CA Poitiers, 1re ch. civ., 10 janvier 2014, n° 12-01648
POITIERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Riedinger, CBR Marketing (SARL)
Défendeur :
Hyosung Corporation (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Potée
Conseillers :
Mmes Contal, Chassard
Avocats :
Mes Laurent, Catoni, Hannebert, SCP Paille Thibault Clerc
La société Hyosung a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de produits et fibres textiles devant servir aux fabricants de vêtements, tenues de sport et accessoires.
Selon la lettre d'intention en date du 19 décembre 2004, Christian Riedinger a été nommé en qualité de "trade marketing consultant" par le bureau de Barcelone de la société Hyosung pour une durée de cent vingt (120) jours.
La lettre précisait que "Selon les besoins estimés jusqu'à présent, le nombre de jours est de 120 jours pour l'année 2005 avec une contrepartie de 1 000 euro d'honoraires par jour".
C'est dans ces conditions que durant la période de janvier 2005 à janvier 2006, M. Riedinger a émis et adressé des factures tous les mois au bureau de Barcelone de la société Hyosung au nom de "Riedinger Consulting" correspondant au nombre de jours travaillés dans le mois, lesquels pouvaient varier, augmentés des coûts de déplacement ("Marketing Consultant fees and participation to travelling cost").
Le 01-02-2006, M. Riedinger a créé la société CBR Marketing ayant pour objet social "La recherche, l'étude, la mise au point, l'achat, la transformation, la vente, le conseil et la prestation de services liés à tous produits, sous-produits, produits intermédiaires composés ou dérivés, machines, articles, matériels et services concernant notamment l'industrie chimique et para-chimique, l'industrie textile et des fibres de toute nature et la bio-technologie, au secteur du bien-être, du loisir, de la sécurité, du bâtiment de l'industrie automobile ou de l'électronique sous toutes leurs formes à cet effet (...)"
Il indique dans un courriel du 01-03-2006 que "Sem vous a sans doute expliqué que le statut que j'avais en 2005 était celui d'une "profession libérale", soit un consultant (...). Nous avons échangé ce statut avec la constitution d'une société qui serait sous ma responsabilité personnelle, essentiellement à cause de la charge fiscale et sociale. Les impôts sont calculés sur la base du chiffre d'affaires dans le cas d'une "profession libérale", tandis qu'ils sont calculés sur la base du coût salarial dans le cas d'une société. Cela veut dire que dans l'éventualité [où j'aurais le statut] de profession libérale, tous mes coûts feraient l'objet d'une imposition supplémentaire (!!) ce qui est ridicule, mais vrai. Par conséquent, j'ai décidé de constituer cette société, la société CBR Marketing, à compter du 1 er février 2006 (...)".
Deux projets de contrat en date du 13 juillet 2006 et du 1er juillet 2007 étaient élaborés mais n'étaient pas signés.
Le 01-04-2008, un contrat était signé entre la société CBR et la société Hyosung formalisant définitivement et prorogeant à nouveau les relations contractuelles existantes entre elles, pour une durée d'un an (ci-après le "Contrat de 2008").
Par lettre en date du 18 décembre 2009, la société Hyosung a notifié à la société CBR le non-renouvellement du contrat de 2008, avec un préavis de quatre-vingt-dix jours, dans le strict respect des dispositions contractuelles.
Par courrier électronique en date du 30 décembre 2009, la société CBR a exigé de la société Hyosung qu'elle prenne en charge les charges sociales relatives jusqu'en 2010.
La société Hyosung n'a accepté de ne prendre en charge les cotisations sociales que jusqu'à la date de la résiliation effective du contrat de 2008, soit jusqu'au 31 mars 2010.
