CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 février 2014, n° 11-19999
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Cave, Afipre (SA)
Défendeur :
Assurtis (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Fisselier, Bellet, Perrier, Maupas-Oudinot, Reinhard, Bes
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
En 2004, le groupe April spécialiste de l'assurance et le groupe Laser Confinoga spécialisé dans le crédit à la consommation se sont rapprochés pour étudier la mise en place d'un réseau de distribution de contrats d'assurance et de crédits à la consommation sous une enseigne unique "Assurtis".
La société anonyme Assurtis, créée en 2005, a mis en place la distribution de ces produits dans le cadre d'un réseau de franchise.
Monsieur Cave a été intéressé par le concept Assurtis. Le 19 novembre 2007, il a été destinataire d'un document d'information précontractuelle.
Le 19 décembre 2007, Monsieur Cave et la société Assurtis ont conclu un contrat de franchise pour une durée de cinq ans. Ce contrat a été transféré le 21 juillet 2008 au profit de la société anonyme Afipre créée à cette fin par Monsieur Cave. Le point de vente a été ouvert le 28 novembre 2008 à Saintes.
A compter de janvier 2010, la société Afipre a cessé de payer ses redevances à la société Assurtis.
Par acte du 21 juillet 2010, Monsieur Cave et la société Afipre ont assigné devant le Tribunal de commerce de Paris la société Assurtis.
Par jugement du 19 octobre 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit Monsieur Cave irrecevable à demander la résiliation ou la nullité du contrat mais recevable à demander l'indemnisation d'un préjudice personnel ;
- débouté la société Afipre et Monsieur Cave de toutes leurs demandes ;
- prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Afipre ;
- condamné la société Afipre à payer à la société Assurtis une somme de 22 600,54 euros au titre des redevances à échoir jusqu'au terme du contrat ;
- donné acte à la société Assurtis de ce qu'elle se réserve de reprendre toutes mesures d'exécution à l'encontre de la société Afipre en vue d'obtenir le paiement de l'arriéré de redevances d'un montant de 3 252,15 euros ;
- dit que la société Afipre devra mettre en œuvre les dispositions de l'article 18 du contrat de franchise dans les 15 jours de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une période de 45 jours à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit ;
- dit que la société Afipre et Monsieur Cave demeurent soumis aux dispositions des articles 15.3-2 et 15.3-3 du contrat de franchise ;
- condamné in solidum la société Afipre et Monsieur Cave à payer à la société Assurtis la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
Le 8 novembre 2011, Monsieur Cave et la société Afipre ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions du 8 novembre 2013 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, Monsieur Cave et la société Afipre demandent à la cour de :
- débouter la société Assurtis de ses moyens d'irrecevabilité,
- constater que la société Afipre est recevable dans son action ;
- dire et juger que Monsieur Cave est recevable et bien-fondé dans son action personnelle,
- dire et juger que la société Assurtis a vicié le consentement de Monsieur Cave et de la société Afipre représentée par son liquidateur amiable par l'effet du dol commis par cette dernière en :
- ne les informant pas loyalement de l'absence d'expérimentation de son concept,
- ne dressant pas l'état local du marché des produits (assurance et crédit), objets du contrat,
- ne déterminant pas les perspectives de développement sur la durée du contrat,
- fournissant des objectifs de contrats d'assurance et de crédit et des chiffres prévisionnels qui ne correspondaient pas à la rentabilité du concept et du réseau,
- dire et juger que la société Afipre représentée par son liquidateur amiable, par le biais de Monsieur Cave, a commis, lors de la conclusion du contrat de franchise, une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité de son entreprise qui a vicié son consentement, dès lors qu'elle s'est exclusivement engagée, sur la foi des informations prévisionnelles fausses qui lui ont été communiquées par la société Assurtis, en considération d'un niveau d'activité qui n'a jamais été atteint du fait du défaut de rentabilité général du réseau de franchise Assurtis,
- dire et juger que la société Assurtis s'est rendue coupable de manquements précontractuels avérés ayant conduit Monsieur Cave et la société Afipre à entrer dans les liens de la franchise avec Assurtis sur la base d'un consentement vicié,
- dire et juger que la société Assurtis s'est rendue coupable de graves manquements contractuels en :
- durcissant les conditions d'accès au crédit,
