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Décisions

CA Nancy, 2e ch. com., 8 janvier 2014, n° 10-03346

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Top Compo (SARL)

Défendeur :

Maximo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meslin

Conseillers :

M. Bruneau, Mme Thomas

Avocats :

Mes Bach-Wasserman, Sala-Martin, SCP Millot-Logier-Fontaine

T. com. Bar-le-Duc, du 5 nov. 2010

5 novembre 2010

La SA Maximo a pour activité la distribution de produits alimentaires vendus sur catalogue ; elle a confié à la SARL Top Compo, à partir d'octobre 2005, la réalisation de ses catalogues mensuels, supports de vente de ses produits.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 juillet 2008, la SA Maximo a signifié à la SARL Top Compo la fin de leurs relations commerciales, avec un préavis de 10 mois et l'a avisée de ce qu'elle l'a dispensait de l'exécution de ses prestations durant ce laps de temps.

La SA Maximo a finalement versé le 7 octobre 2008 à la SARL Top Compo une indemnité compensatrice d'un montant de 63 636 euros.

Estimant la rupture des relations commerciales non conforme aux dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, la SARL Top Compo a, par acte d'huissier du 31 octobre 2008, fait citer la SA Maximo devant le Tribunal de commerce de Bar-le-Duc aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme totale de 246 464 euros au titre du préjudice subi du chef d'une rupture brutale et abusive des relations commerciales nouées entre elles.

Par jugement du 5 novembre 2010, cette juridiction a débouté la SARL Top Compo de ses demandes au motif notamment de ce que le délai de 10 mois était satisfaisant au regard des relations entre les parties et que l'indemnité payée par la SA Maximo avait été correctement évaluée.

La SARL Top Compo a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 3 octobre 2012 auquel il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la cour a :

- sursis à statuer sur les demandes ;

- ordonné une expertise comptable confiée à Monsieur Xavier Felder, la SARL Top Compo devant consigner une somme de 3 500 euros à titre provisionnel sur les frais d'expertise avant le 30 novembre 2012

- renvoyé l'affaire à la mise en état.

L'expert a accepté sa mission mais la SARL Top Compo n'a pas consigné le montant de la provision de sorte que la désignation de ce technicien est devenue caduque.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2013, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 30 octobre suivant.

A cette date, les parties ont oralement confirmé s'en tenir à leurs demandes antérieures.

Cela étant exposé, LA COUR,

Attendu que l'article L .442-6-I 5° du Code de commerce dispose qu' "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, (...) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels" ;

Attendu que la SA Maximo a confié à la SARL Top Compo des travaux de conception et de réalisation de son catalogue mensuel support de son activité de vente par correspondance de produits alimentaires ;

Que, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 6 juillet 2008, la SA Maximo a informé la SARL Top Compo qu'elle mettait un terme aux relations commerciales liant les deux sociétés, avec préavis de 10 mois ; que la SA Maximo précisait qu'elle dispensait la SARL Top Compo de l'exécution du préavis, et qu'elle proposait à celle-ci de se rapprocher "dans les meilleurs délais" afin d'arrêter "de concert" le montant de l'indemnité revenant à la SARL Top Compo, de façon à ce que cette indemnité soit versée "sans tarder" ;

Que, par courrier du 16 juillet 2008, la SARL Top Compo répondait, par l'intermédiaire de son conseil, qu'elle contestait la proposition de la SA Maximo, et sollicitait que le délai de préavis soit allongé ;

Que par courrier du 7 octobre 2008, la SA Maximo précisait qu'à défaut d'accord entre les parties, elle portait le préavis à 12 mois, fixait le montant de l'indemnité dûe à la SARL Top Compo à la somme de 63 636 euros, fondée sur la marge mensuelle moyenne du chiffre d'affaires réalisé par la SARL Top Compo sur les travaux confiés par la SA Maximo ;

- Sur la durée des relations entre les parties ;

Attendu qu'il ressort du dossier que les parties ont conclu en mars 1997 un "contrat de collaboration" prévoyant notamment le contenu de la prestation réalisée par la SARL Top Compo ; que celle-ci a produit par ailleurs aux débats des factures portant sur des prestations de même nature et datant des mois d'octobre à décembre 1995 ; que ces prestations doivent être prises en compte pour fixer la durée totale de la relation commerciale entre les parties ; que, compte tenu de ces éléments, cette durée s'établit à près de 13 années ;

- Sur la brutalité de la rupture ;

