CA Colmar, 1re ch. civ. A, 22 janvier 2014, n° 12-01609
COLMAR
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Brasseries Kronenbourg (SAS)
Défendeur :
MR (SARL), Seoud
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vallens
Conseillers :
Mmes Schneider, Roubertou
Avocats :
Mes Crovisier, Balmelle, Cahn, Harnist
M. X, propriétaire d'un fonds de commerce "Le Bistrot" à Louvroil, a conclu avec la société Brasseries Kronenbourg (Kronenbourg à un contrat de fourniture de bières le 8 février 1999 pour une durée de 10 ans à compter du 1er mai 1998 et une quantité totale de 2 200 hl de bière, à acquérir auprès du distributeur Normil Maubeuge Distribution. En contrepartie, Kronenbourg lui a procuré une prestation financière de 700 000 F ainsi qu'un matériel de tirage pression et des enseignes à titre de prêt à usage, complété par un avenant ultérieur le 28 mai 2002 mentionné ci-après.
Par un acte du 1er mai 2001, le fonds de commerce a été cédé à une société Le Bistrot dont M. Y était le représentant légal. Un avenant a été conclu le 28 mai 2002 par Kronenbourg avec l'exploitant M. Y pour la fourniture de matériel supplémentaire, sans augmentation de la durée et des volumes de bière à acquérir.
Par un acte ultérieur du 12 mai 2006, la société Le Bistrot a recédé le fonds de commerce à M. X et à son épouse.
Par un acte notarié du 12 janvier 2007 reçu par Me Seoud, notaire, les époux X ont revendu le fonds de commerce à un tiers la société MR. Cet acte mettait à la charge de la société MR l'obligation de poursuivre le contrat de fourniture de bière, soit jusqu'au 30 avril 2008, et de garantir les époux X de toute conséquence à ce titre. Le même acte comportait cependant l'intervention d'un autre distributeur de bière la société Inbev France et un engagement de la société MR, acquéreur du fonds, de s'approvisionner exclusivement en boissons auprès de ce nouveau distributeur pour 5 ans à compter de l'acte, en contrepartie d'un cautionnement partiel de Inbev France pour un prêt souscrit par la société MR à hauteur de 90 305 euro.
Selon plusieurs constats d'huissier établis à la requête de la société MR dans ses propres locaux au mois de janvier 2007, septembre 2007, février 2008 et mai 2008, il a été constaté que le fonds de commerce Le Bistrot ne contenait que des fûts de bières Kronenbourg et une signalétique commerciale pour les Brasseries Kronenbourg. Plusieurs factures produites par la société MR attesteront également que cette société a continué à s'approvisionner en bières Kronenbourg jusqu'au mois de mai 2008 et que le distributeur local de Inbev France est intervenu dans le local exploité par la société MR le 13 juin 2008 pour procéder à l'installation du tirage de bière pour les boissons commercialisées par Inbev France.
Kronenbourg a fait citer les époux X et la société MR devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg par un acte du 5 avril 2007 aux fins de voir résilier le contrat de fourniture et condamner solidairement les défendeurs au paiement des sommes de 106 714,31 euro au titre de la prestation financière, 48 062,11 euro à titre de dommages et intérêts forfaitaires pour non-respect des objectifs contractuels, 2 500 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial et 2 500 euro pour les frais irrépétibles en réclamant en outre la restitution du matériel fourni.
La société MR a appelé en intervention forcés Me Seoud, notaire rédacteur, aux fins de voir déclarer le jugement commun à ce dernier.
Par un jugement du 18 février 2012, réputé contradictoire à l'égard du notaire régulièrement assigné et non comparant, le tribunal a :
- condamné la société MR à restituer à Kronenbourg le matériel et les enseignes mis à disposition, débouté Kronenbourg du surplus,
- constaté la nullité de l'opposition formée par Kronenbourg au paiement du prix de vente du fonds de commerce entre les mains du notaire,
- autorisé les époux X à percevoir le paiement du solde du prix de vente séquestré,
- condamné Kronenbourg à payer à la société MR une indemnité de procédure de 3 000 euro et à chacun des époux X une indemnité de procédure de 1 500 euro,
- écarté l'appel en garantie formé à titre subsidiaire par les époux X contre le notaire,
- et déclaré le jugement commun au notaire.