- violant son obligation d'assistance,
- manquant gravement à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat,
En conséquence :
- condamner la société Assurtis à payer à la société Afipre la somme de 55 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds, de développer sa clientèle et de parvenir aux objectifs fixés,
- condamner la société Assurtis à payer à Monsieur Cave la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une juste rémunération de ses efforts,
- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société Assurtis,
- dire et juger que Monsieur Cave et la société Afipre sont recevables et fondés à opposer une exception d'inexécution,
- débouter la société Assurtis de toutes ses demandes aussi irrecevables que mal fondées,
- dire que les condamnations pécuniaires mises à la charge de la société Assurtis porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la société Assurtis au paiement d'une somme de 12 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 9 décembre 2013 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Assurtis demande à la cour de :
- confirmer le jugement critiqué à l'exception de l'astreinte,
- déclarer Monsieur Cave et la société Afipre irrecevables en l'ensemble de leurs demandes,
- déclarer la société Assurtis recevable et bien fondée dans sa demande reconventionnelle,
In limine litis,
- déclarer les appelants irrecevables en leurs prétentions nouvelles,
- déclarer Monsieur Cave irrecevable en ses prétentions présentées à titre personnel,
Sur le fond,
A titre principal :
1 Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,
- déclarer Monsieur Cave et la société Afipre irrecevables dans leur demande,
- débouter Monsieur Cave et la société Afipre de l'ensemble de leurs demandes en réparation de la perte d'une chance,
- constater que la société Assurtis n'a commis aucun agissement constitutif de dol,
- dire que la société Assurtis n'a commis aucun manquement dans ses obligations précontractuelles qui serait de nature à engager sa responsabilité, notamment dire :
- que ni l'expérimentation préalable du concept, ni l'étude de marché ne sont des éléments obligatoires au regard des textes,
- qu'aucun compte d'exploitation prévisionnel n'a été remis au franchisé par Assurtis, cette exigence n'étant pas requise par les textes,
- et qu'en matière de franchise, aucune obligation de rentabilité n'est imposée au franchiseur,
- constater que les manquements allégués n'ont pu, en toutes hypothèses, vicier le consentement du candidat à la franchise compte tenu du caractère particulièrement aguerri de ce dernier,
- constater que Monsieur Cave et la société Afipre ne peuvent se prévaloir d'une quelconque erreur sur la rentabilité de l'activité entreprise,
- débouter en tout état de cause Monsieur Cave et la société Afipre de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,
- dire la société Afipre mal fondée en ses demandes en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter, de faire une meilleure utilisation de ses ressources, d'obtenir des gains, de réaliser des objectifs et encore de développer sa clientèle,
- dire que Monsieur Cave mal fondé en ses demandes en réparation d'une perte de chance de mieux investir ses fonds et de percevoir une "juste" rémunération,
- dire en toute hypothèse que la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité avec les manquements reprochés n'est pas établie,
2 Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la société Assurtis :
- débouter Monsieur Cave et la société Afipre de l'ensemble de leurs demandes tendant à la résiliation du contrat aux torts d'Assurtis,
- dire que la société Assurtis a rempli ses obligations contractuelles et qu'elle ne s'était jamais engagée contractuellement sur les conditions d'accès au crédit qui n'étaient pas de son ressort, ce dont le franchisé avait été informé,
- dire que la société Assurtis a rempli son obligation d'assistance et a même intensifié son effort pour faire face à la crise économique ainsi qu'en attestant les nombreuses actions menées par cette dernière,
- constater que la société Assurtis a exécuté loyalement le contrat de franchise,
- dire que Monsieur Cave et la société Afipre ne rapportent pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec les manquements reprochés dans l'exécution du contrat, ni d'un préjudice distinct de celui sollicité au titre d'une perte de chance lors de la conclusion du contrat,
- les débouter en conséquence de toutes leurs demandes indemnitaires,
3 Sur les demandes reconventionnelles de la société Assurtis :
- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de Monsieur Cave et la société Afipre pour violation des dispositions contractuelles,
- constater que le contrat de franchise a été résilié avant son terme du fait de la société Afipre,
