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Décisions

Cass. crim., 15 mai 1984, n° 84-90.252

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ledoux

Rapporteur :

M. Monnet

Avocat général :

M. de Sablet

Avocat :

Me Choucroy

Paris, 11e ch., du 6 déc. 1983

6 décembre 1983

LA COUR : - Statuant sur le rejet du pourvoi formé par Marc X, contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, onzième chambre, en date du 6 décembre 1983, qui, dans les poursuites exercées contre lui pour infraction au Code de la santé publique, a annulé le jugement entrepris, déclaré recevable l'action de l'Union Fédérale des Consommateurs, partie civile, dit qu'il y avait lieu d'évoquer et renvoyé l'examen de la cause à une audience ultérieure ; - Vu l'ordonnance en date du 13 février 1984 par laquelle le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a ordonné l'examen immédiat dudit pourvoi ; - Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 551 alinéa 4, et 565 du Code de procédure pénale, 593 et 802 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation ;

"aux motifs que la nullité d'un exploit ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'il concerne ; qu'en l'espèce, l'inobservation des exigences de l'article 551, alinéa 4, n'a pas causé un préjudice à la défense ; qu'elle n'a pas empêché celle-ci de vérifier si la citation avait bien été délivrée à la requête de la personne ayant qualité pour agir en justice au nom de l'UFC ; qu'il lui était, dès lors, possible d'exercer contre cette personne des recours ; qu'il est établi, par la communication des pièces faites par l'UFC, que Y, président de ladite association, avait reçu pouvoir, en cette qualité, de représenter l'UFC en justice, "déposer toute plainte ou dénonciation, se constituer partie civile et ce, notamment, dans les termes de l'article 46 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973" ;

"alors qu'en vertu de l'article 551, alinéa 4, du Code de procédure pénale, la citation délivrée à la requête de la partie civile, doit mentionner les nom, prénom, profession et domicile réel ou élu de celle-ci ; que cette formalité, de caractère substantiel, permet, notamment, de vérifier si la citation a bien été délivrée à la requête de la personne physique ayant qualité pour agir au nom de cette personne morale ; qu'en l'espèce, le non-respect de cette formalité substantielle, qui porte atteinte aux intérêts de la défense, doit entrainer la nullité de la citation litigieuse ;

"Attendu qu'il ne résulte ni des énonciations des juges du fond ni d'aucunes conclusions régulièrement soumises aux premiers juges que Marc X, cité devant le tribunal correctionnel à la requête de l'association dite "Union Fédérale des Consommateurs", partie civile, ait, conformément aux exigences de l'article 385 du Code de procédure pénale, soulevé avant toute défense au fond la nullité de la citation qu'il prétend déduire du fait que cet exploit n'aurait pas comporté la désignation de la personne physique agissant au nom de l'Union Fédérale des Consommateurs ;

Attendu, dès lors, que le moyen pris de cette irrégularité, qui n'a d'ailleurs pas été soumis aux juges d'appel, ne saurait être proposé devant la Cour de cassation ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 46 de la loi du 27 décembre 1973, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'action civile engagée par l'Union Fédérale des Consommateurs ;

"aux motifs que l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat admet les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire la défense des consommateurs, agréées à cette fin, à poursuivre la réparation du préjudice même indirect causé par une infraction à l'intérêt collectif des consommateurs ; qu'en l'espèce, la violation des dispositions invoquées, à la supposer établie, serait de nature à occasionner un dommage aux patients appelés à faire usage de préparations magistrales irrégulièrement prescrites par leur médecin ; que cette transgression de textes édictés autant dans l'intérêt général que dans celui des consommateurs serait, dès lors, susceptible de causer une atteinte à l'intérêt collectif de ces usagers ou consommateurs que l'association poursuivante représente ; que ce dommage est distinct de celui subi par les victimes et de l'atteinte portée à l'intérêt général ;

"alors que, d'une part, l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973, texte relatif à l'orientation du commerce et de l'artisanat, reconnait aux associations de consommateurs agréées à cette fin, l'exercice de l'action civile pouvant porter un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ; que ce texte institue une action qui, par nature, est étrangère à l'exercice de la science médicale ; que, des lors, l'UFC ne pouvait être légalement déclarée recevable à agir dans une matière étrangère à celle exclusivement prévue par un texte dérogatoire ;

"alors, d'autre part, que, la provocation de la prétendue victime aux actes incriminés exclut la réparation du préjudice que celle-ci allègue avoir subi ; que, par suite, la cour, qui constate les éléments légaux de la provocation commise par les envoyés de l'UFC, devait déclarer celle-ci irrecevable à exercer l'action civile ;

"alors, enfin, en tout état de cause, que la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un dommage actuel, direct et certain, subi par l'association et distinct de l'atteinte portée a l'intérêt général ; que, par suite, l'UFC était irrecevable à se constituer partie civile ;

Sur le moyen pris en ses première et troisième branches : - Attendu qu'il appert des énonciations des juges du fond et de l'examen de la procédure que Marc X a été cité devant les juges de répression, sous la prévention d'infraction à l'article L. 626 du Code de la santé publique, pour avoir prescrit des préparations magistrales contenant des substances vénéneuses appartenant à des groupes différents de la classification instituée par le décret n° 82-200 du 25 février 1982 ;

Attendu que X ayant prétendu l'irrecevabilité de l'action de la partie civile, la cour d'appel, pour écarter ce moyen et dire recevable cette action, après avoir constaté que l'Union Fédérale des Consommateurs avait été agréée pour exercer l'action civile dans les conditions prévues par l'article 46 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et par le décret d'application du 17 mai 1974, énonce que la violation par X de l'article L. 626 du Code de la santé publique et du décret précité du 25 février 1982, "à la supposer établie, serait de nature à occasionner un dommage aux patients appelés à faire usage de préparations magistrales irrégulièrement prescrites par leur médecin" et "que cette transgression de textes édictés autant dans l'intérêt général que dans celui des consommateurs serait, dès lors, susceptible de causer une atteinte à l'intérêt collectif de ces usagers ou consommateurs que l'association poursuivante représente" ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; qu'en effet, d'une part, l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973 ne comporte pas de restriction de nature à exclure son application aux infractions qui seraient commises à l'occasion de services fournis, comme en l'espèce, dans l'accomplissement d'un contrat médical ; que les personnes avec lesquelles un médecin conclut un tel contrat doivent être considérées, au sens de l'article 46 susvisé, comme consommateurs desdits services ; que, d'autre part, il résulte des termes mêmes de ce texte que les associations régulièrement déclarées qui ont pour objet statutaire la défense des intérêts des consommateurs et qui ont été agréées à cette fin, sont admises à poursuivre la réparation du préjudice même indirect causé par une infraction à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Sur le moyen pris en sa deuxième branche : - Attendu que X ayant soutenu devant la cour d'appel que les éléments de conviction produits à l'appui des poursuites avaient été obtenus par des procédés illégaux, la cour a jugé à bon droit que l'examen de ce moyen ne devait pas être séparé de l'examen du fond ; qu'en effet, il résulte des articles 459 et 512 du Code de procédure pénale que la cour d'appel doit, sauf au cas d'impossibilité absolue ou lorsqu'une décision immédiate est commandée par une disposition qui touche à l'ordre public, joindre au fond les incidents et exceptions dont elle est saisie ; d'où il suit que le moyen, en chacune de ses branches, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.