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Décisions

ADLC, 25 février 2014, n° 14-D-04

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des paris hippiques en ligne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Julien Barbot, rapporteur, l'intervention de M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint, par M. Patrick Spilliaert, vice-président, président de séance, , Mmes Laurence Idot, Reine-Claude Mader-Saussaye, , Pierrette Pinot, membres.

ADLC n° 14-D-04

25 février 2014

L'Autorité de la concurrence, section V, Vu la lettre, enregistrée le 2 janvier 2012 sous le numéro 12-0001 F par laquelle la société Betclic Everest Group a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur des paris hippiques en ligne ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu l'avis transmis par l'Autorité de régulation des jeux en ligne le 23 avril 2012 ; Vu les décisions de secret des affaires n° 12-DSA-70, 12-DSA-130, 12-DSA-164, 12 DSA-172, 12-DSA-199, 12 DSA-200, 13-DSA-27, 13-DSA-28, 13-DSA-133, 13-DSA-163, 13-DSA-174, 13-DSA-177, 13-DSA-208, 13-DSA-235, 13-DSA-260, 13-DSA-324, 13-DSA-331, 13-DSA-333, 13-DSA-339 et 14-DSA-21, et de déclassement n° 13-DECR-16, 13-DECC-42, 13-DECR-43, 13-DEC-23, 13-DEC-48, 13-DEC-49, 13-DEC-50 et 13 DECR-46 ; Vu l'évaluation préliminaire des préoccupations de concurrence du 4 octobre 2013, transmise aux parties et au commissaire du Gouvernement le 7 octobre 2013 ; Vu la proposition d'engagements du 28 octobre 2013 du GIE Pari Mutuel Urbain, modifiée le 22 janvier 2014, le 28 janvier 2014 et lors de la séance du 29 janvier 2014 ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du gouvernement et les représentants de la société Betclic Everest Group et du GIE Pari Mutuel Urbain entendus lors de la séance du 29 janvier 2014 ; Vu les autres pièces du dossier ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. RAPPEL DE LA PROCÉDURE

1. Par lettre du 2 janvier 2012, la société Betclic a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le Pari Mutuel Urbain (PMU) sur le marché français des paris hippiques en ligne, pratiques qu'elle estime être des abus de position dominante au sens des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ainsi que constitutives d'une entente au sens des articles L. 420-1 du même Code et 101 du TFUE.

2. L'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), saisie par la rapporteure générale le 10 février 2012, a transmis son avis sur la présente saisine le 23 avril 2012.

3. Le 4 octobre 2013, les services d'instruction ont fait connaître aux parties leur évaluation préliminaire des pratiques mises en œuvre par le PMU.

4. Le 28 octobre 2013, le PMU a transmis à l'Autorité une proposition d'engagements afin de remédier aux préoccupations de concurrence exprimées dans l'évaluation préliminaire précitée. Cette proposition d'engagements a été mise en ligne le 30 octobre 2013.

5. La société saisissante, l'ARJEL ainsi que les opérateurs de paris hippiques Zeturf, Leturf et Unibet ont présenté leurs observations dans le délai imparti. En réponse à celles-ci, le PMU a présenté les siennes le 17 janvier 2014, auxquelles Betclic a répondu le 27 janvier 2014.

6. Le PMU a transmis à l'Autorité une deuxième version de ses engagements le 22 janvier, une troisième le 28 janvier et, enfin, une quatrième lors de la séance du 29 janvier 2014.

B. LE SECTEUR DES JEUX D'ARGENT ET DE HASARD EN LIGNE

7. Le secteur des jeux d'argent et de hasard a longtemps été structuré autour de monopoles, confiés par la loi à La Française des Jeux (FDJ) pour les jeux de grattage et de tirage (et les paris sportifs), au PMU pour les paris hippiques et aux casinos pour les jeux de cercle. Considérant que de tels monopoles étaient contraires au principe de libre prestation des services, fixé par l'article 56 du TFUE, la Commission européenne a, par un avis motivé du 27 juin 2007, officiellement demandé à la France d'ouvrir ce secteur à la concurrence.