Kronenbourg a interjeté appel.
Elle demande à la cour de :
- constater la collusion frauduleuse entre les consorts L. et la société MR,
- constater la validité de l'opposition formée au paiement du prix de vente,
- prononcer la résiliation du contrat aux torts des époux X et de la société MR,
- condamner solidairement les intimés au paiement des sommes de 106 714,31 euro en remboursement de la prestation financière, 42 483,01 euro à titre de dommages et intérêts forfaitaires et 5 000 euro pour les frais de procédure,
- autoriser le notaire à libérer les fonds séquestrés à son profit,
- confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la restitution du matériel et le rejet de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée par les époux X
Elle expose : l'acte de cession du fonds de commerce contient l'engagement de la société MR de reprendre le contrat de fourniture de bières, mais il comporte également un engagement de l'acquéreur vis-à-vis du principal concurrent de Kronenbourg la société Inbev France; cela justifie l'opposition qu'elle a formée au paiement du prix de cession; cette opposition n'est pas nulle contrairement à ce qu'a retenu le premier juge pour défaut d'élection du domicile, car elle avait mandaté Me Georges, huissier de justice, en l'invitant à indiquer son étude comme domicile; M. X était garant de l'exécution du contrat de fourniture; l'opposition était donc justifiée ; quant au fond, la société MR a violé l'obligation d'approvisionnement exclusif souscrite par son vendeur et à laquelle elle s'était engagée en contractant avec la société Inbev France; l'obligation d'informer résultant de l'article L 330-3 du code de commerce n'est pas applicable vis-à-vis d'un acquéreur d'un fonds de commerce lié par un contrat de fourniture de bière ; de plus, les époux X s'étaient engagés à réaliser 2 200 hl sur 10 ans; or à son échéance le 30 avril 2008, il n'avait été débité que 1284,26 hl; les intimés restent donc tenus d'indemniser Kronenbourg de ce chef, selon l'article 8 du contrat de fourniture; les quantités fixées dans le contrat n'étaient pas irréalisables; si M. X a indiqué une quantité trop élevée pour obtenir une prestation financière, il a commis un dol; les intimés sont tenus solidairement au remboursement de l'investissement financier, de la restitution du matériel et des enseignes et des dommages et intérêts prévus à l'article 8 du contrat de fourniture, soit 20 % du prix des bières non débitées, dommages et intérêts chiffrés à 42 483 euro; la demande reconventionnelle des intimés aux fins de dommages et intérêts est contestée, car l'opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce était justifiée et les époux X ne démontrent pas le préjudice moral qu'ils invoquent.
Les époux X sollicitent la confirmation du jugement sur la demande principale de Kronenbourg et son infirmation sur leur demande reconventionnelle, en réclamant à nouveau le paiement d'une somme de 8 222 84 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier, 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et trouble de jouissance et 3 000 euro pour frais de procédure.
Ils font valoir : l'opposition formée par Kronenbourg au paiement du prix est nulle faute de comporter une élection de domicile de Kronenbourg comme le prévoit l'article L. 141-14 du Code de commerce ; elle est également sans cause car la société MR avait repris l'engagement d'exclusivité conclu avec Kronenbourg ; cette opposition leur a occasionné un préjudice important en les privant du prix de vente du fonds, alors qu'ils devaient rembourser deux prêts à leur banque et ont dû pour cela utiliser des fonds personnels; ces frais leur ont occasionné également un préjudice moral ; quant au fond, ils avaient l'obligation d'informer Kronenbourg de la cession du fonds et de transmettre le contrat de fourniture à leur acquéreur : ils ont exécuté ces engagements; la société MR n'a pas acquis de bières auprès de Inbev France avant le 30 avril 2008; la violation des engagements est donc contestée ; la clause pénale n'est pas due, car l'article 3 du contrat de fourniture relatif à la violation de l'exclusivité a été seule invoquée par Kronenbourg; elle ne peut s'appliquer cumulativement avec l'article 8 relatif aux quantités, puisque Kronenbourg a choisi d'agir sur le fondement de la résiliation du contrat ; à titre subsidiaire, Kronenbourg ne justifie pas du préjudice invoqué ; le débitant ne pouvait fixer les quotas à réaliser; ceux-ci étaient irréalisables ; à titre subsidiaire, la société MR doit les garantir de toute condamnation.