C'est dans ces conditions que selon exploit du 5 août 2010, M. Riedinger et la société CBR Marketing (ci-après "la société CBR") ont assigné la société Hyosung Corporation (ci-après "la société Hyosung") devant le Tribunal de commerce de la Rochelle afin de voir condamner la société Hyosung à payer à M. Riedinger la somme de 436 900 euro au titre de l'indemnité de cessation du prétendu contrat d'agent commercial, la somme de 100 000 euro en réparation du préjudice moral subi, la somme de 60 000 euro à titre de dommages-et-intérêts, la somme de 33 485, 42 euro correspondant au paiement d'une facture qui serait demeurée impayée outre 50 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Tribunal de commerce de La Rochelle, par décision du 23 mars 2012, a statué comme suit :
"Reçoit Monsieur Christian Riedinger et la société CBR Marketing en leurs demandes, fins et conclusions,
Dit et juge que Monsieur Christian Riedinger et la société CBR Marketing n'avaient pas le statut d'agent commercial,
Déboute Monsieur Christian Riedinger et la société CBR Marketing de leurs prétentions à voir le tribunal :
* débouter la société Hyosung Corporation en toutes ses demandes,
* dire et juger qu'à partir du mois de février 2006, M. Riedinger s'est trouvé être dans les liens directs d'un contrat d'agent commercial avec son mandant, la société Hyosung, après avoir collaboré avec cette société depuis janvier 2005 dans des conditions mal définies,
* en conséquence condamner la société Hyosung à payer M. Riedinger à titre d'indemnité de cessation de contrat, la somme de 436 900 euro, et à réparer le préjudice moral subi par M. Riedinger en évaluant ce préjudice à 100 000 euro,
* à lui payer en conséquence somme de 100 000 euro.
Déboute Monsieur Christian Riedinger et la société CBR Marketing de leurs prétentions à voir le tribunal à se voir payer la somme de 60 000 euro au titre de la rupture abusive du contrat.
Déboute la société Hyosung Corporation de sa prétention à voir le tribunal rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de Monsieur Riedinger et de la société CBR, ainsi que de sa prétention à voir rejeter la demande de remboursement des frais et des charges sociales à hauteur de 33 485,42 euro.
Condamne la société Hyosung Corporation à payer à Monsieur Christian Riedinger et la société CBR Marketing la somme de 33 485,42 euro.
Déboute Monsieur Christian Riedinger et la société CBR Marketing de toutes leurs demandes faites à titre subsidiaire.
Condamne Monsieur Christian Riedinger à payer à la société Hyosung Corporation la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société CBR Marketing à payer à la société Hyosung Corporation la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ordonne en application de l'article 514 du Code de procédure civile l'exécution provisoire du présent jugement à intervenir sans constitution de garanties.
Condamne en application de l'article 696 du Code de procédure civile Monsieur Christian Riedinger et la société CBR Marketing aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais de Greffe s'élevant à la somme de quatre-vingt-treize euro et vingt-huit centimes."
LA COUR:
Vu l'appel interjeté le 07-05-2012 par M. Riedinger et la société CBR.
Vu les dernières conclusions du 06-10-2013 de M. Riedinger et de la société CBR présentant les prétentions suivantes :
"Il est demandé à la cour de,
Vu les dispositions de la Directive européenne du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants (86-653-CEE) ;
Vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ;
Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Réformer le jugement entrepris ;
Débouter la société Hyosung Corporation en toutes ses demandes;
Débouter la société Hyosung Corporation en son appel incident consistant principalement en une demande de majoration des indemnités en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Dire et juger qu'à partir du mois de février 2006, Monsieur Christian Riedinger s'est trouvé être dans les liens directs d'un contrat d'agent commercial avec son mandant, la société Hyosung Corporation, après avoir collaboré avec cette société depuis janvier 2005 dans des conditions mal définies.
En conséquence,
Condamner la société Hyosung Corporation à payer à Monsieur Christian Riedinger, à titre d'indemnité de cessation de contrat, la somme de 436 900 euro ;
La Condamner également à réparer le préjudice moral subi par Monsieur Christian Riedinger en évaluant ce préjudice à 100 000 euro ;
Condamner la société Hyosung Corporation à payer en conséquence à Monsieur Christian Riedinger la somme de 100 000 euro ;
Condamner la société Hyosung Corporation à payer à la société SARL CBR Marketing, à titre de dommages et intérêts, la somme de 60 000 euro et au paiement de la somme de 34 674 euro.
A titre subsidiaire,
Condamner la société Hyosung Corporation à payer à la société SARL CBR Marketing, dans le cas où celle-ci serait considérée comme la seule contractante de la société Hyosung Corporation :
- à titre de dommages et intérêts, la somme de 436 900 euro.
