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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 23 janvier 2014, n° 13-02163

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Grillages Vermigli (SA)

Défendeur :

Ciffreo et Bona (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mmes Durand, Verdeaux

Avocats :

Mes Cherfils, Cohen, Deur

T. com. Nice, du 1er déc. 2010

1 décembre 2010

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 10 septembre 2001, la société Grillages Vermigli, qui fabrique des grillages et des clôtures a conclu avec la société de distribution de matériaux Ciffreo Bona un accord de partenariat aux termes duquel la société Ciffreo Bona s'engageait notamment à :

- promouvoir les produits de la gamme Grillages Vermigli

- approvisionner régulièrement ses principaux points de vente avec les produits de la gamme Grillages Vermigli

- tenir à la disposition de sa cliente les catalogues et les notices techniques de la gamme Grillages Vermigli.

En contrepartie, la société Ciffreo Bona bénéficiait en fin d'année d'une prime de groupement égale à 0,5 % du montant annuel des achats outre une prime de collaboration commerciale égale à 3 % versée sur le chiffre d'affaires annuel.

Cette convention a été renouvelée par tacite reconduction et a été exécutée par les parties pour les années 2001, 2002 et 2003.

Les relations entre les parties se sont estompées à partie du mois d'avril 2004, pour cesser définitivement en 2005, la société Ciffreo Bona ayant demandé à différer d'un mois, à compter du 1er mai 2004, la hausse tarifaire que la société Grillages Vermigli sollicitait sur tous les produits de sa gamme.

La société Grillages Vermigli, faisant valoir qu'elle s'était trouvée déréférencée de fait par la société Ciffreo Bona qui s'était approvisionnée auprès d'un autre fournisseur, et lui faisant grief d'être à l'origine de la rupture brutale du contrat à l'origine de son préjudice, a assigné la société Ciffreo Bona en paiement de la somme de 239 233,08 euros en réparation de son préjudice au titre de la perte de son chiffre d'affaires.

Par jugement en date du 1er décembre 2010, le Tribunal de commerce de Nice a :

- débouté la SAS Grillages Vermigli de toutes ses demandes,

- dit que la SAS Ciffreo Bona a respecté un préavis de rupture progressive raisonnable envers la SA Grillages Vermigli,

- condamné la SA Grillages Vermigli à payer à la SAS Ciffreo Bona la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 1er décembre 2010 par le Tribunal de commerce de Nice,

Vu les conclusions déposées le 18 avril 2011 par la SA Grillages Vermigli, appelante ;

Vu les conclusions déposées le 17 juin 2011 par la SA Ciffreo et Bona, intimée ;

Vu l'arrêt de radiation en date du 25 octobre 2002 ;

Vu la remise au rôle le 30 janvier 2013 ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties ;

MOTIFS

Attendu que selon l'article L. 442-6-5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout commerçant de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale ;

Attendu que la SA Grillages Vermigli soutient qu'à partir du mois de mai 2004, la société Ciffreo Bona a rompu brutalement, sans préavis, les relations commerciales établies entre les parties depuis de nombreuses années, et bien avant 2001, et que la société Ciffreo Bona a reconnu s'être adressée à un autre fournisseur alors qu'elle était dans les termes d'une relation contractuelle avec elle ;

Attendu qu'aux termes d'un fax du 23 février 2004, la SA Grillages Vermigli, invoquant la hausse brutale de l'acier, consécutive à un accroissement considérable de la consommation d'acier par les pays émergents et spécialement la Chine, a informé la société Ciffreo Bona d'une hausse de 5 % sur les tarifs de tous les produits à compter du 1er mars 2004 ;

Attendu que dans un premier temps, le 24 février 2004, la société Ciffreo Bona, faisant valoir qu'il lui était impossible de répercuter cette hausse auprès de ses clients dans les délais demandés, demandait à la société Vermigli de différer l'application de cette hausse au 1er avril 2004, puis au 1er mai 2004, par fax du 2 mars 2004, et sous réserves de la réception de la tarification "Prix nets" dans le délai imparti ;

