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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 15 janvier 2014, n° 12-01286

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Divineo (SARL), Selarl de Saint Rapt et Bertholet (ès qual), Aubert (ès qual.)

Défendeur :

Sony Computer Entertainment France (SA), Sony Computer Entertainment Europe Ltd (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mme Chokron, Gaber

Avocats :

Mes Bernabe, de Moustier, Fromantin, Corvisier

TGI Paris, 3e ch. sect. 3, du 4 juin 200…

4 juin 2008

Vu le jugement rendu contradictoirement le 4 juin 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu l'appel interjeté le 18 juillet 2008 par la SARL Divineo.

Vu l'arrêt rendu le 5 février 2010 par la Cour d'appel de Paris.

Vu l'arrêt rendu le 20 septembre 2011 par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation cassant en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 5 février 2010 et renvoyant les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.

Vu la déclaration de saisine de la cour de céans sur renvoi de cassation déposée le 23 janvier 2012 à la requête de la SARL Divineo et de la Selarl de Saint Rapt & Bertholet, ès qualités d'administrateur de la SARL Divineo.

Vu les dernières conclusions au fond et d'intervention volontaire de Me Jean-François Aubert, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Divineo, signifiées le 27 mars 2012.

Vu les dernières conclusions de la SA Sony Computer Entertainment France (ci-après SA Sony France) et de la société de droit anglais Sony Computer Entertainment Europe Ltd (ci-après société Sony Europe), signifiées le 25 mai 2012.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 03 septembre 2013.

Motif de l'arrêt

Considérant que par jugement du 24 juillet 2009 le Tribunal de commerce d'Avignon a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SARL Divineo et désigné la Selarl de Saint Rapt & Bertholet en qualité d'administrateur judiciaire et que par jugement du 21 décembre 2011 ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de cette société et désigné Me Jean-François Aubert en qualité de mandataire liquidateur ;

Considérant dès lors que Me Jean-François Aubert a désormais seul qualité pour représenter en justice ès qualités, la SARL Divineo ;

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Considérant qu'il suffit de rappeler que la société Sony Europe est titulaire des marques communautaires suivantes :

- marque verbale "Playstation" n° 001545094 déposée le 3 mars 2000 en classes 9, 14, 16, 18, 25, 28, 38, 41 et 42 pour désigner notamment les consoles de jeux informatiques et jeux vidéo,

- marque figurative n° 001352517 déposée le 15 octobre 1999 en classes 9, 16 et 28 pour désigner notamment les jeux informatiques et vidéo ;

Que cette société détient les droits exclusifs d'utilisation de la marque et des logos pour l'Europe tandis que la SA Sony France bénéficie des droits d'exploitation de la marque "Playstation" et des logos y attachés pour la commercialisation, la promotion, la distribution et la vente en France de la console de jeux Playstation et de ses accessoires ;

Que ces sociétés ont été informées par la direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy Fret, suivant télécopie du 7 décembre 2006, de la retenue de neuf consoles de jeux Playstation 3 portant la marque Sony, l'expéditeur étant la société Hideo Yamazaki, sise au Japon, et le destinataire la SARL Divineo sise à Avignon ;

Que cette télécopie était suivie, le même jour, de l'envoi de 28 photographies des dites consoles ;

Qu'autorisées par ordonnance du 11 décembre 2006, elles ont fait procéder le 15 décembre 2006 à une mesure de saisie-contrefaçon auprès du service des douanes (suivie le 18 décembre 2006 d'un procès-verbal de reportage photographique) puis ont fait assigner le 4 janvier 2007 devant le Tribunal de grande instance de Paris, la SARL Divineo en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale ;

Considérant que le jugement entrepris a, en substance :

- déclaré la SA Sony Europe recevable à agir pour la défense de ses droits sur les marques communautaires n° 001545094 et 001352517,

- déclaré la SA Sony France recevable à agir en concurrence déloyale en sa qualité de distributrice exclusive des jeux informatiques et vidéos Sony sur le territoire français,

- déclaré irrecevables les sociétés Sony pour le surplus de leurs demandes,

- prononcé la nullité des opérations de saisie-contrefaçon des 15 et 18 "novembre" (sic, lire décembre) 2006 pour défaut de qualité à agir des requérantes,