Dire et juger qu'il sera tenu compte de toutes les rémunérations versées par la société Hyosung Corporation sans que soit prise en considération une quelconque affectation, observant que les factures payées ne distinguent nullement ce qui est remboursement de frais de ce qui représente la rémunération et étant observé également, que le montant des salaires versés dépendait uniquement des choix de la société CBR Marketing ;
Dire et juger que les condamnations qui seront prononcées porteront intérêts à compter du jour de l'exploit introductif d'instance avec anatocisme;
Condamner la société Hyosung Corporation, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à payer à Monsieur Christian Riedinger la somme de 50 000 euro ;
Condamner la société Hyosung Corporation à tous les dépens."
Vu les dernières conclusions du 30-09-2013 de la société Hyosung présentant les prétentions suivantes :
"Vu les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,
Vu les pièces,
Déclarer la SARL CBR Marketing et M. Riedenger mal-fondés en leur appel dirigé à l'encontre du jugement rendu le 23 mars 2012 par le Tribunal de commerce de La Rochelle,
Les en débouter, ainsi que de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
1. Sur les demandes des appelants formulées au titre de la qualification du contrat de consultant :
Dire et juger que le contrat de consultant du 1er avril 2008 n'était pas un contrat d'agent commercial,
Dire et juger que Monsieur Riedenger n'était pas partie au contrat de consultant du 1er avril 2008,
Dire et juger que seule la société CBR a la qualité de partie au contrat de consultant du 1er avril 2008,
Dire et juger que Monsieur Riedenger et/ou la société CBR ne justifient pas des préjudices, invoqués tant à titre moral qu'au titre de la rupture,
En conséquence,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le contrat de consultant du 1er avril 2008 n'était pas un contrat d'agent commercial,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de Monsieur Riedenger et de la société CBR à ce titre,
2. Sur les demandes des appelants formulées au titre de la rupture du contrat de consultant :
Dire et juger que la société Hyosung a mis fin aux relations contractuelles dans les formes prescrites par le contrat de consultant du 1er avril 2008,
Dire et juger que Monsieur Riedenger et/ou la société CBR ne justifient pas des dommages invoqués,
En conséquence,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Hyosung a mis fin aux relations contractuelles dans les formes prescrites par le contrat de consultant du 1er avril 2008,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de Monsieur Riedenger et de la société CBR à ce titre,
3. Sur la demande de la société Hyosung s'agissant du remboursement d'une facture de frais et charges :
Dire et juger que la demande de remboursement présentée par la société CBR à l'encontre de la société Hyosung au titre d'une facture de frais et charges est infondée.
En conséquence :
Infirmer le jugement entrepris sur point et statuant à nouveau,
En tout état de cause,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur Riedinger et la société CBR à payer chacun à la société Hyosung la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens ;
Condamner in solidum Monsieur Riedinger et la société CBR à payer à la société Hyosung la somme de 20 000 euro supplémentaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner in solidum Monsieur Riedinger et la société CBR à payer à la société Hyosung la somme de 50 000 euro pour appel abusif en application de l'article 559 du Code de procédure civile ;
Dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP Paille-Thibault-Clerc, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile."
Vu l'ordonnance de clôture en date du 08-10-2013
SUR CE
I- Sur les fondements juridiques
Il y a lieu préalablement de relever que par le dispositif de ses conclusions, M. Riedinger et la société CBR dont il est le gérant, se fondent l'une et l'autre sur trois fondements juridiques :
- les dispositions de la Directive Européenne du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants (86-653-CEE)
- les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce
- les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
S'agissant de la Directive susvisée, il convient de rappeler qu'elle n'est pas d'application directe en droit interne et nécessite des textes de transposition. Etant observé que les textes de droit interne, sur lesquels les appelants se fondent, existent et que ces derniers n'invoquent aucune contestation relative à une contradiction ou une interprétation nécessaire au vu de la directive, il n'y a pas lieu de se fonder sur les textes européens ni même d'avoir égard à l'interprétation pouvant avoir été donnée par la Cour de justice de l'Union européenne.
