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Décisions

CA Versailles, premier président, 30 janvier 2014, n° 13-04281

VERSAILLES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Alain Afflelou Franchiseur (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brylinski

TGI Bobigny, JDL, du 17 juin 2009

17 juin 2009

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 juin 2009, les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence, agissant en vertu d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 17 juin 2009, ont effectué des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société Alain Afflelou Franchiseur, à Aubervilliers ; cette dernière a présenté un recours sur le déroulement des opérations devant le délégué du premier président de la Cour d'appel de Paris, sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Celui-ci, par ordonnance du 25 octobre 2011, a débouté la société Alain Afflelou Franchiseur de toutes ses demandes de nullité, et constaté l'accord de l'Autorité de la concurrence pour restituer, par destruction, les documents informatiques listés en annexe 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 des conclusions de la société Alain Afflelou Franchiseur, ainsi que ceux à caractère personnel, des messageries de MM. B et C, issus de la liste produite le 10 juin 2010 et ceux couverts par le secret des correspondances avocat-client ou personnels à l'exception d'un seul, issu de la messagerie de M. A, issus de la liste réceptionnée le 26 juillet 2010 par l'Autorité de la concurrence.

Statuant sur l'un des motifs du recours, tiré de ce que certains documents ou messageries étaient couverts par le secret professionnel, il a considéré que ces saisies ne procèdent pas d'une recherche délibérée par les rapporteurs de correspondances étrangères à leur mission mais constituent seulement le résultat, d'une part, du caractère composite du contenu des fichiers de messagerie qui comportent chacun une multitude de messages et, d'autre part, de la nécessité, où se trouvaient les rapporteurs, après constatation que ces fichiers contenaient bien des éléments entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire, d'en effectuer une copie en intégralité ; que l'appelante n'allègue ni que les agents de l'Autorité de la concurrence auraient mis en œuvre des procédés déloyaux pour recueillir, malgré tout, ces correspondances pendant le déroulement des investigations ni qu'ils auraient divulgué à des tiers, pendant les opérations critiquées ou postérieurement à celles-ci, des informations soumises au secret professionnel.

La Cour de cassation par arrêt en date du 24 avril 2013 a cassé cette décision, mais seulement en ce qu'elle s'est prononcée sur les documents et supports informatiques pouvant relever de la protection du secret professionnel entre un avocat et son client et des droits de la défense, toutes autres des dispositions étant expressément maintenues, et renvoyé la cause et les parties devant la juridiction du premier président de la Cour d'appel de Versailles.

La Cour,

- énonce que le pouvoir, reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense ;

- fait grief au premier président d'avoir statué sans prononcer l'annulation de la saisie des documents dont il constatait qu'ils relevaient de la protection du secret professionnel entre un avocat et son client et des droits de la défense, et d'avoir ainsi méconnu les dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et le principe ci-dessus rappelé.

Le procureur général de la Cour de cassation a procédé à la saisine directe de la juridiction de renvoi.

La société Alain Afflelou Franchiseur a déposé le 20 décembre 2013 un mémoire, oralement soutenu à l'audience et auquel il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, aux termes duquel elle nous demande, sous le visa des articles L. 450-4 du Code de commerce et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 de :

- constater que l'ordonnance rendue le 25 octobre 2011 par le premier président de la Cour d'appel de Paris a violé les articles L. 450-4 du Code de commerce et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 en refusant d'annuler la saisie des documents et messages électroniques relatifs à des échanges de la société Alain Afflelou Franchiseur avec ses avocats ;