- dit que la SARL Divineo en important sur le territoire français en provenance du Japon, neuf consoles de jeux vidéos Playstation reproduisant les marques communautaires précitées de la société Sony Europe, sans l'autorisation de celle-ci, a commis des actes de contrefaçon au détriment de cette société et des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SA Sony France,

- ordonné la remise aux sociétés Sony des neuf consoles de jeux retenus par la direction des douanes de Roissy suivant télécopie du 7 décembre 2006,

- condamné la SARL Divineo à payer à la société Sony Europe une indemnité de 15 000 euro du chef de la contrefaçon de marques et à la SA Sony France une indemnité de 5 000 euro du chef de la concurrence déloyale ainsi qu'à chacune une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que sur l'appel de la SARL Divineo, ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par arrêt en date du 05 février 2010 ;

Que cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions le 20 septembre 2011 aux motifs que la cour d'appel n'avait pas recherché si l'usage des marques litigieuses avait eu lieu dans la vie des affaires, qu'en ordonnant la remise des neufs consoles retenues aux sociétés Sony alors qu'elle avait constaté la nullité de la saisie-contrefaçon elle n'avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations et que le seul fait pour un opérateur d'importer des produits en dépit des droits d'exclusivité dont bénéficie un tiers n'est pas constitutif, en l'absence de tout autre élément, de concurrence déloyale ;

I - SUR LA VALIDITÉ DU PROCÈS-VERBAL DE SAISIE-CONTREFAÇON :

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Divineo, conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 15 et 18 décembre 2006 au motif que l'assignation au fond est intervenue au-delà du délai de quinze jours prévu par l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle ;

Qu'il fait encore valoir que les sociétés Sony Europe et Sony France ne sont ni titulaires, ni titulaires du droit d'exploitation des marques sur le fondement desquelles elles ont déposé la requête en autorisation de saisie-contrefaçon ;

Considérant que la société Sony Europe réplique qu'à la date de la requête en saisie-contrefaçon elle était bien titulaire des marques communautaires n° 001545094 et 001352517 et que la nullité pour défaut d'assignation dans le délai de quinzaine ne concerne que la seule saisie réelle et non pas la partie descriptive du procès-verbal de saisie-contrefaçon ;

Que les sociétés Sony Europe et Sony France concluent à l'infirmation partielle du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité des opérations de saisie-contrefaçon ;

Considérant ceci exposé, que dans leur requête à fin de saisie-contrefaçon en date du 11 décembre 2006, les sociétés Sony Europe et Sony France ne précisent pas quelles sont les marques dont elles sont titulaires des droits d'exploitation et qui sont le fondement de leur requête, se contentant de renvoyer à la pièce communiquée n° 2, elle-même seulement intitulée à leur bordereau : "Marques Sony (3 pages)" ;

Considérant qu'il ressort des documents versés aux débats que la pièce n° 2 dénombre six marques verbales ou figuratives, françaises, communautaires ou internationales dont les titulaires sont les sociétés de droit japonais Sony Kabushiki Kasha et Kabushiki Kaisha Sony Computer et la société de droit suisse Sony Overseas SA sans qu'il soit justifié, ni même allégué, que ces marques auraient fait l'objet d'une cession au profit des sociétés Sony Europe et Sony France ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que ces marques ne pouvaient donner qualité aux sociétés Sony Europe et Sony France pour déposer une requête en saisie-contrefaçon ; que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité des opérations de saisie-contrefaçon des 15 et 18 décembre 2006 pour défaut de qualité à agir des requérantes ;

Considérant que les premiers juges ont en outre ordonné la remise aux sociétés Sony Europe et Sony France "des neuf consoles de jeux retenues par la Direction des Douanes de Roissy suivant télécopie du 7 décembre 2006" ; que ces sociétés concluent sur ce point à la confirmation du jugement entrepris ;

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités, fait valoir que du fait de l'annulation des opérations de saisie-contrefaçon, la demande d'attribution des objets saisis présentée par les sociétés Sony Europe et Sony France est irrecevable ;

Considérant qu'au jour où le tribunal a statué ces neuf consoles étaient conservées sous-main de justice en vertu des opérations de saisie-contrefaçon et non plus au titre de la mesure initiale de retenue douanière, en tout état de cause limitée dans le temps conformément aux dispositions de l'article L. 716-8 du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant dès lors que du fait de l'annulation de l'ensemble des opérations de saisie-contrefaçon, les consoles saisies ne pouvaient être remises aux sociétés Sony Europe et Sony France ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et que statuant à nouveau, les dites sociétés seront déboutées de leur demande de remise de ces consoles ;