La société MR sollicite la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire, le rejet de l'appel en garantie formé par les époux X ainsi que le paiement d'une indemnité de 5 000 euro à la charge de chacune des autres parties.
Elle fait valoir : le contrat de fourniture de bière conclu avec Inbev France a pris effet à compter du 19 mai 2008 après l'expiration du contrat de fourniture conclu avec Kronenbourg; les constats d'huissier en font foi, ainsi que ses factures d'achats; Kronenbourg devait l'informer du contenu du contrat de bière selon la loi Doubin du 31 décembre 1989 ; Kronenbourg ne justifie d'aucun préjudice; la société MR a débité des quantités équivalentes à celles réalisées jusqu'à la cession par les époux X; Kronenbourg ne prouve pas qu'elle a méconnu ses obligations vis-à-vis d'elle; le matériel de tirage pression et les enseignes ont été restitués; la clause pénale prévue par l'article 8 n'est pas applicable car le contrat est arrivé à son terme; Kronenbourg a demandé la résiliation du contrat et ne peut donc se prévaloir de ces dispositions; l'objectif de 2 200 hl sur 10 ans soit 220 hl par an n'était pas réalisable; le volume moyen débité s'établissait à 120 hl par an; c'est Kronenbourg qui a fixé les quotas à réaliser; la société MR a respecté le contrat de fourniture; le préjudice invoqué par Kronenbourg est contesté; contrairement aux indications données par le notaire, le fonds de commerce était grevé d'inscriptions au profit de banques; le notaire est responsable pour cette indication erronée; en ce qui concerne les volumes indiqués, les deux mentions d'approvisionnement exclusif sont contradictoires; la responsabilité du notaire est également engagée. Parallèlement, la société MR a assigné en responsabilité le notaire Me Seoud devant le Tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe, instance suspendue dans l'attente de l'issue de la présente procédure.
Me Seoud, notaire rédacteur intimé, a été régulièrement assigné mais n'a pas constitué avocat. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire à son égard.
Sur ce, LA COUR,
Sur la validité de l'opposition
Aux termes de l'article L. 141-14 du Code de commerce, l'opposition au paiement du prix de cession d'un fonds de commerce doit comporter une élection de domicile de l'auteur de l'opposition. Il est constant que l'opposition signifiée par Kronenbourg ne mentionne pas cette élection de domicile, peu important que Kronenbourg ait demandé à son huissier de la mentionner. Kronenbourg ne peut invoquer l'article 2 du décret du 31 juillet 1992, suivant lequel la remise d'un titre à un huissier emporte élection de domicile en son étude; cette règle n'est pas applicable dans la mesure où elle concerne la signification d'un titre exécutoire aux fins d'exécution alors que l'opposition au paiement du prix de cession d'un fonds de commerce constitue un acte conservatoire.
La validité d'un tel acte est néanmoins soumise aux règles découlant des articles 114 et 649 du Code de procédure civile, de sorte que la nullité ne peut être alléguée que si un grief en résulte. Les époux X ne démontrent pas le préjudice que cette omission leur aurait causé. L'opposition est donc valable. Par ailleurs elle n'est pas sans cause, compte tenu de la violation de l'engagement d'approvisionnement exclusif qui paraissait résulter des mentions figurant à l'acte de cession, aux termes duquel le cessionnaire s'engageait à s'approvisionner en bières auprès d'un autre distributeur.
Sur l'action dirigée contre Mme X
Le contrat de fourniture de bière n'a été conclu par Kronenbourg qu'avec M. X seul. Son épouse n'a souscrit aucune obligation contractuelle à cette occasion. Si elle a participé à l'acte de cession du fonds de commerce ultérieurement, elle ne peut être tenue solidairement avec son époux des engagements découlant d'une inexécution de ce contrat de fourniture.
