CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 janvier 2014, n° 11-19862
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Elbaze, Elbaze Bureautique Système (Sté)
Défendeur :
Xerox (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Couturier, Chabil, Gerigny, Sabatier
Un contrat de concession exclusive régionale à durée déterminée a été conclu à compter du premier janvier 1990 entre la société Elbaze Bureautique système (EBS) concessionnaire et la société Xerox, concédant. D'autres contrats ont été signés, le dernier, signé le 22 mars 2002 avec effet au premier janvier 2002 venait à échéance le premier juillet 2004.
La société Xerox a dénoncé ce contrat par une lettre recommandée avec accusé de réception du premier avril 2004 puis elle a proposé par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 juin 2004 de prolonger le préavis jusqu'au 31 décembre 2004 "afin que chaque partie puisse définir les suites à donner à leur relation commerciale". Selon les termes des courriers, le silence de la société EBS valait acceptation tacite. La société EBS n'a pas répondu à ces courriers.
La société Xerox confirmait par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 septembre 2004 son souhait de ne pas conclure un nouveau contrat.
Considérant que la société Xerox avait résilié un contrat qui avait été tacitement reconduit selon les dispositions du contrat relatives aux modalités de résiliation, la société EBS a, faute d'obtenir réponse à ses courriers des 15 juillet 2009 et 21 septembre 2009, assigné la société Xerox par acte du 30 avril 2010 devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 30 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société EBS et Monsieur Elbaze de toutes leurs demandes,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné solidairement Monsieur Elbaze et la société EBS à payer à la société Xerox la somme de 5 000 euro au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles,
- condamné les mêmes aux dépens.
Monsieur Elbaze et la société EBS ont interjeté appel du jugement.
Par conclusions du 30 mai 2012 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, Monsieur Elbaze et la société EBS demandent à la cour de condamner la société Xerox à payer à la société EBS et Monsieur Elbaze les sommes de 519 639 euro au titre de la différence des produits d'exploitation entre l'exercice clos au 31 décembre 2004 et celui du 31 décembre 2005, et la somme de 93 607 euro au titre de la perte de rémunération outre la somme de 5 000 euro chacun en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Ils demandent sa condamnation aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 4 avril 2012 à auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, la société Xerox demande à la cour de confirmer le jugement, condamner in solidum les appelants à lui verser la somme de 10 000 euro à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens.
SUR CE
Considérant que la société EBS et Monsieur Elbaze font à la fois valoir,
- invoquant les dispositions de l'article 1134 du Code civil, que la société Xerox a exécuté de mauvaise foi ses obligations, rompant fautivement le contrat tacitement reconduit,
- invoquant "à défaut" les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, que la relation commerciale a été rompue brutalement alors qu'elle a toujours laissé entendre l'éventualité d'une reconduction du contrat ;
Considérant que la société Xerox réplique en soutenant n'avoir commis aucune faute à l'égard de la société EBS : que le contrat du 22 mars 2002 conclu pour une durée de trente mois à compter du premier janvier 2002 venait à expiration le 30 juin 2004, que les parties ont convenu de le proroger pour une durée de six mois, soit jusqu'au 31 décembre 2004 et que la société EBS a exécuté le contrat jusqu'au 31 décembre 2004 sans émettre d'observations ; qu'elle rappelle que le non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée est un droit absolu et n'a pas à être motivé ; qu'elle n'a jamais fait croire que le contrat serait renouvelé, que le renouvellement suppose une manifestation de volonté à laquelle une partie ne peut contraindre l'autre ;
Considérant qu'elle expose que Monsieur Elbaze ne justifie pas d'une faute commise à son égard, d'un préjudice direct et d'un lien de causalité ;
Considérant selon les documents versés aux débats :
- qu'il est constant que les parties entretiennent des relations commerciales depuis l'année 1999,
- que le premier juillet 1999, elles signaient un contrat de concession exclusive à effet le premier juillet 1999 pour une durée de cinq ans,