8. La loi du 12 mai 2010 a donc organisé une ouverture à la concurrence dont les conditions et les enjeux ont été longuement analysés par l'Autorité dans son avis n° 11-A-02 du 20 janvier 2011. Dès lors, seuls les points essentiels de cette loi seront rappelés ici :

- une ouverture limitée : seuls les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercle en ligne ont été ouverts à la concurrence. Les monopoles de la FDJ et du PMU ont été maintenus sur les paris sportifs et hippiques "en dur" ainsi que sur les jeux de grattage et de tirage en ligne et "en dur" (de même, les jeux de casino ne sont pas autorisés en ligne). Seuls certains types de paris hippiques et de paris sportifs sont autorisés. Enfin, pour les paris sportifs, un "droit au pari" est dû par les opérateurs aux organisateurs de manifestations sportives ;

- une ouverture strictement encadrée : les opérateurs en ligne doivent être préalablement agréés par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) créée par la loi précitée. Cet agrément est subordonné au respect de nombreuses obligations en matière de protection du joueur, de sécurité des opérations de jeu et de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent ;

- une fiscalité élevée : les prélèvements fiscaux et sociaux sur les paris hippiques et sportifs en ligne sont assis sur les mises et non sur le produit brut des jeux (PBJ). En outre, les taux de ceux-ci sont plus élevés que ceux pratiqués dans les autres États membres, en particulier pour les paris hippiques qui supportent une redevance spécifique de 5,6 % destinée à financer la filière équine française ;

- des dispositions contraignantes : la loi a imposé aux opérateurs de paris en ligne de justifier, lors de leur demande d'agrément, que les ouvertures de comptes joueurs ont été postérieures à l'agrément, les obligeant ainsi à "remettre à zéro" l'ensemble des comptes préalablement ouverts auprès des joueurs français. Or, le PMU comme la FDJ ont été dispensés d'une telle "remise à zéro". Enfin, la loi a plafonné le taux de retour aux joueurs (TRJ). Fixé par décret à 85 % des mises, il limite la concurrence par les prix et, par voie de conséquence, l'attractivité des offres des nouveaux opérateurs qu'il empêche de mener une politique commerciale agressive, l'objectif de la loi étant notamment de limiter les risques d'addiction.

9. Malgré son intitulé, la loi du 12 mai 2010 ne visait donc pas tant à ouvrir à la concurrence le marché français des jeux d'argent et de hasard en ligne qu'à légaliser pour mieux la contrôler une offre illégale à destination des joueurs français dont la prolifération constituait une menace pour l'ordre public, la santé publique et les ressources fiscales de l'État. Comme l'Autorité le relevait dans son avis précité, "en comparaison de l'ouverture à la concurrence d'autres secteurs économiques, tels que les secteurs des communications électroniques, du gaz ou du transport ferroviaire, le dispositif adopté pour les jeux d'argent et de hasard en ligne ne procède pas d'une libéralisation, mais avant tout d'une volonté de régulation visant à encadrer une activité déjà existante, exercée dans l'illégalité".

C. LES ENTREPRISES EN CAUSE

1. LE PARI MUTUEL URBAIN (PMU)

10. Afin de préserver l'ordre public et l'ordre social, la loi du 2 juin 1891 a réservé l'organisation des courses de chevaux et la prise de paris sur celles-ci aux seules sociétés de courses. Alors que la prise de paris hippiques était, à l'origine, permise uniquement au sein des hippodromes, elle a été autorisée hors de ces derniers par la loi de finances du 16 avril 1930, ce qui a entraîné la création en 1931, par ces mêmes sociétés de courses, d'un service commun : le Pari Mutuel Urbain (PMU). Le décret du 4 octobre 1983 a transformé ce service commun en un groupement d'intérêt économique (GIE), forme juridique que le PMU a conservée depuis.

11. Aujourd'hui, le GIE PMU regroupe 57 sociétés de courses, lesquelles sont de deux types :

- les sociétés de courses locales, qui organisent des courses de chevaux sur les hippodromes qu'elles exploitent ;

- les deux sociétés-mères (France Galop pour les courses de plat et d'obstacles et le Cheval Français pour les courses de trot) dont la mission est d'organiser et de réglementer les courses au niveau national.

