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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 28 janvier 2014, n° 12-02217

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Esprit Sushi (SARL)

Défendeur :

Bouttier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Gueroult

Avocats :

Mes Bonte, Perreau

T. com. Quimper, du 3 déc. 2012

3 décembre 2012

I - EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Bouttier exploitant d'un commerce de restauration rapide à Concarneau a signé le 9 juillet 2009 avec la SARL Esprit Sushi un bon de commande pour du matériel de cuisson, une formation, des services de communication et des consommables.

Le bon de commande précise que ces produits ou services seront payés à hauteur de 285 euro par mois avec une durée irrévocable de la location de 48 mois. Un contrat de location, prévoyant un dépôt de garantie de 1 500 euro a été signé le 26 août 2009.

Monsieur Bouttier a cessé d'honorer ses échéances.

Après mise en demeure de M. Bouttier effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 décembre 2009, de respecter ses obligations la société Esprit Sushi a procédé à l'encaissement du dépôt de garantie.

Par jugement contradictoire du 3 décembre 2012, le Tribunal de commerce de Quimper a :

Prononcé la nullité du contrat liant M. Bouttier à la société Esprit Sushi

Condamné la société Esprit Sushi à restituer la totalité des sommes par elle perçues,

Condamné M. Bouttier à restituer le matériel livré à l'exception des produits consommables,

Débouté la société Esprit Sushi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamné la société Esprit Sushi à payer à Monsieur Bouttier la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens.

La société Esprit Sushi a déclaré faire appel de cette décision le 2 avril 2012.

L'appelant demande à la cour de :

Déclarer la SARL Esprit Sushi recevable et bien fondée en son appel,

Réformer le jugement rendu le 3 février 2012 par le Tribunal de commerce de Quimper en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Débouter Monsieur Alexandre Bouttier en toutes ses demandes, fins et conclusions

Prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Monsieur Bouttier,

Condamner en conséquence Monsieur Bouttier à payer à la société Esprit Sushi la somme de 13 853,90 euro augmentée des intérêts légaux à compter du 16 décembre 2009, date de la mise en demeure,

Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,

Condamner Monsieur Bouttier à payer à la société Esprit Sushi la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner Monsieur Bouttier aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Intimé, M. Bouttier demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris

Débouter la société Esprit Sushi de toutes ses demandes fins et conclusions

Condamner la société Esprit Sushi à verser à Monsieur Bouttier la somme de 2 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens.

L'ordonnance de clôture est du 16 octobre 2013

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions régulièrement signifiées des parties :

- du 12 octobre 2013 pour l'appelant

- du 10 octobre 2013 pour l'intimé

II- MOTIFS

Sur la procédure

L'appelante fait valoir que l'intimé n'aurait pas déposé ses conclusions dans le délai prévu à l'article 909 du Code de procédure civile.

Le 2 avril 2012, la société Esprit Sushi a relevé appel du jugement du 3 décembre 2012.

Le délai de l'intimé pour conclure n'a commencé à courir qu'à compter de la date à laquelle il est établi que M. Bouttier a eu connaissance des conclusions de l'appelante, soit le 5 mars 2013, date à laquelle son conseil s'est constitué.

Par conclusions du 14 mars 2013 M. Bouttier a saisi le conseil de la mise en état d'une demande tendant à voir constater la caducité de l'appel intenté par la société Esprit Sushi. Par ordonnance le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de caducité de l'appel diligenté par la société Esprit Sushi et constaté que le délai imparti à l'intimé pour déposer ses conclusions n'était pas expiré à la date de l'audience d'incident, soit le 17 avril 2013.

Les conclusions exigées par les articles 908 et 909 sont toutes celles remises au greffe, notifiées dans les délais prévus par ces textes qui déterminent l'objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l'instance.

Les conclusions de l'intimé déposées et signifiées le 23 mai 2013 sont donc intervenues dans le délai prescrit. Elles sont donc recevables.

Sur le fond

Sur le dol

M. Bouttier soutient que son consentement a été surpris dans la mesure où il pensait avoir contracté un achat et non une location de matériel.

Le bon de commande signé par M. Bouttier le 9 juillet 2009 dénomme la société Esprit Sushi comme le fournisseur et M. Bouttier comme le client et ne fait nullement mention d'une notion de vente de matériel. Figure sur le verso du document que l'engagement de commande porte sur une location de matériel, et de façon claire et en majuscules le loyer et la durée irrévocable de la location sur une durée de 48 mois. Le bon de commande mentionne notamment au titre de la désignation du matériel, un lot de produits permettant de fabriquer des sushis, un pack de communication, une formation dans un restaurant pilote à Tours. Les conditions générales figurant au verso du bon de commande confirment dans ses articles1 et 6 le fait que le bon de commande a pour objet la mise à disposition en location des matériels définis aux conditions particulières au verso. Il ne peut par ailleurs être tiré aucun argument du fait que le contrat fasse état dans ses conditions générales d'obligations relatives à des installations électriques ou téléphoniques le cas échéant pour permettre l'installation du matériel loué.