II - SUR L'ACTION EN CONTREFAÇON DE MARQUES :

La validité des photographies transmises par les douanes :

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités, conclut à l'irrecevabilité des demandes en contrefaçon en l'absence de preuve recevable de celle-ci ; qu'il fait valoir que les photographies retenues par les premiers juges pour établir l'existence d'une contrefaçon de marques ont été prises lors de la retenue douanière ;

Que l'administration des douanes a agi sur le fondement du règlement CE n° 1383-2003 du 22 juillet 2003 dont l'article 3 exclut le cas où, comme en l'espèce, les produits étaient fabriqués et estampillés par le groupe Sony et devaient avoir comme marché le Japon ; que dès lors les douanes ne pouvaient retenir ces marchandises sans commettre un excès de pouvoir et que les photographies résultant d'un tel excès de pouvoir doivent être écartées ;

Qu'il ajoute que la cour peut si elle le souhaite, s'interroger sur une éventuelle question préjudicielle à poser au tribunal administratif en ce qui concerne la licité de la retenue douanière mais que le juge civil est le garant des libertés fondamentales et peut apprécier la qualité probatoire et la licité des éléments de preuve qui lui sont soumis ;

Considérant que les sociétés Sony Europe et Sony France rappellent que la contrefaçon peut se prouver par tous moyens et qu'en l'espèce la contrefaçon de leurs marques est établie par les photographies communiquées par la Direction régionale des douanes et qu'il n'appartient pas à la cour de statuer sur un éventuel excès de pouvoir à l'encontre des douanes, seules les juridictions administratives étant compétentes ;

Considérant ceci exposé, qu'il résulte des pièces produites aux débats que les sociétés Sony Europe et Sony France avaient présenté une demande d'intervention au titre de l'article 8 du règlement (CE) n° 1383-2003 du 22 juillet 2003, qui a été agréée et régulièrement renouvelée jusqu'au 19 février 2007 par la Direction régionale des douanes ;

Considérant dès lors, que la retenue des marchandises litigieuses a été effectuée par les autorités douanières en application des dispositions de l'article 9 du règlement dont le premier paragraphe dispose que " lorsqu'un bureau de douane auquel la décision faisant droit à la demande du titulaire du droit a été transmise en application de l'article 8 constate, au besoin après consultation du demandeur, que des marchandises se trouvant dans l'une des situations visées à l'article 1er, paragraphe 1, sont soupçonnées de porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle couvert par cette décision, il suspend la mainlevée ou procède à la retenue desdites marchandises " ;

Considérant que si l'article 3 exclut du champ d'application du règlement les produits authentiques qui font l'objet d'importations parallèles, il convient de relever que le seul critère d'application de l'article 9 susvisé est l'existence d'une suspicion que les marchandises en cause portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle au sens de l'article 2 du règlement, l'éventuelle infirmation postérieure de cette suspicion n'étant pas susceptible d'entraîner l'invalidation rétroactive de la mesure de retenue douanière ;

Considérant qu'en l'espèce il n'est pas démontré, ni même allégué, que les autorités douanières auraient retenu le 7 décembre 2006 les neuf consoles litigieuses en connaissance de leur caractère de produits authentiques ; que dès lors l'intervention de l'administration douanière, fondée sur une suspicion que les marchandises portaient atteinte à un droit de propriété intellectuelle, était conforme aux dispositions du règlement n° 1393/2003 ;

Considérant dès lors que la société Sony Europe peut produire à titre de preuve de la contrefaçon de marques les 28 photographies des neuf consoles retenues, prises et transmises le 7 décembre 2006 par l'administration douanière ;

L'existence de la contrefaçon :

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités, soutient que les produits en cause ont été importés à seule fin de développement par la SARL Divineo, sans aucun but de commercialisation (au demeurant impossible s'agissant de produits sous conditionnement japonais incompatibles avec des jeux européens) et qu'il n'y a donc eu aucun usage des marques dans la vie des affaires au sens de l'article 9 du règlement 40-94 du 20 décembre 1993 ;

Considérant que la société Sony Europe réplique que la SARL Divineo a bien procédé à l'importation sans autorisation, de consoles reproduisant ses marques communautaires et qu'il en a été fait usage dans la vie des affaires puisqu'elles ont été importées dans le cadre de son activité professionnelle et non à des fins privées, la qualification de contrefaçon de marque n'étant pas subordonnée à la mise sur le marché effective des produits en cause ;

Considérant ceci exposé, qu'aux termes de l'article L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle, "constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 11 et 13 du règlement (CE) 40-94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire" ;

Considérant que l'article 9 du dit règlement dispose, à ses paragraphes 1 et 2 que :

"1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires :

a) d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

(...)

