CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 30 janvier 2014, n° 2012-00723
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Colgate Palmolive Service (SA), Colgate Palmolive Company (Sté), Henkel AG & Co. KGaA (Sté), Henkel France (SA), Procter & Gamble France (SAS), Procter & Gamble Holding France (SAS), Procter & Gamble Company (Sté), Univer France Holding (SAS), Topaze (SAS)
Défendeur :
Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remenieras
Conseillers :
Mmes Beaudonnet, Leroy
Avocats :
Mes Teytaud, Cousin, Paroche, Brunet, Ninane, Esteban, Rameau, SCP AFG, SCP Grappotte Benetreau
L'affaire relative à des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur des lessives en France dont est saisie la cour a été portée à la connaissance du Conseil de la concurrence devenu l'Autorité de la concurrence et ci-après l'ADLC ou l'Autorité en 2008 par quatre fabricants de lessives (ci-après "lessiviers" opérant sur le territoire français : les sociétés Unilever France et Lever Fabergé France (ci-après, ensemble, "Unilever"), la société Henkel France (ci-après "Henkel") la société The Procter & Gamble Company et ses filiales (ci-après, ensemble, "Procter & Gamble" ou "P & G"), les sociétés Colgate Palmolive Services (SA), Colgate Palmolive (SAS), Colgate Palmolive Industriel (SAS), (ci-après, ensemble, "Colgate Palmolive").
Ces quatre fabricants ont successivement sollicité auprès du Conseil le bénéfice de la procédure de clémence sur le fondement du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce aux dates et dans l'ordre qui suivent :
- le 4 mars 2008 : Unilever ;
- le 28 avril 2008 : Henkel ;
- le 26 septembre 2008 : Procter & Gamble ;
- le 11 février 2009 : Colgate Palmolive.
Le Conseil de la concurrence disposait déjà d'informations relatives aux pratiques visées par la Décision déférée lorsqu'il a reçu une première demande de clémence les concernant, déposée par Unilever. En effet, des éléments de preuve concernant les pratiques en cause avaient été recueillis en 2006 lors d'opérations de visites et de saisies menées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et la répression des fraudes (DGCCRF) dans le cadre de deux autres affaires. Ces éléments ne paraissaient toutefois pas suffisants pour permettre au Conseil d'établir l'existence d'une infraction aux articles L. 420-1 du Code de commerce et, le cas échéant, à l'article 81 CE, devenu l'article 101 du TFUE (ci-après "l'article 101 du TFUE"), dans le secteur des lessives en France.
Dans ces conditions, Unilever a obtenu de la part du Conseil un avis conditionnel de clémence envisageant de lui accorder le bénéfice d'une exonération totale de sanction au titre du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce, c'est-à-dire un avis de type "1B", au sens du programme de clémence français. Les trois autres fabricants de lessives ayant présenté des demandes de clémence ont bénéficié, dans l'ordre de leur demande, d'un avis conditionnel envisageant de leur accorder le bénéfice d'une exonération partielle de sanction au titre du même article. Les avis envisageaient, sous la double réserve que les entreprises concernées coopèrent à la procédure selon les modalités décrites dans les avis de clémence et que les pièces qu'elles apportent présentent une valeur ajoutée significative, des taux de réduction de sanction allant de 20 à 30 % pour Henkel de 10 à 20 % pour Procter & Gamble et de 10 à 20 % pour Colgate Palmolive.
Henkel et Procter & Gamble ont indiqué avoir dénoncé simultanément au Conseil et à la Commission européenne des pratiques mises en œuvre au niveau européen dans le secteur des lessives.
Il convient, à ce stade, pour une bonne compréhension de l'articulation des procédures nationale et européenne, de rappeler avec précision les principales caractéristiques de l'affaire ayant donné lieu à la décision du 13 avril 2011 (COMP/39579 - Consumer détergents) de la Commission européenne (paragraphes 37 à 48 de la Décision), étant précisé qu'alors qu'Unilever a été la première entreprise à présenter sa demande à l'Autorité, c'est Henkel qui détient le premier rang devant la Commission européenne.
Le 21 décembre 2009, la Commission européenne a décidé d'ouvrir une procédure sur le fondement de l'article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (ci-après le "règlement n° 1-2003") concernant "la coordination des comportements de Henkel AG & Co. KGaA, Procter & Gamble Company, Unilever PLC et Unilever NV qui inclut une coordination sur les prix et les promotions", comportements qui "ont probablement porté préjudice à la concurrence et aux consommateurs sur le marché des lessives à destination du grand public, en particulier des lessives universelles en poudre, dans l'EEE".
Le 16 mars 2010, la rapporteure générale de l'Autorité a écrit à la Commission européenne afin de se voir confirmer le caractère distinct des affaires traitées simultanément par cette institution et par l'Autorité, dans les termes suivants "le libellé utilisé dans la note d'ouverture de la procédure (...) vise des pratiques d'entente sur les prix et promotions dans le secteur des lessives en Europe. Il s'ensuit que l'affaire traitée par l'Autorité de la concurrence pourrait être considérée comme tombant dans le champ des pratiques identifiées dans la note d'ouverture de la procédure. En conséquence, je vous remercie de bien vouloir m'apporter des éclaircissements sur le champ exact des pratiques que vous poursuivez et me confirmer qu'en ouvrant la procédure au sens de l'article 11, paragraphe 6 du règlement n° 1-2003 et de l'article 2, paragraphe 1 du règlement n° 773-2004 dans l'affaire COMP/39579 la Commission ne dessaisit pas l'Autorité de la concurrence de sa compétence d'application de l'article 101 TFUE dans l'affaire 09-0007 F qu'elle a instruite (...)".
Par lettre du 22 avril 2010, la Commission européenne a confirmé que les affaires étaient bien distinctes, eu égard notamment à leur nature et à leur portée. Elle a aussi confirmé la compétence de l'Autorité pour traiter l'affaire relative aux pratiques dénoncées en France par Unilever, Henkel, Procter & Gamble et Colgate Palmolive. Elle a notamment indiqué à cet égard ce qui suit : "(...) Vous soulignez à juste titre qu'à l'issue de ces consultations bilatérales, il a été convenu que les affaires française et communautaire auraient trait à deux infractions distinctes. Je peux vous confirmer que cette conclusion n'a pas changé. Selon notre appréciation, les infractions poursuivies par la Commission et l'Autorité française demeurent distinctes et l'Autorité française est la mieux placée pour continuer à poursuivre l'infraction nationale en France.
En conclusion, je tiens à vous assurer de nouveau que la décision de la Commission d'ouvrir une procédure dans l'affaire COMP/39579 - Consumer Detergents ne dessaisit pas l'Autorité française de sa compétence d'application de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans l'affaire 09-0007 F" (soulignement ajouté).
Ces courriers ont été versés au dossier de l'Autorité et communiqués aux parties dans le cadre de leur droit d'accès au dossier.
Henkel AG & Co. KGaA, The Procter & Gamble Company, Procter & Gamble International, Unilever Plc et Unilever NV, qui ont été poursuivies par la Commission européenne dans le contexte qui vient d'être rappelé, ont toutes choisi d'entrer en voie de transaction avec celle-ci en application du règlement (CE) n° 622-2008 de la Commission européenne du 30 juin 2008.
Par décision du 13 avril 2011 (COMP/39579 - Consumer Detergents) prise à l'issue d'une procédure de transaction au cours de laquelle l'ensemble des parties ont reconnu les faits en cause, leur qualification juridique et leur responsabilité dans ceux-ci, la Commission européenne a sanctionné les entreprises Henkel AG & Co. KGaA, The Procter & Gamble Company, Procter & Gamble International, Unilever Plc et Unilever NV pour avoir mis en œuvre entre le 7 janvier 2002 et le 8 mars 2005 des pratiques d'ententes anticoncurrentielles prohibées par l'article 101 du TFUE à l'occasion d'une initiative européenne relative au compactage des lessives en poudre et couvrant huit Etats membres de l'Union dont la France.
La décision de la Commission européenne, qui n'a fait l'objet d'aucun recours de la part des entreprises condamnées, est désormais définitive.
S'agissant cette fois-ci de l'affaire dont a été saisie l'Autorité de la concurrence, les pratiques dénoncées concernent une concertation des fabricants de lessives ("lessiviers") mise en place en France et visant à déterminer en commun les prix et les règles promotionnelles des lessives standard commercialisées auprès de la grande distribution.
Concernant le secteur des lessives concerné par la présente affaire et ses caractéristiques, la cour renvoie purement et simplement aux développements non contestés de la Décision (paragraphes 49 à 62) sauf préciser que la demande émanant du grand public, en cause en l'espèce, se distingue des autres - les collectivités, l'hôtellerie-restauration et les entreprises, notamment celles actives dans le secteur de la blanchisserie - par les volumes achetés (bien moindre que ceux des autres catégories d'agents économiques), et par des préférences subjectives dirigées vers les marques à forte notoriété.
La demande du grand public est captée par la grande distribution qui constitue ainsi un canal de commercialisation incontournable pour les fabricants de lessives.
Les lessives standard à destination du grand public peuvent être divisées en trois catégories de prix : une catégorie "premium", une catégorie "milieu de gamme" et une catégorie "bon rapport qualité/prix". Les trois principaux acteurs du secteur, à savoir, Procter & Gamble, Unilever et Henkel sont actifs sur chacune de ces catégories.
Concernant le rôle des promotions il est acquis que les lessives constituent un produit d'appel pour la grande distribution dans la mesure où elles occupent en valeur, une place significative dans le panier du consommateur. La grande distribution tend donc à exiger de la part des fournisseurs la mise en place de promotions attrayantes, notamment sous la forme de quantités offertes, de réductions de prix immédiates ou de bons de promotion. Pour les fabricants de lessives, les promotions constituent aussi un paramètre de concurrence.
S'agissant des entreprises concernées, la cour renvoie également aux constatations de l'Autorité (points 63 à 92) sauf à rappeler que l'affaire implique les principaux fabricants de lessives grand public actifs en France.
Unilever est un groupe de dimension mondiale, actif dans 150 pays qui, en 2010, a réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de 44,2 milliards d'euros.
Jusqu'en 2001, les lessives du groupe étaient commercialisées en France par la société Lever. C'est ensuite la société Lever Fabergé France, née de la fusion entre Lever et Elida Fabergé, qui a repris la commercialisation des lessives jusqu'en avril 2005, date à laquelle cette société (devenue Unilever France Home and Personal Care Société Industrielle) a confié son fonds de commerce de commercialisation en Location-gérance à la société Unilever France.
Depuis 2005, c'est la société Unilever France, filiale d'Unilever France Holdings, qui commercialise l'ensemble des produits du groupe Unilever en France, et notamment les produits de lavage du linge.
Fondé en 1876 par Fritz Henkel à Düsseldorf Henkel est un groupe international actif dans 125 pays qui a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 15,09 milliards d'euros en 2010.
Henkel qui, en 2010, a réalisé en France un chiffre d'affaires en France de 714 millions d'euros, y est structuré autour de trois sociétés :
- Henkel France SA, qui fournit des produits détergents, des produits cosmétiques et des adhésifs à destination des particuliers ;
- Schwarzkopf SA, qui fournit des produits cosmétiques à destination des professionnels ;
- et Henkel Technologies France SAS, qui fournit des technologies adhésives à destination des professionnels.
Procter & Gamble est un groupe de dimension internationale présent dans le secteur des biens de consommation courante dont le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxe lors du dernier exercice clos au 30 juin 2010 s'est élevé à 78,9 milliards de dollars, soit environ 60 milliards d'euros.
Lors de l'exercice fiscal 2009/2010, la holding française de Procter & Gamble a réalisé un chiffre d'affaires de 18,7 millions d'euros.
Le groupe Colgate Palmolive est un groupe international de biens de grande consommation, qui commercialise ses produits dans plus de 200 pays.
Depuis la fin de l'année 2003, date à laquelle Colgate Palmolive a cédé ses marques de lessives Axion et Gama à Procter & Gamble, Colgate Palmolive n'est plus actif dans le secteur des lessives standard en France. En 2003, ses ventes de lessives Axion et Gamma généraient environ 55 millions d'euros de chiffre d'affaires en France.
En 2010, le chiffre d'affaires mondial consolidé de Colgate Palmolive s'est élevé à 15,5 milliards d'euros.
Pour la seule année 2002, la valeur des ventes en France des lessives standard à destination du grand public commercialisées par Colgate Palmolive s'est élevée à 62,227 millions d'euros.
Sous réserve de l'analyse, à laquelle il va être procédé dans les développements consacrés au bien-fondé du grief notifié, des critiques ponctuelles de P & G de la Décision sur la durée de l'entente et sur la possibilité de caractériser à son encontre pendant toute la période retenue par l'Autorité, une infraction complexe, unique et continue, la cour renvoie purement et simplement aux constatations objectives et aux appréciations générales de l'Autorité (paragraphes 94 à 324 de la Décision et 396 à 405 de la Décision), non critiquées par les parties, sur l'historique des pratiques, leurs modalités, leur contenu ainsi que leurs modalités de mise en œuvre sauf à rappeler, en synthèse, sur l'historique et le déroulement général des pratiques :
- que si, d'après les déclarations de certains demandeurs de clémence, les directeurs commerciaux des quatre lessiviers en France avaient pris l'habitude, à partir du milieu des années 80 de se rencontrer régulièrement et d'échanger des informations sur leurs activités respectives, ces déclarations ne s'appuient cependant sur aucun élément matériel, les preuves ayant été détruites au fur et à mesure, selon les dires de Henkel ;
- qu'à partir de 1997, la nature des discussions et l'objet des réunions entre lessiviers ont changé et les prix proposés à la grande distribution ainsi que les règles promotionnelles ont alors été convenus en commun ;
- que Procter & Gamble a expliqué qu'entre 1998 et 2000, elle a développé une nouvelle politique commerciale intitulée "New Way" impulsée par le siège du groupe et visant à harmoniser les pratiques commerciales de l'entreprise en Europe : cette nouvelle politique a tenté de permettre un report d'une partie de la marge arrière traditionnellement consentie aux distributeurs en marge avant (remises sur facture). L'objectif était de limiter les promotions et d'instaurer une politique de prix plus lisible pour le consommateur, afin de construire dans la durée l'image des produits ("everyday low price") ;
- que l'annonce du changement de politique de Procter & Gamble, qui n'a pas prévenu ses concurrents de son changement de politique commerciale, aurait entraîné une suspension des réunions de concertation pendant une durée comprise entre six mois et un an d'après le directeur commercial de Henkel ;
- que constatant l'échec de sa politique commerciale, le président de la filiale française de Procter & Gamble aurait recommandé au siège de revenir au système classique de marge arrière pour l'année 2001 ; que dans un courrier du 19 janvier 2001 adressé à la DGCCRF, le PDG de Procter & Gamble France a ainsi indiqué : "(...) sans changer notre stratégie qui consiste en un effort permanent d'amélioration de la vie quotidienne des consommateurs par l'innovation sur nos marques phares et la création de nouvelles catégories, nous avons décidé de nous aligner à nouveau sur les prix de marché de la coopération commerciale" ;
- que d'après certains éléments du dossier, les réunions de concertation entre les directeurs commerciaux des quatre lessiviers auraient cependant repris avant 2001 ;
- que, sur la fin des pratiques, il ressort pour l'essentiel du dossier qu'en ce qui concerne les tarifs proposés à la grande distribution, les augmentations appliquées en 2005 n'ont plus donné lieu à aucun échange avec les concurrents.
S'agissant des modalités des pratiques, il résulte du dossier que les accords en cause ont été conclus au cours de réunions occultes régulières qui rassemblaient notamment les directeurs commerciaux des filiales françaises des quatre fabricants de lessives d'Unilever, Henkel, Procter & Gamble et Colgate Palmolive entre 1997 et septembre 2003, date à laquelle cette dernière a annoncé publiquement la vente de ses actifs "lessives" à Procter & Gamble. Après cette date, les accords ont perduré entre Unilever, Henkel et Procter & Gamble. Les réunions sur les prix se tenaient avant les négociations annuelles avec la grande distribution afin de définir une politique commune en matière de tarifs à pratiquer à l'égard de cette dernière. D'autres réunions se déroulaient au cours de l'année pour déterminer les règles applicables en matière d'offres promotionnelles. Les réunions litigieuses étaient organisées à tour de rôle trois à quatre fois par an, étant précisé que des contacts bilatéraux entre entreprises pouvaient également avoir lieu ponctuellement en marge des réunions.
En outre, il apparaît que les directeurs généraux ou présidents directeurs généraux des entreprises mises en cause étaient tenus au courant des discussions entre les directeurs commerciaux et que, de façon exceptionnelle des contacts entre eux pouvaient avoir lieu en cas de problèmes ou de conflits concernant l'application des accords convenus.
Sur le contenu des pratiques, il ressort du dossier qu'afin d'éviter une guerre des prix entre eux, les fabricants de lessives expliquent s'être concertés pour fixer en commun les écarts de prix et les hausses des tarifs des lessives proposés à la grande distribution en France, tous produits et toutes gammes confondus. Concernant la fixation en commun des prix, d'après les déclarations des fabricants de lessives eux-mêmes, il existait entre eux des accords visant :
- à préserver des écarts de prix de vente entre les différents segments des lessives standards (haut, milieu et bas de gamme) et, à l'intérieur de chaque segment, entre les différentes marques concurrentes ;
- ainsi qu'à discuter et convenir ensemble des hausses de prix proposées à la grande distribution ;
L'entente concernait également la fixation en commun des règles promotionnelles. Ainsi, d'après les éléments du dossier, afin de maintenir l'effectivité de l'accord sur les tarifs, les fabricants de lessives s'entendaient également pour maîtriser les promotions - opérations commerciales par lesquelles un lessivier vend pour le même prix une quantité plus importante de lessive - offertes aux consommateurs sur les lessives standard.
S'agissant de la finalité des pratiques mises en œuvre, la concertation sur les prix et les promotions visait à assurer la maîtrise du prix de revente au détail des lessives standard. L'accord qui portait sur le maintien d'un écart de prix entre les produits concurrents visait par nature les consommateurs. En effet, s'entendre entre fabricants pour maintenir un écart de prix entre produits vise à préserver, aux yeux des consommateurs finals, la différenciation des produits de lessive standard que ces fabricants ont construite pendant de longues années à partir d'investissements publicitaires importants.
La plupart des fabricants de lessives ont mentionné de façon très claire que les positions qu'ils devaient défendre lors des réunions de concertation étaient élaborées par leur service marketing respectif, chargé au sein de l'entreprise du positionnement en prix des produits pour les consommateurs finals. Les différentes déclarations et documents démontrent en effet que la politique tarifaire décidée en commun faisait l'objet d'une "validation" par les services marketing des différents producteurs. Ces services, chargés de déterminer les positionnements en prix des produits pour les consommateurs finals, étaient consultés sur la pertinence des résultats des négociations sur les prix. Ainsi, l'implication du département marketing dans le circuit décisionnel menant aux accords litigieux révèle que les consommateurs finals étaient bien visés par les pratiques.
Les prix convenus entre les fabricants de lessives étant proposés à la grande distribution lors de la négociation annuelle, la Décision a constaté l'incidence de la loi Galland.
Ainsi, compte tenu des dispositions de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur l'équilibre et la loyauté des relations commerciale, dite "loi Galland" entrée en vigueur le 1er janvier 1997 et appliquée jusqu'au 1er janvier 2006, l'accord des lessiviers portait en réalité de façon mécanique sur les prix de vente au consommateur.
En effet la loi Galland prévoyait que le seuil de revente à perte était égal au "prix d'achat effectif qui comprend le prix des produits figurant sur les factures et toute réduction acquise à la date de la vente". Ainsi, les ristournes et les services de coopération commerciale (marge arrière) étaient exclus de la détermination du seuil de revente à perte.
Dans ce contexte, les distributeurs, qui étaient tenus de respecter le seuil de revente à perte tel que défini par la loi Galland, fixaient généralement les prix de revente des lessives à un niveau légèrement supérieur ou identique aux prix nets facturés par les fabricants. Ainsi, en s'entendant sur les prix pratiqués à l'égard de la grande distribution, les lessiviers étaient en mesure d'influer sur les prix de revente aux consommateurs finals, ce que les fabricants de lessives ont confirmé dans leurs déclarations.
Enfin, les fabricants de lessives effectuaient une surveillance du suivi et de la mise en œuvre de l'entente essentiellement à partir des dépliants ou prospectus de la grande distribution sur lesquels figuraient les prix de vente aux consommateurs des lessives standard pratiqués par chacun des concurrents. Ce suivi, ainsi opéré à partir de l'observation du prix de vente au détail permettant aux fabricants de lessives de vérifier le respect des accords convenus, pouvait donner lieu ponctuellement à des échanges entre les entreprises concernées s'il était constaté une violation des accords convenus.