Les premiers juges ont à bon droit écarté la demande de Kronenbourg à son encontre. Kronenbourg à hauteur d'appel n'a pas répondu au moyen retenu par les premiers juges.
Sur la demande de résiliation du contrat
Le contrat de fourniture litigieux a été conclu le 8 février 1999 pour une durée de 10 ans à compter du 1er mai 1998 soit jusqu'au 30 avril 2008. Du fait de l'arrivée du contrat de fourniture de bière à son terme, la demande de résiliation réitérée par Kronenbourg en appel est sans objet.
Sur la demande de remboursement de la prestation financière
Le contrat de fourniture prévoit le versement d'une prestation de financière de 700 000 F (106 714,31 euro) par Kronenbourg en contrepartie de l'engagement d'approvisionnement exclusif souscrit par M. X pour une durée de 10 ans et une quantité totale de 2 200 hl de bière. L'article 3 du contrat de fourniture prévoit que "si au cours de cette durée, le débitant de boissons n'a pas réalisé une quantité totale de 2 200 hl (...), il s'oblige à rembourser le solde non amorti sur la base des hectolitres mentionnés ci-dessus majorés d'intérêts décomptés au taux de base de la BNP". Il est constant que le contrat est arrivé à son terme sans que M. X puis son successeur n'aient réalisé les volumes de vente prévus puisqu'il n'a été vendu en totalité que 1 284,26 hl selon une attestation non discutée du distributeur du 15 juin 2010.
Kronenbourg serait donc fondée à réclamer le solde non amorti de son investissement, et non sa totalité, par une application littérale de la clause qu'elle a elle-même rédigée. Ceci étant, il convient de déterminer ce solde pour lequel Kronenbourg ne donne, malgré les contestations formulées par les intimés, aucune indication quant à la prestation financière qu'elle a fournie.
La prestation financière susceptible d'être remboursée pour la part non amortie est un montant de 700 000 F soit 106 714,31 euro. Il apparaît cependant qu'elle n'a été accordée ni sous la forme d'un capital ni sous la forme de subvention ou d'un autre mode de règlement immédiat, aucune des pièces produites ne faisant état d'un tel versement. Selon la société MR (en p. 15 de ses conclusions), la prestation a correspondu en réalité à des ristournes qui ont été avancées par Kronenbourg donc pour toute la période du contrat. Kronenbourg, sans contester cette modalité, n'a fourni aucune précision relative au paiement effectif de ces ristournes; son bordereau de pièces ne fait état d'aucune facture, document commercial ou contractuel à ce sujet.
Il faut en déduire que la prestation n'a pas été avancée en début de contrat mais a été versée au débitant au fur et à mesure de ses commandes. Kronenbourg n'a donc procuré à son client qu'un investissement qu'au prorata de ses propres commandes, de sorte que la prestation financière s'est trouvée limitée elle-même par les volumes effectivement commandés. Elle s'est trouvée ainsi amortie au fur et à mesure, sous réserve de l'exécution effective du contrat pour la durée prévue de 10 années.
Dans ces conditions, Kronenbourg ne peut prétendre au remboursement d'une prestation d'ores et déjà amortie.
Il est aussi possible de s'interroger sur la réalité même de la contrepartie de Kronenbourg, qui s'est limitée à des remises sur des prix de vente qu'elle avait établis à l'avance.
Sur la restitution du matériel et des enseignes.
Kronenbourg sollicite la confirmation du jugement sur ce point. Or la société MR a justifié de la restitution du matériel tirage le 27 juin 2008 et de la mise en demeure adressée à son distributeur qui était autorisé à reprendre possession des enseignes le 29 octobre 2010. Les biens mis à disposition de M. X et de la société MR à titre de prêt à usage ont donc été restitués ou proposés à la restitution après l'assignation (5 avril 2007) mais avant l'intervention du jugement querellé (18 février 2012). Il y a lieu d'en donner acte aux intimés et de constater que Kronenbourg est remplie de ses droits sur ce point.