2. Il peut notamment être interdit, si les conditions énoncées au paragraphe 1 sont remplies :

a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

b) d'offrir les produits ou de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe ;

c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe ;

d) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaire et la publicité ";

Considérant qu'il ressort de l'examen des photographies transmises par l'administration des douanes que les neuf consoles de jeu vidéo litigieuses sont bien revêtues de signes identiques à la marque verbale "Playstation" n° 001545094 et à la marque figurative n° 001352517 pour des produits identiques à ceux pour lesquels ces marques sont enregistrées (consoles de jeux informatique et jeux vidéo) ;

Considérant que dans la mesure où la SARL Divineo, désormais représentée par son mandataire liquidateur, conteste avoir fait usage des marques revendiquées dans la vie des affaires, il convient de rechercher si l'usage prétendument contrefaisant était un usage dans la vie des affaires au sens de l'article 9, paragraphe 1 susvisé ;

Considérant que la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Arsenal Football Club du 12 novembre 2002 indique à son point 40 qu'un usage relève de la vie des affaires "dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé" ;

Considérant que selon son extrait Kbis, l'activité professionnelle de la SARL Divineo concerne la "commercialisation de tous matériels électroniques Hi Tech destinés au grand public et aux professionnels : audio vidéo télé Hi Fi téléphonique consoles de jeux électroniques logiciels jouets électroniques et plus généralement tous articles d'équipement et de loisirs intégrant des composants électroniques" ; que les captures d'écran de son site Internet divineo.fr, dont l'authenticité n'est pas contestée, démontrent que cette société commercialise des consoles de jeu vidéo, notamment des consoles Playstation conçues par le groupe Sony ;

Considérant que tous les actes d'une entreprise commerciale, y compris ceux effectués dans sa sphère interne, s'inscrivent nécessairement dans une perspective économique ; qu'en l'espèce la SARL Divineo indique elle-même dans ses conclusions (page 2) qu'elle avait importé les neuf consoles de jeux PS3 "pour connaître ce nouveau produit" dans le cadre de son activité de conception d'accessoires pour consoles (coques en plastique, manettes personnalisées, etc.), laquelle nécessite une parfaite connaissance des dites consoles de jeu ;

Considérant que l'absence d'offre au public en France des produits revêtus des signes litigieux est indifférente et qu'il importe donc peu que les neuf consoles litigieuses n'aient été importées qu'à une fin de développement, sans aucun but de commercialisation auprès du public français ;

Considérant en conséquence que même si les produits n'ont jamais été mis en contact avec la clientèle en France, les actes de reproduction des signes sur les produits et d'importation de ces produits en vue de leur détention sur le territoire français se situent naturellement dans le contexte d'une activité professionnelle et commerciale ;

Considérant qu'il est ainsi établi qu'il a été fait usage des marques revendiquées dans la vie des affaires et que la contrefaçon de ces marques est donc constituée ;

Considérant que par ces motifs se substituant à ceux des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la SARL Divineo avait commis des actes de contrefaçon au détriment de la société Sony Europe en important sur le territoire français en provenance du Japon, neuf consoles de jeux vidéos Playstation reproduisant les marques communautaires revendiquées ;

III - SUR L'ACTION EN CONCURRENCE DÉLOYALE :

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités, soutient que la SA Sony France n'apporte la démonstration d'aucun fait distinct de ceux qui sont invoqués à l'appui de l'action en contrefaçon et que la seule importation n'est pas constitutive d'un acte de concurrence déloyale faute d'actes de commercialisation ;