- annuler en conséquence la saisie des documents et messages électroniques (scellés 18, 19 et 20) suivants :

courriel du 29 juin 2006 du cabinet 1 adressé à Monsieur A (objet : Garantie bancaire à première demande),

courriel du 21 novembre 2006 du cabinet 2 adressé à Monsieur A (objet : Afflelou / SCI G),

courriel du 6 mars 2007 de Maître 3 adressé à Monsieur A (objet : Confidentiel landrevie),

courriel du 12 décembre 2008 de 3 adressé à Monsieur A (objet : Courrier licenciement),

courriel du 16 décembre 2008 de 3 adressé à Monsieur A (objet : dossier Jean-Michel B),

courriel du 13 avril 2009 du cabinet 4 du 13 avril 2009 adressé à Monsieur A (objet : Courson),

courriel du 17 avril 2009 du cabinet 4 du 17 avril 2009 adressé à Monsieur A (objet : Courson),

courriel du 21 avril 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson),

courriel du 22 avril 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson),

courriel du 23 avril 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson),

courriel du 29 avril 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson),

courriel du 14 mai 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson),

- condamner l'Autorité de la concurrence au paiement de la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'Autorité de la concurrence a adressé le 19 décembre 2013 des observations écrites, visées à nouveau le 20 décembre 2013 et oralement soutenues à l'audience auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, aux termes desquelles elle nous demande de :

- rechercher si les douze courriers listés par la société Alain Afflelou Franchiseur sont des correspondances avocat-client protégées par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

- prononcer l'annulation le cas échéant, de la saisie des seules pièces couvertes par le secret professionnel entre un avocat et son client et les droits de la défense ;

- condamner la société Alain Afflelou Franchiseur au paiement de la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

DISCUSSION

La demande de constat formée par la société Alain Afflelou Franchiseur, outre qu'elle ne relève pas de notre pouvoir juridictionnel est sans objet dès lors que l'ordonnance est d'ores et déjà partiellement cassée partiellement du chef critiqué, et que la nullité de saisie sollicitée, est en réalité la sanction de la seule violation de la confidentialité des correspondances avocat-client.

Les documents concernés par l'insaisissabilité résultant de la confidentialité des correspondances avocat-client sont nécessairement définis par référence, telle qu'opérée par la Cour de cassation, aux dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, qui dispose que "en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel".

Les correspondances telles que précisément listées dans le dispositif de son mémoire sont toutes des courriels adressés par des avocats se rapportant à des dossiers en cours, et sont comme telles couvertes par la confidentialité imposée par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; la nullité de leur saisie doit en conséquence être ordonnée.

L'Autorité de la concurrence supportera les entiers dépens incluant ceux du recours exercé devant le premier président de la Cour d'appel de Paris, et devra verser à Alain Afflelou Franchiseur une indemnité de procédure qu'il convient de fixer à la somme de 8 000 euro.

Par ces motifs : Statuant par ordonnance contradictoire, sur renvoi après cassation de l'ordonnance n° 103 rendue le 25 octobre 2011 par le délégataire du premier président de la Cour d'appel de Paris, Annulons la saisie, par l'Autorité de la concurrence, des documents suivants appréhendés dans les locaux de la société Alain Afflelou Franchiseur : messages électroniques (scellés 18, 19 et 20) : courriel du 29 juin 2006 du cabinet 1 adressé à Monsieur A (objet : Garantie bancaire à première demande), courriel du 21 novembre 2006 du cabinet 2 adressé à Monsieur A (objet : Afflelou / SCI G), courriel du 6 mars 2007 de Maître 3 adressé à Monsieur A (objet : Confidentiel Landrevie), courriel du 12 décembre 2008 de Maître 3 adressé à Monsieur A (objet : Courrier licenciement), courriel du 16 décembre 2008 de Maître 3 adressé à Monsieur A (objet : dossier Jean-Michel B), courriel du 13 avril 2009 du cabinet 4 du 13 avril 2009 adressé à Monsieur A (objet : Courson), courriel du 17 avril 2009 du cabinet 4 du 17 avril 2009 adressé à Monsieur A (objet : Courson), courriel du 21 avril 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson), courriel du 22 avril 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson), courriel du 23 avril 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson), courriel du 29 avril 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson), courriel du 14 mai 2009 du cabinet 4 adressé à Monsieur A (objet : Courson), Condamnons l'Autorité de la concurrence à payer à la société Alain Afflelou Franchiseur la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamnons l'Autorité de la concurrence aux entiers dépens incluant ceux du recours exercé devant le premier président de la Cour d'appel de Paris.