Sous réserve de l'analyse à laquelle il va être procédé, dans les développements consacrés au bien-fondé du grief notifié, des critiques ponctuelles de P & G de la Décision sur les éléments de preuve retenus par l'Autorité pour démontrer la durée de l'entente et pour caractériser à son encontre, une infraction complexe, unique et continue, la cour renvoie purement et simplement aux développements généraux de la Décision (paragraphes 399 à 405 de la Décision) consacrés à la preuve des pratiques en cause, que l'Autorité estime rapportée par les déclarations des quatre fabricants de lessives ainsi que par des preuves documentaires remises par ceux-ci constituées notamment :
- par des notes de frais produites par Henkel attestant que des réunions entre directeurs commerciaux ont été organisées de façon régulière entre le 18 septembre 1997 et septembre 2003, dans deux restaurants (La Tête noire à Marnes-la-Coquette et Les Chandelles à Louveciennes) ou dans des hôtels à Paris (Le Méridien) ou à Neuilly (Courtyard Marriott) (paragraphe 296), lieux de réunion qui ont tous été confirmés par Unilever et Colgate Palmolive (paragraphes 294 à 296).
- par des tableaux de prix, établis par chaque fabricant et échangés entre eux à l'occasion des réunions de concertation ou avant celles-ci qui contenaient les prix que chacune des entreprises mises en cause entendait proposer à la grande distribution lors de la négociation annuelle et, en particulier, le niveau des promotions qu'elle s'apprêtait à offrir ;
- par des notes, qui attestent de leurs échanges et de leur accord pour coordonner leur politique promotionnelle, ainsi que des discussions qui ont eu lieu entre eux pour parvenir à ce résultat.
Eu égard à ces constatations, par lettre du 2 décembre 2009, le grief suivant a été notifié par les services d'instruction de l'Autorité :
"à la société Unilever France SAS ;
à la société Unilever France Home and Personal Care Industries ;
à la société Topaze :
à la société Unilever France Holdings
à la société Unilever NV ;
à la société Unilever Plc ;
à la société Henkel France SA ;
à la société Henkel AG & Co. KGaA ;
à la société Procter & Gamble France SAS,
à la société Procter & Gamble Holding France SAS ;
à la société The Procter & Gamble Company ;
à la société Colgate Palmolive Service (SA) ;
à la société Colgate Palmolive (SAS)
à la société Colgate Palmolive Industriel (SAS) ;
à la société Colgate Palmolive (SASU) ;
à la société Colgate Palmolive Company
d'avoir participé à une entente complexe et continue sur un marché français de la production et de la commercialisation de lessives standard à destination du grand public, en menant en œuvre des pratiques relevant d'actions participant au même objectif commun : la maîtrise totale des prix de vente à la grande distribution et au consommateur final par les producteurs de lessives, d'abord par la détermination commune des conditions tarifaires des lessives pratiquées à l'égard de la grande distribution (accords sur les tarifs, leur évolution, le calendrier de l'évolution, les écarts de prix, l'ensemble par produits, formes (poudre, liquide et tablettes) et formats, et par la fixation de règles en matière de politique promotionnelle ces actions menées concomitamment dans un contexte réglementaire donné (la loi Galland permettant la maîtrise commune des prix au consommateur).
En poursuivant cet objectif anticoncurrentiel, les destinataires des griefs ont imposé sur le marché français de la production et de la commercialisation de lessive standard à destination du grand public un mode d'organisation substituant au libre jeu de la concurrence, à l'autonomie et à l'incertitude une collusion généralisée entre producteurs portant atteinte à la libre fixation des prix, ayant eu notamment pour effet un maintien de prix artificiellement élevés et des niveaux de promotion artificiellement bas.
Ces pratiques ont été mises en œuvre depuis au moins le 18 septembre 1997, jusqu'au 31 janvier 2005, et sont retenues pour celle période à l'encontre de l'ensemble des entreprises et groupes d'entreprises concernés, à l'exception des sociétés Colgate Palmolive Services (SA), Colgate Palmolive (SAS), Colgate Palmolive Industriel (SAS) et Colgate Palmolive (SASU), dont la participation a pris fin au jour de la cession des actifs concernés, en toute fin d'année 2003".
Compte tenu de l'existence de la procédure suivie devant la Commission européenne et de la décision de la Commission, par courrier en date du 14 septembre 2010, les conseils de Henkel ont demandé aux services d'instruction de l'Autorité de mettre en œuvre les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, afin de leur permettre d'avoir accès à un certain nombre de pièces du dossier de la Commission européenne dans l'affaire faisant suite à sa décision d'ouverture de la procédure du 21 décembre 2009. Selon eux, ces pièces étaient "indispensables à l'exercice des droits à la défense (de Henkel), dans la mesure où elles pourraient permettre de (i) montrer la dimension internationale de l'affaire ou (ii) établir d'autres aspects importants de l'affaire".
Dans la mesure où ils estimaient que les affaires européenne et française ne portaient pas sur les mêmes pratiques et étaient distinctes, et que l'article 11 du règlement n° 1-2003 était un instrument visant notamment à allouer les affaires aux autorités de concurrence bien placées pour en connaître, les services d'instruction ont répondu à Henkel, dans leur rapport du 16 décembre 2010, qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à sa demande d'accès aux pièces du dossier de la Commission européenne.
Par lettre du 11 mars 2011 Henkel a saisi le conseiller-auditeur de cette question en application de l'article R. 461-9 du Code de commerce.
Par courrier du 12 septembre 2011, le rapporteur général adjoint a transmis la demande de Henkel à la Commission européenne.
Par courrier du 30 septembre 2011, la Commission européenne a répondu au rapporteur général adjoint que la demande de Henkel ne pouvait recevoir une réponse favorable pour deux motifs. D'une part, elle a souligné que "les documents demandés lui ont été transmis par des entreprises autres que la requérante dans le cadre de leur coopération avec la Commission au titre de la communication sur la clémence de 2006" et qu'elle "s'est engagée à garantir une protection particulière des documents présentés par des entreprises dans le cadre de leur demande de clémence". D'autre part, la Commission européenne a indiqué que "les documents demandés ont été recueillis par la Commission aux fins de son enquête dans l'affaire COMP/39579 qui (...) porte sur une infraction autre que celle examinée dans le dossier français".
Dans son rapport du 3 octobre 2011, le conseiller-auditeur a indiqué : "il apparaît que le service d'instruction de l'Autorité a pris les mesures appropriées qu'il était en son pouvoir d'ordonner pour assurer le respect des droits de la défense, dans le sens dans lequel les parties entendaient les exercer. Dans ces conditions, il peut être considéré que toutes les facilités pour préserver l'exercice effectif de leurs droits ont bien été reconnues aux sociétés Henkel".
Enfin il est rappelé que, dans un courrier du 10 octobre 2011 adressé au président de l'Autorité, Henkel a soutenu que les raisons invoquées par la Commission européenne à l'appui de son refus de transférer les documents du dossier européen n'étaient pas fondées. Elle a souligné que, "en dépit de l'intervention du conseiller-auditeur, les sociétés Henkel ne sont toujours pas en mesure d'exercer leurs droits de la défense devant l'Autorité de la concurrence, dans la mesure où elles ne pourront pas débattre à l'audience des pièces dont elles ont demandé le transfert il y a plus d'un an". En conséquence, elle a demandé à l'Autorité de reporter la séance puis, au cours de la séance qui a été maintenue au 18 octobre 2011, de surseoir à statuer.
C'est dans un tel contexte et dans de telles circonstances que, par Décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011, l'Autorité a décidé :
"Article 1er : Il est établi que les sociétés Topaze, Unilever France Holdings, Henkel France SA, Henkel AG & Co. KGaA, Procter & Gamble France SAS, Procter & Gamble Holding France SAS, The Procter & Gamble Company, Colgate Palmolive Services SA et Colgate Palmolive Company ont enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu l'article 101, paragraphe 1 du TFUE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente anticoncurrentielle visant à fixer les prix des lessives standard pratiqués à l'égard de la grande distribution, ainsi qu'à coordonner des règles communes en matière de promotion.
Article 2 : Les sociétés Unilever France SAS, Unilever France Home and Personal Care Industries, Unilever NV et Unilever Plc ainsi que les sociétés Colgate Palmolive SAS Colgate Palmolive Industriel SAS et Colgate Palmolive SASU sont mises hors de cause.
Article 3 : Pour l'infraction visée à l'article 1er, sont infligées des sanctions pécuniaires :
- de 92,31 millions d'euros aux sociétés Henkel France SA et Henkel AG & Co. KGaA, conjointement et solidairement ;
- de 240,24 millions d'euros aux sociétés Procter & Gamble France SAS, Procter & Gamble Holding France SAS et The Procter & Gamble Company, conjointement et solidairement ;
- de 35,40 millions d'euros aux sociétés Colgate Palmolive Services SA, et Colgate Palmolive Company, conjointement et solidairement.
Article 4 : Les sociétés Topaze et Unilever France Holdings sont exonérées de sanction pécuniaire, par application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
Article 5 : Les sociétés visées à l'article 1er feront publier le texte figurant au paragraphe 782 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans les éditions du journal Les Echos et du magazine LSA. Ces publications interviendront dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractères gras de même taille : "Décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives". Elles pourront être suivies de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les personnes morales concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution et au plus tard le 1er février 2012".
La société Henkel a exercé deux recours devant le Tribunal de l'UE contestant la légalité des décisions de la Commission européenne rejetant, d'une part, la requête de l'Autorité de la concurrence visant à obtenir le versement des pièces du dossier communautaire au dossier de la procédure et, d'autre part, la demande d'accès au dossier faite par Henkel sur le fondement du règlement 1049-2001.
Dans une ordonnance du 7 mars 2013 le Tribunal de l'UE a rejeté les recours de Henkel considérés comme irrecevables pour défaut d'intérêt à agir. Henkel a fait appel devant la CJUE (Affaire C-284-13 P).
LA COUR :
Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 13 janvier 2012 au greffe de la cour par la société Colgate Palmolive Services et par la société Colgate Palmolive Company ;
Vu l'exposé des moyens déposé le 15 février 2012 à l'appui du recours et le mémoire en réplique récapitulatif déposé le 29 novembre 2012 ;
Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 13 janvier 2012 au greffe de la cour par la société Henkel AG & Co. KGaA et par la société Henkel France SA ;
Vu le mémoire déposé le 15 février 2012 à l'appui du recours soutenu par le mémoire récapitulatif déposé le 28 novembre 2012 et le mémoire complémentaire le 3 septembre 2013 ;
Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 16 janvier 2012 au greffe de la cour par la société Procter & Gamble France et par la société Procter & Gamble Holding France ainsi que par la société Procter & Gamble Company ;
Vu l'exposé des moyens déposé le 15 février 2012 à l'appui du recours et le mémoire déposé le 29 novembre 2012 ;
Vu la déclaration formée le 14 février 2012 par la société Unilever France Holding et par la société Topaze en application de l'article R. 464-17 du Code de commerce ;
Vu le mémoire en réponse de ces sociétés déposé le 15 mai 2012 et le mémoire en réplique déposé le 29 novembre 2012 aux termes desquels ces sociétés demandent à la cour de confirmer la décision de l'Autorité de la concurrence ;
Vu les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 26 septembre 2012 déposées le 1er octobre 2012 ;
Vu les observations du ministre de l'Economie et des Finances du 28 septembre 2012 ;
Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 10 octobre 2013, les conseils des requérantes, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence et le Ministère public.
SUR CE
Sur l'application du droit de la concurrence de l'Union
Considérant que les requérantes ne critiquent pas la Décision en ce qu'elle a retenu (paragraphes 331 à 333) que les pratiques doivent être analysées au regard des règles de concurrence tant internes que de l'Union ;
Considérant qu'il suffit de rappeler que les pratiques qui ont été examinées par la Décision sont des accords horizontaux sur les prix et les promotions des lessives standard mises en œuvre par les principaux opérateurs du secteur et couvrant l'ensemble du territoire national et que dans ces conditions, l'entente en cause est susceptible d'affecter les échanges intracommunautaires ; que ces pratiques sont susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre Etats membres, dès lors qu'il est constant que les quatre lessiviers concernés par les pratiques représentaient ensemble, à l'époque des faits, la majeure partie de l'offre sur le marché français, soit environ 85 % des ventes de lessives et que ces fabricants sont par ailleurs des sociétés d'envergure internationale, dont les ventes de lessives en France dépassaient plusieurs centaines de millions d'euros lors de la période litigieuse ;
Sur le respect des droits de la défense et le respect du principe non bis in idem
Considérant, en premier lieu, que, concernant les procédures, en cause dans la présente affaire, sur le partage des affaires entre les autorités de concurrence et de coopération au sein du réseau des autorités de concurrence, il est rappelé :
- que l'article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1-2003 dispose que "[l]'ouverture par la Commission d'une procédure en vue de l'adoption d'une décision en application du chapitre III dessaisit les autorités de concurrence des Etats membres de leur compétence pour appliquer les articles (101 et 102) du traité. Si une autorité de concurrence d'un Etat membre traite déjà une affaire la Commission n'intente la procédure qu'après avoir consulté cette autorité nationale de concurrence".
- que le point 51 de la communication n° 2004-C 101-03 de la Commission européenne du 27 avril 2004 relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (ci-après la "communication relative au réseau") indique à cet égard que : "une fois que la Commission a ouvert une procédure, les autorités nationales de concurrence ne peuvent agir sur la même base juridique à l'encontre du ou des mêmes accords ou pratiques de la ou des mêmes entreprises sur le même marché géographique en cause et le même marché de produits en cause".
- que les modalités de la consultation prévue par l'article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1-2003 sont précisées dans la communication relative au réseau, qui indique en ses points 55 et 56 :
"55. Si une autorité nationale de concurrence agit déjà dans une affaire, la Commission expose par écrit à l'autorité nationale de concurrence concernée et aux autres membres du réseau les motifs d'application de l'article 11, paragraphe 6, du règlement du Conseil.
56 La Commission annonce au réseau son intention d'appliquer l'article 11, paragraphe 6, du règlement du Conseil suffisamment tôt pour que les membres du réseau aient la possibilité de demander une réunion du comité consultatif sur la question avant que la Commission n'ouvre la procédure".
Considérant, en second lieu, qu'au regard des moyens des requérantes qui sont tirés de la violation par l'Autorité du principe non bis in idem, il est rappelé, concernant les conditions d'application de ce principe en matière de concurrence que, selon une jurisprudence communautaire constante, "l'application du principe non bis in idem est soumise à une triple condition d'identité des faits, d'unité de contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé [et qui] interdit donc de sanctionner une même personne plus d'une fois pour un même comportement illicite "afin de protéger le même bien juridique". (arrêts de la Cour de justice du 7 janvier 2004 Aalborg Portland e.a. / Commission, affaires jointes C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. P.I-123, point 338) ;
Considérant que la société Henkel et la société Procter & Gamble reprochent à l'Autorité d'avoir violé le principe non bis in idem en leur infligeant une sanction alors que la Commission l'avait déjà fait elle-même en vertu de sa décision du 13 avril 2011 ; que Henkel affirme plus spécialement que, dans la mesure où l'entente mise en œuvre au niveau européen et l'entente mise en œuvre au niveau français constituent une seule et même infraction et doivent être qualifiées d'infraction unique, complexe et continue de dimension européenne, que l'Autorité ne pouvait sanctionner dans la mesure où la Commission européenne soit l'avait fait avant elle, soit aurait pu ou aurait dû le faire ; qu'une telle infraction de dimension européenne déterminait ainsi le périmètre des pratiques, qu'au vu de la décision de la Commission européenne, l'Autorité était, le cas échéant, encore habilitée à sanctionner sans porter atteinte au principe non bis in idem ; que la requérante prétend, en effet, que les ententes européenne et nationale sont liées, en ce que, survenues pendant des périodes se recoupant partiellement, elles concernent le même secteur, impliquent les mêmes entreprises et portent sur les mêmes produits ; que, selon Henkel, la décision de la Commission européenne qui a qualifié d'infraction unique, complexe et continue tous les types de pratiques d'entente qui ont affecté les prix des lessives en Europe, et notamment en France, entre janvier 2002 et mars 2005, a de la sorte déjà sanctionné la mise en œuvre de l'entente européenne, notamment en France ;
Que Henkel soutient encore, que le périmètre des pratiques, qu'au vu de la décision de la Commission européenne, l'Autorité est encore habilitée à sanctionner sans porter atteinte au principe du non bis in idem ainsi que l'appréciation du rôle respectif des demandeurs de clémence dans l'établissement des pratiques anticoncurrentielles intervenues en France dépendent de l'exact partage de l'affaire entre la Commission et l'Autorité au regard de l'existence d'une infraction unique complexe et continue ;
Qu'elle affirme que le partage de l'affaire tel qu'il a été opéré entre les deux autorités fait échec au règlement (CE) n° 1-2003 du 16 décembre 2002 ainsi qu'à l'objectif d'application efficace et uniforme des règles de concurrence dans l'Union européenne, alors pourtant que l'existence d'une infraction unique, complexe et continue entre l'infraction à l'échelle européenne et française est établie, notamment
- par la poursuite d'un objectif commun entre les affaires européenne et française : fixation des prix de vente des lessives universelles aux distributeurs, et donc des prix de vente aux consommateurs à un niveau plus élevé que celui qui aurait résulté du libre jeu de la concurrence ;
- par la complémentarité des pratiques de coordination des prix, notamment la mise en œuvre au niveau français des décisions d'augmentation des prix arrêtées au niveau européen, l'affectation des mêmes produits et des pratiques concomitantes ;
- par la qualification systématique par la Commission européenne et par l'Autorité de la concurrence des ententes mises en œuvre à deux niveaux différents d'infraction unique, complexe et continue ;
Que Henkel reproche enfin à la Décision d'être entachée d'un défaut de motivation sur l'absence d'infraction unique, complexe et continue formée par l'entente européenne et française, qui ne peut reposer sur une simple référence à la lettre de la Commission européenne du 22 avril 2010, ni encore sur les différences que l'Autorité croit relever entre les deux affaires, spécialement en raison de l'absence de référence aux pièces et témoignages fournies par Henkel et Procter & Gamble aux services d'instruction qui établissent l'existence d'une telle infraction et de l'absence de référence aux auditions de dirigeants des entreprises condamnées ;
Que Procter & Gamble critique également ce qu'elle estime être un défaut de motivation de la Décision sur caractère distinct des ententes mises en œuvre aux plans français et européen résultant de ce que, malgré les "chevauchements" constatés par la Commission elle-même, l'Autorité ne s'est pas prononcée sur l'absence d'un plan global poursuivant un objectif anticoncurrentiel commun ;
Considérant, par surcroît, que dans un contexte qui serait caractérisé par l'importance des conséquences attachées à l'existence d'une infraction unique, complexe et continue entre l'entente européenne et française, Henkel reproche en tout état de cause à l'Autorité d'avoir commis une erreur de droit et une violation des droits de la défense en raison de l'exclusion des pièces du dossier communautaire du débat contradictoire, dont le champ d'application est constitué par les pièces et des analyses présentées par le rapporteur général de l'Autorité, alors que ce dernier avait précisément demandé à la Commission européenne la communication les pièces du dossier communautaire ;