12. Le statut de GIE du PMU implique la transparence fiscale. Il reverse l'intégralité de son résultat net aux sociétés de courses, contribuant ainsi pour une part importante au financement de la filière équine française.

13. Le PMU exerce son monopole sur la prise de paris hippiques "en dur" via un réseau d'environ 12 000 points de vente physiques. S'agissant des paris hippiques en ligne, la loi du 12 mai 2010 n'a pas modifié l'offre du PMU, sous réserve d'un agrément de l'ARJEL obtenu le 23 septembre 2010, pas plus qu'elle n'a modifié l'organisation des courses de chevaux. Le PMU a simplement perdu le monopole légal qu'il détenait jusqu'alors sur les paris hippiques en ligne.

14. En revanche, la loi du 12 mai 2010 a été mise à profit par le PMU, dès le 7 juin 2010, pour étendre son activité aux paris sportifs ainsi qu'au poker en ligne, sous la marque unique PMU et via un site unique : pmu.fr.

15. La loi du 12 mai 2010, a priori défavorable au PMU car réduisant aux seuls paris hippiques "en dur" son monopole légal, n'a pas remis en cause sa place de première entreprise de paris hippiques en Europe tout en lui offrant la possibilité de diversifier son activité. En effet, depuis cette date, le PMU a poursuivi sa croissance tant en termes d'enjeux, de produit brut des jeux (PBJ) que de résultat net, même si l'année 2013 a été une année difficile, en particulier pour les paris hippiques "en dur".

En millions d'euros / 2010 / 2011 / 2012 / 2013

Enjeux (ou mises) / 9 540 / 10 237 / 10 498 / 10 405

Produit brut des jeux / 2 372 / 2 489 / 2 522 / 2 541

Résultat net / 791 / 876 / 865 / N.D

Source : PMU

16. La croissance du PMU est pour l'essentiel tirée par les activités Internet, en particulier les paris sportifs et du poker. Sur les paris hippiques, la très forte croissance des enjeux pris par les opérateurs étrangers compense la baisse des paris vendus dans le réseau de points de vente physiques en France. Les paris pris à l'international en masse commune sur les courses françaises sont en effet en hausse de 93,6 % à 638,3 millions d'euros en 2013. D'une manière générale, les enjeux "en dur" se sont élevés à 8,693 milliards d'euros en 2013, en baisse par rapport à 2012, année où ils avaient également baissé de 2 %. En revanche et contrairement aux années précédentes, la croissance des enjeux sur les paris hippiques en ligne a été stoppée. Après une hausse de 11,1 % en 2012, les enjeux ont diminué de 3 % en 2012 à 943,2 millions d'euros. Il faut toutefois souligner que le PBJ global des paris hippiques a augmenté de 0,2 % en 2013 malgré la baisse des enjeux.

17. Si les enjeux "en dur" sont passés de 6,414 à 8,693 milliards d'euros de 2002 à 2013 (+35,5 %), les enjeux en ligne sur les paris hippiques ont quant à eux progressé de 561 % depuis 2004 (+29,2 % depuis 2010), signe que l'attractivité de son offre n'a jamais été menacée, ni avant ni après l'ouverture à la concurrence des paris hippiques en ligne.

18. De plus, le PMU dispose d'une filiale, Gényinfo, dont il détient la totalité du capital. Cette société, active dans le secteur de l'information hippique, a obtenu l'agrément de l'ARJEL pour proposer des paris hippiques en ligne le 26 juillet 2010, par l'intermédiaire du site GényBet.

19. Enfin, le PMU détient et exploite, conjointement avec ses sociétés-mères, Equidia, unique chaîne de télévision dédiée à l'hippisme en France.

20. Le PMU se trouve ainsi au centre d'une intégration verticale du secteur des paris hippiques : les sociétés et les sociétés-mères de courses, membres du GIE PMU, organisent et réglementent les courses hippiques, lesquelles sont les supports des paris du PMU, opérateur historique de paris hippiques en France. Celui-ci contrôle Gényinfo dont l'activité, outre la prise de paris hippiques, est l'information des parieurs, ainsi qu'Equidia, qui retransmet en direct les courses hippiques. Il convient de souligner qu'une telle intégration, si elle est autorisée en matière de paris hippiques, est strictement impossible s'agissant des paris sportifs. En effet, l'article 32 de la loi du 12 mai 2010 "interdit à tout organisateur et à toute partie prenante à une compétition ou manifestation sportive de détenir le contrôle, directement ou indirectement, d'un opérateur de jeux ou de paris en ligne proposant des paris sur les événements qu'il organise ou auxquels il participe".