Sur la clause pénale.
Le contrat de fourniture contient à l'article 8 deux dispositions applicables indépendamment de celle contenue à l'article 3 relatif au remboursement du solde non amorti.
Ces clauses prévoient notamment les deux alinéas suivants :
"Si le débitant de boissons devait ne pas remplir intégralement les obligations découlant pour lui de la prestation convenue, la brasserie pourra à son choix en poursuivre l'exécution ou en demander la résiliation. Dans ce dernier cas, le débitant de boissons s'engage à restituer à la brasserie les avantages mentionnés à l'article 1er.
Le débitant de boissons aura en outre à payer à la brasserie des dommages-intérêts qui ne sauraient être inférieurs à un montant fixé forfaitairement à 20 % du prix des quantités de bière manquantes, valorisée sur la base de la dernière facturation ".
La clause prévue au premier alinéa ci-dessus comporte l'obligation de restituer les avantages reçus: cela concerne le matériel mais ne peut comprendre l'obligation de restituer la prestation financière, dès lors que celle-ci a fait l'objet d'une disposition particulière à l'article 3 prévoyant le remboursement du solde non amorti dans l'hypothèse de volumes manquants, et sur laquelle il a été statué par la cour précédemment.
La clause pénale contenue au deuxième alinéa est indépendante du droit de Kronenbourg de résilier le contrat en cas de violation de l'approvisionnement exclusif.
Contrairement à ce que soutiennent les intimés, elle apparaît bien applicable à l'hypothèse où le débitant n'a pas acquis les quantités convenues au terme du contrat. Les quantités auxquelles M. X s'était engagé s'élevaient à 2 200 hl sur 10 ans selon l'article 3, soit une moyenne annuelle (sans que cela ait valeur contractuelle) de 120 hl environ.
Il est constant que M. X puis son successeur n'ont pas réalisé ces chiffres, selon le tableau des ventes produits par le distributeur local :
1998 : 98,06 hl (début d'exécution : 1er mai 1999) [sic]
1999 : 156,87 hl
2000 : 141,95 hl
2001 : 119,96 hl
2002 : 126,27 hl
2003 : 131,59 hl
2004 : 126,36 hl
2005 : 111,46 hl
2006 : 124,14 hl
2007 : 114,80 hl
2008 : 32,80 hl (terme du contrat: avril 2008)
il en résulte une différence de 2 200 - 1284,26 soit 915,74 hl.
Rien ne permet aux intimés d'affirmer que les quotas fixés par Kronenbourg aient été imposés par Kronenbourg à M. X du fait de sa puissance économique. M. X a pu apprécier les quantités réalisables et s'est librement engagé sur cette base. Il avait d'autant moins de raisons de majorer les quantités escomptées que la prestation financière qui lui était consentie consistait en des ristournes payables au fur et à mesure de ses commandes.
Le calcul théorique de la clause pénale s'établit ainsi sur la base du dernier prix de vente à l'hectolitre s'élevant à 231,96 euro HT (selon les indications non contestées de Kronenbourg) :
915,74 X 231,96 X 20 % = 42 483,01 euro.
Il y a lieu de relever en l'espèce que M. X a respecté son engagement d'approvisionnement exclusif en mettant à la charge de la société MR l'obligation de poursuivre le contrat de fourniture. Par ailleurs, Kronenbourg ne démontre pas que l'acquéreur du fonds ait méconnu son obligation. Si l'acte de cession comporte bien de manière contradictoire un autre engagement d'approvisionnement auprès d'un autre fournisseur, les différents constats d'huissier de justice, produits par la société MR et datés des 12 janvier 2007, 18 septembre 2007, 14 février 2008 et 17 mai 2008, démontrent qu'elle n'a commencé à s'approvisionner auprès de Inbev France qu'à partir du mois de mai 2008, car son local ne comportait jusque-là que les fûts et du matériel Kronenbourg.
L'appelante ne démontre pas que la société MR ait malgré les termes de l'acte méconnu son obligation à son égard.
