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Décisions

Cass. 1re civ., 8 janvier 2009, n° 06-17.630

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir

Défendeur :

Crédit Lyonnais (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky

TGI Lyon, du 3 janv. 2005

3 janvier 2005

LA COUR : - Attendu que l'association UFC Que Choisir a, sur le fondement de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, introduit contre le Crédit Lyonnais une action en suppression de clauses contenues dans la convention de compte de dépôt et dans le guide tarifaire proposés, en 2003, aux clients de la banque ; que l'arrêt attaqué, qui examine ces clauses contenues dans les documents contractuels, tels que proposés aux clients dans leur version de 2005, accueille l'action pour certaines clauses mais la rejette pour d'autres ;

Sur le douzième moyen, tel qu'il figure dans le mémoire en demande et est annexé au présent arrêt : - Attendu qu'ayant constaté que le Crédit Lyonnais avait versé aux débats la convention de compte de dépôt dans sa version d'octobre 2005 et l'édition du guide tarifaire de juillet 2005, la cour d'appel, qui a examiné les clauses contenues dans ces documents contractuels, substitués, au jour où elle statuait, à ceux antérieurement proposés aux consommateurs, a, à bon droit, rejeté la demande de l'association UFC Que Choisir en ce qu'elle tendait à voir déclarer abusive la clause 1.5 § 2 qui ne figurait plus dans la nouvelle version de la convention ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, tel qu'il figure dans le mémoire en demande et est annexé au présent arrêt : - Attendu que, contrairement à ce qu'affirme le moyen, les clauses, prévoyant respectivement que les relevés de compte remis ou transmis par voie informatique font preuve des opérations et écritures qu'ils comportent et que la preuve de la remise d'espèces ou de chèques dans les automates, qui ne vérifient pas le montant du dépôt mentionné par le client, résulte d'un inventaire ultérieur effectué par la banque, réservent, sans altérer le pouvoir souverain d'appréciation du juge, la possibilité pour le titulaire du compte d'apporter, sans en inverser la charge, la preuve de la réalité des opérations, des ordres ou des dépôts ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt : - Attendu que, d'abord, ayant retenu que, si le code confidentiel d'accès aux services de consultation et de gestion de compte à distance par Internet, audiotel ou minitel permettait de consulter le solde des comptes, d'effectuer des virements entre comptes du même client et de réaliser des opérations bancaires et sur titres, il n'était pas pour autant le code secret d'une carte bancaire, la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à la recherche prétendument omise dès lors que les dispositions de l'article L. 132-4 du Code monétaire et financier, relatives aux cartes de paiement, se trouvaient sans application, a légalement justifié sa décision d'écarter le caractère illicite de la clause selon laquelle le Crédit Lyonnais n'assumait pas la responsabilité des conséquences d'un usage abusif ou frauduleux du code confidentiel ; qu'ensuite, ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que cette clause, contenue dans des stipulations destinées à mettre en garde le client sur les mesures de sécurité élémentaires qu'il doit prendre concernant son code personnel pour en assurer la confidentialité et en prévenir la divulgation, et retenu, en conséquence, qu'elle visait l'utilisation abusive ou frauduleuse par un tiers en possession du code personnel du fait de la négligence de ce client ou par ce dernier, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'écarter le caractère abusif de ladite clause qui n'avait pas pour objet ni pour effet d'exonérer la banque de sa responsabilité en cas de faute de sa part ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt : - Attendu que l'arrêt retient, à bon droit, que la clause, prévoyant que les carnets de chèques sont retirés au guichet de l'agence ou envoyés par courrier recommandé aux frais du client, soit sur instruction de celui-ci, soit en l'absence de retrait dans un délai de six semaines, ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 131-71 du Code monétaire et financier selon lesquelles les formules de chèques sont mises gratuitement à la disposition du titulaire du compte, ni ne présente un caractère abusif, dès lors que les chéquiers peuvent être effectivement retirés sans frais au guichet de l'agence pendant un délai suffisamment long et que leur renouvellement, répondant au besoin du client, implique légitimement que celui-ci assume les frais d'envoi lorsque, informé de la mise à disposition à l'agence, il n'a pas cru devoir profiter de leur délivrance gratuite dans le délai suffisant dont il dispose ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le septième moyen, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt : - Attendu que l'arrêt écarte, à bon droit, le caractère illicite et abusif de la clause stipulant que "certaines opérations, rares ou spécifiques, ne figurent pas sur le guide tarifaire des principales opérations et qu'il appartient au client de s'informer de leurs conditions financières auprès de son agence", dès lors que les qualificatifs attribués aux opérations concernées en délimitent suffisamment la nature et le domaine en dehors des opérations envisagées par l'article 2 de l'arrêté du 8 mars 2005 et que l'information dispensée au client sur sa demande et avant leur réalisation est de nature à prévenir tout déséquilibre au détriment de ce dernier ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le huitième moyen, pris en ses deux branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt : - Attendu que, d'abord, l'association UFC Que Choisir, qui a soutenu, devant la cour d'appel, que "si le législateur a accordé une dérogation au principe de l'intangibilité des contrats synallagmatiques , en faveur des banquiers, par l'article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier, c'est seulement pour "tout projet de modification du tarif (...)" (...) Dès lors, pour toute modification autre que celle du tarif des produits et services, la clause est bien illicite", n'est pas recevable à fonder un grief sur une position contraire en invoquant l'illicéité de la clause en ce qu'elle engloberait l'évolution des conditions tarifaires ; qu'ensuite, la cour d'appel a exactement écarté le caractère abusif de la clause prévoyant que "les services entrant dans la gestion d'un compte de dépôts et les conditions de la convention sont susceptibles d'évoluer notamment pour les adapter aux besoins de la clientèle et aux évolutions financières ou techniques ainsi qu'aux mesures d'ordre législatif ou réglementaire. Nous en informerons la clientèle. La poursuite de la relation de compte ou l'absence de manifestation écrite d'un désaccord vaudra acceptation de votre part", dès lors que ladite clause réservait la possibilité pour le client de contester la modification et de mettre fin à la convention ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le neuvième moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt : - Attendu que, l'association UFC Que Choisir s'étant bornée à invoquer l'interdiction de toute prospection commerciale à partir de données personnelles communiquées sans l'accord préalable du consommateur, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche, prétendument omise, relative à la possibilité pour le titulaire du compte de s'opposer à la diffusion de ses données personnelles, qui ne lui était pas demandée, d'autant qu'il s'infère de l'arrêt, relevant que l'édition d'octobre 2005 de la convention de compte de dépôt stipulait que le client autorisait la banque à partager les données le concernant, que celui-ci avait la faculté de ne pas donner son autorisation ; que, dès lors, elle a légalement justifié sa décision ;