Que dans ces conditions Henkel demande à la cour de solliciter elle-même, en application de l'article 15 du règlement CE n° 1-2003, la communication par la Commission européenne des pièces du dossier communautaire, en faisant valoir, d'une part, que dans le cadre de l'exercice normal de ses droits à la défense, ces pièces sont nécessaires à la démonstration de l'existence d'une infraction unique, complexe et continue entre les échelons européens et français et, d'autre part, que ces pièces permettent de démontrer, non seulement que l'Autorité de la concurrence a commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation dans le traitement de l'affaire, mais encore qu'elle a porté atteinte aux droits de la défense dans des conditions telles que la décision déférée encourt l'annulation ;
Que les services d'instruction de l'ADLC, qui jouissent d'un entier pouvoir d'appréciation quant à la conduite des investigations, ont bien ainsi eux-mêmes considéré que les pièces relatives au niveau européen de l'entente relevaient du débat contradictoire ;
Que, selon Henkel, au cas où les pièces du dossier communautaire ne pourraient être présentées devant la cour d'appel, la Décision déférée n'en encourt pas moins l'annulation pour violation des droits de la défense et du principe de bonne administration de la justice dès lors, non seulement, que l'Autorité ne s'est pas assurée du transfert des pièces du dossier communautaire, a refusé de reporter l'audience, puis de surseoir à statuer jusqu'au versement des pièces du dossier communautaire au dossier français mais encore n'a pas tiré toutes les conséquences du refus de la Commission européenne de transmettre les pièces ; qu'en effet, selon la requérante, l'Autorité aurait dû mettre un terme à sa procédure et inviter la Commission à ouvrir une nouvelle procédure aux fins de sanctionner les pratiques intervenues en France, en application de la ligne de partage, tout en garantissant le respect des droits de la défense, dans la mesure où les parties peuvent, dans le cadre de la procédure communautaire, débattre contradictoirement de l'ensemble des pièces ;
Que la requérante demande en tout état de cause à la cour d'ordonner la communication des échanges entre l'Autorité de la concurrence et la Commission européenne afin de connaître les motivations du partage de l'affaire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la CJUE sur le recours contre la décision précitée du Tribunal de l'Union ou encore de solliciter elle-même auprès de la Commission européenne la communication des pièces en question ;
Qu'enfin, en tout état de cause, Henkel demande à la cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) des questions préjudicielles portant :
- sur la possibilité pour la Commission européenne et l'Autorité de la concurrence d'opérer le partage d'une affaire mettant en cause une infraction unique, complexe et continue ;
- sur la possibilité d'infliger une amende à une entreprise alors même que les faits condamnés ont déjà fait l'objet d'une condamnation par la Commission européenne ;
- sur l'atteinte au principe non bis in idem ;
- sur l'atteinte aux droits procéduraux des parties, notamment les droits de la défense du chef de la non-communication des pièces ;
Que Procter & Gamble reproche également à l'Autorité d'avoir méconnu son obligation d'instruire l'affaire dont elle est saisie en ce qui concerne la question du caractère distinct ou non des ententes aux niveaux français et européen, d'une part, en se bornant à valider l'appréciation de la Commission non étayée et non motivée formulée dans un simple courrier et, d'autre part, en s'abstenant de procéder sur ce point à des actes d'instruction complémentaires ;
Mais considérant que les moyens des requérantes sont inopérants, dès lors qu'à la suite de l'ouverture, le 21 décembre 2009, par la Commission européenne, dans le cadre d'une saisine d'office, d'une procédure dans le cadre d'une infraction présumée concernant "la coordination des comportements de Henkel AG & Co. KGaA, Procter & Gamble Company, Unilever Plc et Unilever NV qui inclut une coordination sur les prix et les promotions", la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, afin de s'assurer de la correcte application, la suite de l'ouverture de la procédure dans la présente affaire, du respect des dispositions de l'article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1-2003 précité a, par courrier du 16 mars 2010, pris soin de consulter la Commission européenne sur le caractère distinct ou non des affaires traitées simultanément par les deux autorités et que cette autorité lui a aussitôt donné toutes les indications utiles au regard des incidences des deux saisines ;
Qu'en effet, dans un courrier du 22 avril 2010, porté à la connaissance des parties, la Commission a précisé que "Selon [son] appréciation, les infractions poursuivies par la Commission et l'Autorité française demeurent distinctes et l'Autorité française est la mieux placée pour continuer à poursuivre l'infraction nationale en France. En conclusion, je tiens à vous assurer de nouveau que la décision de la Commission d'ouvrir une procédure dans l'affaire COMP/39579 - Consumer Detergents ne dessaisit pas l'Autorité française de sa compétence d'application de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans l'affaire 09-0007 F" ;
Qu'il est constant que la Commission européenne n'a ultérieurement, à aucun moment et en aucune manière, reconsidéré sa position en engageant la consultation préalable au dessaisissement de l'Autorité française de la concurrence imposée par les dispositions du règlement n° 1-2003 précité ;
Considérant que la position ainsi clairement et précisément exprimée d'entrée par la Commission européenne sur le caractère distinct des infractions poursuivies au niveau européen et au niveau français et les conséquences qu'elle en tire en décidant qu'elle n'inclurait pas dans le champ de sa propre saisine et de la procédure suivie devant elle les faits visés par la procédure en cours d'instruction devant l'Autorité et qu'en définitive, c'est l'Autorité française qui était la mieux placée pour continuer à poursuivre l'infraction nationale en France, suffisent d'établir que celle-ci était en droit de sanctionner les pratiques dont elle était saisie sans encourir alors, a priori le grief de violation du principe non bis in idem ;
Considérant qu'au-delà des termes du courrier de la Commission du 22 avril 2010, il est de toute façon établi par le dossier de l'Autorité (paragraphes 44 à 48 et paragraphes 342 à 348 de la Décision) et confirmé par la teneur de la décision de sanction de la Commission européenne que cette autorité, d'une part, l'Autorité de la concurrence, d'autre part, ont bien, chacune, poursuivi et finalement sanctionné des ententes différentes relatives à des faits distincts, dans des conditions qui rendent vain le grief de violation du principe non bis in idem formulé a posteriori par les requérantes à l'encontre de la Décision déférée ;
Considérant, en effet, sur le contexte de la procédure engagée devant la Commission, qu'il est constant qu'aux termes de la décision précitée de la Commission européenne du 13 avril 2011 :
- l'infraction sanctionnée est liée à la mise en œuvre d'une initiative environnementale lancée dans l'Espace économique européen (EEE) en 1997 par les principaux fabricants européens de détergents par le biais de l'association professionnelle de "l'AISE" (Association Internationale de la savonnerie, de la détergence et des produits d'entretien), qui les représente ;
- l'initiative environnementale de l'AISE a donné naissance au "Code de bonne pratique environnementale de l'AISE dans le secteur des détergents textiles ménagers" ;
- que, dans le cadre de la mise en œuvre de cette initiative environnementale, les dosages et le poids des paquets de lessives en poudre standard ont été réduits et les emballages modifiés lors de quatre étapes successives : AISE I, AISE II, AISE III et AISE IV ;
- que les entreprises ont discuté de manière approfondie des réductions de poids ("compactage") et de volume ("réduction de taille") ;
Que, s'agissant plus précisément des pratiques anticoncurrentielles elles-mêmes mises en œuvre par Henkel Procter & Gamble Company et Unilever qui ont été poursuivies et finalement sanctionnées par la Commission, il ressort de sa décision du 13 avril 2011 que les parties se sont entendues sur des augmentations indirectes de prix ; qu'en pratique, elles ont décidé de maintenir les prix inchangés durant la mise en œuvre des différentes étapes de l'initiative environnementale et qu'en particulier, elles se sont entendues pour ne pas baisser les prix quand les produits étaient compactés (c'est-à-dire quand le poids des produits était réduit), quand la quantité de produit était réduite (c'est-à-dite quand le volume de produit était réduit) ou, à certaines occasions, quand elles réduisaient conjointement le nombre de doses (c'est-à-dire de lavages) par paquet ; que, dans le cadre de ces augmentations indirectes de prix, les parties ont également convenu de ne pas faire bénéficier les consommateurs des économies de coûts réalisées (moindres coûts des matières premières, de conditionnement et de transport) ;
Qu'il ressort également de la décision de la Commission :
- que les entreprises concernées se sont entendues pour limiter les promotions ;
- qu'elles se sont entendues sur une augmentation directe des prix vers la fin 2004, qui visait certains marchés et devait être initiée par le leader sur le marché, suivi par les autres acteurs ;
- qu'en outre, les parties ont échangé des informations sensibles sur les prix et les conditions commerciales, facilitant ainsi les diverses formes de collusion sur les prix ;
Considérant, dès lors, qu'il ne peut être sérieusement contesté, ainsi que l'a constaté la Décision déférée (paragraphes 47 et 347 de la Décision), que le caractère distinct des pratiques poursuivies puis sanctionnées au niveau communautaire et au niveau national résulte :
- de l'objet des pratiques, dès lors que l'entente sanctionnée par la Commission européenne concerne une coordination essentiellement indirecte des prix mise en œuvre à l'occasion de l'initiative environnementale de l'AISE, tandis que la pratique en cause dans la présente affaire consiste en une fixation directe des prix et des promotions des lessives dans le contexte de l'adoption de la loi Galland ;
- des produits concernés puisque l'entente sanctionnée par la Commission européenne vise les lessives en poudre, seules concernées par les mesures de compactage de l'AISE, tandis que la pratique en cause dans la présente affaire porte sur toutes les formes de lessives (poudre, liquide, tablettes) ;
- du champ géographique des pratiques, limité uniquement devant l'Autorité française au marché français caractérisé à l'époque des faits par des modalités très spécifiques de négociation des prix avec la grande distribution, compte tenu des mécanismes introduits par la loi Galland alors que l'entente sanctionnée par la Commission européenne visait huit États membres de l'Union, dont la France ;
- de la période de mise en œuvre puisque l'entente sanctionnée par la Commission européenne a commencé en 2002 tandis que la pratique en cause dans la présente affaire est décrite par certains demandeurs de clémence comme ayant débuté en 1997 ;
- des entreprises concernées : Colgate Palmolive, qui est demandeur de clémence dans la présente affaire et qui est identifiée par les autres auteurs de la pratique en cause comme y ayant participé ne figure pas parmi les entreprises mises en cause par la Commission européenne ;
Considérant qu'au regard des constatations objectives mentionnées par la Décision procédant tant de la décision du 13 avril 2011 de la Commission, dépourvue de toute ambiguïté, à laquelle elles sont en tous points conformes, que du dossier de l'Autorité, celle-ci était au terme d'une motivation exempte de critique, en droit de conclure que les pratiques en cause dans la procédure qui a abouti à la Décision déférée étaient distinctes de celles qui ont été poursuivies et condamnées par la Commission européenne et que, dès lors, n'était à aucun moment en cause une entente complexe et continue de dimension européenne au sens du droit de l'Union ;
Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour observe que les requérantes qui, à la suite des demandes de clémence formulées devant la Commission européenne, ont entrepris et conclu une transaction au terme d'une procédure qui s'est déroulée pendant une période d'environ 7 mois, étaient, de toute évidence, dès le début de la procédure, précisément et pleinement informées du caractère distinct des pratiques incriminées par la Commission européenne et de leur qualification ;
Que Henkel et les autres entreprises mises en cause par la Commission européenne ont ainsi nécessairement et expressément admis le grief tel qu'il avait été circonscrit par la Commission européenne dont elle n'ont par ailleurs pas contesté la décision devant les juridictions de l'Union ;
Considérant, dès lors, qu'il ne peut être sérieusement soutenu que le périmètre de cette procédure incluait les pratiques réalisées en France qui ont été poursuivies puis sanctionnées par l'Autorité, peu important ainsi l'existence, à la supposer démontrée, de liens éventuels entre le déroulement des ententes poursuivies à ces différents niveaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'a fortiori, les requérantes ne sont pas non plus fondées à reprocher à l'Autorité un défaut d'instruction de l'affaire préjudiciable à leurs droits ou encore, plus généralement, une atteinte aux droits de la défense faute de débat contradictoire sur les pièces du dossier de la Commission européenne ou en tout état de cause un défaut de motivation sur les liens entre l'entente au niveau européen et l'entente au niveau français ;
Considérant, en effet, que dans le contexte procédural qui vient d'être relaté et au regard des échanges qui sont intervenus entre les organes de l'Autorité et la Commission, l'Autorité n'était pas tenue de rechercher si l'entente poursuivie s'intégrait ou non dans une pratique plus vaste de dimension européenne qu'elle n'aurait de toute façon pas été compétente pour constater, poursuivre et sanctionner à la place de la Commission européenne ou encore, à plus forte raison, de rechercher des liens éventuels entre l'infraction poursuivie au plan national et l'infraction poursuivie au plan européen ;
Considérant, au demeurant, que l'Autorité s'est conformée aux exigences procédurales qui s'imposent à elle dans le cadre de la procédure qui a conduit à la Décision déférée ;
Considérant, en effet, que le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense s'appréciant par rapport aux griefs qui lui ont été effectivement notifiés qui, circonscrivant le champ de l'affaire pouvant être traité par l'Autorité, sont susceptibles de déboucher, au terme de la procédure, sur un constat d'infraction pouvant être assorti d'une sanction, le droit d'accès au dossier garanti par l'article L. 463-2 du Code de commerce ne s'exerce que dans la même mesure, par rapport aux éléments du dossier effectivement détenu par l'Autorité et ayant conduit ses services d'instruction à notifier des griefs aux entreprises mises en cause ;
Considérant qu'au cas d'espèce, il suffit de constater que Henkel et Procter & Gamble ont été pleinement mises en mesure de répondre initialement à la notification des griefs leur reprochant d'avoir participé à une entente sur le marché français de la production et de la commercialisation des lessives standard à destination du grand public puis au rapport des services d'instruction, qui ne s'est pas écarté de cette analyse, dans le cadre d'un débat contradictoire qui les ont mises en mesure de produire toutes les pièces en leur possession qu'elles estimaient utiles à leur défense ;
Considérant que l'Autorité était par surcroît fondée à rétorquer à la requérante (paragraphe 357 de la Décision) que, tant sa demande finalement formulée auprès de la Commission européenne, sur la suggestion du conseiller-auditeur, tendent au "transfert" à l'Autorité des pièces du dossier constitué dans le cadre de l'affaire COMP/39519 et qui étaient visées par la demande d'Henkel que l'acceptation d'échanges sur la question d'éventuels liens entre l'entente au niveau européen et l'entente au niveau français se situait au-delà des exigences du débat contradictoire organisé par les dispositions précitées du Code de commerce ;
Qu'en effet, l'Autorité a justement relevé la demande formulée auprès de la Commission a été opérée sur le fondement des articles 11 - seule disposition invoquée à l'origine par Henkel - et 12 au regard duquel sa demande a été spontanément examinée par l'Autorité - du règlement n° 1-2003, qui pourtant ne régissent pas l'accès des parties ou des tiers à un dossier ouvert par une autorité membre du réseau européen de la concurrence, mais organisent la coopération, et notamment l'échange d'informations confidentielles, entre autorités de concurrence et à l'initiative de ces dernières ;
Considérant que c'est encore à bon droit que la Décision a relevé que la circonstance que, à la date de la séance organisée par l'Autorité, ou même à la date de la décision déférée, Henkel n'ait pu obtenir ces documents, pour des motifs qui ne sont pas imputables à l'Autorité, ne constitue pas une violation de ses obligations, dont le périmètre est défini, eu égard à l'autonomie procédurale dont jouissent les Etats membres, par les articles L. 463-1 à L. 463-4 du Code de commerce ;
Considérant, surtout, que de l'aveu même d'Henkel, tant devant l'Autorité que devant la cour, les pièces dont le "transfert" d'un dossier à l'autre n'a pas été obtenu ne sont demandées ni pour contester la compétence de l'Autorité aux fins d'examiner et éventuellement de sanctionner les faits, ni pour remettre en cause l'exactitude de ceux-ci - que ce soit dans leur matérialité ou leur durée -, leur qualification juridique ou leur imputabilité tels qu'ils ont été décrits par la notification des griefs ;
Qu'en effet, leur transfert a été sollicité pour démontrer que les pratiques anticoncurrentielles commises en France s'intégreraient dans une entente européenne à propos duquel la Commission européenne ou l'Autorité auraient l'une et l'autre refusé - à tort - d'ouvrir une procédure ;
Considérant qu'en cet état, rien ne justifie la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la CJUE présentée par Henkel, ni, a fortiori, sa demande tendant à obtenir directement auprès de la Commission européenne la communication des pièces de son dossier ou encore les courriers échangés entre la Commission européenne et l'Autorité de la concurrence ;
Considérant, enfin, que les développements qui précèdent suffisent à démontrer que les requérantes ne sont pas fondées à reprocher à l'Autorité qui, sous réserve des développements qui vont suivre sur le bien-fondé du grief qualifiait et caractérisait une entente au plan français dénoncée par la notification de griefs, un défaut de motivation sur une entente plus vaste, étant observé par surcroît que l'Autorité n'était de toute façon pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ;
Considérant qu'au-delà de ces appréciations, la cour observe plus généralement que, sous couvert de moyens tenant au défaut de recherche par l'Autorité d'une qualification d'entente complexe et continue de dimension européenne ou encore d'une insuffisante motivation de la Décision déférée sur une prétendue entente de cette nature ainsi que d'une l'irrégularité de la procédure suivie devant l'Autorité de la concurrence et d'une atteinte aux droits de la défense, les requérantes, qui s'inscrivaient pourtant de leur plein gré dans le cadre d'une procédure de clémence leur imposant une obligation particulière de coopération avec les services de l'Autorité, tendent en réalité à remettre en cause, ce qu'elles n'étaient pas recevables à faire devant l'Autorité et ce qu'a fortiori elles ne sont pas plus recevables à faire devant la cour, non seulement la décision initiale de la Commission européenne de ne pas dessaisir l'Autorité, mais encore la décision de sanction, désormais définitive, de la Commission qui ne retient pas la qualification d'entente complexe et continue de dimension européenne incluant l'entente au niveau français ;
Et considérant que les développements qui précèdent suffisent à démontrer que rien ne justifie la transmission à la CJUE les questions préjudicielles que souhaite lui voir poser Henkel, ces questions étant par surcroît, selon le cas, sans lien avec la présente affaire ou sans objet au regard des réponses qui y sont d'ores et déjà apportées par la jurisprudence communautaire ;
Que les moyens doivent être écartés ;
Sur la violation des droits de la défense spécialement alléguée par Procter & Gamble au regard de la position des services d'instructions de l'Autorité
Considérant que Procter & Gamble prétend qu'alors qu'elle soutenait que les faits poursuivis par la Commission et par l'Autorité étaient constitutifs d'une infraction unique et contestait l'existence d'une entente "franco-française" distincte de l'entente poursuivie parallèlement par la Commission, les services de l'Autorité l'avaient dissuadée de discuter la portée exacte des faits poursuivis sous peine de perdre le bénéfice de la procédure de clémence, ce dont il résulte une violation des principes du contradictoire et de l'égalité des armes ainsi que du droit à un procès équitable ;
Mais considérant qu'il suffit de relever qu'il résulte du rapport (paragraphes 726 à 729) que les services d'instruction de l'Autorité, dont la position exprimée dans le cadre du débat contradictoire ne liait pas le collège, se sont, légitimement, bornés à indiquer à Procter & Gamble que son comportement consistant à contester la compétence de l'Autorité pour connaître de l'infraction visée par les griefs après que la Commission européenne eut clarifié le champ respectif des procédures nationale et communautaire pouvait être considéré comme un manquement à son devoir de coopération en tant que sollicitant le bénéfice de la clémence ;
