséquilibre et la tentative de soumission résulterait du caractère non négocié des modalités d'exposition des véhicules ;

Mais considérant que la faculté de résiliation d'un contrat à durée indéterminée, moyennant préavis, ne peut en soi s'analyser comme un déséquilibre significatif ; que cette faculté peut être utilisée par chacune des deux parties ; que le motif de la résiliation, tenant au défaut d'exécution, dans les délais convenus, des travaux de présentation de la marque Audi, n'est pas davantage déséquilibré, ces travaux n'étant nullement impossibles comme vu plus haut ; que la société Volkswagen Group France a d'ailleurs fait bénéficier la société Europe Auto de conditions favorables, puisqu'elle a accepté de reculer la fin du préavis pour lui laisser le temps de construire un bâtiment ne satisfaisant pas à ses critères (bâtiment non entièrement séparé) ; qu'aucun déséquilibre ne résulte davantage de l'exécution de la résiliation ;

Sur la bonne foi contractuelle

Considérant que si la société Volkswagen Group France, en prononçant la résiliation du contrat de concession la liant à l'intimée, n'a fait que mettre en œuvre les stipulations de ce contrat, une telle résiliation peut, néanmoins, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; qu'en effet, il s'infère des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil aux termes desquelles les conventions légalement formées "doivent être exécutées de bonne foi" que la faculté de résiliation d'un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d'une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le concessionnaire d'une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues ;

Considérant, en l'espèce, que la société Europe Auto ne rapporte aucunement la preuve d'avoir effectivement réalisé des investissements irrécupérables, ni d'en avoir reçu la demande du concédant ; que la société Volkswagen Group France a écarté plusieurs propositions de réorganisation des locaux, pour finalement accepter un projet ne satisfaisant pas à ses critères, sans jamais écarter l'effet de la résiliation ; qu'elle a toujours exigé, pour écarter la résiliation, que le permis de construire soit obtenu et que les travaux soient engagés avant l'expiration du préavis ; que ces circonstances de fait et de droit n'ont pu créer, chez la société appelante, une confiance légitime dans le maintien de la relation commerciale l'unissant à l'intimée ; qu'en définitive, la société Europe Auto ne démontre pas la mauvaise foi de la société Volkswagen Group France dans l'exercice de son droit de résilier la concession ;

Considérant que si la société Europe Auto soutient que les travaux demandés par Volkswagen auraient été commercialement irréalistes, car ils auraient nécessité que la société Europe Auto s'implante dans une autre zone commerciale, beaucoup moins attractive, en dehors de la zone regroupant les concessions automobiles, elle n'en apporte pas la preuve ; qu'en toute hypothèse, cet argument est dépourvu de pertinence, dans la mesure où la société Volkswagen Group France était disposée à accepter un projet de type E2, sur l'emplacement actuel de la concession ;

Considérant qu'il n'est pas davantage démontré que la stratégie de la société Volkswagen Group France, refusant de revenir sur la résiliation avant que les travaux n'aient débuté, serait la cause de l'échec des négociations de cession du fond de la société Europe Auto à trois repreneurs successifs ; qu'en toute hypothèse, la cessation des relations contractuelles pouvait être évitée si les travaux, sur lesquels les parties s'étaient mises d'accord, pour lesquels la société Europe Auto avait déposé un permis de construire et la société Volkswagen Group France était disposée à verser une aide de 200 000 euro HT, avaient été commencés au 31 décembre 2011 ;

Considérant, en conséquence, que l'exercice, par la société Volkswagen Group France, de son droit de résilier le contrat de concession n'a pas été abusif, au sens de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil ;

Sur la rupture brutale

Considérant que si la société Europe Auto expose qu'un préavis de cinq ans aurait dû lui être octroyé, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5 ° du Code de commerce, la société Volkswagen Group France expose que l'appelante ne peut revendiquer un préavis allant au-delà de deux années, cette durée étant conforme au règlement d'exemption CE n° 1400-2002 ;