Enfin, les quantités de bières acquises ont été inférieures à la moyenne annuelle dès le début de l'exécution du contrat comme cela ressort du tableau ci-dessus, sans que Kronenbourg en ait subi un quelconque préjudice, puisque son investissement se limitait à des ristournes versées sur les commandes et que le matériel mis à disposition avait une valeur relativement limitée selon le contrat de fourniture et l'avenant ultérieur du 28 mai 2002, (pour un montant total de 60 691,53 fr. soit 9 252,36 euro).
Dans ces conditions, l'indemnité forfaitaire mise en compte à hauteur de 20 % des volumes non commandés apparaît manifestement excessive et sera réduite à un montant de 15 000 euro solidairement contre M. X et son successeur.
Sur la demande reconventionnelle des époux X
L'opposition formée par Kronenbourg au paiement du prix de cession a nécessairement occasionné aux vendeurs un préjudice du fait de l'indisponibilité du prix de cession reçu par le notaire soit 400 000 euro à hauteur du montant à consigner. Kronenbourg a mis en œuvre cette opposition pour une créance de 55 949,90 euro, correspondant selon elle au remboursement non amorti de son investissement sur la base des quantités non réalisées, alors qu'il a été constaté qu'elle ne pouvait justifier d'aucun solde restant à amortir sur les ristournes consenties. Mais Kronenbourg pouvait néanmoins invoquer une créance indemnitaire potentielle compte tenu des quantités de bière non débitées, ce qui ôte à son opposition un caractère fautif. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté la demande des époux X
Le préjudice moral n'est pas non plus justifié.
Sur l'obligation d'information précontractuelle.
Les dispositions de l' article L. 330-3 du Code de commerce relatives à l'obligation d'information préalable incombant au distributeur exclusif et résultant de la loi Doubin du 31 décembre 1989 ne sont pas applicables en l'espèce, dans la mesure où M. X comme son successeur étaient propriétaires d'un fonds de commerce de café restaurant et n'avaient pas comme seule activité la vente des bières mais pouvaient librement commercialiser d'autres produits que ceux faisant l'objet du contrat de fourniture de bière.
Sur l'appel en garantie formé par les époux X contre la société MR.
Par une ordonnance du 5 mars 2013 , le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel provoqué formé par les époux X contre la société MR en raison de la tardiveté du recours en garantie formé contre leur cessionnaire au regard du délai prescrit par l'article 909 du Code de procédure civile.
Sur les frais.
Chaque partie supportera ses propres frais en raison de l'exagération des montants réclamés.
L'équité n'impose pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité pour les frais irrépétibles engagés.
Par ces motifs : LA COUR, Donne acte à la société MR de la restitution du matériel mis à disposition à titre de prêt à usage et de son offre de restitution au distributeur de la société Brasseries Kronenbourg en ce qui concerne les enseignes, Confirme le jugement déféré en ce qui concerne la demande dirigée par la société Brasseries Kronenbourg contre Mme X, la demande de résiliation du contrat de fourniture aux torts des intimées, la demande de remboursement de l'investissement consenti par la société Brasseries Kronenbourg et la demande reconventionnelle des époux X aux fins de dommages et intérêts, Constate en tant que de besoin que la demande de résiliation du contrat de fourniture est sans objet, Infirme le jugement déféré pour le surplus, Et, statuant à nouveau, Rejette la demande d'annulation de l'opposition au paiement du prix de cession formée par les époux X, Condamne M. X et la société MR solidairement à payer la société Brasseries Kronenbourg la somme de 15 000 euro à titre de clause pénale, Deboute la société Brasseries Kronenbourg du surplus, Autorise les époux X à percevoir le solde du prix encore séquestré entre les mains de Me Seoud, notaire, Dit que chaque partie supportera ses propres dépens sauf ceux de la demande dirigée contre Mme X, Condamne la société Brasseries Kronenbourg aux dépens de la demande dirigée contre Mme X, Rejette les demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Constate que l'appel provoqué formé par les époux X contre la société MR a été jugé irrecevable par le conseiller de la mise en état, Declare le présent arrêt commun et opposable à Me Seoud, notaire,