- donner acte à la société Assurtis de ce qu'elle se réserve de reprendre toutes mesures d'exécution à l'encontre de la société Afipre en vue d'obtenir le paiement de l'arriéré de redevances d'un montant de 3 252,15 euros,
- condamner société Afipre à payer à la société Assurtis la somme de 22 600,54 à titre de dommages et intérêts correspondants aux redevances dues jusqu'au terme du contrat de franchise,
- dire que Monsieur Cave et la société Afipre demeurent soumis aux stipulations spécifiques des articles 15.3-2 et 15.3-3 du contrat de franchise,
- dire que la société Afipre devra mettre en œuvre les stipulations de l'article 18 du contrat de franchise sur "les effets de la cessation du contrat" et ce sous astreinte de 1 000 (mille euros) par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,
A titre subsidiaire,
- prononcer la compensation des sommes dues par le franchisé au titre de l'exécution du contrat avec les sommes éventuellement dues par Assurtis au titre des effets de la résiliation du contrat,
En tout état de cause,
- condamner Monsieur Cave et la société Afipre à payer à la société Assurtis la somme de 20 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE
1) Sur les irrecevabilités :
a) Recevabilité de la demande de dommage-intérêts de la société Afripe :
Considérant que la société Assurtis soutient que la demande de dommages-intérêts pour défaut d'information précontractuelle qui est substituée à la demande initiale d'annulation du contrat par les appelants est nouvelle, les fins n'étant pas les mêmes, qu'elle est par conséquent irrecevable, que les appelants ne se prononcent pas sur ce point, sinon en invoquant la liberté de décider leur stratégie procédurale ;
Considérant que la société Assurtis a été assignée par acte du 21 juillet 2010 devant le Tribunal de commerce de Paris principalement pour voir prononcer la résiliation du contrat de franchise et condamner la société Assurtis à payer à la société Afipre des dommages-intérêts correspondant aux sommes versées pour le droit d'entrée, aux redevances versées, aux comptes courants et aux pertes subies, et subsidiairement, pour voir prononcer la nullité du contrat, ordonner les restitutions à la société Afripe et condamner la société Assurtis à payer à la société Afipre diverses sommes à titre de dommages-intérêts ; qu'actuellement, la société Afipre demande à la fois la résiliation du contrat de franchise, la condamnation d'Assurtis à payer des dommages-intérêts en raison des manquements précontractuels de la société Assurtis et les manquements à ses obligations lors de l'exécution du contrat de franchise qui sont à l'origine de ses préjudices ;
Considérant que la société Afipre est maître de ses choix procéduraux ; que l'ordre dans lequel elle forme ses demandes relève de sa "stratégie procédurale" dont la cour n'a pas à apprécier l'opportunité, la cohérence dès lors que les changements opérés n'induisent aucunement la société Assurtis en erreur sur ses intentions véritables ;
Considérant enfin que la substitution d'une demande de dommages-intérêts à une demande d'annulation qui était faite subsidiairement ne peut être considérée comme nouvelle, dans la mesure où elle a pour objet la réparation des préjudices subis du fait des agissements reprochés à la société Assurtis lors de la formation du contrat, qu'elle tend "globalement" aux mêmes fins que la demande initiale ;
b) Recevabilité de la demande faite par Monsieur Cave :
Considérant que la société Assurtis soutient que seule la société Afipre peut agir en nullité ou en résiliation du contrat et que Monsieur Cave personne physique est irrecevable à cette fin, qu'il ne peut non plus agir pour obtenir réparation sans justifier d'un préjudice véritablement subi distinct de celui de la société Afipre d'une faute et d'un lien de causalité, sauf à entériner une double indemnisation au profit de Monsieur Cave et de la société Afipre ; que Monsieur Cave fait valoir qu'il est tiers victime de l'inexécution de ses obligations par la société Assurtis et qu'il n'a pas à démontrer "une faute distincte de l'inexécution contractuelle", que son préjudice a consisté pour lui en une "perte de chance de faire une meilleure utilisation de ses fonds" ;
Considérant que Monsieur Cave qui n'est pas le franchisé n'est pas recevable à agir à titre personnel en résiliation du contrat de franchise ;
Considérant toutefois que quel que soit le bien fondé des demandes qu'il peut faire, Monsieur Cave qui a signé le contrat de franchise par la suite transféré à la société Afipre qu'il a créée peut agir sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil pour obtenir réparation du préjudice qu'il estime subir du fait des agissements dolosifs de la société Assurtis, qu'il peut également en sa qualité de tiers au contrat, agir en responsabilité contre la société Assurtis si les manquements de celle-ci au cours de l'exécution du contrat lui ont causé un préjudice personnel, ce qu'il allègue en l'espèce ; que sa demande est recevable ;