Considérant, au surplus, qu'il a été amplement démontré que les requérantes n'étaient pas en droit de se prévaloir de l'existence d'une prétendue infraction complexe et continue au plan européen ;
Que le moyen n'est pas fondé
Sur le bien-fondé du grief notifié
En ce qui concerne le marché pertinent :
Considérant qu'il suffit de constater que les requérantes ne critiquent pas les constatations de l'Autorité (paragraphes 365 à 381 de la Décision) dont il résulte, d'une part, que le marché pertinent concerné par les pratiques peut être défini comme celui de la production et de la commercialisation de lessives standard à destination du grand public et, d'autre part, que compte tenu notamment du caractère national de la plupart des marques de fabricants et de la spécificité dans chaque pays des négociations commerciales avec la grande distribution, la délimitation géographique du marché est nationale ;
En ce qui concerne le grief d'entente complexe unique et continue :
Considérant qu'il est rappelé, en synthèse, que le grief notifié vise une pratique d'entente complexe et continue de fixation des prix et des promotions des lessives standard à destination du grand public, mise en œuvre par les quatre principaux fabricants de lessives sur le marché français, depuis au moins le 18 septembre 1997 et jusqu'au 31 janvier 2005, en violation des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE ; que cette entente s'est manifestée principalement par la tenue de réunions de concertation entre les directeurs commerciaux des entreprises concernées, mais également lors d'échanges bilatéraux et multilatéraux entre les concurrents ;
Considérant qu'en vertu de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction ;
Considérant que l'article L. 420-1 du Code de commerce prévoit une interdiction similaire en ce qu'il prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites entre les entreprises lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu'elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
Considérant que Henkel et Colgate Palmolive ne contestent pas les appréciations de la Décision (paragraphes 382 à 533) aux termes desquelles l'Autorité a constaté qu'était établie à leur encontre l'existence, entre le 18 septembre 1997 et le mois d'août 2004, d'une entente anticoncurrentielle complexe et continue contraire aux articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce ;
Considérant, en revanche, que Procter & Gamble maintient, devant la cour, que l'infraction complexe et continue retenue par la Décision n'est établie à son encontre qu'à compter du 21 janvier 2001, date du point de départ des pratiques pour ce qui la concerne et non, ainsi que l'a décidé l'Autorité, à compter du 18 septembre 1997 ;
Que la requérante conteste l'analyse de l'Autorité en faisant valoir que les réunions auxquelles elle a participé avant l'interruption de l'entente en 1998 - provoquée par son initiative commerciale dite - New Way - qui portaient sur des échanges d'informations générales sur les conditions du marché et la grande distribution avaient ainsi un objet distinct de celui des réunions et donc des pratiques postérieures à cette interruption, qui concernaient des accords détaillés sur les prix et promotions ; que P & G souligne, par surcroît, que son implication dans de tels accords n'est pas établie dès lors que son représentant aux réunions de concertation intervenues pendant cette période, M. Vincent R, n'avait pas le pouvoir de déterminer les prix et les promotions des lessives en France et qu'il ne relatait à son directeur commercial, ni la tenue, ni le contenu de ces réunions ;
Qu'elle affirme :
- d'une part, qu'alors que les témoignages des participants à ces réunions confirment qu'elles avaient pour seul objet de simples "échanges d'informations générales" et non un accord sur les prix et les promotions, l'Autorité aurait dû relativiser la portée des déclarations, de ses concurrents qu'elle retient pour écarter ses objections, alors que de telles déclarations, par surcroît contradictoires et discutables, n'ont pas été faites spontanément mais, à l'opposé, ont été suscitées par l'Autorité elle-même auprès de ses concurrents demandeurs de clémence, après la notification des griefs ;
- d'autre part, que les pièces sur lesquelles l'Autorité s'est fondée pour la sanctionner au titre d'une infraction complexe et continue qu'elle estimait caractérisée dès 1997 sont dépourvues de force probante, étant observé qu'à supposer que les échanges d'informations intervenus au cours des réunions litigieuses aient eu un objet anticoncurrentiels, ces échanges ne revêtaient cependant pas le même degré de gravité que les accords de prix et promotions postérieurs à 2001 ;
Que la requérante reproche ainsi à l'Autorité d'avoir retenu à son encontre, en omettant de faire application du standard de preuve requis par la jurisprudence communautaire, une infraction unique complexe et continue et soutient que les faits antérieurs à janvier 2001 ne permettaient pas de caractériser à son encontre une telle infraction mais, tout au plus, une infraction distincte, désormais prescrite ;
Que Procter & Gamble affirme également qu'elle a adopté à compter de 1998 un comportement de franc-tireur en lançant son initiative New Way, dont la Décision minimise l'impact et la portée, qui n'est pas compatible avec l'existence d'un accord détaillé sur les prix et les promotions de lessives en France et dont la durée est plus longue que celle qui a été retenue par l'Autorité ; qu'à cet égard, la requérante se prévaut d'un courrier en date du 19 janvier 2001 de son président en exercice informant la DGCCRF de son intention de mettre fin à son initiative "New Way", élément dont la force probante supérieure à celle des autres éléments retenus par la Décision suffit à attester de ce qu'elle avait maintenu jusqu'à la fin de l'année 2000 cette politique commerciale qui a provoqué une baisse continue de parts de marché entre 1998 et 2001 et qui est incompatible avec un accord sur les prix et les promotions avec ses concurrents ; que, par surcroît, la requérante précise que les réunions qui ont repris dès novembre 1999 concernaient uniquement ses concurrents qui cherchaient manifestement à tirer le plus grand profit possible des difficultés qu'elle rencontrait du fait du mauvais accueil que la grande distribution a réservé à sa nouvelle politique commerciale ;
Qu'à tout le moins, Procter & Gamble soutient que les pièces - notes de frais pour l'essentiel - qui lui sont opposées par la Décision, ne constituent pas des éléments probants permettant d'établir la reprise des pratiques à la date du 2 novembre 1999 ; que cette requérante :
- conteste ainsi la valeur probante des déclarations des directeurs commerciaux de Unilever, Henkel et Colgate Palmolive qui n'ont pas fait exclusivement état de réunions rassemblant tous les acteurs du marché mais ont également évoqué des réunions bilatérales ou trilatérales, ce qu'elle prétend confirmer par des pièces, notamment des notes de frais ;
- fait valoir qu'aucun participant à l'entente n'a pu identifier précisément son représentant aux réunions qui se sont tenues entre le mois de novembre 1999 et la fin de l'année 2000 ;
- souligne que la tenue de réunions entre novembre 1999 et la fin de l'année 2000 est incompatible avec ce qu'elle qualifie de "logique des faits", dès lors que l'interruption des réunions trouve son explication non dans l'hypothèse, retenue par la Décision, consistant dans le fait qu'en l'absence de leader du marché, les autres membres n'auraient trouvé aucun intérêt à poursuivre leurs pratiques, mais dans le "choc" provoqué par son initiative auprès de ses concurrents qui, n'ayant pas été prévenus de ce changement de politique commerciale, se seraient sentis "trahis" ;
Considérant que la cour observe que Procter & Gamble ne conteste pas, en soi, les constatations et appréciations générales de l'Autorité - notamment paragraphes 151 à 264 et paragraphes 396 à 406 de la Décision auxquels la cour renvoie expressément - dont il résulte que, au-delà de l'examen auquel il va être procédé dans les développements qui suivent de la durée et des caractéristiques de l'entente, les quatre lessiviers ont adopté différents comportements relevant de la qualification d'infraction complexe, constituée pour partie d'accords et pour partie de pratiques concertées au sens de la jurisprudence communautaire ;
Considérant qu'au regard des critiques développées par cette requérante sur la qualification d'entente complexe unique et continue retenue à son encontre pour l'ensemble de la période visée par la notification de griefs au même titre que les trois autres demandeurs de clémence, il convient de rappeler, en synthèse, ainsi que l'a fait à bon droit l'Autorité (paragraphes 407 à 412 de la Décision) qu'il résulte de la jurisprudence communautaire :
- qu'un comportement qui se manifeste par plusieurs décisions poursuivant un objectif économique unique peut être qualifié d'infraction unique et continue pour la période pendant laquelle il est mis en œuvre ;
- qu'une entreprise, qui a participé à une infraction par des comportements qui lui étaient propres et qui visaient à contribuer à la réalisation de l'infraction dans son ensemble, peut être tenue pour responsable, pour toute la période de sa participation à ladite infraction, des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction ; que tel est le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque ; que le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite de l'objectif commun n'élimine pas l'identité d'objet anticoncurrentiel et, partant, d'infraction, à condition que chaque entreprise ait contribué, à son propre niveau, à la poursuite de cet objectif commun ;
- la suspension d'une entente anticoncurrentielle sur une période déterminée n'empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d'infraction complexe, unique et continue dès lors qu'après son interruption, l'entente a été reprise selon les mêmes modalités ;
Considérant qu'au regard des contestations soulevées par P & G sur la valeur probante des éléments retenus par l'Autorité pour caractériser le grief à son encontre, il convient également de rappeler, sur le standard de preuve des pratiques anticoncurrentielles, qu'il est constant, ainsi que l'énonce la Décision (paragraphe 394), que cette preuve peut résulter, soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d'un faisceau d'indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours de l'instruction et qu'il n'y a pas lieu ainsi d'examiner si, pris séparément, chacun de ces éléments a, à lui seul, un caractère suffisamment probant pour fonder un constat d'infraction ;
Que, dans un tel cadre, non seulement l'Autorité est fondée à se prévaloir à l'encontre d'une entreprise, à titre d'indices, des déclarations d'autres entreprises auxquelles il est reproché d'avoir participé à l'entente, y compris lorsque, comme au cas d'espèce, ces entreprises sollicitent le bénéfice de la clémence ;
Que, concernant le standard de preuve de la participation à une entente horizontale, identique à celui utilisé en droit de l'Union, l'Autorité a encore utilement rappelé (paragraphes 487 à 491 de la Décision) et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que lorsque l'entente est mise au point au cours de réunions informelles, de nature le plus souvent occulte ou secrète, auxquelles participent de leur propre initiative les entreprises concurrentes, la responsabilité d'une entreprise déterminée est ainsi valablement retenue lorsqu'elle a participé à des réunions en ayant connaissance de leur objet anticoncurrentiel ;
Que, sur la valeur probante des déclarations recueillies, il n'est, ni contesté, ni contestable (paragraphe 492 de la Décision), que la déclaration du représentant d'une entreprise reconnaissant sa participation à une entente constitue une preuve se suffisant à elle-même de l'existence et de la participation de l'entreprise à l'infraction en cause mais, qu'en revanche, une déclaration mettant en cause une entreprise et émanant du représentant d'une entreprise concurrente constitue un simple indice de la participation de l'entreprise concernée à l'entente en cause et que, dès lors, il doit être recherché si un tel indice est corroboré par d'autres éléments de preuve, tels que des déclarations concordantes d'autres entreprises mises en cause ou d'autres indices matériels ;
Considérant, en l'espèce, que les moyens soutenus par Procter & Gamble ne sont pas de nature à remettre en cause les appréciations pertinentes de l'Autorité (paragraphes 418 à 533 de la Décision), que la cour adopte, dont il résulte que, à la suite de la mise en œuvre du standard de preuve qui vient d'être rappelé, une infraction complexe, unique et continue est bien établie à l'encontre de cette entreprise sur l'ensemble de la période entre le 18 septembre 1997 et le mois d'août 2004 et que la requérante n'est pas fondée à invoquer, au regard de la mise en place de sa politique commerciale dite du "New Way" l'existence, éventuelle, d'infractions distinctes ;
Considérant, en effet, que l'Autorité a démontré que l'ensemble des pratiques mises en œuvre par les quatre lessiviers présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacune d'entre elles a visé un objectif anticoncurrentiel unique consistant en la maîtrise totale des prix de vente des lessives standard à la grande distribution et aux consommateurs finals et qu'après la suspension des pratiques, celles-ci ont été reprises par les parties impliquées selon des modalités similaires ;
Considérant qu'il suffit de rappeler, sur l'objet des pratiques avant et après leur suspension, exactement analysé par la Décision comme n'ayant pas varié entre son début (1997-2001) et sa suite (2001-2004), que les réunions de concertation ont toujours concerné, non des échanges d'informations générales, mais des accords sur les prix et les promotions des lessives standard, que ce soit avant (septembre 1997 à mi-1998) ou après leur suspension (1999-2004) ;
Qu'ainsi que l'a relevé la Décision, la preuve de ces pratiques est rapportée par de nombreux éléments figurant au dossier dont la force probante ne doit pas être appréciée simplement pièce par pièce comme le fait Procter & Gamble, mais, comme l'a fait l'Autorité, non utilement contredite, en rapprochant l'ensemble de celles-ci afin de déterminer si elles constituent ensemble un faisceau d'indices suffisamment graves, précis et concordants, ce qui est le cas en l'espèce (paragraphes 420 à 435 auxquels la cour renvoie expressément) ;
Considérant que l'Autorité a également démontré, à suffisance de droit, en se fondant sur le dossier (paragraphes 396 à 406 de la Décision) la mise en place, par les quatre fabricants de lessives, d'un éventail d'accords ou de pratiques concertées convergeant vers un objectif unique de maîtrise totale des prix de vente des lessives standard pratiqués à l'égard de la grande distribution et in fine des consommateurs finals en relevant exactement :
- qu'en définissant un index selon lequel chaque produit de chaque concurrent avait un certain positionnement tarifaire par rapport aux produits des autres concurrents impliqués, les entreprises mises en cause ont eu pour objectif de préserver la différenciation tarifaire existant entre leurs produits et de maintenir ainsi la notoriété de chaque marque, acquise à l'issue d'un long processus de promotion publicitaire et qu'afin d'assurer l'existence des écarts convenus, les lessiviers ont également convenu en commun des hausses de prix proposées à la grande distribution ;
- que, pour compléter leurs accords, les fabricants ont aussi élaboré ensemble le niveau des offres promotionnelles réalisées à l'intention des consommateurs puisque, comme l'a confirmé un participant à l'entente - paragraphe 440 de la Décision - au cours de la procédure, la maîtrise des prix impliquait également celle de l'ensemble des offres promotionnelles, ce qui explique que les directeurs commerciaux des lessiviers ont aussi défini en commun les taux maximum de remise autorisés ainsi que les mécanismes promotionnels possibles ;
- que, compte tenu du contexte de la loi Galland applicable à l'époque des pratiques et de l'incitation de la grande distribution à se rémunérer presque exclusivement sur les marges arrières liées aux produits concernés, la concertation en cause revenait en réalité pour les fabricants de lessives à s'entendre directement sur les prix de vente aux consommateurs ;
- que ces pratiques sont interdépendantes en ce qu'elles se rattachent toutes à un objectif anticoncurrentiel unique ayant consisté à maîtriser les prix de revente au détail et donc à restreindre la concurrence par les prix ;
Considérant que c'est également à bon droit que la Décision a relevé qu'outre un objectif économique anticoncurrentiel unique, l'interdépendance des comportements des quatre lessiviers en cause est également caractérisée par un mode opératoire commun dès lors :
- que pendant toute sa durée, l'infraction s'est manifestée au cours de réunions régulières et occultes, généralement entre les directeurs commerciaux des fabricants, ainsi que lors de contacts bilatéraux entre ces derniers, réunions qui étaient consacrées de manière continue à la fixation des prix des lessives standard, marque par marque et format par format, sur le territoire français, et qu'étaient également discutées, convenues et surveillées les règles communes en matière de politique promotionnelle ;
- qu'à cet égard, les tableaux de prix préparatoires aux réunions attestent qu'au cours de celles-ci, les discussions entre directeurs commerciaux ont porté sur tous les éléments nécessaires à la détermination des prix de vente des lessives standard à la grande distribution, à savoir la hausse de prix, le maintien des écarts de prix entre produits, les offres promotionnelles aux consommateurs : les décisions prises au cours des réunions litigieuses ont donc porté sur un ensemble cohérent de paramètres du prix, convergeant ainsi vers l'objectif de gel de la concurrence par les prix et la similitude des tableaux de prix préparatoires montre d'ailleurs la connaissance que chacun des directeurs commerciaux avait de cet objectif unique au moment des réunions ;
- qu'en outre, le respect des accords convenus faisait l'objet d'une surveillance attentive par les services internes de chaque partie et que le cas échéant, les dérives identifiées donnaient lieu à des discussions entre les parties, soit lors des réunions des directeurs commerciaux évoquées, soit lors de contacts téléphoniques qu'ils prévoyaient alors ;
Considérant que l'Autorité a exactement relevé que cette surveillance de l'application du prix au consommateur et ces éventuels rappels à l'ordre témoignent eux aussi de l'existence d'une continuité de l'objectif poursuivi et de la connaissance de chacun des participants à l'entente de cet objectif ;
Considérant, sur la durée de l'entente contestée par Procter & Gamble, que la cour renvoie également aux développements de la Décision (paragraphes 457 à 486) qui, par des appréciations pertinentes que la cour adopte, a, au regard des éléments au dossier, retenu qu'il est établi que l'entente a pris place sur une période remontant au moins au 18 septembre 1997, que l'entente a été suspendue entre le mois d'octobre 1998 et le 2 novembre 1999 et a trouvé son terme le 1er août 2004, soit une durée des pratiques en cause démontrée pour une période de 5 ans, 9 mois et 12 jours ;
Considérant qu'au regard des contestations de P & G, il suffit de rappeler, tout d'abord, sur le point de départ des pratiques d'entente sur les prix et les promotions des lessives standard exactement fixé au 18 septembre 1997 :
- que, dans leurs déclarations, les représentants de Unilever, de Henkel et de Colgate Palmolive ont toutes indiqué de manière concordante que l'entente sur les prix et les promotions des lessives standard avait débuté en 1997 au cours de réunions tenues aux restaurants La Tête Noire à Marnes-la-Coquette ou aux Chandelles à Louveciennes ;
- que Henkel a, par ailleurs, versé au dossier des notes de frais relatives à ces réunions qu'il a indiqué avoir organisées et qui rassemblaient les directeurs commerciaux de Lever France, Procter & Gamble France, Colgate Palmolive SA et Henkel France et que la plus ancienne des réunions ainsi identifiées a eu lieu le 18 septembre 1997 ;
- qu'il est établi que, dès cette date, contrairement à ce que soutient Procter & Gamble, l'entente a eu pour objet des accords sur les prix et les promotions ;
Considérant, ensuite, sur le point de départ de l'interruption des réunions de concertation fixé à octobre 1998, que les éléments mis en exergue dans la Décision constituent des indices suffisamment fiables pour retenir une telle date ; que tel est le cas :
- des déclarations convergentes des directeurs commerciaux des lessiviers selon lesquelles le point de départ de l'interruption des réunions de concertation est le mois d'octobre 1998, étant précisé que, dans ses observations au rapport complémentaire, Unilever a bien confirmé pour sa part que les pratiques avaient été suspendues à l'automne 1998 ;
- du fait que l'automne 1998 correspond à la période au cours de laquelle la phase préparatoire à la mise en œuvre de la nouvelle politique "New Way" s'est achevée ;
Considérant, enfin, sur la date de reprise des pratiques fixée par la Décision au plus tard en octobre 1999, et qui est également remise en cause par la requérante, qu'il est rappelé que Henkel a versé au dossier une facture concernant un repas pour quatre personnes au restaurant "la Tête Noire" à Marnes-la-Coquette en date du 2 novembre 1999 en indiquant que cette note de frais correspondait, comme l'ensemble des autres notes de frais transmises, aux réunions tenues avec ses concurrents et que, par surcroît, le restaurant "la Tête Noire" a été cité à plusieurs reprises par les demandeurs de clémence comme étant l'un des lieux où se tenaient les réunions de concertation ;
