Cass. crim., 21 janvier 2014, n° 13-81.012
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Harel-Dutirou
Avocat général :
M. Cordier
Avocats :
SCP Blanc, Rousseau
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par M. Philippe X, la société Y, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 15 janvier 2013, qui a condamné le premier, pour tromperie et pratique commerciale trompeuse, à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, la seconde, pour pratique commerciale trompeuse, à 30 000 euros d'amende, a ordonné pour les deux une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1, L. 216-3 du Code de la consommation, 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 388, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X, gérant de la société Y, et cette dernière société coupables de pratique commerciale trompeuse et de tromperie sur la nature, la qualité substantielle, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis entre le 22 avril et le 27 mai 2008 ;
"aux motifs propres que, le 29 mai 2008, les agents de la DGCCRF procédaient à un contrôle au sein de la société Y où ils observaient que des compléments alimentaires, commercialisés sous diverses appellations, étaient présentés, sur les étiquettes des boîtes dans lesquelles ils étaient vendus, sur Internet et sur des supports publicitaires, comme contenant de la microhydrine ou assortis de la formule chimique imagée désignant cette substance ; qu'après analyse des échantillons, prélevés au siège du laboratoire d'innovation végétale, fabricant des compléments alimentaires vendus par la société Y, il s'avérait que ces produits litigieux contenaient, depuis février 2008 pour certains et mars 2008 pour d'autres, dans une faible proportion de 10 %, de la silice colloïdale ou hydratée achetée en France et d'un coût bien moindre que le constituant essentiel, à base de silice, des compléments alimentaires provenant des Etats-Unis et vendu sous la marque microhydrine ; que le responsable de la production du laboratoire a confirmé cette substitution d'ingrédients à la demande du client alors que les boîtes de complément alimentaire litigieux, sur le site Internet et les supports publicitaires précisaient mensongèrement qu'ils contenaient de la microhydrine ; que M. X ne s'était pas expliqué sur cette substitution d'ingrédients opérée à sa requête, ainsi qu'il ressortait d'un courrier électronique que lui avait adressé le 7 février 2008 Mme Z, assistante commerciale du Laboratoire A, laquelle lui indiquait avoir pris note de sa demande pour le remplacement de la microhydrine poudre par de la silice colloïdale anhydre dans l'ensemble des produits ; que le délit de tromperie visé dans la prévention était ainsi constitué envers M. X et la société Y en tous ses éléments matériels et intentionnels étant relevé qu'au 3 juillet 2008, le catalogue publicitaire Y mentionnait faussement les compléments alimentaires cités dans l'acte de poursuite comme contenant le produit de marque microhydrine ; que, concernant la pratique commerciale trompeuse, les produits commercialisés étaient supposés contenir de la microhydrine présentée par les prévenus comme possédant des propriétés anti-vieillissement, anti-fatigue, anti-âge et anti-oxydante à la suite d'études cliniques et de tests convaincants ; que les prévenus ne produisaient à cet égard, outre des résultats de tests entrepris à très faible échelle, que quelques études isolées émanant d'universités américaines privées et de deux laboratoires français qui, peu nombreuses, n'étaient pas revêtues d'une force probante suffisante ; qu'elles ne conduisaient pas à un constat sérieux réellement étayé par des investigations scientifiques croisées et vérifiées permettant légitimement de doter les compléments alimentaires litigieux censés contenir de la microhydrine des propriétés régénérantes et salvatrices que lui supposaient fallacieusement les prévenus dans leurs emballages, supports publicitaires et site Internet ; que les prévenus ne pouvaient invoquer nulle démonstration scientifique dans le sens qu'ils plaidaient et défendaient dans leurs écritures déposées le 12 décembre 2012 et la circonstance que la silice ou la microhydrine contiennent des particules infiniment petites n'impliquait pas qu'elles soient travaillées selon une nano-technologie artificielle originale issue de la création humaine et de l'agencement spécifique de matières premières ; qu'enfin, les prévenus n'avaient fait accomplir nul test fiable et rigoureux justifiant des vérifications et contrôles effectués à l'occasion de la mise sur le marché des compléments alimentaires et il importait peu qu'ils aient obtenu une autorisation de commercialisation qui était sans incidence sur l'absence de loyauté à l'occasion de l'information des consommateurs potentiels et sur le délit de tromperie ainsi caractérisé ;
"et aux motifs adoptés du tribunal que M. X et la société Y versaient aux débats les études américaines censées accréditer les propriétés de la microhydrine ; que, toutefois, ces études versées aux débats n'avaient fait l'objet d'aucune traduction par un expert-interprète, les prévenus s'étant contentés de produire la traduction mise en ligne sur leur site Internet ; qu'il convenait par conséquent de les écarter des débats et de constater l'absence d'éléments attestant des propriétés anti-vieillissante, anti-âge et anti-oxydante de la microhydrine ;
"1°) alors que les juridictions répressives ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'acte de saisine survenus durant la période de la prévention visée à cet acte ; qu'en s'étant fondée sur la composition des produits litigieux depuis février et mars 2008, sur un courrier électronique adressé le 7 février 2008 par Mme Z et sur les mentions figurant dans un catalogue publicitaire du 3 juillet 2008, quand la prévention visait la période comprise du 22 avril au 27 mai 2008, la cour d'appel a violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;
"2°) alors que la preuve de la culpabilité du prévenu incombe à la partie poursuivante en vertu de la présomption d'innocence ; qu'en ayant reproché à M. X de ne pas s'être expliqué sur la "substitution d'ingrédients" et en s'étant fondée sur l'absence de démonstration scientifique dans le sens plaidé par les prévenus ainsi que sur la production par les prévenus d'études "isolées" et "peu nombreuses", la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et méconnu la présomption d'innocence ;
"3°) alors que le délit de tromperie ne peut résulter d'une simple négligence et suppose que la mauvaise foi soit caractérisée par les juges du fond ; qu'en ayant seulement énoncé que le délit de tromperie était constitué en tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel envers M. X et la société Y, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"4°) alors que la cour d'appel, qui n'a pas répondu au système de défense des prévenus qui faisaient valoir que dans cinq compléments alimentaires, ils avaient voulu mettre de la microhydrine en remplacement de la silice avant de se rendre compte de l'impossibilité de procéder ainsi, ce qui expliquait la mention de la microhydrine sur certains emballages, lesquels avaient été immédiatement modifiés, comportement exclusif de toute volonté de tromper, a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
"5°) alors que le délit de pratique commerciale trompeuse nécessite que soit rapportée la preuve de la mauvaise foi du prévenu ; qu'en ayant énoncé qu'il importait peu que les prévenus eussent obtenu une autorisation de mise sur le marché, laquelle était sans incidence sur l'existence de leur loyauté, la cour d'appel a violé l'article L. 213-1 du Code de la consommation;
"6°) alors que la preuve est libre en matière pénale ; qu'en écartant purement et simplement des débats les études américaines produites par les prévenus accréditant les propriétés de la microhydrine ayant fait l'objet d'une traduction mise en ligne sur leur site Internet en raison de leur absence de traduction par un expert-interprète, la cour d'appel a violé l'article 427 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.