Considérant que pour ces motifs, les moyens tirés de l'impossible cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle développés par la société Assurtis qui estime que les appelants ne peuvent prétendre que "les multiples manquements de la société Assurtis sont clairement à l'origine de leur préjudice" "sans distinguer le préjudice résultant des prétendus manquements délictuels de ceux des prétendus manquements contractuels", et demander réparation pour la perte de chance d'obtenir des gains et pour la perte de chance de ne pas contracter ou de réaliser un meilleur investissement, ce qui traduit un défaut de distinction du préjudice induit par les manquements qui lui sont reprochés, soit au titre de l'information précontractuelle, soit au titre de l'exécution du contrat, seront examinés ultérieurement, le cas échéant ;
2) Sur la demande de dommages-intérêts pour vice du consentement :
Considérant que cette demande relève de la mise en jeu éventuelle de la responsabilité délictuelle de la société Assurtis ;
Considérant que, rappelant les dispositions des articles 1116 du Code civil, L. 330-3 et R 330-1 du Code de commerce, les appelants soutiennent :
- que la société Assurtis ne les a pas informés loyalement, que la renommée des deux actionnaires de la société Assurtis ne peut pallier l'absence d'expérimentation du concept et de l'assurance que celui-ci est rentable, même si la loi n'oblige pas le franchiseur à expérimenter son concept dans une unité pilote, qu'aucune étude n'a été faite, aucune analyse menée,
- que la société Assurtis n'a pas présenté sincèrement et complètement l'état local du marché, que la qualité de professionnel des franchisés ne dispensait pas la société Assurtis de cette obligation de présenter l'état local du marché, en "lien avec ses produits en assurance et crédit et les perspectives de développement sur la durée du contrat",
- que la société Assurtis a établi les prévisionnels des candidats franchisés qui sont identiques pour la plupart, qu'elle leur a communiqué des objectifs et des chiffres prévisionnels qui n'étaient pas sincères, leur précisant qu'il serait possible de réaliser une moyenne de 275 contrats par an ce qui traduisait un potentiel sur la zone de chalandise, et que le franchisé a construit son projet sur la base de ces "objectifs", que la discordance entre les chiffres prévisionnels et les chiffres réalisés ne peut s'expliquer par la seule qualité du commerçant mais par le manque de rentabilité chronique du réseau, que l'absence de sérieux des informations données par Assurtis est rapportée ;
Considérant que les appelants invoquent également, au visa de l'article 1110 du Code civil, l'erreur sur la rentabilité commise sur la foi des informations données par Assurtis, rappelant que le consentement du franchisé peut avoir été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité entreprise même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information, et soutenant que si de "telles circonstances peuvent conduire à la nullité du contrat de franchise, elles peuvent tout autant conduire à engager la responsabilité extracontractuelle du franchiseur" ;
Considérant que l'intimée qui indique n'avoir commis aucune faute, rappelle que doivent être rapportés la volonté du cocontractant de tromper et le caractère déterminant des manœuvres, ce qui n'est pas en l'espèce établi, que le préjudice indemnisable est la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'elle soutient que les appelants dénaturent les textes et les faits, qu'elle a donné en toute transparence et loyauté toutes les informations utiles lors de la phase précontractuelle ;
Considérant que l'article L. 330-3 du Code de commerce précise : "Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie une document donnant les informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause" ;
Considérant que l'article R. 330-1 du Code de commerce précise : "Le document prévu au premier alinéa de l'article premier de la loi du 31 décembre 1989 susvisé doit contenir les informations suivantes :
- la date de la création avec un rappel des principales étapes de son évolution; y compris celle du réseau d'exploitants s'il y a lieu ainsi que toutes les indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou ses dirigeants. Les informations données ne peuvent porter que sur les 5 dernières années qui précédent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché... Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels...