Sur le dixième moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt : - Attendu que la cour d'appel a exactement écarté le caractère abusif de la clause selon laquelle le Crédit Lyonnais s'autorisait à refuser les chèques émis sur des formules non conformes aux normes en usage dans la profession et prévoyait une commission pour le traitement de pareils chèques, dès lors qu'une telle clause, destinée à permettre un traitement rationalisé des formules de chèques normalisées au lieu d'un traitement individualisé de formules singulières nécessairement plus long et plus onéreux, ne crée aucun avantage au profit de la banque ni aucun désavantage au détriment du consommateur qui bénéficie de la délivrance gratuite des chéquiers et d'une facilité d'utilisation, et, partant, n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur les cinquième et sixième moyens, tel qu'ils figurent au mémoire en demande et sont annexés au présent arrêt : - Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais, sur le premier moyen : - Vu l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; - Attendu que, pour déclarer non abusive la clause prévoyant "qu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date d'édition d'un relevé de compte les écritures et opérations mentionnées sur celui-ci seront considérées comme approuvées", l'arrêt retient que le principe de l'acceptation tacite du client invité à formuler des observations dans le délai raisonnable de trois mois n'est pas illicite puisqu'aucun texte ne l'interdit, que le délai de trois mois permet au client de prendre connaissance de manière approfondie de toutes les opérations, et qu'en outre il n'interdit pas, après son expiration, une éventuelle action en responsabilité contractuelle en cas de faute ou d'erreur manifeste ;

Attendu, cependant, qu'une telle clause, qui postule l'approbation des écritures et opérations à l'expiration du délai prévu, est de nature à susciter ou entretenir la conviction du titulaire du compte qu'il se trouve privé de la possibilité de les contester, alors même qu'il n'aurait pu en connaître l'inexactitude qu'au-delà du délai, et, partant, a pour objet et pour effet d'entraver l'exercice par le consommateur de son droit d'agir en justice, de sorte qu'elle est abusive ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le onzième moyen : - Vu l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; - Attendu que pour écarter le caractère abusif de la clause stipulant que "le compte de dépôt fonctionne comme un compte courant par lequel les créances et les dettes forment un solde de compte seul exigible", l'arrêt retient qu'il n'existe pas de définition légale ou réglementaire du compte de dépôt et du compte courant, que la clause litigieuse n'entraîne pas de confusion entre les deux notions puisqu'elle précise que le compte de dépôt fonctionne selon les règles du compte courant et que le mécanisme de fonctionnement du compte courant est simple et accessible à un entendement normal et est, en outre, conventionnellement prévu ;

Qu'en se déterminant ainsi quand l'assimilation du compte de dépôt au compte courant, non conforme à la réalité du fonctionnement du premier, normalement mouvementé uniquement par des versements ou des retraits dans la limite du disponible, permet à la banque d'éluder les obligations posées par l'article L. 312-1 du Code monétaire et financier, concernant les services liés à l'ouverture d'un compte de dépôt et la notification par écrit de la décision motivée de clore un tel compte, de sorte que la clause litigieuse, qui a pour effet de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel, crée ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du Code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige, par application de la règle de droit appropriée ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de suppression des clauses 2.1 § 3 et 1.1 § 1 de la convention de compte de dépôt, en sa version d'octobre 2005, proposée par le Crédit Lyonnais, l'arrêt rendu le 11 mai 2006, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare abusives les dites clauses ; Dit, en conséquence, qu'elles sont réputées non écrites.