Livv
Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 28 janvier 2005, n° 04-01969

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine

Défendeur :

Euroservices Voyages Donatello (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Piperaud

Conseillers :

Mme Sillard, M. Bohuon

Avoués :

SCP Gauvain & Demidoff, SCP Bourges

Avocats :

Mes Sevestre, Carlot

TI Rennes, du 24 févr. 2004

24 février 2004

FAITS ET PROCEDURE :

Par acte du 14 août 2003, la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine (FLCE 35) a fait citer la société anonyme Donatello Euroservices Voyages (société Donatello) devant le Tribunal d'instance de Rennes afin de voir sous le bénéfice de l'exécution provisoire, déclarée illicite et abusive et de nature à induire en erreur les consommateurs, une clause attributive de juridiction en faveur des tribunaux de Paris figurant dans les conditions particulières de vente des catalogues de la société Donatello, ordonnée la suppression de cette clause et condamnée la société Donatello à publier à ses frais l'entier jugement dans les journaux Ouest France, Le Figaro, Le Monde, Libération ainsi qu'à lui payer la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice direct et indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs.

Par jugement du 24 février 2004, le tribunal a dit recevable l'action de la FLCE 35 mais l'en a déboutée sur le fond et l'a condamnée outre aux dépens à verser à la société Donatello la somme de 760 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Appelante, la FLCE 35 demande à la cour:

- de réformer le jugement,

- de dire illicite et abusive la clause des "conditions particulières de vente" de la société Donatello présente dans les catalogues Equatoriales Printemps Eté 2003 et Italie, Sicile, Sardaigne Printemps Eté 2003 Voyages énonçant que pour tout litige les tribunaux de Paris sont seuls compétents,

- de dire de nature à induire en erreur des "conditions particulières de vente" de la société Donatello présente dans les catalogues Equatoriales Printemps Eté 2003 et Italie, Sicile, Sardaigne Printemps Eté 2003 Voyages énonçant que pour tout litige les tribunaux de Paris sont seuls compétents,

- de condamner la société Donatello à faire publier à ses frais l'entier arrêt en caractères gras et de corps 15 dans le journal Ouest France, deux samedis en pages économiques et sociales, un samedi dans le journal Le Figaro, un samedi dans le journal Le Monde, un samedi dans le journal Libération et ce dans les deux mois de la signification de l'arrêt à intervenir, passé ce délai, sous astreinte définitive de 5 000 euros par jour de retard,

- de condamner la société Donatello à lui verser la somme de 7 000 euros en réparation du préjudice direct et indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs,

- de condamner la société Donatello à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- de la condamner aux dépens recouvrés selon l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

La société Donatello demande à la cour de :

à titre liminaire

- de déclarer irrecevable en sa demande la FLCE 35, faute d'intérêt à agir,

à titre principal:

confirmant le jugement,

- de dire que la clause décriée n'est plus contenue dans les brochures consultées actuellement par les consommateurs,

- de constater que la clause proposée aux consommateurs précise que "en cas de contestation ou de litige, le tribunal du ressort de l'agence d'inscription au voyage est compétent,"

- en conséquence, de dire que l'action de la FLCE 35 est sans objet,

- de dire que la FLCE 35 ne rapporte pas la preuve que la clause décriée serait abusive et illicite,

- de dire que la FLCE 35 ne rapporte pas la preuve d'un préjudice subi par la collectivité des consommateurs,

- de dire que la FLCE 35 ne rapporte pas la preuve que sa responsabilité dans l'exécution de ses prestations serait engagée,

- par conséquent, de débouter purement et simplement la requérante de ses demandes comme non fondées et injustifiées, tant dans leur principe que dans leur montant,

à titre subsidiaire:

- de dire que les condamnations sollicitées sont injustifiées en leur principe et en leur montant,

- de dire que la suppression sous astreinte est sans objet,

- de dire n'y avoir lieu à publication,

- en conséquence, de rejeter toute demande formulée par l'appelante,

en tout état de cause:

- de condamner la FLCE 35 au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance recouvrés selon l'article 699 du nouveau Code de procédure civile

LA COUR renvoie aux dernières conclusions des parties en date du 10 septembre 2004 pour la société Donatello et du 20 octobre 2004 pour la société FLCE 35 s'agissant des moyens et arguments développés à l'appui de leurs prétentions.