M. Bouttier a signé le recto et le verso de ce bon de commande et n'a pu se méprendre quant à ses obligations découlant du bon de commande qu'il a signé.

Le jour de la livraison, soit le 26 août 2009 les parties ont régularisé un contrat de location. Les conditions particulières reprennent le montant du loyer, la durée prévue au bon de commande. Contrairement à ce qu'indique M. Bouttier le contrat de location ne fait que reprendre de façon plus détaillée les indications figurant au bon de commande, notamment en ce qui concerne la maintenance. Ainsi dans le bon de commande il était disposé que le client s'engageait à laisser la société Esprit sushi à accéder au matériel et l'article 5-2 du contrat de location précise que le locataire s'engage à permettre au loueur et au fournisseur d'accéder librement au matériel les jours et heures ouvrables et la maintenance prévu à la charge du loueur dans le bon de commande figure également sur le contrat de location. Par ailleurs si le contrat de location mentionne que le montant des loyers qui a été établi en fonction du prix de référence du matériel seront éventuellement modifiés, M. Bouttier a là encore signé le contrat de location, mais également les conditions générales et particulières du contrat de location.

M. Bouttier n'établit pas que son consentement a été vicié.

Sur l'article L. 442-6 du Code de commerce

M. Bouttier qui a fait opposition à une injonction de payer le 11 juin 2010 a présenté devant le Tribunal de commerce de Quimper une demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce. A cette date, la juridiction saisie n'avait plus le pouvoir d'en connaître, les actions en la matière devant être introduites devant les juridictions compétentes pour en connaître dont ne fait pas partie le Tribunal de commerce de Quimper. La demande de ce chef doit être déclarée irrecevable. Devant la cour, ce fondement juridique est également visé alors que la cour n'a pas davantage le pouvoir d'appliquer ces dispositions. La demande sur ce fondement est donc irrecevable.

En tout état de cause, l'article L. 442-6 du Code de commerce dispose, en son paragraphe I, que l'auteur de certaines pratiques de nature à fausser les règles de la concurrence engage sa responsabilité. Ce paragraphe ne sanctionne pas la violation des pratiques qu'il détaille de la nullité du contrat ou des clauses mais de l'engagement de la responsabilité de leur auteur. En l'absence de demande de dommages intérêts l'invocation de ces dispositions légales est sans effet sur l'issue du litige.

Sur l'article L. 330-3 du Code de commerce :

Les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce auxquelles se réfère M. Bouttier ne trouvent application qu'en cas d'engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité. Il n'y a en l'espèce aucun engagement d'exclusivité. Il y a lieu de débouter M. Bouttier de ses demandes fondées sur ces dispositions.

Sur les clauses potestatives :

Le montant du loyer était clairement fixé dans les documents contractuels. Il n'a pas été modifié. Les clauses critiquées par M. Bouttier comme potestatives ne le sont pas. Il y a lieu de le débouter de ses demandes formées à ce titre.

De toute façon, la présence éventuelle de clause potestative serait sanctionnée par le caractère réputé non écrit de ces clauses et non par la nullité du contrat.

Sur les sommes dues :

La société Esprit Sushi justifie d'une absence de paiement des loyers et d'une résiliation du contrat par l'envoi d'une lettre recommandée en date du 16 décembre 2009. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de résiliation du contrat de location, celle-ci étant acquise depuis décembre 2009.

Les sommes dues au titre des loyers impayés et des loyers à échoir s'élèvent à la somme totale de 13 853,90 euros. Il y a lieu de condamner M. Bouttier à payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 décembre 2009 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Il n'est pas établi que M. Bouttier ait abusé de son droit de se défendre en justice. La société Esprit Sushi ne justifie d'aucun préjudice particulier. Il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. Bouttier qui succombe à l'instance sera condamné aux dépens et ne peut de ce fait prétendre aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Esprit Sushi au titre de l'article 700.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Statuant de nouveau, Condamne M. Bouttier à verser à la société Esprit Sushi la somme de 13 853,90 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 décembre 2009 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, Déboute la société Esprit Sushi de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, Déboute les parties de leurs demandes plus amples, Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Bouttier aux entiers dépens de première instance et d'appel.