2. BETCLIC

21. La société Betclic Everest Group (ci-après Betclic) est spécialisée dans les paris sportifs. Créée en 2005, elle est aujourd'hui présente dans plus de 100 pays. Selon son site Internet, elle compterait plus de 12 millions de clients.

22. La société Betclic a été agréée par l'ARJEL et propose depuis le 7 juin 2007 ses produits dans les trois catégories de jeux d'argent et de hasard ouvertes à la concurrence (paris sportifs, paris hippiques et jeux de cercle). Si Betclic est aujourd'hui le site leader en matière de paris sportifs, les paris hippiques ne représentent qu'une part marginale de son activité.

3. LES AUTRES OPÉRATEURS ALTERNATIFS DE PARIS HIPPIQUES

23. Le premier concurrent du PMU sur les paris hippiques en ligne n'est pas Betclic mais un autre opérateur : Zeturf. Celui-ci, fondé en 2005, exerce son activité à destination des parieurs français depuis Malte. En termes de masses d'enjeux, Zeturf est près de quatre fois plus gros que Betclic (sur les paris hippiques en ligne) et représente, à lui seul, près de la moitié des parts de marché des opérateurs alternatifs.

24. Outre Zeturf, les principaux concurrents du PMU sont GényBet, filiale du PMU, et Leturf, qui appartient au groupe de presse hippique Turf Editions, éditeur du premier quotidien hippique : Paris Turf. Ces deux opérateurs alternatifs n'offrent, comme Zeturf, que des paris hippiques, à l'exclusion du poker et des paris sportifs. Les autres opérateurs de paris hippiques, relativement marginaux, sont JOA-Online, France-Paris et Unibet.

25. Enfin, il convient de signaler que les sept opérateurs alternatifs ont choisi de mettre en commun, dans une masse d'enjeux unique, les mises que chacun d'entre eux enregistre auprès de ses parieurs respectifs, pour tout ou partie de leur gamme de paris. Ainsi Zeturf a-t-il regroupé autour de lui Leturf.fr, Unibet.fr, Francepari.fr et JOA-Online. Quant à Betclic, société saisissante dans la présente affaire, elle a mis en commun sa masse d'enjeux avec GényBet.

D. LES PRATIQUES DÉNONCÉES DANS LA SAISINE

26. Betclic estime dans sa saisine que le PMU détient une position dominante sur le marché des paris hippiques "en dur", qu'il utiliserait pour entraver le développement des opérateurs alternatifs sur le marché des paris hippiques en ligne, en mettant en œuvre plusieurs pratiques dont elle soutient qu'elles constituent des abus de position dominante.

1. L'ABSENCE DE DISTINCTION ENTRE LES ACTIVITÉS SOUS MONOPOLE ET LES ACTIVITÉS OUVERTES À LA CONCURRENCE DANS LA COMMUNICATION COMMERCIALE DU PMU

27. Depuis qu'il a été autorisé en 2003, dans le cadre de son monopole, à proposer des paris hippiques en ligne, le PMU a toujours utilisé la même marque pour ses activités "en dur" et ses activités en ligne. L'ouverture à la concurrence des jeux d'argent et de hasard en ligne n'a rien changé sur ce point. S'appuyant notamment sur les résultats d'une étude annexée à sa saisine, Betclic soutient que la notoriété et l'image du PMU sont "incomparables".

28. Dès lors, en faisant bénéficier ses activités en ligne, ouvertes à la concurrence, de sa notoriété et de son image d'opérateur historique, acquises avant l'ouverture du secteur, et d'investissements publicitaires massifs, le PMU mettrait en œuvre une pratique de confusion doublée d'une pratique de subvention croisée entre ses activités sous monopole et ses activités concurrentielles.

2. LA CARTE PMU ET LES BASES DE CLIENTÈLE DU PMU

29. Le PMU exerce depuis 1930 son monopole légal sur les paris hippiques "en dur" par l'intermédiaire d'un réseau de points de vente physiques, monopole maintenu par la loi du 12 mai 2010.