Les appelants ne peuvent arguer des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil puisque:
- il n'est pas contesté de part et d'autre que les parties ont entretenu des relations contractuelles
- seule la qualification juridique des contrats passés et la détermination des co-contractants sont en débat
- le principe de non-cumul des actions contractuelles et délictuelles s'oppose au recours à un tel fondement étant observé que les termes du litige n'entrent pas dans le cadre des quelques exceptions applicables à ce principe de non-cumul.
Il en résulte que M. Riedinger et la société CBR sollicitent le paiement de l'indemnité de cessation de contrat prévue et applicable aux contrats revêtant la qualification juridique de contrat d'agent commercial et ce, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce également invoqués par les appelants.
II- Sur l'identification des parties
Les parties discutent en premier lieu l'identification du co-contractant :
- M. Riedinger soutenant à titre principal être agent commercial en vertu de la lettre contrat susvisée et sollicite à titre subsidiaire l'indemnité de fin de contrat également pour le compte de la société CBR
- la société Hyosung soutient que le co-contractant n'est autre que la société CBR, constituée par M. Riedinger le 01-02-2006.
Sur ce dernier point, il est indifférent que la société Hyosung mentionne qu'elle ait été mise devant le fait accompli sans consultation préalable s'agissant de la création de la société CBR et que pour sa part, M. Riedinger indique, sans le prouver, que c'est la société Hyosung qui lui a imposé la création d'une telle société puisqu'en tout état de cause, la société Hyosung ne conteste pas que les relations contractuelles aient débuté avec ladite société dès sa constitution même si la lettre contrat du 01-04-2008 est bien postérieure.
Il sera d'ailleurs observé, comme le souligne à juste titre l'intimée que par courrier du 01-03-2006 M. Riedinger a exposé très clairement que "Sem vous a sans doute expliqué que le statut que j'avais en 2005 était celui d'une "profession libérale", soit un consultant (...). Nous avons échangé ce statut avec la constitution d'une société qui serait sous ma responsabilité personnelle, essentiellement à cause de la charge fiscale et sociale. Les impôts sont calculés sur la base du chiffre d'affaires dans le cas d'une "profession libérale", tandis qu'ils sont calculés sur la base du coût salarial dans le cas d'une société. Cela veut dire que dans l'éventualité [où j'aurais le statut] de profession libérale, tous mes coûts ferait l'objet d'une imposition supplémentaire (!!) ce qui est ridicule, mais vrai. Par conséquent, j'ai décidé de constituer cette société, la société CBR Marketing, à compter du 1er février 2006 (...)."
M. Riedinger ne peut prétendre qu'il serait commercial indépendant nonobstant la création de la société CBR Marketing puisqu'il produit lui-même la preuve que c'est bien cette société qui percevait "la rémunération" de l'activité par lui exercée.
En outre, il convient de rappeler que tous les documents sont établis en anglais de sorte qu'il convient d'être attentif aux traductions apportées.
S'agissant de la question susvisée, le texte anglais mentionne :
"This agreement is aimed to extend the cooperation between Hyosung Corporation, Barcelona Office and Mr Christian Riedinger under the CBR Marketing Structure".
Cette phrase introductive a été traduite par : "La présente convention a pour but de développer la collaboration entre Hyosung Corporation, le bureau de Barcelone et Monsieur Christian Riedinger avec la structure de la société CBR Marketing".
Cette traduction exclut donc l'idée générale résultant de l'anglais que M. Riedinger travaille "sous" (under) et non "avec" notion plus neutre qui correspondrait plutôt à une traduction du mot "with".
Il résulte donc du texte anglais que M. Riedinger agit sous la structure et dès lors que le contrat vis-à-vis des tiers concerne la structure sociale et non la personne physique œuvrant sous cette structure.
Cette analyse est d'ailleurs confirmée par :
- le fait que M. Riedinger a créé la personne morale CBR spécifiquement pour limiter les charges sociales et fiscales qui pesaient initialement sur lui-même en tant que personne physique
- dès février 2006, date de création de la société CBR, les factures réglées par la société Hyosung ont été établies au nom de la société CBR et non de M. Riedinger
- l'objet social de la société CBR est parfaitement compatible avec les missions confiées par la société Hyosung
M. Riedinger ne peut utilement soutenir que "le contrat du 1er avril 2008 doit s'interpréter comme instituant comme contractant principal, Monsieur Christian Riedinger personnellement, la société CBR n'étant que citée de façon accessoire comme un agent de facturation et une "structure" purement comptable" ce qui interrogerait en particulier la légalité commerciale, comptable et fiscale d'une telle analyse juridique.