- une présentation du réseau des exploitants qui comporte la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu, l'adresse des entreprises établies en France,
- la date de conclusion de ses contrats, le nombre d'entreprise qui étant liées par un contrat de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé...",
que ce texte définit de manière détaillée les informations tant juridiques qu'économiques que le franchiseur doit fournir ;
Considérant que ces textes issus de la loi Doubin visent à permettre au candidat à la franchise de s'engager en toute connaissance de cause aux obligations qui découlent du contrat de franchise ;
Considérant en l'espèce que le document d'information précontractuelle adressé à Monsieur Cave le 19 novembre 2007 présente le franchiseur, sa forme sociale, sa structure, indique le nom des personnes qui composent le directoire, le conseil de surveillance, précise sa date de création, la date de son immatriculation, la marque et sa publication en février 2005 à l'INPI, ses coordonnées bancaires et l'activité de l'entreprise ; que le document présente le réseau, constitué de trente-un franchisés dont il donne les noms et les coordonnées, précise que trois franchisés ont cessé leurs activités, dont il donne les noms et coordonnées ; que le document fait état des "Résultats du franchiseur" en indiquant : "Assurtis a été créée en mai 2005. L'exercice clos au 31 décembre 2006 se solde par un chiffre d'affaires de 1 296 209 euros et un résultat net de 979 731 euros. Le franchiseur porte par ailleurs à la connaissance du candidat franchisé l'expérience des deux sociétés fondatrices de Assurtis. Il s'agit pour April Group Dommages-Intérêts Particuliers et le groupe April d'une expertise dans la conception et la distribution des produits d'assurance de masse via un réseau constitué de courtiers. Il s'agit pour Médiatis et le groupe Laser d'une expertise reconnue dans le domaine de la conception d'outils marketing permettant la fidélisation du client final", que le document d'information précontractuelle détaille ensuite plus particulièrement le contrat de franchise, les obligations de chacune des parties ;
Considérant qu'aucun document d'information précontractuelle n'a été remis avant la signature de l'avenant par les société Assurtis, Afipre et Monsieur Cave le 21 juillet 2008 ;
Considérant que le document d'information précontractuelle adressé le 19 novembre 2007 à Monsieur Cave ne comportait pas la présentation du marché local et ses perspectives de développement qui sont obligatoires selon les termes de l'article R. 330-1 du Code de commerce ; que Monsieur Cave allègue sans toutefois rapporter la preuve qu'il se serait déterminé différemment sinon ; que le contrat de franchise précisait dans son article 4.2 que le franchisé "déclare avoir effectué sous sa propre responsabilité une étude de marché, et le cas échéant, une étude d'implantation dans la zone de recherche. Le franchisé assume la responsabilité de son étude d'implantation, de son étude de faisabilité et du choix de son point de vente s'il n'en dispose pas déjà d'un" ; qu'il incombait donc à Monsieur Cave de faire une étude de marché et qu'il ne peut imputer la responsabilité de sa carence au franchiseur ; que de ces éléments, il s'infère que l'absence de présentation du marché local, et de ses perspectives n'a pas été pour lui un élément déterminant ;
Considérant, par ailleurs, que Monsieur Cave savait que le concept avait un caractère "innovant" et n'avait pas fait l'objet d'une exploitation préalable dont l'obligation pour le franchiseur ne résulte ni des termes de la loi, ni de la norme AFNOR Z 20000 ; que pour autant, Monsieur Cave avait été informé de ce que le concept était issu du savoir-faire conjugué des sociétés April et Mediatis et de ce que l'adhésion au réseau lui permettait de bénéficier de l'accès à une gamme de produits d'assurance et de crédits réservés aux seuls membres du réseau, d'opérations de marketing montés spécialement pour les membres du réseau, d'outils informatiques spécifiques, de techniques de vente, le tout largement éprouvé tant par Médiatis que par April dans leur domaine respectif ; que le réseau fonctionnant depuis deux ans environ, Monsieur Cave pouvait tout particulièrement se renseigner auprès des autres membres franchisés du réseau ;