Considérant que la SA Sony France réplique que le lancement de la console de jeux PS3 en Europe était prévu pour la fin du mois de mars 2007, quelques mois après sa mise sur le marché au Japon et aux États-Unis, qu'elle a engagé beaucoup de frais pour la préparation de la sortie très médiatisée de cette console en France, prévue pour le 23 mars 2007 et qu'en entrant en possession de cette console avant sa sortie officielle procurait pour la SARL Divineo, un avantage commercial vis-à-vis de sa clientèle au détriment de la SA Sony France ;

Qu'elle affirme que la SARL Divineo a ainsi cherché à désorganiser ses circuits de distribution et à déstabiliser sa politique commerciale et à profiter indûment de ses investissements publicitaires liés au lancement du public, ce qui constitue des faits distincts de concurrence déloyale, engageant la responsabilité civile de la SARL Divineo ;

Considérant ceci exposé, que les faits d'importation en France, en provenance du Japon, de consoles de marque Playstation 3 malgré l'absence d'épuisement des droits du titulaire de la marque sont exactement ceux déjà jugés constitutifs d'un acte de contrefaçon ;

Considérant d'autre part que la SA Sony France ne justifie pas autrement que par ses affirmations péremptoires, que l'importation de neuf consoles de jeu Playstation 3 en provenance du Japon avec un conditionnement japonais, incompatibles avec les jeux européens (les zones géographiques Asie et Europe étant incompatibles), aurait désorganisé ses circuits de distribution en France et déstabilisé sa politique commerciale sur le territoire national ;

Considérant enfin que si la SA Sony France bénéficie des droits d'exploitation exclusifs de la marque "Playstation" et des logos y attachés pour la commercialisation, la promotion, la distribution et la vente en France de la console de jeux Playstation et de ses accessoires, le seul fait pour un opérateur d'importer des produits en dépit des droits d'exclusivité dont bénéficie un tiers n'est pas constitutif, en l'absence de tout autre élément, de concurrence déloyale ;

Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges se sont fondés sur la qualité de distributeur exclusif en France des consoles de marque Playstation 3 de la SA Sony France pour qualifier d'acte de concurrence déloyale l'importation de neuf de ces consoles en France ;

Considérant que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que la SARL Divineo avait commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SA Sony France et que statuant à nouveau de ce chef, la SA Sony France sera déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;

IV - SUR LES MESURES RÉPARATRICES DE LA CONTREFAÇON :

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités, soulève en premier lieu l'irrecevabilité de toute demande de condamnation à paiement à l'encontre de la SARL Divineo en l'état de sa mise en liquidation judiciaire, les actions ne pouvant tendre qu'à la fixation du montant de la créance ;

Qu'il ajoute que la société Sony Europe n'a subi aucun préjudice puisqu'elle n'apporte la démonstration d'aucun gain manqué, rappelant qu'il ne s'agit que de neuf consoles de jeu qui n'auraient jamais été commercialisées du fait de leur incompatibilité avec les produits de la zone Europe ;

Considérant que la société Sony Europe fait valoir qu'elle subit un préjudice notamment en raison de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale de la marque Playstation et à sa réputation et son image de marque ; qu'elle conclut à la confirmation du jugement entreprit qui a évalué ce préjudice à la somme de 15 000 euro ;

Qu'elle demande en conséquence de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Divineo à la dite somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par elle du fait des actes de contrefaçon ;

Considérant ceci exposé que conformément aux dispositions de l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle (auquel renvoie l'article L. 717-2 pour les atteintes portées au droit du propriétaire d'une marque communautaire), la juridiction prend en considération pour fixer les dommages et intérêts, non seulement les conséquences économiques négatives subies par la partie lésée et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, mais également le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte ;

Considérant que les actes de contrefaçon commis par la SARL Divineo ont causé un préjudice moral pour la société Sony Europe, au sens de l'article L. 716-14 susvisé, par la banalisation des marques revendiquées et l'atteinte ainsi portée à la réputation et à l'image de cette société ; qu'au vu des éléments de la cause il apparaît que les premiers juges ont fait une correcte évaluation du préjudice ainsi subi à la somme de 15 000 euro ;

Considérant que du fait de la mise en liquidation judiciaire de la SARL Divineo par jugement du Tribunal de commerce d'Avignon en date du 21 décembre 2011, aucune condamnation en paiement ne peut être prononcée à l'encontre de cette société conformément aux dispositions de l'article L. 622-21 du Code de commerce ;