Attendu que la SARL Top Compo soutient que la rupture des relations commerciales initiée par la SA Maximo est brutale en ce que la "dispense d'exécution de préavis" équivaut à une absence de préavis dans la mesure où les commandes ont immédiatement cessé et en ce que l'indemnisation, par ailleurs insuffisante, n'est intervenue que trois mois après la rupture ;

Mais attendu que si les dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce ont pour but de permettre au fournisseur bénéficiant de relations commerciales établies avec un client de réorienter son activité consécutivement à la cessation de ces relations, elles n'imposent pas la poursuite des relations durant la durée de préavis dans la mesure où le client compense la perte relative à cette rupture ; qu'en l'espèce il ressort du dossier que la SA Maximo a offert dès le 6 juillet 2010 une indemnité compensatrice et aucun élément du dossier ne démontre qu'elle a intentionnellement repoussé le règlement de cette indemnité ;

Attendu que s'il ressort du dossier que la SA Maximo était le client le plus important de la SARL Top Compo, celle-ci ne démontre pas qu'elle ne disposait pas d'une solution alternative pour réduire la part de ce client dans son chiffre d'affaires ; qu'en conséquence, elle ne démontre pas s'être trouvée en position de dépendance économique vis-à-vis de la SA Maximo ;

Attendu que la durée raisonnable du préavis doit être apprécié au regard du temps nécessaire pour organiser la reconversion et la réorganisation de l'entreprise rendues nécessaires par la rupture ; qu'en l'espèce, le préavis était en premier état fixé à 10 mois, porté à 12 mois ; qu'il ressort des pièces du dossier que les prestations fournies par la SARL Top Compo consistent en la fourniture de prestations intellectuelles n'emportant pas la mise en œuvre de moyens matériels lourds, et que la compensation de la perte de la clientèle de la SA Maximo pouvait alors s'opérer essentiellement par une prospection commerciale soutenue ; qu'en conséquence, il y a lieu de dire que la durée du préavis donné était suffisante ;

Attendu que, compte tenu de ce qui précède, il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise sur ces points ;

- Sur le montant de l'indemnité compensatrice ;

Attendu que la SARL Top Compo soutient que l'indemnité qui lui a été réglée est insuffisante dans la mesure où la SA Maximo a calculé le montant de cette somme sur des bases erronées ; qu'elle produit au dossier une attestation de son expert-comptable faisant état d'une "marge brute" de 98 %, et d'une "marge nette avant structure" de 62 % ; que la SA Maximo produit une étude sectorielle faisant état d'un "taux de marge brute" de 10,7 % en 2007 ; qu'elle demande de voir dire que l'indemnité compensatrice de préavis versée par la SA Maximo lors de la notification par celle-ci de la fin des relations commerciales entre les deux sociétés, d'un montant de 63 636 euros ne couvre pas la perte générée par le retrait de la SA Maximo, et que celle-ci a fixé son montant sur une base théorique alors qu'il doit être calculé sur la part du client Maximo dans la marge brute de la SARL Top Compo ;

Attendu qu'au soutien de sa démonstration, la SARL Top Compo verse un document établi par le cabinet KPMG, faisant état de ce que la part de l'activité générée par la SA Maximo représenterait 62 % de la marge nette de la SARL Top Compo ;

Mais attendu d'une part, que ce document indique qu'il est établi sur la base de "données non tirées d'une comptabilité analytique", et qu'il constitue un "document réalisé de bonne foi sur la base d'informations fournies par l'entreprise" ;

Que d'autre part, la SA Maximo apporte au dossier un document établi par le Service des études et des statistiques industrielles du ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi selon lequel le taux de marge brut des entreprises œuvrant dans le secteur de la "pré-presse", secteur auquel appartient la SARL Top Compo au titre de son Code d'activité, est de 13 % ;

Attendu que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le taux de 62 % de marge nette apparaît excessif, et que les éléments d'exploitation ne permettent guère d'apprécier avec certitude le bien-fondé de l'analyse de l'appelante quant à la contribution à sa marge de chacun de ses clients ;

Attendu qu'il y a lieu de constater que la SARL Top Compo ne démontre pas le bien fondé de ses demandes ;

Attendu que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer la décision entreprise sur ce point ;

Attendu que la SARL Top Compo supportera les dépens d'appel, lesquels seront directement recouvrés par la SCP Millot-Logier et Fontaine, Avocats associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Attendu enfin qu'aucune considération d'équité ne permet de faire droit à la demande d'attribution d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en audience publique, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 novembre 2010 par le Tribunal de commerce de Bar-le-Duc en ce compris les dispositions afférentes aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société à responsabilité limitée Top Compo aux entiers dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct en faveur de la SCP Millot-Logier et Fontaine, Avocats associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles d'appel.