SUR CE,

Considérant que c'est à juste titre que le premier juge a déclaré l'action de la FLCE 35 recevable dès lors où l'article L. 421-6 du Code de la consommation ne subordonne pas les actions introduites par une association de consommateurs en suppression des clauses abusives à une action parallèle d'un consommateur ou à la démonstration d'un préjudice individuel;

Considérant qu'à la date du 14 août 2003, lors de la délivrance par la FLCE 35 de son assignation, figurait dans les "conditions particulières de vente" des catalogues Equatoriales Printemps Eté 2003 et Italie, Sicile, Sardaigne Printemps Eté 2003 Voyages de la société Donatello, valables jusqu'au mois de novembre 2003, la clause selon laquelle "pour toute réclamation ou litige les tribunaux de Paris sont seuls compétents" ;

Qu'il est constant que cette clause était illicite en ce qu'elle violait les dispositions des articles 46 et 48 du nouveau Code de procédure civile, et serait contraire à celles de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 et de son décret d'application n° 94-490 du 15 juin 1994 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours;

Qu'elle était en outre abusive en ce qu'elle ne respectait pas les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, ayant pour objet et pour effet de déséquilibrer significativement les droits et obligations des parties en dissuadant les consommateurs de toute action en justice;

Qu'elle était enfin de nature à induire en erreur au visa de l'article L. 121-1 du Code de la consommation puisque contenant une indication fausse portant sur les conditions générales de vente d'une prestation de service de voyages;

Que la société Donatello a justifié que les brochures éditées pour la saison suivante ne contenaient plus la clause décriée de sorte que c'est pertinemment que la FLCE 35 s'est vue déboutée de sa demande de retrait, devenue sans objet ce qu'elle ne discute pas, demandant néanmoins la publication de la décision nécessaire à l'information du consommateur ayant souscrit avec la société Donatello dont l'action envers elle n'est pas encore prescrite ;

Mais considérant que l'action principale en retrait ou en cessation ne pouvant prospérer puisque devenue sans objet la mesure de publication subséquente, qui n'est d'ailleurs qu'un des modes de réparation, ne le peut davantage ;

Considérant que si la clause litigieuse qui présentait un caractère illicite, abusif et de nature à induire en erreur a disparu, c'est vraisemblablement à la suite de l'intervention de la Fédération, laquelle n'a pas besoin de justifier de mise en demeure préalable pour prétendre à la réparation du préjudice direct et indirect causé à l'intérêt collectif subi par les consommateurs d'Ille-et-Vilaine, qui est caractérisé dans la mesure où ladite clause a pu dissuader les consommateurs insatisfaits de toute action contentieuse à l'égard du voyagiste ; que partant, la société Donatello sera condamnée à verser au titre du seul préjudice moral, aucun préjudice matériel n'étant établi, des dommages et intérêts à hauteur de 1 500 euros ;

Que partant, le jugement, sera réformé;

Qu'il est inéquitable que la FLCE 35 conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés de sorte que la société Donatello sera condamnée, outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de 1 500 euros à ce titre;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine recevable ; Dit que la clause d'attribution de juridiction figurant aux "conditions particulières de vente" de la société Donatello présente dans les catalogues Equatoriales Printemps Eté 2003 et Italie, Sicile, Sardaigne Printemps Eté 2003 Voyages était illicite, abusive et de nature à induire en erreur ; Condamne la société anonyme Donatello Euroservices Voyages à verser à la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine en réparation du préjudice moral causé à l'intérêt collectif subi par les consommateurs d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 500 euros ; Constate que la clause décriée a été retirée des nouvelles publications ; Déboute la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine du surplus de ses demandes ; Condamne la société anonyme Donatello Euroservices Voyages à verser à la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ; Condamne la société anonyme Donatello Euroservices Voyages aux entiers dépens recouvrés selon l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.