Livv
Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 14 janvier 2014, n° 13-04075

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Profil Direct (SARL)

Défendeur :

Œuvres des Papillons Blancs de Salon-de-Provence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Francke

Conseillers :

Mmes Jacob, Blatry

Avocats :

Mes Buffarot, Monod, Lamballais, Augagneure, Ducoin

TGI Bourgoin-Jallieu, du 5 sept. 2013

5 septembre 2013

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Par jugement du 5 septembre 2013, le Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence pour statuer sur les demandes de la société Profil Direct, formées à l'encontre de l'association Les œuvres des Papillons Blancs en résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial existant entre elles et paiement de diverses sommes.

Le 13 septembre 2013, la société Profil Direct a formé contredit à l'encontre de cette décision.

Elle demande de :

* dire que le Tribunal de grande instance est territorialement compétent,

* évoquer le fond du litige au regard de l'urgence,

* condamner l'association Les œuvres des Papillons Blancs à lui payer une indemnité de procédure de 2 000 euro.

Elle fait valoir que :

* elle développe une activité d'agent commercial et a été mandatée par l'association Les œuvres des Papillons Blancs pour assurer la commercialisation de divers articles qu'elle distribue dans le cadre de l'activité de son établissement d'aide par le travail situé sur la commune de Salon-de-Provence,

* l'association Les œuvres des Papillons Blancs n'honore pas toutes les commandes souscrites pour son compte et ne procède pas régulièrement au paiement des factures émises,

* la réalité de ses relations avec l'association Les œuvres des Papillons Blancs n'est pas sérieusement contestable compte tenu de la production des commandes souscrites au nom et pour le compte de celle-ci, outre le règlement direct des commissions,

* les relations commerciales ne sont pas obligatoirement formalisées par un contrat,

* la qualification juridique des relations résulte des termes mêmes des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce qui sont d'ordre public et régissent l'activité d'agent commercial,

* la mise en cause par l'association Les œuvres des Papillons Blancs de l'ADAPEI de l'Ain et la référence à un contrat de franchise couvrent un périmètre différent,

* elle-même n'est ni signataire ni visée par aucune relation commerciale avec l'ADAPEI de l'Ain,

* elle entend se prévaloir des dispositions de l'article 46 du Code de procédure civile qui retient comme lieu d'exécution de la prestation commerciale le lieu où se sont réalisés la gestion des commandes et les démarchages téléphoniques.

En réponse, l'association Les œuvres des Papillons Blancs conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de la société Profil Direct à lui payer une indemnité de procédure de 2 000 euro.

Elle expose que :

* l'article 42 du Code de procédure civile a vocation à s'appliquer,

* elle conteste l'existence de tout contrat la liant à la société Profil Direct et dès lors, l'article 46 du Code de procédure civile ne peut être retenu,

* elle est franchisée avec l'ADAPEI de l'Ain, laquelle est le co-contractant de la société Profil Direct,

* elle conteste que le lieu d'exécution d'une prestation soit le lieu d'établissement du prestataire de service,

* son adversaire ne démontre pas que l'un au moins de ses clients se trouve dans le ressort du Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu,

* la demande d'évocation doit être rejetée en ce qu'elle n'est pas motivée et en ce qu'elle lui ferait perdre un degré de juridiction.

L'ADAPEI de l'Ain sollicite également la confirmation du jugement déféré, le rejet de l'évocation de l'affaire et la condamnation de la société Profil Direct à lui payer la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle explique que :

* elle gère des établissements et services d'aide par le travail pour permettre l'insertion des personnes handicapées,

* certains établissements fabriquent divers articles qui sont commercialisés sous la marque "Champ d'Or"',

* elle a signé un contrat de franchise avec l'association Les œuvres des Papillons Blancs de Salon-de-Provence,

* pour la commercialisation des produits issus du format de la franchise "Champ d'Or", l'association Les œuvres des Papillons Blancs a eu recours depuis plusieurs années à la société Profil Direct,

* elle n'a jamais interféré dans cette relation d'agence commerciale pour laquelle la société Profil Direct exerçait seule l'activité de représentation des produits pour le compte de l'association Les œuvres des Papillons Blancs, établissait des factures de commissions payées par le mandant, laquelle exécutait seule son obligation de satisfaire aux commandes présentées par l'agent commercial,

* aucune jurisprudence ne retient de façon générale que le lieu d'exécution d'une prestation devrait être le lieu d'établissement du prestataire de service,

* au contraire, il importe d'identifier le lieu effectif de la réalisation matérielle,

* en l'espèce, il s'agit du lieu où se situent les clients de l'association Les œuvres des Papillons Blancs,

* la société Profil Direct ne démontre pas qu'au moins l'un des clients se situe dans le ressort du Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu,

* l'évocation ne peut avoir qu'un caractère exceptionnel, dont il n'est pas justifié.

SUR CE :

1/ Sur les relations entre la société Profil Direct et l'association Les œuvres des Papillons Blancs :

Attendu que par application de l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire, qui à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente de négocier, et éventuellement, de conclure des contrats de vente, de location ou de prestations de services pour le compte et au nom de producteurs, d'industriels, d'autres agents commerciaux ou de commerçants ;

Attendu qu'un contrat écrit entre les parties n'est pas obligatoire, mais peut être sollicité sur le fondement de l'article L. 134-2 du même code ;

Que pour justifier de l'existence d'un contrat d'agent commercial avec l'association Les œuvres des Papillons Blancs, la société Profil Direct produit aux débats, divers courriers échangés entre elles, des bons de commandes et la justification de règlement de commissions, établissant ainsi la réalité d'un contrat d'agent commercial exercé par la société Profil Direct concernant la conclusion de contrats de vente de produits de marque "Champs d'Or" au nom et pour le compte de l'association Les œuvres des Papillons Blancs ;

2/ Sur l'application des dispositions de l'article 46 du Code de procédure civile :

Attendu qu'aux termes de l'article 46 du Code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;

Que l'expression "prestation de service" doit être prise dans un sens très large et recouvre tous les cas où une personne effectue un travail dans le cadre d'un contrat, quelles que soient la nature et les modalités de ce contrat ;

Que la prestation d'agent commercial recouvre notamment le démarchage de la clientèle, la gestion des commandes, la relation avec les clients, l'information et les relations avec le mandant ;

Que ces prestations de services sont exercées au siège ou à l'adresse de l'agent commercial ;

Qu'ainsi la société Profil Direct, domiciliée sur la commune de La Tour du Pin, lieu d'exercice de ses prestations d'agent commercial pour le compte de l'association Les œuvres des Papillons Blancs, peut se prévaloir, par application des dispositions de l'article 46 du Code de procédure civile, de la compétence territoriale du Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu ;

Attendu par voie de compétence, qu'il convient de faire droit au contredit formé par la société Profil Direct à l'encontre de la décision déférée ;

3/ Sur l'évocation :

Attendu que par application de l'article 89 du Code de procédure civile, lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction ;

Qu'en l'absence de démonstration de l'urgence de traiter le litige opposant les parties ou de circonstances particulières, la demande en évocation qui de surcroît priverait les parties d'un degré de juridiction, n'apparaît pas de bonne justice et sera rejetée ;

4/ Sur les mesures accessoires :

Attendu que l'association Les œuvres des Papillons Blancs succombant, supportera tout ou partie des frais de la société Profil Direct, non compris dans les dépens ;

Que le surplus des demandes de ce chef sera rejeté ;

Attendu enfin que l'association Les œuvres des Papillons Blancs sera condamnée aux dépens tant de première instance qu'en cause d'appel.

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare la société Profil Direct recevable et fondée en son contredit à l'encontre de la décision déférée, Y fait droit, Déclare le Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu compétent territorialement pour trancher le litige opposant la société Profil Direct et l'association Les œuvres des Papillons Blancs, Rejette la demande d'évocation, Condamne la société Profil Direct à payer à l'association Les œuvres des Papillons Blancs la somme de 1 000,00 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes en indemnité de procédure, Condamne l'association Les œuvres des Papillons Blancs aux dépens tant de première instance qu'en cause d'appel.