Attendu que le 11 mars 2004, la société Grillages Vermigli informait la société Ciffreo Bona d'une nouvelle hausse de sa tarification de l'ordre de 20 à 30 %, s'ajoutant à celle de 5 %, en raison de la dégradation "exceptionnelle et imprévisible" de la situation sur le marché des matières premières et en demandait l'application au 1er avril 2004 ;

Attendu que le 12 mars 2004 et encore le 15 mars 2004, la société Ciffreo Bona indiquait à la société Vermigli qu'elle ne disposait pas du temps nécessaire pour modifier ses tarifs du jour au lendemain et qu'elle n'appliquerait la nouvelle tarification qu'à partir du 1er mai 2004 ;

Attendu que la société Grillages Vermigli, le 19 mars 2004, transmettait à la société Ciffreo Bona sa nouvelle tarification détaillée par produit applicable au 1er avril 2004 ;

Attendu qu'en réponse au fax du 22 mars 2004 de la société Ciffreo Bona confirmant son accord pour l'application du nouveau tarif au 1er mai 2004, la société Vermigli opposait un refus, invoquant l'impossibilité pour elle de vendre à perte ;

Attendu qu'il résulte de ces échanges entre les parties que la société Grillages Vermigli, a imposé à la société Ciffreo Bona une hausse de 5 %, puis une hausse de 20 % sur l'ensemble de ses produits et a demandé l'application de cette nouvelle tarification au 1er avril 2004, soit moins de trois semaines après l'en avoir avisé, et qu'elle a refusé de lui accorder le délai d'un mois que la société Ciffreo Bona réclamait pour répercuter la hausse de tarifs sur sa clientèle ;

Attendu qu'il résulte des éléments versés aux débats qu'un autre fournisseur de clôtures grillagées référencées par la société Ciffreo Bona, le groupe Lippi, confronté aux mêmes augmentations de tarifs des matières premières, a toutefois limité la hausse de ses prix au cours de l'année 2004 et l'a appliquée progressivement pour permettre à la société Ciffreo Bona d'en répercuter les effets auprès de sa propre clientèle, notamment en acceptant d'appliquer des tarifs promotionnels pour la période comprise entre le 1er mars 2004 et le 30 juin 2004, alors que dans un premier temps, ces promotions n'étaient prévues qu'en mars et en juin 2004 ;

Attendu, dans ces conditions, que même si la société Ciffreo Bona a, sans dénoncer le contrat, estompé ses relations avec la société Grillages Vermigli au cours de l'année 2004 pour interrompre ses commandes en 2005, et même si elle a contracté avec d'autres fournisseurs, dont les positions étaient plus souples, pour autant la société Bona n'a pas déférencé brutalement la société Grillages Vermigli qui n'est donc pas fondée à invoquer une rupture brutale des relations commerciales établies par la société Ciffreo Bona, dans la mesure où une hausse de tarifs d'une telle importance, de 25 % à appliquer sur les produits de sa gamme, dans un délai de moins d'un mois, constituait une modification substantielle du contrat contraignant la société Ciffreo Bona, à laquelle l'appelante avait refusé d'accorder un délai raisonnable d'un mois pour appliquer cette hausse, à se tourner vers d'autres fournisseurs ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris ;

Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu que la société Ciffreo Bona ne démontre pas que le comportement procédural de l'appelante ait dégénéré en abus et qu'il lui aurait causé un préjudice autre que celui résultant de la nécessité d'exposer des frais pour la défense de ses intérêts ; qu'il y a lieu, en conséquence, de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu que la société Grillages Vermigli sera condamnée à verser une indemnité de 1 500 euro à la société Ciffreo Bona par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que, partie perdante, elle sera condamnée aux entiers dépens ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière commerciale, Confirme le jugement attaqué, Condamne la société Grillages Vermigli à payer à la société Ciffreo Bona une indemnité de 1 500 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Grillages Vermigli aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.