Considérant qu'il est soutenu que le compte d'exploitation prévisionnel a été en réalité établi par Assurtis sur la base de chiffres irréalistes, ce qui a conduit Monsieur Cave à faire une erreur sur la rentabilité du projet ; que les documents fournis par Monsieur Cave sont imputés à des franchisés sans aucune certitude et ne permettent de savoir à quel franchisé ils se réfèrent ; que la comparaison de ces documents ne peut donner lieu à la déduction que la société Assurtis n'a pas seulement transmis au candidat à la franchise une trame informatique vierge constituée d'un tableur Excel mais qu'elle a également rempli cette trame ou qu'elle a aidé le franchisé à la remplir en lui donnant divers renseignements chiffrés ; qu'enfin, les objectifs visés dans le contrat doivent être considérés comme tels et non comme des prévisions ; que rien ne permet par conséquent de justifier que Monsieur Cave a été conduit à apprécier d'une façon erronée la rentabilité de l'exploitation projetée par le fait de la société Assurtis ;
Considérant enfin qu'aucun résultat n'avait été contractuellement prévu et n'était garanti par la société Assurtis ; que si Monsieur Cave soutient avoir commis une "erreur substantielle sur la rentabilité" en ce que les résultats sont en deçà de ce que le compte prévisionnel d'exploitation lui a permis d'envisager, il lui appartenait, en sa qualité de commerçant indépendant et responsable, d'apprécier, avant de s'engager, la valeur économique du projet, de faire une étude de marché ;
Considérant en définitive que Monsieur Cave ne justifie pas avoir été victime des agissements dolosifs de la société Assurtis ; que pour les mêmes motifs, la demande faite par la société Afipre représentée lors de la signature de l'avenant par Monsieur Cave qui avait exploité le concept Assurtis pendant plusieurs mois doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour dol ;
3) Sur la résiliation du contrat :
Considérant que les parties se reprochent mutuellement des manquements à leurs obligations, que la société Afipre et Monsieur Cave reprochent à Assurtis d'avoir durci les critères d'accès au crédit et manqué à son devoir d'assistance, ce que conteste la société Assurtis qui fait état de l'absence de paiement par la société Afipre de ses redevances de fonctionnement et communication dès le mois de janvier 2010 ;
Considérant que les dispositions du contrat de franchise précisaient : "Les conditions d'accès au crédit sont fixées par ses partenaires sans qu'elle puisse intervenir" (article 12.1) et "La gamme de produits est susceptible de variation en fonction de l'évolution du marché." (article 11), que la société Assurtis n'est pas à l'origine de la décision de durcir les conditions d'octroi de crédit à la consommation qui ressortait de la compétence d'un tiers, son actionnaire la société Mediatis ; que par ailleurs, cette décision a été imposée par une évolution nécessaire (notamment liée à l'obligation faite au préteur d'informer l'emprunteur) devant la crise financière de 2008-2009 "d'une ampleur sans précédent en 45 ans de suivi statistique de l'activité", constatée par les franchisés Assurtis aux-mêmes ; que la société Afipre pouvait, en application des termes de l'article 12.1.3 du contrat, faire appel à d'autres partenaires du crédit pour les produits ou les services de la gamme obligatoire en cas de refus de la société Assurtis ;
Considérant enfin que la société Afipre soutient que la société Assurtis ne l'a pas assistée lorsqu'elle a été en difficulté ; que toutefois la société Afipre n'a adressé à la société Assurtis aucune demande particulière au cours de l'exploitation de la franchise ; que la société Assurtis qui ne niait pas avoir une "faible notoriété nationale" justifie par les pièces qu'elle verse aux débats notamment avoir élaboré un plan marketing pour l'ensemble du réseau, mis en place des opérations promotionnelles, fait des communications nationales importantes en 2008 et 2009, accompagné les franchisés en lançant deux plans au cours des années 2008 et 2009 proposant la gratuité de trois mois pour les redevances de fonctionnement, l'octroi d'une sur-commission sur les regroupements de crédits, lançant de nouveaux produits, qu'elle a proposé des réunions, assuré le suivi de l'activité du réseau ; qu'il ne peut être reproché à la société Assurtis qui a fourni des efforts pour soutenir ses franchisés un défaut d'assistance ; qu'aucune comparaison valable ne peut non plus être faite avec la société Crédit Services qui selon la société Afipre aurait permis à ses franchisés de survivre la crise alors que, sans être contredite sur ce point par Afipre la société Assurtis justifie que la société Crédit Services n'exploitait pas de réseau en franchise avant 2009 ;