S'agissant, dans le cadre du présent litige, d'apprécier les relations contractuelles souscrites par la société Hyosung et la détermination de son co-contractant, il n'y a pas lieu de s'interroger sur la manière dont juridiquement M. Riedinger percevait la rémunération de son travail effectué pour le compte de la société CBR.
En conséquence, il est établi que la relation contractuelle depuis février 2006 lie d'une part la société Hyosung et d'autre part la société CBR, personne morale distincte à l'exclusion de toute relation contractuelle avec M. Riedinger, à titre personnel :
- justifiée par une exécution non contestée de février 2006 jusqu'au 1er avril 2008,
- puis justifiée par la lettre-contrat du 1er avril 2008 acceptée et exécutée par la société CBR qui a établi les factures en son nom.
C'est avec une certaine mauvaise foi que M. Riedinger prétend donner quelque effet juridique à la formule de politesse introductive "Cher Monsieur Riedinger" (Dear Mr Riedinger) puisque l'on imagine mal que la société Hyosung ait pu écrire "Dear CBR Company" (Chère société CBR).
Est dès lors parfaitement infondée la demande en paiement de l'indemnité de cessation de contrat formulée par M. Riedinger pour son compte personnel.
III- Sur la qualification du contrat susvisé conclu entre la société Hyosung et la société CBR Marketing et la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de fin de contrat.
La société CBR sollicite également, à titre subsidiaire le paiement de l'indemnité de fin de contrat qui était, à titre principal, réclamée par M. Riedinger.
Il s'agit donc de qualifier la relation contractuelle conclue entre les parties afin de déterminer s'il s'agit d'un contrat d'agence commerciale au sens des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, seule cette qualification permettant le paiement de l'indemnité sollicitée.
Il résulte de l'article 1er du contrat du 01-04-2008 que "la société par les présentes vous engage, et vous acceptez d'agir en qualité de notre consultant non exclusif pour les ventes de nos produits (les Produits) désignés au paragraphe 4 ci-dessous.
Pendant la durée ci-dessous précisée,
- vous acceptez de rechercher activement des commandes pour les produits, en développant une ligne de clients strictement pour notre seul bénéfice,
- et vous vous engagez à ne pas promouvoir, vendre ou offrir à la vente ou être directement ou indirectement intéressé à a vente, de produits concurrents à ceux utilisés pour notre seul profit, à moins qu'un consentement par écrit vous ait été fourni préalablement de façon précise.
Vos activités devront être accomplie dans le respect de la stratégie de la société, de ses objectifs et pour les secteurs attribués".
La loi définit l'agent commercial comme : "Un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale". (Article L. 134-1, alinéa 1, du Code de commerce)
Pour pouvoir bénéficier du statut d'agent commercial, l'intermédiaire doit dès lors réunir les deux conditions suivantes :
1- L'intermédiaire doit tout d'abord disposer d'un mandat de représentation de son mandant, lui permettant ainsi d'engager ce dernier en faisant, à ce titre, "des actes juridiques pour le compte de ses mandants qui se trouvent ainsi engagés" (Cass. com. du 24 septembre 2003, n° 02-12.265). Faute d'un tel mandat, l'intermédiaire ne peut être qualifié d'agent commercial car l'agent commercial "ne peut exercer sa profession que parce qu'il a reçu mandat d'agir au nom et pour le compte d'autrui" (CA Lyon du 6 novembre 2007 n° 06-07451 confirmé par Cass. com. 17 mars 2009 n° 08-10.398).
2- L'intermédiaire doit impérativement avoir le pouvoir de négocier les conditions de vente auprès de la clientèle du mandant et ce sur un rythme "permanent" (Cass. com., du 20 mai 2008, n° 07-13.488 ; Cass. com., du 20 mai 2008, n° 07-12.234 ; Cass. com., du 23 juin 2009, n° 08-15.701 ; Cass. com., du 27 octobre 2009, n° 08-16.623).