Considérant que s'il est vrai que, ainsi que le mentionne à bon droit, la Décision répondant ainsi exactement aux objections de Procter & Gamble, cette note ne peut, à elle seule, démontrer que les pratiques en cause ont repris le 2 novembre 1999, elle n'en est pas moins corroborée par les déclarations convergentes des anciens salariés de Henkel et de Colgate Palmolive concernant la durée de suspension des pratiques ou la date de leur reprise (paragraphes 472, 473 et 474) de sorte qu'il existe un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants qui permet de fixer la date de reprise des réunions entre lessiviers au 2 novembre 1999, au plus tard ;
Considérant que rien ne permet non plus de remettre en cause les constatations pertinentes de l'Autorité (paragraphes 500 à 528 de la Décision) qui, à partir d'une exacte analyse des éléments du dossier, a décidé que, contrairement à ce qu'elle soutient, la participation de Procter & Gamble à l'entente complexe et continue visée par le grief est établie pour la période comprise entre le 18 septembre 1997 et le mois d'août 2004, soit toute la durée de l'entente, à l'exception de la période de suspension entre octobre 1998 et le 2 novembre 1999, et pas seulement après le 21 janvier 2001 ;
Considérant que, concernant la période comprise entre le 18 septembre 1997 et le mois d'octobre 1998, soit avant la politique dite "New Way" et la suspension de l'entente, il suffit de se référer aux développements de la Décision dont il ressort que Procter & Gamble n'est pas fondée à se prévaloir du défaut de qualité de M. Vincent R pour la représenter ;
Qu'en effet, ainsi que l'expose à bon droit la Décision, pour démontrer la participation d'une entreprise à une entente conclue, comme en l'espèce, à l'occasion de réunions secrètes, l'Autorité n'est pas tenue de déterminer si la personne qui la représentait à ces réunions détenait un mandat ou une autorité particulière à cet effet, mais seulement d'établir, en se fondant sur un faisceau d'indices suffisamment graves, précis et concordants, que l'entreprise a effectivement été présente à ces réunions, ce qui était bien le cas en l'espèce ;
Considérant que Procter & Gamble est d'autant moins fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été valablement représentée au cours de ces réunions et qu'elle n'aurait pas acquiescé au contenu de ces réunions, dès lors qu'ainsi que le constate l'Autorité :
- M. Vincent R qui occupait le poste de directeur des ventes lessives de Procter & Gamble, était un cadre dirigeant au sein de l'entreprise Procter & Gamble et, eu égard à ses fonctions, jouait un rôle de premier plan dans l'élaboration et la mise en œuvre de la politique commerciale des lessives commercialisées par son entreprise et, par ailleurs, qu'il travaillait sous la supervision du directeur commercial de Procter & Gamble ;
- qu'en outre, ainsi que l'ont indiqué les autres participants à l'entente, lors des réunions de concertation dont l'objet anticoncurrentiel qui vient d'être rappelé est indiscutable, M. Vincent R qui y assistait, était bien perçu comme le représentant de Procter & Gamble, agissant dans le cadre de ses fonctions professionnelles au nom et pour le compte de cette entreprise ;
- qu'à tout le moins, Procter & Gamble, alors qu'elle dénie la qualité de son représentant, ne s'est pas publiquement distanciée du contenu de ces réunions ;
Considérant que, concernant la période comprise entre le 2 novembre 1999 et le 21 janvier 2001, soit après la politique "'New Way" et la suspension de l'entente, il convient encore de renvoyer aux développements de la Décision (paragraphes 512 à 527 de la Décision) dont il ressort qu'il existe un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant que Procter & Gamble a participé à l'entente pendant cette période ; qu'en effet, ainsi que le relève la Décision :
- la note de frais du 2 novembre 1999 versée au dossier par Henkel et dont l'interprétation qui lui par est donnée par l'Autorité est une facture pour un repas de quatre personnes au restaurant La Tête Noire à Marnes-la-Coquette, endroit qui est précisément cité à plusieurs reprises par les demandeurs de clémence comme étant l'un des lieux où se tenaient les réunions de concertation auxquelles participaient les quatre lessiviers ;
- si cette note ne peut, en effet, suffire à établir en elle-même la présence de Procter & Gamble à cette réunion, elle constitue néanmoins un indice qui est corroboré par les déclarations concordantes des directeurs commerciaux d'Unilever, Henkel et Colgate Palmolive, en poste à l'époque des faits, qui ont toujours clairement affirmé que les réunions de concertation litigieuses rassemblaient les quatre acteurs du marché, dont Procter & Gamble (paragraphes 514 à 516) ;
- les déclarations des directeurs commerciaux de Henkel et de Colgate Palmolive se corroborent quant au fait que Procter & Gamble était bien présente lors de la reprise des réunions de concertation, le 2 novembre 1999 (paragraphe 518 de la Décision) ;
- s'agissant plus particulièrement de l'identité du représentant de Procter & Gamble ayant assisté aux réunions sur la période comprise entre le 2 novembre 1999 et le 21 janvier 2001, il ressort des déclarations convergentes des autres participants à l'entente (paragraphes 519 à 524 de la Décision), qu'il s'agissait soit de M. Vincent R (directeur des ventes lessives jusqu'au courant de l'année 1998, puis chargé du compte Carrefour jusque fin 1999), soit de M. Thierry P (directeur commercial entre avril 2000, jusque fin 2003 et auparavant directeur de clientèle Auchan et Leclerc) qui s'étaient succédés dans les réunions de concertation ;
Considérant que l'Autorité s'est bien ainsi fondée sur plusieurs éléments de nature à étayer la participation de Procter & Gamble aux réunions de concertation tenues entre le 2 novembre 1999 et le 21 janvier 2001, peu important qu'on ne puisse pas forcément déterminer avec précision l'identité du représentant de Procter & Gamble à chaque réunion, dès lors que, comme cela vient d'être rappelé, pour l'application des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce, seule est pertinente la question de savoir si l'entreprise en cause était bien représentée lors des réunions de concertation ;
Considérant, surtout, ainsi que le relève à juste titre la Décision (paragraphe 524), que ces déclarations sont compatibles avec "la logique des faits" telle que qualifiée par Procter & Gamble, dès lors que si la décision de Procter & Gamble, leader du marché avec 30 à 40 % de celui-ci, de modifier sa politique commerciale avec les distributeurs a conduit à suspendre les réunions de concertation, c'est bien que les autres membres de l'entente ne trouvaient aucun intérêt à poursuivre leurs pratiques sans Procter & Gamble, dont la présence était indispensable pour garantir la cohésion et l'efficacité de la concertation ;
Considérant que P & G critique en vain la Décision sur ce point qui tire en effet des conclusions logiques d'une chronologie constante des faits du litige, dont il ressort précisément que la réaction des trois autres entreprises ne peut, en effet, trouver d'explication logique que dans le changement de politique commerciale de la requérante, qui ne fournit de toute façon aucune explication alternative crédible ;
Considérant, par ailleurs, que :
- contrairement à ce que soutient Procter & Gamble la Décision a exactement constaté, en se fondant sur les éléments du dossier (paragraphe 526 de la Décision) la fin de la politique de "New Way" s'est produite bien avant le 19 janvier 2001, date à laquelle le PDG de Procter & Gamble a adressé un courrier à la DGCCRF ;
- l'analyse à laquelle l'Autorité a procédé des diverses déclarations reproduites dans la Décision (paragraphes cités dans les développements qui précèdent et notamment paragraphe 23 de la Décision auxquels la cour renvoie purement et simplement) révèle que les déclarations de certains directeurs commerciaux des entreprises en cause - notamment Colgate Palmolive et Unilever - présents aux réunions litigieuses ne sont pas contraires aux déclarations ultérieures des représentants de ces entreprises lorsque celles-ci ont demandé le bénéfice de la clémence ou de leurs conseils ;
Considérant que rien ne permet non plus de remettre en cause le caractère probant des indices constitués par les déclarations des représentants des trois autres entreprises qui ont participé à l'entente selon lesquelles Procter & Gamble participait aux réunions pendant la période litigieuse au motif qu'elles émanaient d'entreprises demandant à bénéficier de la clémence dont la sincérité peut être sujette à caution dès lors qu'elle sont postérieures à la notification des griefs ;
Considérant, en effet, que les déclarations convergentes et dépourvues d'ambiguïté des représentants des trois autres entreprises participant à l'entente spécialement mises en exergue par l'Autorité (paragraphes 420 à 422) dont il ressort clairement une participation de P & G aux pratiques anticoncurrentielles sont antérieures à la notification des griefs et que les déclarations des demandeurs à la clémence postérieures à la notification des griefs, ne peuvent ainsi que l'insinue la requérante, être a priori qualifiées de suspectes ;
Qu'à tout le moins, ainsi que cela résulte des développements qui précèdent, ces déclarations constituent seulement des indices, qui sont probants, et qui constituent des éléments d'un faisceau d'indices concordants ;
Considérant, enfin, concernant les différentes phases de l'entente qui ont été analysées, que s'il est vrai qu'il ressort du dossier que l'entente s'est renforcée à partir de 2001 pour couvrir de manière individualisée un ensemble de produits, ce qui explique les nombreux tableaux qui figurent au dossier, l'entente n'en a pas moins été précédée par une concertation poursuivant, même de manière plus générale, un objectif de fixation artificielle des prix ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur l'imputabilité des pratiques
Considérant que la cour constate que les requérantes ne remettent pas en cause les développements de la Décision (paragraphes 534 à 566) dont il ressort :
- qu'il convient d'imputer les pratiques en cause à la société Henkel France SA en tant qu'auteur des pratiques ainsi qu'à la société AG & Co. KGaA, en sa qualité de société mère pour le comportement infractionnel de sa filiale, Henkel France SA ;
- qu'il y a lieu d'imputer les pratiques aux sociétés Procter & Gamble France SAS, Procter & Gamble Holding France SAS en tant qu'auteurs des pratiques ainsi qu'à The Procter & Gamble Company en sa qualité de société mère pour le comportement infractionnel de ses filiales ;
- qu'il convient d'imputer les pratiques à la société Colgate Palmolive Services SA, en tant qu'auteur des pratiques ainsi qu'à la société Colgate Palmolive Company, en sa qualité de société mère mais qu'en revanche, il convient de mettre hors de cause les sociétés Colgate Palmolive SAS, Colgate Palmolive Industriel SAS et Colgate Palmolive SASU ;
Sur les sanctions
Considérant que le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que "les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravite des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionne ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le (titre VI du livre IV du Code de commerce). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction" ;
Qu'aux termes du quatrième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la sanction pécuniaire maximum qui peut être imposée à une entreprise est "de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante" ;
Considérant qu'il est rappelé à titre liminaire que l'Autorité a annoncé qu'elle apprécierait ces critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;
Que c'est dans ces conditions que, faisant application de la méthode instituée par le communiqué sanctions l'Autorité, dans un premier temps :
- compte tenu de son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, a retenu, pour déterminer le montant de base de la sanction de chacune des parties, une proportion de 20 % de la valeur des ventes de lessives standard à destination du grand public effectuées par chaque entreprise en cause (paragraphe 636 de la Décision)
- a déterminé le montant de base de chaque entreprise en proportion des ventes de produits en relation avec l'infraction effectuées par chacune des entreprises en cause, d'une part, et de sa durée individuelle de participation aux pratiques, d'autre part (paragraphe 645 de la Décision) ;
Que, dans un second temps, l'Autorité, dans un tel cadre et compte tenu des avis de clémence et de ses éléments d'appréciation sur les modalités de réduction de la sanction dans le cadre de la procédure de clémence :
- après appréciation de la situation individuelle de Unilever et du groupe auquel elle appartient, a augmenté de 25 % le montant de base de la sanction pécuniaire mais a finalement considéré qu'elle remplissait les conditions prévues pour bénéficier d'une exonération totale de sanction en rapport avec les pratiques constatées par l'Autorité et, en conséquence, qu'il y avait lieu de l'exonérer de toute sanction en rapport avec ces pratiques ;
- après appréciation de la situation individuelle de Henkel et du groupe auquel elle appartient, a augmenté de 15 % le montant de base de la sanction pécuniaire de Henkel fixe, en conséquence, le taux de réduction de la sanction encourue par Henkel à 25 %, soit un chiffre compris dans la fourchette envisagée par l'avis de clémence concernant cette dernière, mais inférieur aux 30 % auxquels elle prétend, au minimum, avoir droit.
- après appréciation de la situation individuelle de P & G et du groupe auquel elle appartient, a augmenté de 25 % le montant de base de la sanction pécuniaire et accordé à Procter & Gamble une réduction de sanction pécuniaire de 20 % ;
- après appréciation de la situation individuelle de Colgate Palmolive et du groupe auquel elle appartient, a augmenté de 25 % le montant de base de la sanction pécuniaire et a accordé à Procter & Gamble une réduction de sanction pécuniaire de 15 % ;
En ce qui concerne la prise en compte des sanctions infligées aux requérantes par la Commission européenne :
Considérant qu'au soutien de leur demande de réformation de la Décision déférée, P & G et Henkel reprochent à l'Autorité de les avoir sanctionnées au titre de pratiques qui relèvent en réalité de la même entente complexe et continue que celle qui a été poursuivie et sanctionnée par la Commission européenne, circonstance qui doit conduire à exclure la période du 7 janvier 2002 au 1er août 2004 de la détermination des sanctions ; que les requérantes font également valoir qu'au regard des exigences dictées par le respect du principe d'égalité de traitement, l'Autorité était liée par une série d'éléments retenus par la Commission dans le cadre de la détermination des sanctions infligées aux entreprises concernées ;
Que, dans un tel cadre, compte tenu de ce qu'elle qualifie de "chevauchement" des décisions de l'Autorité et de la Commission européenne, P & G reproche plus particulièrement à la Décision déférée un défaut de motivation sur l'existence de deux cartels différents et, soutenant que la Commission ayant déjà sanctionné le dommage à l'économie résultant d'un accord sur les prix et sur les promotions des lessives en France entre 2002 et août 2004, critique l'absence d'exclusion par l'Autorité des ventes de lessives en poudre de P & G de la valeur des ventes de référence pendant cette période ;
Que, pour sa part, Henkel reproche à l'Autorité d'avoir dans une situation caractérisée par la similitude des faits, commis une erreur manifeste d'appréciation faute de s'être conformée au principe d'application "efficace et uniforme" des règles communautaires de concurrence et au principe de convergence dans l'application parallèle des règles communautaires et nationales de la concurrence :
- en soulignant plus particulièrement la disproportion entre, d'une part, le pourcentage de la valeur des ventes concernées de 16 % qui a été appliqué par l'Autorité, qui sanctionnait des pratiques commises dans un seul Etat, et, d'autre part, le pourcentage de 20 % de la valeur des ventes retenue par la Commission européenne qui sanctionnait de son côté des pratiques dans huit Etats ;
- en critiquant aussi la majoration de l'amende de 15 % en raison de la taille du groupe qui lui a été infligée en faisant valoir qu'à l'opposé, la Commission a considéré que la taille du groupe ne justifiait pas une majoration de la sanction ;
Qu'enfin, plus généralement, Henkel et Procter & Gamble soutiennent, qu'en application du principe général d'équité, l'Autorité aurait dû prendre en compte les sanctions pécuniaires infligées par la Commission dans l'affaire des détergents domestiques - pour modérer le montant des sanctions qui leur ont été infligées ;
Mais considérant que la comparaison à laquelle procèdent les requérantes entre les éléments retenus par la Commission pour déterminer les sanctions qui ont été infligées aux entreprises concernées en vertu de sa décision du 13 avril 2011, d'une part, et les éléments retenus par l'Autorité dans la Décision déférée à la cour, d'autre part, est inopérante dès lors qu'il a été suffisamment établi par les développements qui précédent écartant le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem que l'Autorité n'a pas sanctionné à nouveau des pratiques anticoncurrentielles qui l'auraient déjà été par la Commission européenne ;
Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour relève que, s'agissant de sanctions prononcées par une autre autorité de la concurrence en fonction d'éléments de droit et de fait distincts, les requérantes ne sont a fortiori pas fondées à se prévaloir, ni d'une atteinte au principe d'égalité de traitement, ni encore d'une atteinte à une "exigence générale d'équité" à laquelle, contrairement à ce qui est soutenu, la jurisprudence communautaire ne faisait pas obligation à l'Autorité de se conformer ;
Que le moyen doit être rejeté ;
En ce qui concerne la régularité des conditions d'application du communiqué sanctions :
Considérant que P & G et Colgate Palmolive reprochent à l'Autorité d'avoir, en appliquant le communiqué sanctions à des faits antérieurs à sa publication, violé le principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère, pourtant consacré par la jurisprudence communautaire ;
Que Colgate Palmolive fait plus particulièrement valoir que l'application de ce communiqué a eu pour effet de provoquer une importante et par surcroît non raisonnablement prévisible augmentation du niveau des sanctions par rapport à celui qui aurait résulté de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité de la concurrence ; que, selon la requérante, l'aggravation très substantielle du montant des amendes résulte, notamment :
- de la prise en compte de la gravité des faits et l'importance du dommage causé à l'économie par une proportion de la valeur des ventes de produits ou service en relation avec l'infraction ;
- de la prise en compte d'un seuil plancher automatique de 15 % de la valeur des ventes en matière de cartel qui confère au critère de la gravité une importance disproportionnée par rapport à celui du dommage à l'économie ;
- de la possibilité de procéder à une aggravation de l'amende en raison de la dimension internationale du groupe auquel appartient l'entreprise poursuivie alors, d'une part, que la prise en compte d'éléments propres à la situation individuelle de l'entreprise sanctionnée qui n'ont de lien, ni avec les moyens réellement mis en œuvre par l'entreprise pour commettre l'infraction, ni avec la constatation de la dimension géographique des effets anticoncurrentiels n'est pas justifiée et, d'autre part, que l'aspect dissuasif de cette majoration est déjà contenu dans l'évaluation du dommage à l'économie ;
Qu'enfin, P & G reproche plus particulièrement à l'Autorité une violation du principe de confiance légitime dans la mesure où, s'étant fondée sur les déclarations de l'Autorité de la concurrence qui mentionnaient que l'application du nouveau communiqué n'aboutirait pas à une augmentation du montant des amendes, elle ne pouvait prévoir une modification de la pratique décisionnelle antérieure ;
Mais considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le communiqué de l'Autorité de la concurrence du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires se borne à décrire et à expliciter, à droit constant, la méthode suivie en pratique par l'Autorité pour mettre en œuvre, au cas par cas, en se conformant à l'exigence de proportionnalité et d'individualisation des sanctions, dans l'ordre prévu par le Code de commerce, les critères fixés par ce Code tenant à la gravité des faits, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient, et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par les règles de concurrence ; que le point 21 du communiqué décrit comme suit la mise en œuvre de ces critères :
- l'Autorité détermine d'abord le montant de base de la sanction pécuniaire pour chaque entreprise ou organisme en cause, en considération de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, critères qui concernent tous deux l'infraction ou les infractions en cause (A) ;
- ce montant de base est ensuite adapté pour prendre en considération les éléments propres au comportement et à la situation individuelle de chaque entreprise ou organisme en cause, à l'exception de la réitération dont la loi a fait un critère autonome (B) ;
- il est augmenté par la suite, pour chaque entreprise ou organisme concerné, en cas de réitération (C).