Considérant que la société Sony Europe a procédé le 27 octobre 2009 à la déclaration de sa créance entre les mains de Me Jean-François Aubert, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Divineo, ainsi que la SA Sony France le même jour ;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a prononcé des condamnations en paiement à l'encontre de la SARL Divineo et que statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de la société Sony Europe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Divineo à la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;

V - SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE ME JEAN-FRANÇOIS AUBERT, ÈS-QUALITÉS :

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités, soutient que la disparition de la SARL Divineo résulte d'une volonté délibérée des sociétés Sony Europe et Sony France qui souhaitent étouffer et garder la mainmise sur le marché des accessoires de jeux ; qu'elles ont ainsi abusé du droit de propriété intellectuelle au sens de l'article 82 du traité de Rome ;

Qu'il fait valoir que le préjudice de la SARL Divineo est lié non seulement à sa disparition mais surtout à la perte d'une chance de pouvoir exploiter des produits qu'elle avait la possibilité de commercialiser au moment de la vente sur le marché européen de la Playstation ; qu'il demande à titre de réparation la somme de 500 000 euro de dommages et intérêts ainsi que la condamnation des sociétés Sony Europe et Sony France au paiement du coût de la procédure collective (frais de greffe et frais des organes de la procédure collective) à titre de réparation complémentaire ;

Considérant que les sociétés Sony Europe et Sony France répliquent que leur comportement n'est nullement dicté par une quelconque volonté d'étouffer le développement du marché des accessoires compatibles avec leurs consoles de jeux vidéo et que c'est uniquement en raison des faits fautifs commis par la SARL Divineo qu'elles ont eu recours à la justice pour faire connaître et respecter leurs droits ;

Considérant ceci exposé, que dans la mesure où la SARL Divineo est reconnue coupable d'actes de contrefaçon de marques au préjudice de la société Sony Europe, il apparaît que cette société n'a commis aucun abus de droit constitutif d'un comportement fautif en engageant la présente action en justice à son encontre ; qu'il en est de même de la SA Sony France, étant rappelé que le seul fait de succomber à une demande en justice n'est pas en soi constitutif d'une faute en l'absence de toute preuve d'un abus du droit d'ester en justice ; qu'en l'espèce Me Jean-François Aubert, ès qualités, ne rapporte pas la preuve autrement que par ses affirmations péremptoires, d'une volonté délibérée des sociétés Sony Europe et Sony France de causer la disparition de la SARL Divineo par un abus de position dominante au sens de l'article 82 du Traité de Rome qu'il invoque au soutient de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts et dont il sera en conséquence débouté ;

VI - SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que la cour fixe la créance de la société Sony Europe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Divineo à la somme de 3 000 euro au titre de ses frais irrépétibles de première instance et à la somme de 4 000 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Considérant que la SA Sony France sera pour sa part, déboutée de ses demandes en fixation de créance au titre de ses frais irrépétibles tant de première instance que d'appel ;

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités, sera pour sa part, débouté de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que Me Jean-François Aubert, ès qualités sera condamné au paiement des dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, sur renvoi après cassation ; Donne acte à Me Jean-François Aubert de son intervention à l'instance ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Divineo ; Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a : - ordonné la remise aux sociétés Sony Europe et Sony France des neufs consoles de jeux retenues par la Direction des douanes de Roissy suivant télécopie du 7 décembre 2006, - dit que la SARL Divineo a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SA Sony France, - prononcé des condamnations en paiement à l'encontre de la SARL Divineo, Infirmant de ces chefs et statuant à nouveau : Déboute les sociétés Sony Europe et Sony France de leur demande de remise des neuf consoles de jeux retenues le 7 décembre 2006 par la Direction des douanes de Roissy ; Déboute la SA Sony France de l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ; Fixe la créance de la société Sony Europe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Divineo à la somme de quinze mille euros (15 000 euro) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ; Y ajoutant : Déboute Me Jean-François Aubert, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Divineo, de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ; Fixe la créance de la société Sony Europe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Divineo à la somme de trois mille euros (3 000 euro) au titre de ses frais irrépétibles de première instance et à la somme de quatre mille euros (4 000 euro) au titre de ses frais irrépétibles d'appel ; Déboute la SA Sony France de sa demande de fixation de créance au titre de ses frais irrépétibles ; Déboute Me Jean-François Aubert, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Divineo de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Me Jean-François Aubert, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Divineo aux dépens d'instance, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile