CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 21 février 2014, n° 12-23145
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Euroménage (SARL), Hallioua
Défendeur :
Hatex AS GmbH & Co KG, Vitexport (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Moatty, Kojevnikov, Barbier, Oulad Bensaid
Fondateur de la société Euroménage, Monsieur Jacques Hallioua, indique avoir créé un certain nombre de modèles d'ustensiles de cuisine et en particulier, au début de l'année 2009, un modèle de casserole aux lignes épurées et modernes.
Monsieur Hallioua a procédé le 2 juin 2009 au dépôt d'un modèle désigné sous le nom "Achill" auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), sous le numéro 092658.
La société Euroménage est spécialisée dans la création et la fabrication d'ustensiles de cuisine qu'elle commercialise notamment sous sa marque et son nom commercial "Arts & Cuisine".
Depuis le début de l'année 2010, elle fabrique et commercialise, en partenariat avec le cuisinier Marc VEYRAT, sous la désignation "Cuisin'pro pour Marc Veyrat", une gamme complète d'ustensiles de cuisine en acier inoxydable constituant selon elle la déclinaison du modèle "Achill" dont Monsieur Hallioua est titulaire.
Monsieur Jacques Hallioua et la société Euroménage indiquent avoir découvert, au cours du mois de juin 2010, qu'étaient exposées, offertes en vente et vendues en France, dans des locaux situés à Aubervilliers, 161, avenue Victor Hugo, des batteries de cuisine composées de cinq ustensiles de cuisine qui reproduiraient les caractéristiques et l'apparence du modèle "Achill" susvisé.
Autorisé par une ordonnance sur requête en date du 30 juin 2010, Monsieur Hallioua a fait procéder le même jour à une saisie-contrefaçon dans ces locaux, dont il s'est avéré qu'ils étaient occupés par la société Vitexport, laquelle a pour activité principale la vente en gros de meubles, articles de ménage et quincaillerie.
Ces opérations ont révélé que la société Vitexport détient, offre en vente et vend des batteries d'ustensiles de cuisine en inox comportant une petite casserole, une sauteuse avec couvercle, une petite marmite avec couvercle, une moyenne marmite avec couvercle et une grande marmite avec couvercle.
Le fournisseur des produits litigieux est la société de droit allemand Hatex AS GmbH & CO (ci-après la société Hatex), qui les commercialise sous sa marque "Kochtopfhaus Schäfer".
C'est dans ce contexte que Monsieur Hallioua et la société Euroménage ont, par acte d'huissier du 27 juillet 2010, saisi le Tribunal de grande instance de Paris d'une action en contrefaçon de modèle et de droits d'auteur ainsi qu'en concurrence déloyale.
Par jugement en date du 19 octobre 2012, assorti de l'exécution provisoire sauf pour la mesure de destruction, le Tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 3ème section) a :
- débouté les sociétés Vitexport et Hatex de leur demande en nullité du modèle n° 92658 déposé par Monsieur Jacques Hallioua le 2 juin 2009,
- dit qu'en exportant, en important, en détenant et en commercialisant une sauteuse reproduisant les caractéristiques du modèle n° 92658 dont Monsieur Jacques Hallioua est titulaire, la société Vitexport s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon,
- interdit à la société Vitexport de poursuivre l'offre en vente et la commercialisation des sauteuses contrefaisantes, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, à l'expiration d'un délai de quinze jours courant à compter de la signification du jugement, chaque infraction s'entendant de la détention, de la mise en vente ou de la vente d'un objet contrefaisant dûment constatée par huissier,
- s'est réserve la liquidation de l'astreinte, qui sera limitée à une durée de deux mois,
- ordonné la confiscation aux fins de destruction de tous les produits contrefaisants en possession de la société Vitexport ou de l'un de ses établissements secondaires, au jour de la signification du jugement,
- débouté Monsieur Hallioua de ses autres demandes,
- débouté la société Euroménage de ses demandes,
- condamné la société Vitexport à payer à Monsieur Jacques Hallioua la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice né du chef de la contrefaçon de modèle,
- débouté la société Vitexport de ses demandes reconventionnelles,
- condamné in solidum la société Euroménage et Monsieur Hallioua à payer les dépens exposés par la société Hatex avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- condamné la société Vitexport aux autres dépens de l'instance, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- condamné in solidum Monsieur Hallioua et la société Euroménage à payer à la société Hatex la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Vitexport à verser à Monsieur Hallioua la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Monsieur Jacques Hallioua et la société Euroménage ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 19 décembre 2012.
Par dernières écritures signifiées par voie électronique le 4 décembre 2013, la société Euroménage et Monsieur Jacques Hallioua demandent à la cour de :
- les dire et juger recevables et fondés en leur appel,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Vitexport et Hatex de leur demande en nullité du modèle n° 92658 déposé par Monsieur Hallioua et considéré qu'en important, en détenant et en commercialisant une sauteuse reproduisant les caractéristiques du modèle n° 92658, la société Vitexport s'était rendue coupable d'actes de contrefaçon à l'encontre de Monsieur Hallioua,
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
statuant à nouveau,
- dire et juger qu'en introduisant en France, en offrant à la vente et en vendant des ustensiles de cuisine reproduisant les caractéristiques du modèle appartenant à Monsieur Jacques Hallioua, déposé le 2 juillet 2009 et enregistré sous le n° 092658, les sociétés Vitexport et Hatex se rendent coupables de contrefaçon,
- dire et juger que ces agissements tombent sous le coup des dispositions des articles L. 335-2 et suivants et L. 521-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle,
- dire et juger que les sociétés Vitexport et Hatex se rendent également coupables de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Euroménage, au sens des dispositions de l'article 1382 du Code Civil et des articles L. 120-1 et suivants du Code de la consommation,
- condamner in solidum la société Vitexport et la société Hatex à verser à Monsieur Jacques Hallioua la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la contrefaçon,
- condamner in solidum la société Vitexport et la société Hatex à verser à la société Euroménage le somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale,
- ordonner, au besoin à titre de complément de dommages et intérêts, la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques, in extenso ou par extraits, aux frais in solidum des sociétés Vitexport et Hatex, et de leur au choix, le coût de chaque insertion ne devant toutefois pas dépasser 5 000 euros hors taxes,
- débouter les sociétés Vitexport et Hatex de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner in solidum la société Vitexport et la société Hatex à leur verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner in solidum la société Vitexport et la société Hatex aux entiers dépens de première instance et d'appel par application de l'article 696 du Code de procédure civile, dont le montant sera recouvré par leur conseil, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières écritures signifiées par voie électronique le 11 février 2013, la société Hatex demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 19 octobre 2012 en toutes ses dispositions la concernant, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en nullité du modèle n° 92658 déposé par Monsieur Jacques Hallioua le 2 juin 2009,
- infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 19 octobre 2012 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en nullité du modèle n° 92658 déposé par Monsieur Jacques Hallioua le 2 juin 2009,
en tout état de cause, statuant à nouveau :
- constater que le modèle n° 092658 est déposé pour le territoire français uniquement,
- constater que son activité ne se situe, ni n'est dirigée vers la France,
- constater l'absence du caractère nouveau du modèle et prononcer l'annulation du titre enregistré sous le numéro 092658,
- dire que Monsieur Hallioua n'est pas l'auteur du modèle déposé sous le numéro 092658,
- dire que les produits litigieux ne sont pas conformes au modèle déposé enregistré sous le n° 092658 et ne reproduisent pas ses caractéristiques essentielles,
- dire en tant que de besoin que la société Euroménage et Monsieur Hallioua ne démontrent pas leurs préjudices respectifs,
- dire que les demandes de la société Vitexport dirigées à son encontre sont irrecevables,
en conséquence,
- dire qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale,
- débouter la société Euroménage et Monsieur Hallioua de toutes leurs demandes,
- débouter la société Vitexport de toutes ses demandes dirigées à son encontre,
- condamner in solidum la société Euroménage et Monsieur Hallioua à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance en appel,
- condamner la société Vitexport à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance en appel,
- condamner in solidum la société Euroménage et Monsieur Hallioua aux entiers dépens de la présente instance avec distraction au profit son conseil conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Par dernières écritures signifiées par voie électronique le 3 décembre 2013, la société Vitexport demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 19 octobre 2012 en ce qu'il a débouté la société Euroménage de toute demande en concurrence déloyale,
- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 19 octobre 2012 en ce qu'il a débouté Monsieur Hallioua et la société Euroménage de leur demande en contrefaçon de modèle pour les ustensiles de cuisine autres que la sauteuse,
- infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 19 octobre 2012 en ce qu'il :
* a considéré qu'en exportant, en important, en détenant et en commercialisant une sauteuse reproduisant les caractéristiques du modèle n° 92658 dont Monsieur Hallioua est titulaire, la société Vitexport s'est rendue coupable de contrefaçon,
* l'a déboutée de sa demande de nullité du modèle n° 92658,
* lui a interdit de poursuivre l'offre en vente et la commercialisation des sauteuses contrefaisantes, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, et a ordonné la confiscation aux fins de destruction de tous les produits contrefaisants,
et statuant à nouveau,
à titre principal,
- prononcer la nullité du dépôt de modèle Achill n°92658 en date du 2 juin 2009,
- dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon, ou de concurrence déloyale,
- débouter Monsieur Hallioua et la société Euroménage de l'intégralité de leurs demandes,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que les préjudices allégués par Monsieur Hallioua et la société Euroménage à hauteur de 50 000 euros et 200 000 euros sont injustifiés,
- condamner la société Hatex à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au bénéfice de Monsieur Hallioua et de la société Euroménage,
en tout état de cause,
- condamner solidairement Monsieur Hallioua et la société Euroménage à lui verser la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement Monsieur Hallioua et la société Euroménage aux entiers dépens de première instance et d'appel par application de l'article 696 du Code de procédure civile, dont le montant sera recouvré par son conseil, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2013.
SUR CE,
Sur la recevabilité à agir
a) au titre des dessins et modèles
Considérant que selon l'article L. 511-9 du Code de la propriété intellectuelle, la protection du dessin ou modèle s'acquiert par l'enregistrement. Elle est accordée au créateur ou à son ayant cause.
L'auteur de la demande d'enregistrement est, sauf preuve contraire, regardé comme le bénéficiaire de cette protection ;
Qu'il a été dit que Monsieur Jacques Hallioua a déposé auprès de l'INPI le 2 juin 2009 un modèle de casserole avec son couvercle désigné sous le nom "Achill" et enregistré sous le n° 092658 ;
Qu'il bénéficie ainsi de la présomption simple de titularité instaurée par les dispositions susvisées au profit du déposant, ce qui n'est pas contesté, et est dès lors recevable à agir en contrefaçon sur le fondement du droit des dessins et modèles;
b) au titre du droit d'auteur
Considérant que pour contester la qualité à agir de Monsieur Hallioua en contrefaçon de droits d'auteur sur la casserole revendiquée, la société Hatex fait valoir que l'appelant ne justifie pas des conditions de création de cette casserole ;
Que celui-ci réplique que le dépôt d'un modèle constitue en tant que tel un acte de divulgation et que dès lors l'intimée ne peut contester ses droits d'auteur se rattachant au modèle Achill ;
Qu'il est constant que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée ;
Que cependant cette présomption simple suppose que la personne qui entend s'en prévaloir identifie précisément l'œuvre qu'elle revendique, justifie de la date à partir de laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation et précise les conditions de sa création ;
Or en l'espèce, Monsieur Hallioua n'apporte aucun élément de nature à établir la création de la casserole qu'il revendique ;
Qu'en conséquence, la titularité de ses droits d'auteur sur la casserole en cause n'est pas démontrée ;
Sur la protection du modèle déposé n° 09 2658
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle, "seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre" ;
Que selon l'article L. 511-3 du même Code, un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou de la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par les détails ;
Que l'article L. 511-4, alinéa 1er dudit Code dispose qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée ;
Qu'enfin selon l'article L. 511-6 du même Code, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué s'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen. Il n'y a pas divulgation lorsque le dessin ou modèle n'a pu être raisonnablement connu, selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, par des professionnels agissant dans la Communauté européenne, avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Toutefois, le dessin ou modèle n'est pas réputé avoir été divulgué au public du seul fait qu'il a été divulgué à un tiers sous condition, explicite ou implicite, de secret.
Considérant que Monsieur Hallioua indique que le modèle de casserole qu'il a déposé le 2 juin 2009 se caractérise par la présence sur son pourtour d'un rebord évasé aplati, une anse de forme trapézoïdale incurvée vers le bas, dotée d'un évidement de forme rectangulaire et de contours galbés qui s'évasent vers l'extérieur pour lui donner un aspect élancé, une poignée de forme triangulaire incurvée vers le bas, se prolongeant à sa base par deux bandes rectangulaires entre lesquelles se forme un évidement trapézoïdal, un couvercle muni d'une poignée centrale dont la forme trapézoïdale et évasée sur les extrémités des contours extérieurs reprend la forme de l'anse, celle-ci, la poignée de la casserole et la poignée du couvercle étant fixées à l'ustensile par des rivets ronds apparents ;
Sur la nouveauté
Que les intimées font grief aux premiers juges d'avoir dit que ce modèle était valable au regard des dispositions susvisées et font valoir en premier lieu, pour détruire la nouveauté, que les produits argués de contrefaçon ont été fabriqués antérieurement au dépôt du modèle opposé par une société turque OMS Stainless Stell Kitchenware Factory, laquelle les aurait commercialisés dès le 1er février 2008 ;
Que la société Vitexport indique également que le modèle déposé "s'apparente à un objet parfaitement usiné ne revêtant pas de caractère de nouveauté ni d'originalité" ;
Que la société Hatex ajoute que le modèle a été "nécessairement" divulgué avant le dépôt puisqu'il montre un objet parfaitement usiné et qu'avant le dépôt la forme de l'objet a été connue de plusieurs professionnels qui l'ont créé et fabriqué, que par ailleurs 'il apparaît évident' que l'appelant ne peut pas être "l'auteur" des 55 modèles qu'il a déposés dans des domaines divers ; qu'elle poursuit en indiquant que "selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, le modèle a été raisonnablement connu c'est à dire divulgué au sens de l'article L. 511-6 du Code de la propriété intellectuelle" et que "tout porte à constater qu'il s'agit d'un modèle existant en dehors de la France, connus des professionnels du secteur, et déposé par Monsieur Hallioua pour (...) (se) l'approprier sur le territoire français" ;
Considérant ceci exposé, étant rappelé que la notion d'originalité est ici inopérante s'agissant de la revendication de la protection d'un modèle déposé, que le Tribunal a justement relevé qu'il n'est versé aux débats aucune antériorité de toutes pièces permettant de priver de nouveauté le modèle opposé ;
Qu'en effet, la pièce n° 7 versée aux débats par la société Vitexport, qualifiée d'attestation, selon laquelle la batterie de cuisine litigieuse est commercialisée depuis le 1er février 2008, est une lettre dactylographiée en anglais, qui n'est pas datée, ne comporte aucun destinataire, ne répond pas aux exigences de l'article 202 du Code de procédure civile, et comporte une photographie intégrée, tout juste lisible, dont ni la date ni l'origine ne sont révélées ;
Que par ailleurs, la facture émise par la société OMS le 1er avril 2009 au bénéfice de la société Hatex concerne des "Steel Pan Set" (ensemble de casseroles en acier) sans qu'aucun élément ne permette d'identifier davantage ces produits et surtout celui que la société OMS prétend avoir fourni à la société Hatex à la date de la facture ;
Qu'il en est de même des factures produites par la société Hatex qui font état de "steel pan set" ou de "set de casseroles 9 pièces en inox" vendus à un prix unitaire de 65 euros, sans autre élément permettant d'identifier ces produits ;
Qu'enfin les attestations produites par la société Hatex, outre le fait qu'elles proviennent de ses salariés ou de personnes en lien avec elle, ne font qu'affirmer que cette dernière a commandé en février 2009 et reçu en avril 2009 des casseroles avec une poignée en métal, là encore sans autre précision que la référence interne de la société Hatex ;
Qu'aucun de ces éléments n'est donc de nature à détruire la nouveauté du modèle n° 092658 ;
Considérant par ailleurs que les hypothèses formulées par la société Hatex, qui restent des hypothèses en l'absence de preuve produite à l'appui des affirmations selon lesquelles Monsieur Hallioua aurait déposé un modèle créé hors de France, ou aurait divulgué le modèle, sont inopérantes dès lors que l'auteur de la demande d'enregistrement est regardé comme le bénéficiaire de la protection et qu'il n'est apporté en l'espèce aucune preuve en ce sens ;
Que le fait que l'appelant ait déposé d'autres modèles dans d'autres domaines est enfin sans portée sur le présent litige ;
Sur le caractère propre
Considérant que la société Vitexport conteste en second lieu le caractère propre du modèle 092658 en faisant valoir que "celui-ci dispose de si peu de caractère propre qu'il a dû être lancé associé au nom du cuisinier Marc Veyrat" ;
Que ce faisant, elle ne conteste aucune des conditions édictées par l'article L. 511-4, alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle précité, de sorte que le moyen ne peut prospérer ;
Considérant dans ces conditions que le modèle 092658 déposé le 2 juin 2009 auprès de l'INPI par Monsieur Jacques Hallioua est valable ;
Que le jugement qui a débouté les sociétés Vitexport et Hatex de leur demande de nullité doit donc être confirmé sur ce point ;
Sur la contrefaçon
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-4 du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle ;
Que l'article L. 513-5 du même Code dispose que la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ;
Que l'article L. 521-1 du Code de la propriété intellectuelle ajoute que toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Les faits postérieurs au dépôt mais antérieurs à la publication de l'enregistrement du dessin ou modèle ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits qui y sont attachés ;
Qu'ainsi le monopole conféré au titulaire d'un modèle déposé s'étend à tous produits que l'observateur averti, en l'espèce le grand public s'agissant d'ustensiles de cuisine, considérera comme étant semblables du fait de l'absence de différences visuelles d'ensemble ;
Considérant qu'en l'espèce le modèle n° 92 658 déposé par Monsieur Hallioua le 2 juin 2009 et publié le 19 mars 2010 porte sur une casserole et son couvercle et que les reproductions montrent :
- pour la première une poignée de forme triangulaire incurvée vers le bas, se prolongeant à sa base par deux bandes rectangulaires entre lesquelles se forme un évidement trapézoïdal, fixée à l'ustensile par des rivets métalliques ronds,
- pour la deuxième, ladite poignée et une anse de forme trapézoïdale incurvée vers le bas, dotée d'un évidement de forme rectangulaire et de contours galbés qui s'évasent vers l'extérieur, vues de dessous,
- pour la troisième, une casserole présentant sur son pourtour un rebord évasé aplati, un couvercle muni d'une poignée centrale dont la forme trapézoïdale et évasée sur les extrémités des contours extérieurs reprend la forme de l'anse, une anse et une poignée telles que ci-dessus décrites, et fixées comme la poignée du couvercle par des rivets ronds apparents ;
Qu'il résulte des pièces versées au dossier, et notamment du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 30 juin 2010, donc postérieur à la publication du modèle opposé, que cinq ustensiles de cuisine composent les batteries de casseroles commercialisées par la société Vitexport, à savoir une petite casserole, une sauteuse avec couvercle, et trois marmites de tailles différentes avec couvercle ;
Que l'examen visuel de la sauteuse révèle que celle- ci reproduit l'ensemble des caractéristiques du modèle déposé à savoir un rebord aplati, une anse trapézoïdale et une poignée triangulaire, fixées à l`ustensile par des rivets ronds et munie d'un couvercle présentant une poignée trapézoïdale de la même forme que l'anse ;
Que la contrefaçon du modèle n° 0092658 est ainsi caractérisée et le jugement sera confirmé de ce chef, peu importe le matériau ou le revêtement utilisé pour la fabrication du produit contrefaisant contrairement à ce que soutient la société Vitexport ;
Que les premiers juges ont par ailleurs à juste titre constaté que, d'une part les trois marmites de différentes tailles présentent certes un rebord aplati mais sont dépourvues de poignée triangulaire pour être munies de deux anses symétriques trapézoïdales, dont la forme est reprise sur la poignée du couvercle mais qui dégagent une impression visuelle d'ensemble différente de celle dégagée par le modèle n° 92658 et que, d'autre part, la casserole n'a ni couvercle ni anse trapézoïdale et présente ainsi une physionomie propre qui la distingue du modèle opposé ;
Que le jugement sera en conséquence également confirmé en ce qu'il a dit que le grief de contrefaçon n'était pas caractérisé pour ces quatre ustensiles et débouté Monsieur Hallioua, qui ne peut revendiquer un monopole sur toute une gamme d'ustensiles de cuisine en opposant "la reprise de la forme générale, du rebord aplati et évasé ainsi que la forme particulière des anses et du couvercle", du surplus de ses demandes, dès lors qu'il a été dit que ces ustensiles ne reproduisent pas les caractéristiques essentielles du modèle opposé ;
Sur les responsabilités
Considérant que la détention, l'offre en vente et la vente par la société Vitexport, des sauteuses contrefaisantes constituent des actes de contrefaçon en application des dispositions de l'article L. 513-4 du Code de la propriété intellectuelle, la bonne foi invoquée par l'intimée, à la supposer établie étant inopérante en la matière ;
Que par ailleurs l'huissier instrumentaire indique dans son procès-verbal que les cartons contenant les batteries de cuisine litigieuses comportent la mention Hatex Grosshandel - Kochtopfset 9 tig, 18/10 Artikel Nr: 10234 ;
Que s'appropriant la motivation des premiers juges, la société Hatex fait valoir pour sa part qu'elle n'a pas commercialisé les produits litigieux en France ni vers la France, ceux-ci ayant été commercialisé en Allemagne ;
Que le saisi a déclaré à l'huissier avoir pour fournisseur la société Hatex située à Krefeld en Allemagne ;
Que la société Vitexport produit trois factures émanant de la société Hatex antérieures à la saisie-contrefaçon, dont celle du 12 juin 2010, correspondant selon elle à la vente litigieuse ;
Que cette facture, qui mentionne l'adresse en France de la société Vitexport, suffit à établir la connaissance qu'avait la société Hatex de la destination des produits, et partant à retenir la responsabilité de cette dernière, ce d'autant que les pièces versées aux débats démontrent que les parties étaient en relation d'affaires et que la notice d'utilisation des batteries de cuisine litigieuses sont notamment rédigées en langue française ;
Que la société Hatex sera donc tenue in solidum avec la société Vitexport des conséquences dommageables des actes de contrefaçon de modèle déposé commis au préjudice de Monsieur Hallioua ;
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Considérant que les actes de contrefaçon de modèle déposé commis à l'encontre de Monsieur Hallioua tels que ci-dessus caractérisés, constituent, à l'encontre de la société Euroménage qui commercialise les ustensiles de cuisine en cause, des actes de concurrence déloyale :
Qu'en outre, la commercialisation de plusieurs ustensiles de même forme (marmites, casseroles et sauteuses) reprenant chacun un ou plusieurs éléments des ustensiles commercialisés par la société Euroménage constitue au préjudice de cette dernière des actes de concurrence déloyale, dans la mesure où l'utilisateur sera amené, malgré les indications portées sur les emballages respectifs et l'apposition de différentes marques, à croire à une origine commune des dits produits, voire à les interchanger ;
Considérant enfin que la société Euroménage justifie de ses investissements publicitaires relatifs aux ustensiles de cuisine en cause, notamment par la production d'extraits de catalogues et de factures de promotion lors du salon Maison & Objet de janvier 2010 ; que les sociétés Vitexport et Hatex, qui ne justifient quant à elles d'aucun élément de nature à établir leurs propres efforts de création et de promotion des batteries de cuisine incriminées, ont ainsi manifesté leur volonté délibérée de se placer dans le sillage de la société Euroménage pour bénéficier du succès rencontré auprès de la clientèle par ses produits ;
Qu'il suit que cette dernière est bien fondée à invoquer des actes de parasitisme commis à son encontre par les intimées ;
Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement sur ces points ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que les atteintes portées au modèle dont est titulaire Monsieur Hallioua de par la dépréciation de celui-ci seront justement réparées par l'octroi de la somme de 10 000 euros à l'appelant ;
Considérant que les opérations de saisie-contrefaçon ont révélé que 40 batteries de cuisine litigieuses ont été achetées par la société Vitexport à la société Hatex, dont 28 ont été vendues au détail au prix de 220 euros pièce et en gros au prix unitaire de 110 euros ;
Qu'il résulte d'une facture du 7 juillet 2010 et du constat d'huissier établi le 15 mars 2011 que la société Vitexport poursuivait à cette date ses ventes y compris sur Internet ;
Que la société Euroménage justifie quant à elle vendre, sous la désignation "Cuisin'Pro pour Marc Veyrat" une gamme complète d'ustensiles de cuisine, dont les prix de gros varient, selon les factures produites, de 46,80 euros à 13,75 euros selon les modèles et les tailles ;
Que considération de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à la société Euroménage la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale commis à son encontre;
Qu'à titre d'indemnisation supplémentaire, il sera fait droit à la demande de publication de la présente décision dans les termes exposés au dispositif ;
Sur la demande de garantie de la société Vitexport par la société Hatex
Considérant que si la société Vitexport sollicite dans ses dernières écritures la garantie de la société Hatex de toute condamnation prononcée à son encontre en sa qualité de fournisseur, la société Hatex fait valoir à juste titre que qu'il s'agit là d'une demande nouvelle qui en tant que telle est irrecevable en cause d'appel en application de l'article 564 du Code de procédure civile ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'il y a lieu de condamner in solidum les sociétés Vitexport à la société Hatex, parties perdantes, aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Qu'en outre, elles doivent être condamnées à verser à Monsieur Jacques Hallioua et à la société Euroménage, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 10 000 euros;
Que le jugement dont appel sera réformé en ce qu'il a condamné in solidum la société Euroménage et Monsieur Hallioua à payer à la société Hatex la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Qu'enfin il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Hatex les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour se défendre à l'encontre de la société Vitexport.
Par ces motifs : Infirme le jugement rendu le 19 octobre 2012 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a débouté les sociétés Vitexport et Hatex de leur demande en nullité du modèle n° 92658 déposé par Monsieur Hallioua et dit qu'en important, en détenant et en commercialisant une sauteuse reproduisant les caractéristiques du modèle n° 92658, la société Vitexport s'était rendue coupable d'actes de contrefaçon de modèle déposé à l'encontre de Monsieur Jacques Hallioua. Statuant à nouveau, Dit qu'en introduisant en France, en offrant à la vente et en vendant des sauteuses reproduisant les caractéristiques du modèle n° 092658 déposé le 2 juillet 2009 par Monsieur Jacques Hallioua, les sociétés Vitexport et Hatex ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de ce dernier. Dit que les sociétés Vitexport et Hatex AS GmbH & CO ont en outre commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Euroménage. Condamne in solidum la société Vitexport et la société Hatex AS GmbH & CO à payer à Monsieur Jacques Hallioua la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la contrefaçon du modèle n° 092658. Condamne in solidum la société Vitexport et la société Hatex AS GmbH & Co à payer à la société Euroménage le somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale commis à son encontre. Autorise la publication du dispositif du présent arrêt dans trois journaux ou périodiques aux choix des appelants et aux frais in solidum des sociétés Vitexport et Hatex AS GmbH & CO, sans que le coût de chaque insertion ne dépasse la somme de 4 000 euros hors taxes. Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires. Condamne in solidum la société Vitexport et la société Hatex AS GmbH & CO à payer à Monsieur Jacques Hallioua et à la société Euroménage, ensemble, la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Déclare irrecevable la demande de garantie de la société Vitexport par la société Hatex AS GmbH & CO. Déboute la société Hatex AS GmbH & CO de sa demande formée à l'encontre de la société Vitexport sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne in solidum la société Vitexport et la société Hatex AS GmbH & CO aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le montant sera recouvré conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.