- le montant ainsi obtenu est comparé au maximum légal, avant d'être réduit pour tenir compte, le cas échéant, de la clémence et de la non-contestation des griefs, puis ajusté, lorsqu'il y a lieu, au vu de la capacité contributive de l'entreprise ou de l'organisme qui en a fait la demande (D) ;
Considérant qu'il en résulte que, dans ce communiqué, en effet assimilable, comme énoncé par ce texte, à une simple directive au sens de la jurisprudence administrative (point 14 du communiqué), l'Autorité, exprimant notamment un souci de transparence (points 10 à 19 du communiqué annonçant les objectifs poursuivis), s'est ainsi seulement bornée à préciser par avance, et sous réserve de l'examen concret des circonstances propres à chaque cas d'espèce, les modalités concrètes selon lesquelles elle entend faire usage du pouvoir d'appréciation qui lui a été confié par la loi pour déterminer, en vertu des dispositions précitées du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, par surcroît sous le contrôle de cette cour et le cas échéant de la Cour de cassation, les sanctions qu'elle impose aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles ;
Considérant que la méthode décrite dans le communiqué, exclusivement fondée sur les différents éléments énoncés par le Code de commerce, s'inscrit bien, sans le modifier, dans le cadre légal existant et que, dès lors, le communiqué ne constitue pas, contrairement à ce que sous-entendent les requérantes, un texte à valeur normative en soi susceptible de comporter des dispositions plus sévères que les dispositions du Code de commerce en vigueur ;
Considérant qu'il ressort également des développements qui précèdent que, ainsi que le communiqué sanctions le précise d'ailleurs lui-même (point 16), cette "directive" n'a pas institué un barème mécanique permettant de prévoir par avance le montant précis des sanctions et d'en déduire, comme l'affirment les requérantes, une aggravation des sanctions découlant nécessairement et automatiquement de sa mise en œuvre ;
Considérant que, P & G n'est pas non plus en droit de se prévaloir de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité en matière de sanctions en invoquant une atteinte au principe de confiance légitime, à le supposer applicable, dès lors qu'en application des dispositions précitées du Code de commerce, les sanctions sont déterminées par l'Autorité, pour chaque entreprise, en fonction d'un ensemble d'éléments de droit ou de fait particuliers ainsi que d'un ensemble d'appréciations nécessairement différentes d'une entreprise à l'autres et a fortiori d'une affaire à une autre ;
Considérant, enfin, qu'il n'est pas contesté, ainsi que le mentionne la Décision (point 237), que "chacune des entreprises en cause dans la présente affaire a été mise en mesure de formuler des observations sur les principaux éléments de droit et de fait du dossier susceptibles, selon les services d'instruction, d'influer sur la détermination de la sanction pouvant lui être imposée, à la suite de la réception de la notification des griefs, du rapport et du rapport complémentaire en date du 19 juillet 2011, décrivant ces différents éléments." ;
Que les requérantes ont ainsi été formellement mises en mesure de discuter l'application du communiqué sanctions et de présenter des observations sur les éléments susceptibles d'être pris en considération par le collège pour déterminer le montant de la sanction qui était encourue ;
Que les moyens sont inopérants ;
En ce qui concerne l'étendue et les modalités de contrôle par la cour des sanctions infligées aux requérantes :
Considérant qu'au-delà du déroulement des étapes successives découlant de la mise en œuvre par l'Autorité de la méthode de détermination des sanctions du communiqué sanctions qui, ainsi que cela a été rappelé, ne constitue qu'une directive, comme telle dépourvue de valeur normative, il revient seulement à la cour d'apprécier si, en définitive, l'Autorité a bien déterminé les sanctions pécuniaires qui ont été infligées aux requérantes au titre des pratiques anticoncurrentielles poursuivies en application des dispositions précitées de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
En ce qui concerne la valeur des ventes :
Considérant, sur l'assiette servant de calcul au montant des sanctions, que la Décision, non critiquée sur ce point, a rappelé à bon droit (paragraphes 572 et 573) que la valeur des ventes réalisées par les entreprises en cause de produits ou de services en relation avec l'infraction constitue généralement une référence appropriée pour déterminer l'assiette de la sanction pécuniaire infligée par l'Autorité de la concurrence, dans la mesure où elle permet de proportionner celle-ci à la réalité économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur concerné de chaque entreprise qui y a participé ; que c'est dans ces conditions que l'Autorité a rappelé qu'elle s'est engagée dans son communiqué sanctions à déterminer le montant de base des sanctions qu'elle prononce en cas de violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et des articles 101 et 102 du TFUE en se référant à cette notion comme assiette ;
Considérant que, sans être discutée sur ce point par Henkel ainsi que par Colgate Palmolive, la Décision (paragraphes 574 à 582) retient, en substance :
- que les catégories de produits à prendre en considération à cet effet sont celles faisant l'objet de la pratique, telles que décrites dans la partie de la décision consacrée à la qualification de l'infraction ;
- que l'assiette de la sanction reflète ainsi le fait que les pratiques mises en place par les quatre fabricants de lessives en cause ont visé à maîtriser les prix de vente de l'ensemble des lessives standard à destination de la grande distribution et des consommateurs finals ;
- qu'eu égard à l'objet anticoncurrentiel de ces pratiques, cette assiette inclura donc, pour chacune des parties en cause, toutes les lessives standard (également dénommées "universelles") sans distinction en fonction de leur présentation (poudre, liquide, tablettes), de leur format ou de leur positionnement en termes de prix (premium, milieu de gamme et bon rapport qualité/prix), commercialisées en France à destination du grand public par l'entreprise intéressée ;
- qu'eu égard à la participation individuelle de chaque entreprise en cause à l'infraction, dont le point de départ est le 18 septembre 1997 pour les quatre lessiviers et, dont le terme est le mois d'août 2004 pour Unilever, Henkel et Procter & Gamble, et le mois de septembre 2003 pour Colgate Palmolive, le dernier exercice comptable complet retenu pour déterminer cette valeur des ventes sera l'exercice 2003 pour Unilever, Henkel et Procter & Gamble, et l'exercice 2002 pour Colgate Palmolive ;
- que, compte tenu des données chiffrées à la disposition de l'Autorité, les chiffres d'affaires relatifs à ces exercices peuvent être tenus pour représentatifs de l'activité annuelle de chacun des lessiviers pour les produits en relation avec l'infraction durant la période pendant laquelle chacun d'eux a individuellement participé à cette dernière ;
Considérant, en revanche, que P & G, sans critiquer, en soi, le choix fait par l'ADLC de la valeur des ventes comme assiette de la sanction qui lui a été infligée, conteste de manière générale la détermination de cette assiette à partir de l'ensemble de ses ventes de lessives standard à destination du grand public réalisé pendant l'année 2003 et soutient que l'Autorité aurait dû recourir à une assiette plus réduite, en faisant notamment valoir :
- que l'Autorité aurait dû prendre en compte son rôle de franc-tireur qui a, pendant une période notable, contribué à une diminution de ses parts de marché au profit de ses concurrents et, dans ces conditions, à une baisse du chiffre d'affaires pertinent, ce qui aurait ainsi dû conduire l'Autorité à prendre en compte, conformément au point 37 de son communiqué sanctions, une moyenne de ses ventes tout au long de la période pendant laquelle l'infraction a été constatée ;
- que l'Autorité aurait également dû prendre en considération l'évolution de la nature de l'entente, caractérisée par la "montée en puissance" des pratiques et, dès lors, la moindre valeur probante des éléments retenus pour constater l'infraction avant 2001, afin de ne retenir, pendant cette période, que les ventes de lessives au format de taille "M", qui représentaient la majorité des ventes de P & G et non toutes les tailles de lessive et qui, par surcroît, étaient seules susceptibles de faire, à l'époque, l'objet d'une surveillance effective ;
Mais considérant que la cour observe, à titre liminaire, que l'Autorité s'est seulement bornée, en application des principes sus rappelés guidant le calcul de l'assiette de la sanction pécuniaire, que P & G ne remet à aucun moment en cause, à retenir pour ce qui la concerne comme pour les autres entreprises participant à l'entente, l'assiette constituée par le chiffre d'affaires de l'ensemble des produits en relation avec l'infraction, tels que déterminés au stade de la qualification de l'infraction soit, au cas d'espèce, le chiffre d'affaires réalisé par P & G en relation avec les lessives standard commercialisées en France à destination du grand public, toutes visées par l'infraction ;
Considérant que, concernant spécialement le choix critiqué qui a été fait par l'Autorité de l'exercice 2003, la requérante échoue à démontrer que cet exercice ne serait pas manifestement représentatif de son poids économique sur le secteur dès lors, qu'à l'inverse, abstraction faite de l'exercice 1998/1999 qui correspond à la période de suspension de l'entente, la moyenne annuelle des ventes de lessives standard réalisées par P & G qui s'élève, selon ses propres indications (cote 14 224) s'élevait à 340 millions d'euros, chiffre équivalent à celui de l'exercice 2003 ;
Considérant la requérante n'est pas non plus fondée à reprocher à l'Autorité de ne pas avoir tenu compte, à ce stade, des éléments de preuve qui ont permis d'établir l'entente en cause ainsi que de ses caractéristiques particulières entre 1997 et 2001 ou encore de ses effets éventuels, qui sont indifférents à la détermination de l'assiette de la sanction, tout comme l'éventuel comportement de franc-tireur qu'elle s'attribue qui ne pourrait, tout au plus et à le supposer démontré, relever que d'une appréciation intervenant dans le cadre de l'individualisation de la sanction ;
Que le moyen est dépourvu de portée ;
En ce qui concerne la gravité des faits :
Considérant que P & G reproche à l'Autorité d'avoir, sans pour autant y avoir fait explicitement référence dans la Décision, fait application d'un taux de 15 % de la valeur des ventes institué par son communiqué sur les sanctions en soulignant que ce taux, qui a vocation à s'appliquer en matière de cartel, soit pour les pratiques anticoncurrentielles les plus graves, en ce qu'il constitue un "taux plancher", est contraire aux dispositions de L. 464-2, I du Code de commerce dès lors qu'il dispense l'Autorité de conformer à son obligation de fixer le montant des sanctions conformément aux exigences, résultant de ce texte, de proportionnalité et aux exigences d'individualisation des sanctions ; qu'en outre, l'institution de ce seuil en vertu d'une directive qui lie le pouvoir d'appréciation de l'Autorité, la conduit à instaurer une hiérarchie entre les critères de détermination du montant de l'amende, en donnant un poids prépondérant à la gravité de l'infraction par rapport au dommage à l'économie dont, par surcroît, l'existence se trouve présumée, en violation des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
Que Colgate Palmolive fait aussi grief à l'Autorité d'avoir déterminé les sanctions en donnant au critère de la gravité un poids disproportionné par rapport au critère du dommage à l'économie, ce qui fait obstacle, lorsqu'un tel dommage est faible, à ce qu'il vienne "contrebalancer" une gravité certaine des faits ;
Que P & G reproche par ailleurs à l'Autorité d'avoir surestimé la gravité de l'infraction :
- en ne prenant pas en compte l'évolution dans le temps de la gravité des pratiques qui ont démarré en 1997/1998 par des échanges d'informations, moins graves que les accords sur les prix qui sont intervenus ensuite ;
- en prenant en considération le caractère secret de l'entente, qui est précisément inhérent à sa nature ;
- en leur reprochant d'avoir mis en place un mécanisme qualifié de "surveillance" du respect des accords, alors que l'instauration d'un mécanisme de contrôle des tarifs et offres promotionnelles des autres entreprises du secteur constitue une pratique habituelle du secteur des lessives et que, s'agissant de l'existence de menaces et de représailles, le standard de preuve fixé par la jurisprudence communautaire est plus rigoureux que celui qui a été mis en œuvre par la Décision attaquée ;
- en retenant que l'entente a été mise en place dans le contexte légal spécifique de la loi Galland alors que les accords sanctionnés au niveau européen ont eux aussi également produit leurs effets en France dans ce même contexte, sans que la Commission en tire pour autant la conséquence de l'existence d'une gravité accrue des accords, étant observé que l'Autorité ne justifie pas en quoi les fabricants de lessives devraient se voir infliger une sanction plus élevée en raison d'un contexte que le législateur lui-même avait choisi de créer ;
- en ne prenant pas en compte son comportement de franc-tireur lorsqu'elle a mis en œuvre à la fin de 1998 une politique commerciale dite - New Way - différente de celle des concurrents qui, si elle lui a fait perdre des parts de marché, a cependant permis l'interruption de l'infraction ;
Considérant que la cour observe, à titre liminaire, qu'il résulte des développements qui précèdent que, ni Colgate Palmolive et Henkel, d'une part, ni Procter & Gamble, d'autre part, ne sont en mesure contester le constat général d'infraction de l'Autorité (paragraphes 453 et 454 de la Décision), qui procède de l'évidence, selon lequel :
- en s'entendant sur les prix à pratiquer à l'égard de la grande distribution, ces entreprises ont imposé sur le marché français de la production et de la commercialisation des lessives standard un mode d'organisation substituant au libre jeu de la concurrence, à l'autonomie et à l'incertitude des opérateurs, une collusion généralisée entre fabricants ;
- un tel comportement contrevient au principe d'autonomie dont les entreprises doivent faire preuve lorsqu'elles sont en concurrence sur un marché, alors que chaque entreprise doit effet s'abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d'échanger sur les politiques commerciales et notamment sur les prix des biens et services qu'elle envisage d'offrir sur le marché ;
Considérant que, ce constat d'infraction étant rappelé, l'argumentation soutenue par les parties, par surcroît demandeurs de clémence ayant totalement ou très largement reconnu l'existence des pratiques anticoncurrentielles en cause, n'est pas de nature à remettre en cause les appréciations pertinentes de l'Autorité (paragraphes 585 à 598) aux termes desquelles l'infraction poursuivie constitue l'une des infractions les plus graves aux règles de concurrence ;
Considérant, en effet, qu'il n'est, ni contesté, ni contestable, que l'infraction unique, complexe et continue constatée en l'espèce, déterminée à l'occasion de réunions secrètes et reposant aussi sur l'utilisation de noms de code destinés à préserver le caractère secret des échanges d'information intervenus, visait à permettre aux quatre entreprises en cause de fixer les prix des lessives standard en France, en s'accordant directement sur les prix de vente aux distributeurs, et en définissant en commun les règles promotionnelles ;
Qu'il ressort de l'évidence qu'il s'agissait ainsi d'un accord horizontal entre concurrents dont l'objet était de manipuler le prix des produits en cause au lieu de laisser celui-ci à la libre appréciation de chacun des concurrents dans le cadre d'une détermination autonome de sa politique commerciale et de son comportement sur le marché et qu'à l'instar des ententes visant à répartir les clients ou les marchés, ou encore à limiter la production, l'infraction en cause visait, par sa nature même, à modifier l'un des paramètres essentiels de la concurrence dans le secteur ;
Considérant, dès lors, que l'Autorité a porté une exacte appréciation sur la particulière gravité de la pratique poursuivie en relevant que celle-ci ne peut avoir pour but que de confisquer, au profit des auteurs de l'infraction, le bénéfice que les consommateurs, acheteurs de lessive, sont en droit d'attendre d'un fonctionnement concurrentiel de l'économie ;
Considérant qu'il n'est pas non plus sérieusement contesté que l'entente, même si elle n'a pas donné lieu à des représailles, s'est cependant accompagnée d'une surveillance effective du marché par les entreprises concernées, afin de leur permettre de s'assurer que les accords convenus étaient bien respectés ;
Considérant, par ailleurs, qu'au titre de l'appréciation de la gravité des pratiques, l'Autorité a seulement mais exactement relevé (paragraphes 595 à 597) que l'entente a été mise en œuvre en profitant d'un contexte juridique spécifique constitué par l'application de la loi dite Galland, en vigueur du 1er janvier 1997 au 1er janvier 2006, dans lequel le prix de gros mentionné sur facture - prix nets fournisseur - qui était déterminé par les lessiviers, servait de facto de prix de référence au-dessous duquel les distributeurs ne pouvaient pas vendre aux consommateurs finals ;
Considérant, en effet, ainsi que le constate la Décision, que les entreprises ayant participé à l'entente ont mis à profit cette disposition législative qui leur a permis d'instaurer, en pratique, un système de prix plancher pour les lessives standard qui n'a été rendu possible que dans la mesure où, dans le contexte de la loi Galland, les distributeurs se rémunéraient presque exclusivement sur les marges arrières qu'ils percevaient ;
Que cette transparence dans la négociation, pour un produit d'appel, a permis d'éviter une concurrence en prix pour les lessives standard au détail, les prix au détail étant mécaniquement indexés sur les prix de gros issus de la concertation entre les quatre lessiviers qui ne contestent pas sérieusement les données chiffrées mentionnées dans la Décision (paragraphe 597) démontrant le parallélisme entre prix de gros et prix de détail durant la durée des pratiques ;
Considérant, par ailleurs, qu'il importe peu que la Commission européenne, qui a poursuivi et sanctionné des pratiques distinctes, n'ait pas pris en compte les incidences de la loi Galland ;
Considérant, enfin, que Procter & Gamble se prévaut à tort d'une moindre gravité des faits pour ce qui la concerne en raison de l'évolution de la nature des pratiques poursuivies, dès lors qu'il a été rappelé que la pratique constatée constitue une infraction unique, complexe et continue, soit un seul et même ensemble de pratiques commises en commun par un ensemble de concurrents ayant eu un seul et même objet anticoncurrentiel pendant toute sa durée, à savoir un accord sur les prix, dont la gravité est nécessairement appréciée dans sa globalité ;
Considérant que, pour le même motif, cette requérante n'est pas non plus fondée à soutenir qu'au stade de l'appréciation de la gravité des faits, l'Autorité aurait dû prendre en compte, à le supposer démontré, son prétendu rôle de franc-tireur, comportement qui ne pourrait être apprécié qu'au titre d'une circonstance atténuante ;
Et considérant que les développements qui précèdent suffisent à établir que la Décision n'encourt, ni le reproche d'une appréciation de la gravité des pratiques qui n'aurait pas été conforme à l'exigence de proportionnalité imposée par les dispositions du troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ni le grief d'une prépondérance donnée au critère de la gravité par rapport au critère du dommage à l'économie, ces critères ayant bien, dans le cadre de la méthode mise en œuvre en application de son communiqué sanctions, et ainsi que cela ressort également des développements qui vont suivre, été appréciés par l'Autorité séparément et de manière autonome, dans l'ordre prévu par le Code de commerce ;
Que les moyens seront rejetés ;
En ce qui concerne le dommage à l'économie :
Considérant que l'Autorité a rappelé à bon droit (paragraphes 599 à 602 de la Décision) et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté :
- que l'importance du dommage causé à l'économie s'apprécie de façon globale pour l'infraction en cause c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants à la pratique sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chaque entreprise prise séparément ;
- que le critère légal constitué par l'importance du dommage causé à l'économie ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée par ces pratiques à l'économie ;
- que l'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause, de sorte que l'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée, y compris, comme c'est le cas en l'espèce, en cas d'entente ;
- que l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée, entre autres, par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des parties sur le secteur concerné, de sa durée, des conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné, les effets tant avérés que potentiels de la pratique pouvant être pris en considération à ce titre ;
Considérant que Henkel, P & G et Colgate Palmolive reprochent à l'Autorité de la concurrence d'avoir commis des erreurs de droit et des erreurs d'appréciation sur les caractéristiques du marché en cause, marqué par de nombreuses guerres des prix ainsi que par l'existence d'une forte pression concurrentielle de la part des marques distributeurs sur les lessives de milieu et entrée de gamme qui l'ont conduite à surévaluer l'importance du dommage à l'économie ;
Que, se fondant en particulier sur un rapport de RBB Economics, P & G soutient ainsi que l'Autorité de la concurrence n'est pas en droit de mettre en exergue la dimension géographique nationale de l'infraction pour apprécier valablement le dommage à l'économie qui a, de la sorte, été "comptabilisé" deux fois, une première fois au niveau de la valeur des ventes retenues et une seconde fois dans le cadre de la détermination du coefficient appliqué à ces ventes ; que cette requérante affirme également que la Décision n'a pas suffisamment pris en compte certaines circonstances ou caractéristiques du marché en cause ressortant du rapport de RBB Economics et, en particulier :
- de la "dynamique concurrentielle" observée à court terme sur le marché des lessives qui est incompatible avec la situation concurrentielle "statique" requise pour permettre de constater un effet significatif des accords en cause sur le marché ;
- de la complexité du marché en cause, caractérisé par un nombre élevé de produits, ce qui rend plus difficile le respect de l'entente par ses participants ;
- de l'importance de la "guerre des prix", notamment à la fin de 2001, qui a été à l'origine d'une baisse des prix de plus de 8 % sur une période de 6 mois ;
- de l'évolution du choix des consommateurs, qui se dirigent désormais, d'une part, vers les nouveaux formats liquides et tablettes plutôt que vers les lessives en poudre et, d'autre part, vers des petits conditionnements qui représentent une charge financière moindre ;
- de la réduction progressive du prix moyen des lessives ;
- dans la plupart des cas, de la non mise en œuvre des accords d'écart d'indices et de remises maximales, accords sur lesquels la Décision ne peut ainsi se fonder pour en faire la cause d'un dommage substantiel à l'économie ;
Que, pour sa part, Henkel reproche plus spécialement à la Décision :
- qu'alors qu'elle n'avait constaté un surprix que pour les lessives haut de gamme, de ne pas avoir procédé à une minoration de l'appréciation de l'importance du dommage à l'économie qui devait en résulter ;
- de ne pas avoir tenu compte de l'entrée en vigueur de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, qui a conduit à une baisse générale des prix ;
- d'avoir négligé l'impact de la loi Galland, dont l'application a conduit en France à une augmentation générale du prix des produits de grande consommation ;
Considérant que, de son côté, Procter & Gamble reproche à l'Autorité de ne pas avoir procédé à un calcul du montant de base de la sanction prenant en considération, d'une part, la difficulté technique rencontrée par les lessiviers pour encadrer effectivement les promotions et, d'autre part, le fait que le dommage causé à l'économie n'avait pas connu la même intensité, en particulier avant la période de suspension de la pratique, au cours de laquelle il n'y avait pas d'entente sur les promotions et après la suspension ;
Considérant, cependant, que les moyens développés par les requérantes ne sont pas de nature à remettre en cause la pertinence des appréciations de l'Autorité (paragraphes 604 à 635 de la Décision) sur l'évaluation du dommage causé à l'économie de l'Autorité qui, dans le cadre qui vient d'être rappelé et conformément aux exigences qui s'imposent à elle, a exactement qualifié ce dommage de certain et ce, alors que l'Autorité a bien pris en considération par ailleurs les éléments mis en exergue par les entreprises poursuivies pour prétendre tempérer l'importance du dommage causé à l'économie ;
Considérant, en premier lieu, sur l'ampleur de l'infraction, qu'il suffit de renvoyer aux développements de la Décision procédant des constatations objectives et concrètes reposant sur le dossier sauf à rappeler, en synthèse :