Le fait que la société CBR ne disposait pas du pouvoir de conclure les contrats ce qui n'est pas contesté et est d'ailleurs conforme à l'article 6 a du contrat du 01-04-2008 n'est pas exclusif du statut d'agent commercial. En effet, conformément à la directive européenne fixant aux législations internes le cadre du statut d'agent commercial, l'article L. 134-1 du Code de commerce n'exige pas la réunion à la fois du pouvoir de négociation et de celui de conclusion du contrat.
En revanche, en l'absence de mandat de conclusion des contrats, la société CBR doit justifier qu'elle disposait d'un pouvoir de négociation en rappelant que le simple fait de rapprocher les clients ne suffit pas à caractériser le pouvoir de négocier (Cass. com., du 20 mai 2008, n° 07-13.488 précité).
Il n'est pas contesté que la société CBR a exercé son activité à titre de profession indépendante et a perçu des indemnités de fonctionnement correspondantes.
Cette condition posée par l'article L. 134-1 du Code de commerce n'implique pas que l'agent commercial ait une liberté totale d'action dans le cadre de la mission confiée.
Eu égard aux moyens respectivement soulevés, il s'agit dès lors d'apprécier si le contrat souscrit consistait :
- en une simple prospection et mise en relation de la clientèle potentielle avec le mandant, ce qui ne pourrait être considéré comme un contrat d'agent commercial,
- ou si ayant la faculté de représenter la société Hyosung, la société CBR disposait de pouvoirs de représentation et de négociation suffisants pour que soit caractérisée une activité d'agence commerciale.
Dès lors qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'apprécier si les parties sont liées par un mandat civil d'intérêt commun mais d'apprécier si la société CBR a la qualité d'agent commercial au sens des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, il n'y a pas lieu de tenir compte des modalités de rémunération (commissions et/ou fixes).
La société CBR considère, en se fondant que les pièces communiquées n° 10 a, 10b, 11, 12, 21 à 31, 33, que M. Riedinger négociait les prix en fonction de prix "plancher", qu'il pouvait obtenir des prix supérieurs et qu'il négociait toutes les autres conditions de la vente, escompte, délai de livraison, délai de paiement, provenance de la marchandise, suivi des règlements.
Les pièces susvisées ne caractérisent nullement l'existence d'une faculté de négociation des conditions d'un contrat avec le client. Elles établissent simplement que M. Riedinger recevait des courriels tant de la part des autorités professionnelles hiérarchiquement supérieures au sein de la société, avait la confiance de ces dernières et traitait également des courriers clients lesquels concernent plutôt des informations sur les références et statut des produits vendus.
Aucune de ces pièces ne justifie que M. Riedinger pour le compte de la société CBR ait une faculté de représentation de la société Hyosung pour négocier les prix des contrats et donner quelque effet juridique aux "commandes" passées et ce, de manière permanente même si un seul des documents invite lui-même et d'autres membres de la société Hyosung, à prendre contact avec les autorités supérieures pour que soit évitée la perte d'un contrat étant observé que ce document fait référence spécifiquement à une période de tension des marchés.
Obtenir du client un prix supérieur au prix plancher ne saurait être analysé comme relevant d'un pouvoir de négociation, lequel suppose une demande du client à bénéficier de conditions plus favorables, pour lui.
Dès lors, M. Riedinger pour le compte de la société CBR ne peut prétendre au statut des agents commerciaux et au paiement de l'indemnité compensatrice réclamée étant observé que par ailleurs, la société Hyosung a régulièrement et dans les délais de préavis convenus informé M. Riedinger du non-renouvellement de son contrat à son terme.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
IV) Sur la demande de la société CBR en paiement de la somme de 60 000 euro pour brusque rupture
La société CBR sollicite des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 60 000 euro en raison du préjudice qui lui a été causé par la brusque rupture des relations dont la société Hyosung a pris l'initiative, ce qui a déséquilibré sa trésorerie, y compris même son existence, cette société n'ayant plus aucune raison d'exister et devant envisager des frais de liquidation.
Cette demande sera rejetée étant observé que la rupture des relations contractuelles n'est nullement brusque comme elle le soutient puisque la société Hyosung a respecté le délai de préavis contractuellement prévu ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge.
V) Sur la demande de la société CBR en indemnisation de la somme de 34 674 euro pour solde de facture.
Le contrat de 2008 prévoit l'obligation pour la société Hyosung de rembourser les frais et les charges sociales tenant à la rémunération payée et stipule que cette obligation ne sera valable que "Pendant la période de consulting" (Cf. Contrat de 2008, Annexe 2, Paragraphe 2).
Cette somme correspondait aux charges sociales prévisionnelles dues pour la période du 01-04-2010 au 31-12-2010, au titre de la rémunération perçue durant l'année 2009 (Attestation Cogeparc du 1er mars 2010).
Le premier juge a retenu à juste titre que la société Hyosung ne peut soutenir qu'à compter du 1er avril 2010, date effective de la rupture du contrat de 2008, la société CBR devait faire son affaire du paiement des charges sociales puisque les sommes sont dues, en décalage sur la rémunération de 2009.
En effet, ainsi que le reconnaît la société Hyosung elle-même :
- la somme de 33 485,42 euro correspondait au remboursement de divers frais et notamment des charges sociales (Pièce adverse n° 8 : Courrier électronique de la société CBR à la société Hyosung en date du 28 avril 2010)
- "il s'agit plus particulièrement des charges sociales prévisionnelles dues pour la période du 01-04-2010 au 31-12-2010, au titre de la rémunération perçue durant l'année 2009 (Attestation Cogeparc en date du 1er mars 2010)".
Le jugement entrepris sera cependant infirmé s'agissant du montant retenu puisque l'attestation susvisée mentionne la somme définitivement arrêtée de 34 674 euro et non plus une somme provisionnelle légèrement inférieure.
VI) Sur la demande de M. Riedinger tendant à obtenir la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
Dès lors que le jugement entrepris n'est infirmé qu'en ce qui concerne le montant du solde de facture dû, M. Riedinger, à titre personnel, ne justifie nullement d'une faute commise par la société Hyosung à l'encontre de la société CBR qui soit de nature à générer pour lui un préjudice moral personnel.
VII) Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif présentée par la société Hyosung
La société Hyosung ne justifie nullement que M. Riedinger et la société CBR ait fait dégénérer leur droit d'appel en appel abusif dès lors qu'il s'agit en l'espèce d'une appréciation de faits multiples nécessaires à l'interprétation des relations contractuelles et à la qualification du contrat. En tout état de cause, elle ne justifie d'aucun préjudice qui ne soit indemnisé dans le cadre de l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
VIII) Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Il est équitable de laisser à la charge de M. Riedinger les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ce dernier ayant échoué en toutes ses demandes.
Il sera en outre observé que la société CBR ne sollicite pas de condamnation de la société Hyosung à lui payer une indemnité pour frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est en outre équitable de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. Riedinger et la société CBR à payer chacun à la société Hyosung la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens. Le jugement sera cependant infirmé en ce qu'il a prévu, dans son dispositif deux condamnations distinctes à ce montant, d'une part pour M. Riedinger et d'autre part pour la société CBR étant observé que ces deux parties ont toujours conclu par conclusions communes.
Les données du litige ayant été équivalentes en cause d'appel, la demande de la société Hyosung sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile sera accueillie mais limitée à la somme de 3 000 euro.
Les dépens de la procédure d'appel seront à la charge in solidum de M. Riedinger et de la société CBR.
Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Hyosung Corporation à payer à Monsieur Christian Riedinger et la société CBR Marketing la somme de 33 485,42 euro, condamné Monsieur Christian Riedinger à payer à la société Hyosung Corporation la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la société CBR Marketing à payer à la société Hyosung Corporation la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Le confirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les points infirmés : Condamne la société Hyosung Corporation à payer à la société CBR Marketing la somme de 34 674 euro, Condamne in solidum M. Riedinger et la société CBR Marketing à payer à la société Hyosung Corporation la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Y ajoutant : Déboute la société Hyosung de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ; Condamne in solidum M. Riedinger et la société CBR à payer à la société Hyosung la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum M. Riedinger et la société CBR aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.