Mais considérant que l'article 3, § 3, du règlement 1-2003, relatif aux rapports entre droit national et droit de la concurrence communautaire, dispose : "Sans préjudice des principes généraux et des autres dispositions du droit communautaire, les paragraphes 1 et 2 ne s'appliquent pas lorsque les autorités de concurrence et les juridictions des États membres appliquent la législation nationale relative au contrôle des concentrations, et ils n'interdisent pas l'application de dispositions de droit national qui visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles 81 et 82 du traité" ; que si l'article L. 442-6 du Code de commerce vise à "la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence", grâce à la protection des concurrents, cet objectif n'est pas identique à celui poursuivi par la répression des pratiques anticoncurrentielles qui tend à la protection du fonctionnement concurrentiel du marché dans son ensemble ;

Considérant que le considérant 9 de ce règlement précise que l'application du droit communautaire de la concurrence n'exclut pas l'application des pratiques restrictives de concurrence de l'article L. 442-6 du Code de commerce : "Les articles 81 et 82 du traité ont pour objectif de préserver la concurrence sur le marché. Le présent règlement, qui est adopté en application des dispositions précitées, n'interdit pas aux États membres de mettre en œuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales destinées à protéger d'autres intérêts légitimes, pour autant que ces dispositions soient compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire. Dans la mesure où les dispositions législatives nationales en cause visent principalement un objectif autre que celui consistant à préserver la concurrence sur le marché, les autorités de concurrence et les juridictions des États membres peuvent appliquer lesdites dispositions sur leur territoire. Par voie de conséquence, les États membres peuvent, eu égard au présent règlement, mettre en œuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales interdisant ou sanctionnant les actes liés à des pratiques commerciales déloyales, qu'ils aient un caractère unilatéral ou contractuel. Les dispositions de cette nature visent un objectif spécifique, indépendamment des répercussions effectives ou présumées de ces actes sur la concurrence sur le marché. C'est particulièrement le cas des dispositions qui interdisent aux entreprises d'imposer à un partenaire commercial, d'obtenir ou de tenter d'obtenir de lui des conditions commerciales injustifiées, disproportionnées ou sans contrepartie" ;

Considérant qu'il résulte de ces textes que le préavis de deux années, prévu par le règlement automobile, n'écarte donc pas la nécessité, prévue à l'article L. 442-6 I 5 du Code de commerce, d'accorder un préavis suffisant au partenaire qui subit une résiliation de concession ; qu'il y a donc lieu d'apprécier si le préavis de trois ans et dix mois accordé par la société Volkswagen Group France à son concessionnaire a été suffisant, au regard de la durée de leurs relations contractuelles ;

Considérant que les parties sont en relation d'affaire depuis quarante ans ; que le contrat de concession n'interdit pas à la société Europe Auto de distribuer des marques concurrentes, c'est-à-dire de développer une distribution multimarque, même si elle n'a pas usé de cette faculté ; qu'elle distribue également les marques Volkswagen et Volkswagen Utilitaires et est également réparateur agréé des trois marques ; que la cessation du contrat de distributeur Audi ne représente qu'un seul contrat sur les six contrats qui la lient à la société Volkswagen Group France, étant précisé que le contrat de distributeur Audi ne représente que 10 à 12 % de l'activité totale de la société Europe Auto, selon son propre expert ; que les travaux dont elle justifie pendant l'exécution du contrat s'élèvent, en 1998, à un montant global de 2 098 397,79 euro HT, puis en 2006, à 629 301 euro HT ; qu'elle ne démontre pas leur caractère spécifiquement dédié à la marque Audi et ils étaient, en tout état de cause, compte tenu de leur ancienneté, en grande partie déjà amortis au moment des faits ;

Considérant qu'au regard de ces éléments, le préavis consenti était suffisant pour permettre à la société Europe Auto de trouver un autre partenaire ou vendre sa concession ; qu'elle ne peut se retrancher derrière les négociations engagées avec Volkswagen Group France sur le réaménagement de sa concession pour prétendre que ce préavis n'aurait pas été effectif ; qu'elle a d'ailleurs mis à profit ce préavis pour rechercher des acquéreurs de son fonds ; qu'il y donc lieu de la débouter également de cette demande ;

Considérant que le jugement déféré sera donc entièrement confirmé ;

Sur l'article 700

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Volkswagen Group France la charge des frais irrépétibles de l'instance ; que la société Europe Auto sera donc condamnée à lui payer la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris, Condamne la société Europe Auto aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Europe Auto à payer à la société Volkswagen Group France la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.