- que les pratiques ont visé l'ensemble du territoire national, l'accord sur les prix étant conclu au niveau de chaque filiale française des quatre lessiviers par leurs quatre directeurs commerciaux France, étant observé qu'il ne peut être utilement contesté que la couverture géographique des pratiques constitue un élément particulièrement pertinent pour apprécier l'importance du dommage causé à l'économie et qui, par surcroît, dans le cadre de la méthode de détermination des sanctions résultant du communiqué sanctions, n'entraîne pas une double "comptabilisation" par rapport à la valeur des ventes, laquelle a pour seule fonction de servir d'assiette à la sanction ;
- que ces pratiques étaient en relation avec l'ensemble des types de lessives standard à destination du grand public, indifféremment de leur positionnement en termes de prix (haut, milieu ou bas de gamme), de leur format et de leur conditionnement (poudre, liquide, etc.) ;
- que l'infraction concernait un bien de consommation courante indispensable aux ménages français, dont la valeur annuelle des ventes - 1,1 milliard d'euros en 2007 - est particulièrement importante qui constitue par ailleurs un produit d'appel pour la grande distribution, susceptible de faire l'objet de promotions fréquentes ;
- qu'à l'époque de la commission des pratiques, les quatre fabricants de lessives représentaient la majorité de l'offre des lessives standard en France, que celle-ci soit considérée en volume ou en valeur, cette constatation reposant sur des données objectives transmises par les quatre lessiviers dont il résulte que leur part de marché cumulée, en revenu, des ventes de lessives standard à destination du grand public en France a varié entre 87 % et 95 % ;
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, une telle part de marché cumulée est bien, comme l'affirme la Décision, de nature à avoir assuré une stabilité particulière à l'entente et donc à en avoir conforté son incidence sur le secteur en cause ;
Que, par ailleurs, l'Autorité a écarté à juste titre les objections des requérantes, renouvelées devant la cour, fondées sur une analyse économique sur les caractéristiques propres du secteur considéré des lessives dont il pourrait ressortir, en substance, d'une part, que la volatilité des parts de marché, sur le très court terme, soit d'un mois sur l'autre, a entravé significativement la mise en œuvre effective de l'entente, dans la mesure où une variation minime de parts de marché entraîne des fluctuations de chiffre d'affaires importantes et, d'autre part, que la concurrence des marques de distributeurs est à même d'avoir substantiellement limité les effets de l'entente ;
Considérant, ainsi que l'a relevé l'Autorité, qu'à la supposer avérée, cette volatilité serait uniquement de nature à minimiser les éventuelles conséquences dommageables de la pratique, mais pas à remettre en cause le caractère certain du dommage causé à l'économie ;
Considérant, en effet, qu'il ne peut être utilement contesté que cette volatilité, dont il est allégué qu'elle intervient sur le court terme, n'affecte pas la stabilité sur le long terme de la part de marché cumulée des quatre fabricants de lessives, qui, ainsi que cela vient d'être rappelé, est demeurée particulièrement élevée ;
Qu'ainsi que le constate la Décision, pendant la période de commission des pratiques, seule Procter & Gamble a connu une baisse sensible de sa part de marché qui, pour l'essentiel, résulte, non du fonctionnement général du secteur ou de l'entente mais de l'échec de sa politique commerciale "New Way" qui s'est traduite par une réduction d'environ 5 % de sa part de marché individuelle ;
Que l'Autorité, qui a également analysé les caractéristiques particulières du secteur considéré en ce qui concerne la concurrence des marques de distributeurs, dans un contexte marqué par le fait que la part de marché individuelle des quatre lessiviers a connu, sur la période postérieure à la reprise des pratiques, en 2001, une relative érosion, qui s'est en effet effectuée au profit des marques de distributeurs, a pertinemment relevé :
- que cette concurrence s'exerce principalement à l'égard des lessives "bas de gamme", pour lesquels les consommateurs sont particulièrement sensibles au prix ;
- que cette concurrence n'a pu ainsi entraîner qu'une atténuation relative des conséquences négatives des pratiques, car elle est restée limitée aux seuls produits "bas de gamme" pour lesquels les effets des pratiques ont été moins sensibles ;
Considérant, en deuxième lieu, sur les caractéristiques économiques objectives du secteur considéré de nature à influer sur les conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques, en cause, que la cour renvoie purement et simplement aux développements de la Décision qui suffisent à établir que l'Autorité a bien tenu compte de l'existence de barrières à l'entrée, de l'élasticité-prix des produits en relation avec l'infraction et de la nature de la concurrence entre les entreprises en cause ;
Considérant que, sur ces points, l'Autorité a exactement répondu aux objections de Procter & Gamble sur la prétendue "complexité" du secteur qui résulterait de l'existence d'un très grand nombre de produits différenciés - multiples marques, conditionnements et formats - dont les prix sont fixés indépendamment les uns des autres, ce qui empêcherait toute collusion d'être effective et en limiterait donc les effets ;
Considérant, en effet, que l'Autorité observe à juste titre que la "complexité" invoquée n'est pas aussi marquée que Procter & Gamble le prétend et n'est, en tout état de cause, pas de nature à faire obstacle au jeu de l'entente de la manière alléguée par l'intéressée, dès lors, en synthèse :
- d'une part, que le dossier révèle que l'entente elle-même prenait en compte la diversité des produits offerts sur le secteur qui n'était un véritable obstacle, ni à sa conclusion, ni à sa mise en œuvre, ni à sa surveillance, toutes les marques et tous les formats de lessives étant concernés par la pratique et le niveau de prix étant détaillé et convenu marque par marque, indépendamment du nombre de produits concernés : l'accord alignait les prix pour les formats classiques dits "fond de rayon", autant que pour les conditionnements promotionnels qui pouvaient être de commercialisation ponctuelle ;
- d'autre part, que si la variété des lessives vendues est très importante, il ressort néanmoins de l'examen empirique des ventes réalisées qui ne peut être utilement contesté que la majorité des ventes se concentre sur un nombre réduit de produits pour chaque fabricant et que les efforts de surveillance pouvaient ainsi porter sur quelques produits clés ;
Considérant, enfin, qu'il est vrai que le marché des lessives se caractérise par des barrières à l'entrée liées au fait que la fabrication de lessives nécessite des investissements financiers très importants, notamment en raison des fortes contraintes réglementaires issues de la protection de l'environnement ainsi que des importants investissements nécessités par les marques auxquelles la plupart des consommateurs sont attachés ;
Considérant, cependant, qu'il n'en demeure pas moins que, contrairement à ce qui est soutenu, ces barrières à l'entrée sont de nature à amplifier les conséquences dommageables des pratiques constatées, dès lors que, concomitamment, ainsi que le constate l'Autorité, ces entraves ainsi apportées à l'entrée sur le marché réduisent fortement l'éventualité d'entrée de nouveaux offreurs sur le marché, de sorte qu'au cas d'espèce, alors que le jeu de la concurrence s'exerçait de manière quasi-exclusive entre les quatre fabricants de lessives auteurs de la pratique, ceux-ci lui ont précisément substitué une forme de collusion ;
Considérant, en troisième lieu, sur la nature de la concurrence entre les entreprises en cause et les éventuelles incidences des comportements dits de "guerre des prix" auxquels se sont livrés les auteurs des pratiques que, contrairement à ce qu'affirment les requérantes, la Décision a bien pris en compte l'existence de ces comportements occasionnels et temporaires survenus durant la période d'infraction et en dépit de l'entente, peu important, par ailleurs l'interprétation donnée à ces pratiques par les requérantes ;
Considérant, en effet, que l'Autorité a exactement constaté que si ces "guerres des prix" ont pu temporairement réduire l'impact concret des pratiques et ainsi atténuer l'importance du dommage causé à l'économie, cette atténuation n'était cependant pas pour autant substantielle, dès lors que ces guerres de prix temporaires, au moins constatées pour la vente de lessives standard "haut de gamme", ont conduit à des baisses de prix relativement peu sensibles, la Décision se référant avec pertinence à une comparaison avec l'ampleur de la guerre de prix qui a eu lieu, entre les fabricants de lessives, après la fin des pratiques, dans le courant du premier semestre 2005 et que, dans ces conditions, l'existence de ces épisodes temporaires n'est pas en soi de nature à remettre en cause les effets globaux de l'entente sur le reste du secteur ;
Considérant, enfin, que les développements de la Décision (paragraphes 623 à 625) consacrés à la différence de sensibilité de la demande au prix, ou élasticité - prix des lessives standard en fonction de leur positionnement "haut de gamme", "moyen de gamme" ou "bas de gamme - élasticité - prix forte pour les lessives standard "moyen de gamme" et "bas de gamme" - suffisent également à démontrer que l'Autorité a bien pris en compte ces données économiques pour relativiser l'effet de la pratique pour les produits relevant de ces deux catégories de la demande au prix et en conclure que ceci est de nature à tempérer l'importance du dommage causé a l'économie ;
Considérant, en dernier lieu, que l'Autorité a bien par des appréciations pertinentes que la cour adopte (paragraphes 626 à 634), constaté de façon directe et certaine les conséquences conjoncturelles et structurelles des pratiques dénoncées, dès lors que les quatre fabricants de lessives ont déterminé leur politique de fixation de prix en fonction des prix convenus lors des réunions de concertation litigieuses et non de façon autonome et indépendante les uns des autres, ce qui a, en soi, emporté une forte réduction de l'intensité de la concurrence pendant la période de collusion, étant observé que cette réduction de la concurrence qui, ainsi que cela a été exposé dans les développements qui précèdent a, en raison des incidences des mécanismes de la loi Galland, qui ont permis une consolidation des pratiques, touché tout autant les prix de gros nets que ceux de détail ;
Considérant que, s'agissant spécialement de la constatation de surprix, la cour renvoie aux développements de la Décision (paragraphes 629 à 634) dont il ressort que, sur la base des données fournies par Procter & Gamble dans l'étude économique annexée à ses observations en réponse à la notification des griefs, l'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer les effets réels des pratiques en cause, a seulement mis en évidence, à titre d'exemple, et sans qu'il puisse ainsi lui être reproché d'avoir pour autant surestimé l'importance du dommage à l'économie, une estimation indicative de surprix pour les lessives "haut de gamme" et qu'elle a, ensuite, répondu par des motifs pertinents aux objections tirées d'une seconde étude économique présentées par la requérante ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
En ce qui concerne la prise en compte de la situation individuelle de chaque entreprise :
Considérant que Henkel reproche à l'Autorité de n'avoir pas tenu compte de sa position limitée sur le marché français des lessives standard qui se caractérise à la fois par un chiffre d'affaires sur le secteur considéré plus réduit que celui réalisé par P & G et Unilever et, par comparaison avec ces deux entreprises, par une plus faible part de marché sur les lessives haut de gamme ; que cette requérante fait également grief à l'Autorité de ne pas avoir pris en considération son rôle limité au sein de l'entente sanctionnée caractérisé par le leadership de P & G et Unilever ; que Henkel reproche enfin à l'Autorité d'avoir refusé de rendre obligatoire sa proposition d'engagements relative à la mise en œuvre d'un programme de conformité et, également, de lui avoir refusé le bénéfice, à ce titre, d'une circonstance atténuante ;
Que, pour sa part, P & G conteste l'application à son encontre d'un taux d'aggravation de l'amende de 25 % au titre de la taille du groupe auquel elle appartient et de sa puissance économique, alors que ce critère d'aggravation de la sanction, qui n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce, contrevient par surcroît aux exigences découlant des principes du contradictoire, de non-rétroactivité de la loi pénale et de proportionnalité des sanctions ; qu'en outre, la requérante souligne que ce critère a été mis en œuvre sans qu'elle ait été mise en mesure de prévoir son application et lui a au surplus été appliqué de manière discriminatoire par rapport aux autres entreprises parties à l'infraction ; qu'en effet, selon la requérante, la Décision a introduit une nouvelle grille d'analyse sur laquelle P & G n'avait pas été invitée à s'exprimer et qu'elle ne pouvait anticiper au regard de la pratique décisionnelle de l'époque, ce d'autant que la Décision constitue la première application du communiqué sanctions ; que P & G reproche enfin à l'Autorité d'avoir commis une erreur dans l'appréciation des circonstances atténuantes au regard de son comportement pendant le déroulement des pratiques, alors pourtant qu'elle a tout fait pour éviter une réitération et que son effort de "compliance" aurait dû être pris en compte à ce titre ;
Que, de son côté, Colgate Palmolive reproche à l'Autorité d'avoir porté atteinte au principe d'individualisation des sanctions en ne prenant en considération que sa seule part de marché, sans égard au fait qu'à la différence de ses trois concurrents, elle était absente du segment des lessives haut de gamme - "premium" - et n'était présente que sur les deux autres segments du marché des lessives standards, à savoir les lessives "milieu de gamme" et "bon rapport qualité prix", soit le "bas de gamme" ; que la requérante précise, par surcroît, que les deux tiers de ses ventes réalisées lors de la dernière année de participation à l'entente étaient concentrés sur le segment "bon rapport qualité prix" et fait précisément valoir, à ce sujet :
- que l'élasticité de la demande en fonction du prix étant faible sur le segment "premium" et forte sur le bas de gamme, cette situation a eu pour résultat de la priver de toute possibilité de tirer parti du surprofit résultant de la pratique, qui a été évalué par l'ADLC à 4 et 6 % sur le seul segment "Premium'' ;
- que son absence sur ce segment l'a plus que les autres parties à l'entente exposée ensuite à la pression concurrentielle des marques de distributeurs, qui n'ont cessé de gagner des parts de marché à son détriment ;
- qu'en se fondant sur sa part de marché pour calculer le montant de base de la sanction et en prenant ainsi en compte, du fait son absence du segment premium, une valeur des ventes moindre que celle de ses concurrents, l'Autorité ne se conforme pas à l'exigence d'individualisation de la sanction ;
Que cette requérante conteste également le principe même de l'application par l'Autorité d'une majoration du montant de base de la sanction en raison de son appartenance à un groupe de dimension internationale au motif :
- que dans le cadre de la poursuite et de la répression d'une pratique anticoncurrentielle, il ne peut être tenu compte d'éléments relatifs à la situation individuelle de l'entreprise en cause qui n'ont de lien, ni avec les moyens réellement mis en œuvre par cette entreprise pour commettre l'infraction, ni avec la dimension géographique du territoire où été constatés ses effets anticoncurrentiels ;
- que l'application de cette majoration à des fins de dissuasion est inutile alors qu'elle a déjà été prise en compte au niveau de l'évaluation du dommage à l'économie ;
- que, par comparaison avec les autres auteurs de l'infraction, l'Autorité a attribué à tort une importance "particulière" au groupe Colgate Palmolive ;
Que Colgate Palmolive affirme encore que les services d'instruction ayant omis de lui communiquer les éléments précis, au besoin chiffrés, lui permettant de présenter utilement sa défense contre l'application de la majoration du montant de base qui est ainsi intervenue en violation du principe du contradictoire et qu'à supposer la procédure régulière, la majoration n'en est pas moins disproportionnée et contraire au principe d'égalité en considération du montant de la majoration infligée à Unilever et à Procter & Gamble dont le chiffre d'affaires est très supérieur au sien ;
Que cette requérante reproche enfin à l'Autorité de ne pas avoir pris en compte la mise en place d'un programme de conformité dès 2006 au titre de l'individualisation de la sanction ;
Considérant, cependant, sur les conséquences attachées à l'appartenance à un groupe, qu'afin d'assurer le caractère à la fois proportionné et dissuasif de la sanction, l'Autorité peut, en application des dispositions précitées de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ainsi qu'elle l'a fait en l'espèce, tenir compte de l'appartenance de l'entreprise concernée à un groupe disposant d'une taille ou d'une puissance économique importante au titre des éléments d'individualisation de la sanction ;
Considérant que, concernant spécialement l'application sur ce point du communiqué sanctions (point 49), il a été précisé dans les développements qui précèdent, auxquels la cour renvoie, que la méthode décrite dans ce texte, en ce qu'elle est exclusivement fondée sur les différents éléments énoncés par le Code de commerce, s'inscrit bien, sans le modifier, dans le cadre légal existant et que, dès lors, le communiqué ne constitue pas, contrairement à ce que sous-entend P & G, un texte à valeur normative susceptible de comporter des dispositions plus sévères que les dispositions du Code de commerce en vigueur et d'encourir le reproche de violation du principe du contradictoire et de non-rétroactivité de la loi pénale ;
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, les requérantes ont été mises en mesure de présenter leurs observations sur l'éventualité d'une majoration de la sanction au titre de l'appartenance à un groupe puisque le rapport complémentaire du 17 juillet 2011 identifie cet élément en se référant au point 49 du communiqué sanctions et, surtout, en renvoyant aux chiffres d'affaires tels que consolidés au niveau des groupes de ces entreprises ;
Considérant que, P & G n'est pas non plus en droit d'invoquer une application discriminatoire à son encontre du critère dont s'agit, par comparaison avec la sanction infligée à d'autres entreprises, dès lors qu'en application des dispositions précitées du Code de commerce, les sanctions sont déterminées par l'Autorité, pour chaque entreprise, en fonction d'un ensemble d'éléments de droit ou de fait particuliers ainsi que d'un ensemble d'appréciations nécessairement différentes d'une entreprise à l'autre ;
Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour observe que le grief tenant à un traitement inégalitaire est dépourvu de pertinence alors que les développements de la Décision suffisent à établir que l'Autorité a procédé à l'augmentation légalement permise au titre de l'appartenance à un groupe en se fondant sur des données chiffrées objectives constituées par le chiffre d'affaires global de chaque entreprise ;
Considérant que les entreprises sanctionnées ne sont pas non plus fondées à mettre en exergue leur poids respectif sur le secteur considéré des lessives ou encore les spécificités des produits ou gammes de produits offerts à la consommation par rapport aux autres participants à l'entente dès lors, ainsi que l'a rappelé à bon droit la Décision (paragraphe 662), que le poids relatif de chaque entreprise participant à l'infraction sur le secteur visé a d'ores et déjà été pris en compte au stade de la détermination de l'assiette de la sanction qui, au cas d'espèce, est constituée par la valeur des ventes de lessives standard à destination du grand public réalisée par chacune des contrevenantes, soit le chiffre d'affaires réalisé en relation avec les produits concernés ;
Considérant que la Décision déférée n'encourt également aucune critique en ce qu'elle a refusé de tenir compte de la proposition de Henkel tendant à la mise en place d'un programme de conformité aux règles de concurrence (paragraphes 667 à 673) au titre d'une "circonstance atténuante" en sa faveur, dès lors qu'il ressort de l'évidence que l'instauration d'un programme de conformité pendant la phase préliminaire d'enquête ou la procédure d'instruction ne peut avoir d'impact sur la sanction de faits antérieurs à sa mise en œuvre qui, à l'opposé, auraient pu précisément être évités si une telle initiative était intervenue plus tôt ;
Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour relève que l'Autorité a utilement rappelé qu'à la différence de la procédure de non-contestation des griefs, elle n'avait de toute façon pas la possibilité, dans le cadre d'une procédure de clémence, en l'état des textes, de rendre obligatoire l'engagement de mise en place d'un programme de conformité et d'en assurer le suivi destiné à en vérifier la mise en œuvre ;
Considérant que si Colgate Palmolive a, de son côté, mis en œuvre des mesures de conformité - soit la diffusion d'un code de conduite consacrant des développements aux règles de concurrence, l'institution d'un système d'alerte interne à l'entreprise et l'organisation des formations à destination de son personnel - l'Autorité était cependant en droit de refuser de la même façon de prendre en compte ces mesures au titre d'une prétendue "circonstance atténuante" bénéficiant à cette entreprise ;
Qu'en effet, cette mise en œuvre est intervenue à partir de 2006, postérieurement à la date de la fin de la participation de l'intéressée à l'entente en cause qui a été constatée au mois de septembre 2003, dans des conditions telles que les mesures de conformité sont nécessairement dépourvues d'impact sur la sanction de faits antérieurs à leur mise en œuvre ;
Considérant, enfin, que l'Autorité, qui a pris en compte la période de suspension de l'entente pour déterminer le montant de la sanction (paragraphes 637 à 644 de la Décision), n'était pas tenue de rechercher par surcroît, au titre d'une circonstance atténuante, le soi-disant comportement de franc-tireur ayant contribué à cette suspension que s'attribue, sans le démontrer, Procter & Gamble ;
Considérant, enfin, qu'est également sans emport, dans le cadre de la détermination de la sanction de Henkel, le rôle de simple suiveur au sein de l'entente qui est revendiqué, au demeurant sans l'établir, par cette entreprise ;
Considérant que les dispositions de la Décision déférée (paragraphes 661 à 701) qui ont successivement examiné la situation individuelle de chacune des requérantes et déterminé, avant de mettre en œuvre les dispositions du IV de l'article L. 464-2, le montant de la sanction pécuniaire encourue, en procédant à la vérification du maximum légal applicable, n'encourent ainsi aucune critique ;
Que les moyens doivent être rejetés ;
En ce qui concerne l'application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce :
Considérant que le IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose :
"Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ou l'administration ne disposaient pas antérieurement. A la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, l'Autorité de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou à l'organisme et au ministre, et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, l'Autorité peut, si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction subordonne la mise en œuvre de la procédure de clémence a deux conditions générales tenant, d'une part, à ce que le demandeur de clémence ait avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les articles L. 420-1 de ce Code et 101 du TFUE et, d'autre part, à ce que l'intéressé ait contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ne disposait pas antérieurement" ;
Considérant qu'au regard des moyens soutenus par les requérantes en ce qui concerne l'application par l'Autorité de ces dispositions à leur encontre, il convient également rappeler les principales énonciations du communiqué de procédure du 17 avril 2007 relatif au programme de clémence français applicable à la présente affaire dans lequel le Conseil de la concurrence a précisé la manière dont il mettait en œuvre les dispositions du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce :
"(...) 8. Afin d'encourager les entreprises à coopérer avec les autorités de concurrence, dans le cadre défini au point 8, le Conseil accordera une exonération totale des sanctions pécuniaires encourues en cas de violation des articles L. 420-1 du Code de commerce et, le cas échéant, de l'article 81 du traité CE à toute entreprise qui, la première, formule une demande de clémence et qui satisfait aux conditions énoncées aux III.1, A ou B, et IV ci-dessous. Dans les autres cas, le Conseil pourra également accorder une exonération partielle des sanctions pécuniaires à toute entreprise qui formule une demande de clémence et qui satisfait aux conditions énoncées aux III.2 et IV ci-dessous.
III - Conditions d'éligibilité
III.1 - Exonération totale de sanctions pécuniaires (ci-après "cas de type 1")
A - Cas dans lequel le Conseil ou l'Administration ne dispose pas d'informations sur l'entente présumée (ci-après "cas de type 1 A")
12. Le Conseil accordera le bénéfice conditionnel d'une exonération totale des sanctions pécuniaires à toute entreprise qui fournit, la première, aux autorités de concurrence françaises (Conseil ou Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ci-après la "DGCCRF") des informations et des éléments de preuves de l'existence d'une entente si les deux conditions suivantes sont réunies :
- ces autorités ne disposaient pas antérieurement d'informations et d'éléments.