Considérant que la société Assurtis expose que la société Afipre n'a pas assumé ses propres obligations ;
Considérant que la société Afipre n'a pas payé les redevances de fonctionnement et de communication à partir du mois de janvier 2010, en contradiction des termes du contrat ;
Considérant que les appelants n'établissent aucune faute contractuelle de la société Assurtis, qu'en revanche, la société Assurtis est bien fondée dans sa demande de résiliation en raison des défauts de paiement de la société Afipre ;
4) Sur les réparations :
Considérant que la société Assurtis fait plusieurs demandes ;
- Demande de paiement :
Considérant que la société Assurtis demande le paiement des redevances impayées au mois de juillet 2010 pour 3 282,13 euros selon décompte, que la société Afipre qui ne justifie pas du paiement de cette somme sera condamnée au paiement de cette somme ;
Considérant que la société Assurtis demande la condamnation de la société Afipre à lui payer des dommages-intérêts représentant les redevances dues (22 600,54 euros) jusqu'au terme normal du contrat, que la société Afipre refuse un tel paiement en raison de la cessation par Assurtis de l'exploitation de son réseau ; qu'il apparaît en effet selon les appelants non contredits sur ce point par la société intimée, que la société Assurtis a cessé l'exploitation de son réseau en novembre 2010 et qu'elle ne justifie pas que la "fronde" de plusieurs franchisés est à l'origine de cette cessation d'exploitation ; que dès lors, elle ne saurait demander à la société Afipre de payer de redevances jusqu'au terme normal du contrat sinon jusqu'en novembre 2010, soit 4 340,04 euros ;
- Demande de retrait des signes distinctifs et restitution des ceux-ci (article 18 du contrat) :
Considérant que la société Assurtis demande le respect de ce texte sous astreinte, que si la société Afipre expose n'avoir commis aucun manquement sur ce point, elle ne justifie pas respecté les obligations que lui imposait ce texte, notamment le dépôt d'enseigne, la remise de tous les documents, cartes nominative de démarchage bancaire ou financier en sa possession ; que le jugement sera confirmé sur ce point, exception faite de l'astreinte qui sera supprimée ;
- Demande liée à la clause de non-réaffiliation post-contractuelle (article 15.3 du contrat) :
Considérant que la société Assurtis demande que la société Afipre et Monsieur Cave respectent cette disposition, que les appelants exposent qu'ils n'ont pas adhéré à un réseau concurrent ;
Considérant que l'obligation de non-affiliation à un autre réseau articulé ou organisé sur un concept et un savoir-faire similaire ou semblable à celui d'Assurtis pendant une année après l'extinction du contrat dans un rayon de 100 kilomètres pour le franchisé ou son dirigeant doit être examinée au regard des circonstances de l'espèce ; que le contrat a cessé ses effets en 2010, de sorte que la demande liée au respect de la clause de non-affiliation est sans objet ;
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement sur le montant des sommes dues, l'obligation de non-affiliation, l'astreinte, Condamne la société Afipre à payer à la société Assurtis la somme de 7 622,17 euros, Déboute la société Assurtis du surplus de ses demandes, Dit la demande de la société Assurtis relative à l'obligation de non-affiliation prévue par l'art 15.3-2 et 15.3-3 faite à Monsieur Cave et à la société Afripre sans objet, Dit n'y avoir lieu à astreinte pour le respect par la société Afripre des obligations de l'article 18 du contrat, Confirme le jugement pour le surplus, Condamne Monsieur Cave et la société Afipre à payer à la société Assurtis la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles en cause d'appel, Condamne Monsieur Cave et la société Afipre aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.