- que le 22 mars 2002, elles signaient un contrat à effet du premier janvier 2002 pour une durée de trente mois, soit jusqu'au 30 juin 2004, que le contrat précisait qu'il prendrait fin de plein droit et qu'un nouveau contrat pourrait être signé,
- que le premier avril 2004, la société Xerox adressait un premier courrier à EBS et, après avoir rappelé l'échéance du contrat, indiquait : "Le contrat de concession prévoit que nous devons vous notifier notre intention de procéder ou non au renouvellement trois mois avant son échéance. (...) Nonobstant ce préavis, nous n'avons pas pu, avec vous étudier les conditions éventuelles d'un renouvellement de votre contrat. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'étendre le préavis à trois mois supplémentaires. Ce délai permettra à chaque partie de définir les suites à donner à leur relation commerciale. Nous vous demandons de bien vouloir nous marquer votre accord en contresignant la présente. A défaut de réponse de votre part, dans les 8 jours qui suivent la réception de la présente, nous considérerons votre silence comme valant acceptation tacite et sans réserve de cette modification au contrat de concession, à savoir l'extension du délai de préavis. Les termes et conditions de votre contrat de concession restent inchangés pendant cette période" ; que la société EBS n'a pas répondu à ce courrier ;
- que le 7 juin 2004, la société Xerox adressait à nouveau un courrier à EBS, dans lequel rappelant le courrier du premier avril, elle constatait que la société EBS avait accepté d'étendre le préavis de trois mois, qu'elle lui proposait "d'étendre à nouveau ledit délai de préavis et de fixer le terme du contrat, préavis inclus, au 31 décembre 2004", indiquant que "Ce délai permettra à chaque partie de définir les suites à donner à leur relation commerciale", et demandant de bien vouloir marquer son accord en contresignant la présente et rappelant que le silence valait acceptation à défaut de réponse de sa part dans les jours qui suivaient la réception de la lettre ; que la société EBS n'a pas répondu à ce courrier,
- que par courrier du 22 septembre 2004, la société Xerox indiquait, après avoir rappelé les courriers des premier avril et 7 juin 2004 (...) Ces prorogations sous-entendaient, pour Xerox, la possibilité de ne pas renouveler votre contrat. "C'est ce que nous vous confirmons par la présente. Il va de soi, à titre d'exemple, que votre manquement manifeste aux dispositions de l'article 2.2 de votre contrat de concession ne nous incite pas à reconduire notre relation : la fin de votre contrat de concession prendra fin le 31 décembre 2004",
Considérant que le contrat de concession signé en 2002 d'une durée de trente mois arrivait à échéance le 30 juin 2004 ; que le contrat excluait toute reconduction tacite dès lorsqu'il prévoyait la date de fin du contrat et la signature d'un nouveau contrat ; que la signature d'un nouveau contrat n'était pas non plus acquise de plein droit à la société EBS et les courriers que lui avait adressés la société Xerox ne permettaient pas à la société EBS de croire en la pérennité des relations contractuelles ; que la fin des relations des parties ne résulte pas d'un abus de la société Xerox ;
Considérant par ailleurs, que la fin des relations contractuelles dans les termes du contrat n'avait pas à être motivée ; qu'ainsi, il importait peu que la société Xerox donne des prétextes sérieux ou non ; qu'en outre, étant libre d'organiser son réseau comme elle l'entendait, la société Xerox pouvait vouloir confier la nouvelle concession à un de ses nouveaux salariés, sans qu'on lui en fasse le reproche ;
Considérant que Xerox a donné un préavis de trois mois renouvelé une fois, soit en tout six mois, avant de finalement de décider de ne pas signer un nouveau contrat avec EBS ;
Considérant que la mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations par la société Xerox ne peut être ici trouvée ;
Considérant que le terme prédéfini du contrat outre le délai de six mois donné après le terme du contrat par la société Xerox excluent toute brutalité dans la rupture des relations commerciales ;
Considérant que la demande de la société EBS ne repose sur aucune faute de la société Xerox, qu'il en va de même de celle que forme Monsieur Elbaze à titre personnel, qu'ils seront déboutés de leurs demande et que le jugement doit être confirmé ;
Par ces motifs, LA COUR : Confirme le jugement, Condamne la société EBS et Monsieur Elbaze in solidum à payer à la société Xerox la somme de 6 000 euro à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.