13. Afin de remplir la seconde condition énoncée au paragraphe précédent, l'entreprise doit au minimum fournir, par écrit ou oralement :
- le nom et l'adresse de l'entité juridique sollicitant l'exonération totale ;
- le nom et l'adresse des autres participants à l'entente présumée ;
- une description détaillée de l'entente présumée, qui doit préciser notamment la nature et l'usage des produits en cause, les territoires sur lesquels les pratiques en cause sont susceptibles de produire des effets, la nature de ces pratiques et une estimation de leur durée de mise en œuvre, et
- des informations sur toute demande de clémence relative à l'entente présumée qu'elle a adressée ou prévoit d'adresser à d'autres autorités de concurrence, ainsi que les éléments de preuve documentaires ou de toute autre nature en sa possession ou dont elle peut disposer au moment de sa demande, qui peuvent par exemple consister en des informations permettant d'identifier les lieux, les dates et l'objet des contacts ou des réunions entre les participants à l'entente présumée.
B - Cas dans lequel le Conseil ou l'Administration dispose déjà d'informations sur l'entente présumée (ci-après "cas de type 1 B")
14. Dans l'hypothèse où le Conseil ou la DGCCRF dispose déjà d'informations relatives à l'entente présumée, le Conseil accordera le bénéfice conditionnel d'une exonération totale de sanctions pécuniaires si les trois conditions suivantes sont réunies :
- l'entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l'avis du Conseil, sont suffisants pour lui permettre d'établir l'existence d'une infraction à l'article L. 420-1 du Code de commerce et, le cas échéant, à l'article 81 du traité CE caractérisant l'existence d'une entente ;
- au moment de la demande, le Conseil ou l'Administration ne disposait pas d'éléments de preuve suffisants pour lui permettre d'établir l'existence d'une infraction à l'article L. 420-1 du Code de commerce et, le cas échéant, à l'article 81 du traité CE caractérisant l'existence d'une entente, et
- aucune entreprise n'a obtenu d'avis conditionnel d'exonération totale de type 1 A pour l'entente présumée.
III.2 - Exonération partielle de sanctions pécuniaires (ci-après "cas de type 2")
15. Les entreprises qui ne remplissent pas les conditions prévues dans les cas de type 1 A ou 1 B peuvent toutefois bénéficier, sous certaines conditions, d'une exonération partielle des sanctions pécuniaires.
16. Afin de prétendre à une telle exonération, une entreprise doit fournir au Conseil des éléments de preuve de l'existence de l'entente présumée apportant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve dont le Conseil ou l'Administration dispose déjà. La notion de valeur ajoutée vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou par leur niveau de précision, la capacité du Conseil ou de l'Administration à établir l'existence de l'entente présumée. En principe, le Conseil estimera notamment que :
- les éléments de preuve écrits contemporains de l'entente présumée ont une valeur supérieure aux éléments établis ultérieurement ;
- les éléments de preuve à charge se rattachant directement aux faits en cause ont une valeur supérieure aux éléments s'y rapportant indirectement, et
- les éléments de preuve incontestables ont une valeur supérieure aux éléments devant être corroborés en cas de contestation.
17. Pour déterminer le niveau d'exonération des sanctions pécuniaires auquel une entreprise peut prétendre, le Conseil prendra en compte le rang de la demande, le moment où elle a été présentée et le degré de valeur ajoutée significative que les éléments de preuve fournis par cette entreprise ont apporté.
18. Par ailleurs, si l'entreprise qui présente la demande fournit des preuves incontestables permettant au Conseil d'établir des éléments de fait supplémentaires ayant une incidence directe sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires infligées aux participants à l'entente, cette contribution supplémentaire sera prise en compte dans la détermination individuelle de la sanction qui pourra faire l'objet d'une exonération partielle.
19. L'exonération partielle des sanctions pécuniaires accordée à une entreprise ayant apporté une valeur ajoutée significative ne saurait en principe excéder 50 % du montant de la sanction qui lui aurait été imposée si elle n'avait pas bénéficié de la clémence."
I Sur la situation de Henkel
Considérant que Henkel reproche tout d'abord à l'Autorité d'avoir commis une erreur d'appréciation en lui refusant le bénéfice d'une exonération totale de sanction, alors pourtant :
- qu'elle est la première entreprise à avoir révélé l'ensemble des pratiques d'ententes, qu'elles aient été décidées au niveau européen ou au niveau français, relatives aux prix et aux promotions des lessives commercialisées en grande distribution en France ;
- que Unilever, première demanderesse de clémence devant l'Autorité et qui a bénéficié d'une exonération totale de sanction, a délibérément tardé à fournir les éléments dont elle disposait sur le niveau européen de l'entente et que, par surcroît, non seulement cette entreprise n'a jamais contredit les déclarations mensongères de ses dirigeants et anciens dirigeants à ce sujet mais encore se serait abstenue de transmettre à l'Autorité les pièces du dossier en rapport avec l'infraction européenne en sa possession alors que le communiqué de procédure du 17 avril 2007 relatif au programme de clémence lui en fait pourtant l'obligation ;
Que la requérante fait encore grief à l'Autorité de ne pas avoir fait application du point 18 de son communiqué du 17 avril 2007 en diminuant la sanction, dans la mesure où elle lui avait permis, à partir des éléments matériels qui lui ont été fournis, d'établir l'existence de l'entente entre le 18 septembre 1997 et le mois d'octobre 1998 puis entre le 2 novembre 1999 et le 1er janvier 2001 ;
Que Henkel reproche ensuite à l'Autorité d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en lui reprochant d'avoir manqué à son devoir de coopération en rendant plus difficile la caractérisation des pratiques et en retardant sans justification la procédure par sa tentative de démonstration de l'existence d'une infraction unique, complexe et continue constituée par l'entente au niveau européen et français, en faisant valoir qu'elle n'a eu accès que le 11 janvier 2011 à la lettre de la Commission du 22 avril 2010 opérant le partage de l'affaire et alors que les rapporteurs avaient déjà caractérisé les faits ; qu'elle souligne que les seules démarches entreprises après la prise de connaissance de cette lettre sont constituées par la présentation d'observations en réponse au rapport le 28 mars 2011, par la présentation d'observations en réponse au rapport complémentaire le 8 septembre 2011 ainsi que par la saisine du conseiller auditeur le 11 mars 2011, qui ne peuvent constituer ainsi des manquements à son devoir de coopération ; que la requérante précise, par surcroît :
- que les affirmations de l'Autorité sont contredites, tant par les services d'instruction qui ont eux-mêmes demandé à la Commission européenne les pièces de son dossier afin d'examiner si elles pouvaient contribuer à établir l'existence d'une infraction européenne, que par le conseilleur auditeur qui a constaté que "le service de l'instruction de l'Autorité a pris les mesures appropriées pour assurer le respect des droits de la défense" ;
- que, tant la jurisprudence communautaire que la pratique décisionnelle de la Commission européenne doivent conduire à admettre que l'expression par un demandeur de clémence d'un point de vue divergent au cours de la procédure est sans incidence sur l'appréciation du respect ou du non-respect de son devoir de coopération, s'agissant spécialement au cas d'espèce de l'existence et de la qualification juridique d'une infraction unique, complexe et continue qui soulèvent des questions juridiques complexes ;
Que Henkel soutient, enfin, que l'Autorité a également commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas une réduction de sanction à hauteur de 50 %, alors pourtant que le point 19 du communiqué de procédure du 17 avril 2007 permet au demandeur de clémence qui ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une immunité d'amende, de bénéficier néanmoins d'une telle réduction en cas de "valeur ajoutée significative" de sa coopération ; qu'en l'espèce, précisément, l'Autorité de la concurrence qui, selon la requérante, reconnaît une telle valeur ajoutée significative de sa coopération, ne tire cependant pas les conséquences de ses propres constatations en ne lui accordant pas une réduction de 50 % équivalente à celle accordée par la Commission européenne à P & G, deuxième demandeur de clémence, en précisant, par surcroît, que le taux de réduction de 25 % dont elle a bénéficié est identique à celui de Unilever occupant pourtant le 3ème rang des demandeurs de clémence dans le cadre de la procédure suivie devant la Commission ;
Considérant, cependant, que, contrairement à ce qui est soutenu, les développements de la Décision consacrés à l'application à Henkel des dispositions précitées du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce (paragraphes 724 à 743) suffisent à établir que c'est sans commettre les erreurs d'appréciation qui lui sont imputées que l'Autorité a fixé le taux de réduction de la sanction encourue par Henkel à 25 %, soit un chiffre compris dans la fourchette envisagée par l'avis de clémence concernant cette dernière, en retenant que, si Henkel avait présenté des pièces ayant une valeur ajoutée significative (paragraphes 726 à 729 de la Décision auxquels la cour se réfère), cette entreprise n'avait cependant pas pleinement respecté les obligations attachées au devoir de coopération qui lui incombaient en sa qualité d'entreprise ayant demandé et obtenu le bénéfice de la clémence à titre conditionnel ;
Considérant que la Décision, procédant à une juste analyse des conditions fixées par l'avis de clémence, a exactement pris en compte, les particularités de la procédure suivie en l'espèce, qui est caractérisée par la coexistence des différentes demandes de clémence de Henkel formées auprès de la Commission européenne et de l'Autorité qui ont conduit ces deux autorités à s'interroger de façon quasi-simultanée sur les conditions d'ouverture d'une procédure et, le cas échéant, sur le champ de la ou des pratiques appelées à faire l'objet de cette procédure ;
Considérant, ainsi que le relève à juste titre la Décision, que pendant la période au cours de laquelle sont intervenus des échanges sur ces divers points entre la Commission européenne et l'Autorité, Henkel était en droit de faire connaître sa position à ce sujet à l'Autorité et que ses démarches alors entreprises auprès des services d'instruction pour appuyer son point de vue peuvent être considérées comme entrant dans le cadre de l'exercice de ses droits de la défense ;
Considérant, en revanche, que le courrier précité du 22 avril 2010 de la Commission européenne aux termes duquel cette institution confirmait aux services d'instruction de l'Autorité que sa décision d'ouverture de procédure du 21 décembre 2009 ne portait pas sur les pratiques visées par les griefs notifiés à Henkel et n'aboutissait pas à dessaisir l'Autorité de ces pratiques - lettre dont Henkel a pu prendre connaissance dans le cadre de son droit d'accès au dossier de l'Autorité - dissipait toute incertitude sur le champ respectif des procédures ouvertes au niveau européen et au niveau national ;
Considérant, cependant, que Henkel, alors pourtant qu'elle avait pris alors connaissance de la position dépourvue d'ambiguïté de la Commission européenne a, dans ses observations en réponse au rapport et au rapport complémentaire relatif aux éléments susceptibles d'influer sur la détermination de la sanction pouvant être infligée par l'Autorité, continué à indiquer aux services d'instruction, d'une part, qu'il leur incombait de prouver l'absence d'unité entre les pratiques parallèlement examinées par la Commission européenne et par l'Autorité ou de pratique complexe et continue englobant l'une et l'autre de ces deux pratiques et, d'autre part, qu'elle était en tout état de cause la première à avoir porté à la connaissance de l'Autorité l'existence d'une "dimension européenne" de l'entente ou de "liens" méritant une réduction de sanction supérieure à celle prévue par l'avis conditionnel de clémence du 21 janvier 2009 ;
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, c'est à bon droit que la Décision qui a observé à raison qu'à ce moment-là, au moins une autre des entreprises poursuivies avait renoncé à faire valoir que l'Autorité n'était plus compétente pour traiter l'affaire dont elle aurait été dessaisie au profit de la Commission européenne, a relevé qu'à ce stade, le comportement de Henkel tel qu'il vient d'être décrit n'était plus justifiable ; qu'en effet :
- d'une part, la lettre de la Commission européenne avait définitivement confirmé que la procédure conduite par l'Autorité en relation avec des pratiques d'ententes entre fabricants sur la fixation des prix et des promotions sur le marché français pouvait se poursuivre indépendamment de la procédure menée par la Commission européenne au sujet de pratiques distinctes d'ententes entre fabricants en marge du processus de compactage des lessives au niveau européen ;
- d'autre part, à supposer même démontrée l'existence d'une troisième pratique de dimension européenne ou internationale "complétant" les deux pratiques distinctes traitées par l'Autorité et la Commission européenne, celle-ci ne faisait manifestement pas partie des pratiques entrant dans le champ de l'exonération partielle de sanction pécuniaires obtenue à titre conditionnel par Henkel et du grief notifié par l'Autorité (paragraphes 724 et 739 de la Décision) ;
Considérant qu'ainsi que l'a exactement constaté l'Autorité, la poursuite d'un tel comportement et les démarches entreprises par Henkel pour conduire les services d'instruction à prendre position à ce sujet dans le cadre d'une stratégie qui ne peut plus être considérée comme entrant dans le cadre de l'exercice légitime de ses droits de la défense, ont rendu plus difficile l'établissement et la caractérisation des faits par les services d'instruction, en les confrontant en permanence à une discussion sur la nature et le champ réel des pratiques dénoncées par Henkel et ont aussi retardé sans justification le cours de la procédure, ligne de conduite qui, par surcroît, s'est poursuivie jusqu'en séance où, par l'intermédiaire de son conseil, Henkel a soutenu que la décision de l'Autorité se heurtait au principe non bis in idem ;
Considérant que le fait que les services d'instruction aient, sur la suggestion du conseiller-auditeur, finalement donné suite à certaines des demandes de Henkel concernant le transfert de pièces du dossier de la Commission européenne, est sans conséquence sur l'appréciation du manquement à l'obligation de coopération, alors qu'il a été rappelé que la Commission européenne, dont la décision de sanction était intervenue le 13 avril 2011, a refusé ce transfert par courrier du 30 septembre 2011 en rappelant à nouveau, notamment, que les documents demandés concernaient une affaire distincte ;
Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour relève que Henkel n'est, à l'évidence, pas fondée à reprocher à l'Autorité de ne pas l'avoir fait bénéficier d'une exonération totale de sanction au motif qu'elle aurait déposé dans le même temps des demandes de clémence auprès de la Commission européenne, alors qu'une telle exonération totale ne pourrait, à supposer les conditions de son octroi réunies, être accordée qu'en considération du fait qu'elle aurait dénoncé à l'Autorité une pratique intervenue sur le territoire français qu'elle est compétence pour instruire et poursuivre, ce qui n'était pas le cas comme les développements de la Décision (paragraphe 739) le démontrent à suffisance de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Décision de l'Autorité ne peut qu'être approuvée en ce qu'elle a exactement décidé qu'en s'efforçant sans justification, à compter de sa prise de connaissance de la lettre de la Commission européenne du 22 avril 2010, de réorienter la procédure et la décision finale vers une pratique autre que celle qui en était l'objet à la suite de l'avis de clémence du 21 janvier 2009 et en entretenant une discussion permanente sur la nature et le champ réels des pratiques telles qu'elle les avait initialement dénoncées à l'Autorité, Henkel a adopté un comportement qui n'est pas compatible avec l'obligation de coopération totale, rapide, permanente et véritable qui lui incombait dans le cadre de la procédure de clémence et qui avait, du reste, été spécialement appelée à son attention dans l'avis de clémence précité ;
Que le moyen sera rejeté ;
II Sur la situation de Colgate Palmolive :
Considérant que Colgate Palmolive affirme, tout d'abord, que l'Autorité n'a pas tenu compte du fait que, dans le cadre d'une demande de clémence déposée en 2006 devant le Conseil de la concurrence dans laquelle la présente procédure trouve son origine et qui a donné lieu à un avis conditionnel de clémence puis a permis d'effectuer des opérations de visites et saisies, elle avait elle-même été la première entreprise à dénoncer des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur - incluant les produits d'entretien du linge - des produits d'entretien et des insecticides ménagers ;
Que cette requérante soutient, ensuite, que la motivation retenue par la Décision pour la priver de l'exonération maximale à partir d'une prétendue valeur ajoutée "limitée" des pièces versées, est en contradiction avec la position du collège qui, en 2009, dans son avis conditionnel de clémence, avait estimé que les éléments qu'elle produisait apportaient une valeur ajoutée aux éléments de preuve que l'Autorité détenait déjà et pouvaient, dans ces conditions, lui permettre de prétendre à une réduction de sanction à hauteur de 20 % ;
Que Colgate Palmolive prétend, enfin, que l'Autorité lui a réservé un traitement moins favorable que celui qui a été accordé à Procter & Gamble qui a bénéficié de l'exonération maximale prévue dans l'avis conditionnel de clémence, alors que cette entreprise, non seulement n'a versé aucun élément se rapportant à l'entente avant le 21 janvier 2001, mais encore a continué jusqu'à la séance de l'Autorité à contester l'existence, avant cette date, de l'infraction complexe et continue sanctionnée par l'Autorité ; que Colgate Palmolive fait plus spécialement valoir qu'à la différence de Procter & Gamble et de Henkel qui, jusqu'à un stade avancé de la procédure, ont contesté la compétence de l'Autorité pour connaître de la présente affaire, elle n'a pas de son côté adopté une telle attitude et que sa neutralité a, de toute évidence, "facilité la tâche" de l'Autorité dans l'instruction de l'affaire, rendue en revanche longue et complexe du fait de la longueur et de la complexité des débats provoqués sur ce point par Henkel et à Procter & Gamble ;
Considérant, cependant, que les moyens soulevés par Colgate Palmolive ne sont pas de nature à remettre en cause les appréciations pertinentes de l'Autorité (paragraphes 757 à 759 de la Décision), que la cour fait siennes, qui l'ont conduite à faire bénéficier Colgate Palmolive, dont il n'est pas contesté qu'elle a adopté une attitude de coopération totale, permanente et rapide, d'une réduction de sanction de 15 %, en retenant exactement, au terme de la procédure et au vu de l'ensemble des éléments apportés par chacune des entreprises ayant demandé le bénéfice de la clémence, que la valeur ajoutée des pièces de cette entreprise était limitée par rapport aux éléments de preuve dont l'Autorité avait antérieurement connaissance ;
Considérant, en effet, si, ainsi que le constate la Décision, Colgate Palmolive a versé des documents relatifs à la pratique d'entente sur les prix - maintien d'écarts de prix entre produits, et donc évolution concertée des prix - et des documents relatifs à l'encadrement des politiques promotionnelles, qui ont confirmé et corroboré la réalité des pratiques constatées, il n'en demeure pas moins qu'il ressort du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas utilement contesté qu'une grande partie de ces éléments était déjà en possession de l'Autorité, ce qui ne pouvait que conduire l'Autorité à écarter l'exonération totale revendiqué par cette requérante ;
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la motivation de la Décision n'est pas en contradiction avec l'avis de clémence n° 09-AC-04 dès lors, qu'à ce stade initial de la procédure, le collège, fixant simplement une fourchette d'exonération donnée à titre indicatif et conditionnel, ne se prononçait pas alors de manière définitive sur le degré de valeur ajoutée significative des pièces produites ;
Considérant que Colgate Palmolive n'est pas non plus fondée à se prévaloir de la précédente demande de clémence déposée en 2006 devant le Conseil de la concurrence à propos de pratiques mises en œuvre dans le secteur plus vaste des produits d'entretien ménager et des insecticides, dès lors qu'il s'agit, à l'évidence, de pratiques distinctes, visées dans le cadre de procédures séparées par d'autres demandes de clémence qui sont sans influence sur l'appréciation portée par la collège sur les modalités de réduction des sanctions au titre de la procédure de clémence dans la présente affaire ;
Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour observe que les pratiques dénoncées le 24 février 2006, qui font encore l'objet d'une mesure d'instruction, visaient l'ensemble de la gamme des produits du secteur des produits d'entretien et impliquaient d'autres opérateurs que ceux qui sont actifs dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation des lessives ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les recours seront rejetés ;
Par ces motifs : Rejette les recours formés contre la décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 de l'Autorité de la concurrence par la société Henkel AG & Co. KGaA et par la société Henkel France SA, par la société Colgate Palmolive Services et par la société Colgate Palmolive Company ainsi que par la société Procter & Gamble France et par la société Procter & Gamble Holding France et par la société Procter & Gamble Company, Déboute ces sociétés de toutes leurs demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Henkel AG & Co. KGaA et la société Henkel France SA, la société Colgate Palmolive Services et la société Colgate Palmolive Company ainsi que la société Procter & Gamble France et la société Procter & Gamble Holding France et la société Procter & Gamble Company aux dépens, Laisse à la charge de la société Unilever France Holding et de la société Topaze les dépens afférents à leur intervention devant la cour. Vu l'article R. 470-2 du Code de commerce, dit que sur les diligences du greffe de la Cour d'appel de Paris, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'Economie.