30. A priori, le PMU n'est pas en mesure de connaître la clientèle dudit réseau. En effet, alors que le parieur online doit se soumettre, pour ouvrir un compte, à de longues formalités et, en particulier, décliner son identité, le parieur "en dur", comme le relève Betclic dans sa saisine, "peut librement entrer dans un point de vente PMU pour placer un pari, sans être obligé de communiquer son identité ou toute autre information personnelle".

31. Toutefois, Betclic estime que le PMU "a mis en place un certain nombre de mécanismes permettant de constituer une base de clientèle des parieurs jouant dans le cadre de son monopole afin de les attirer vers les offres de paris en ligne du PMU".

32. En particulier, le PMU a lancé en mai 2010 une carte - la carte PMU - disponible dans les points de vente physiques et sur le site pmu.fr, dont l'objet était, selon les termes du Président du PMU, "d'assurer la fluidité entre Internet et les points de vente". En effet, grâce à cette carte, "le parieur peut parier, être crédité automatiquement de ses gains, alimenter son compte, demander un retrait ou encore consulter son compte et suivre ses opérations, et cela quel que soit l'endroit ou la façon dont il joue : points de vente, guichets ou sur les bornes interactives, par Internet, sur mobile".

33. Pour Betclic, cette carte vise également à mieux connaître les clients du réseau de points de vente physiques du PMU afin de les fidéliser. Pour la société saisissante, "un lien indiscutable est donc créé entre les activités sous monopole du PMU et les activités ouvertes à la concurrence".

3. LA MUTUALISATION DANS UNE MASSE UNIQUE DES MISES ENREGISTRÉES PAR LE PMU SUR PMU.FR AVEC CELLES ENREGISTRÉES DANS SON RÉSEAU DE POINTS DE VENTE PHYSIQUES

34. Le PMU n'est pas seulement un opérateur de paris hippiques en ligne, mais est également titulaire du monopole légal sur les paris hippiques "en dur". Son offre de paris hippiques étant identique en ligne et "en dur", le PMU mutualise, pour chaque pari et pour chaque course, les mises enregistrées en ligne sur pmu.fr avec celles qu'il enregistre au titre de son monopole "en dur" dans une masse unique. Les mises enregistrées au titre de son monopole "en dur" étant dix fois supérieures à celles enregistrées sur pmu.fr, le PMU dispose sur son site, pour chaque pari de chaque course, d'une masse d'enjeux démultipliée par rapport à celle dont il pourrait disposer s'il se contentait des seules mises online.

35. Pour Betclic, cette pratique de mutualisation, par le PMU, de ses masses d'enjeux en ligne et "en dur" lui permet de renforcer artificiellement l'attractivité de son offre de paris hippiques en ligne en la faisant bénéficier des ressources du monopole "en dur". Plus précisément, parce qu'elle a pour conséquence de décupler le montant de la masse d'enjeux de pmu.fr, cette pratique lui apporte deux avantages dont ne disposent pas les opérateurs alternatifs.

36. Tout d'abord, alors que les opérateurs alternatifs offrent tous des paris à cinq chevaux dans le désordre, seul le PMU est en mesure de proposer aux parieurs en ligne un pari complexe (le Quinté +) leur permettant de remporter, s'ils trouvent la bonne combinaison dans l'ordre d'arrivée, un rapport d'un montant très élevé, éventuellement complété par une "Tirelire" dont le montant minimum s'élève à un million d'euros par jour et une "super Tirelire" mensuelle de 10 millions d'euros.

37. Or, la littérature économique citée par Betclic montre que les parieurs hippiques préfèrent toujours parier chez l'opérateur qui affiche un jackpot d'un million d'euros même s'il a une chance sur un million de le remporter, plutôt que de parier chez un opérateur qui afficherait un jackpot de 10 000 euros, mais avec une chance sur mille de le gagner. Pour Betclic, la pratique de mutualisation des masses d'enjeux en ligne et "en dur" permet donc au PMU "à efficacité identique, de proposer aux parieurs en ligne une structure de gains financiers plus attractive que celles des opérateurs alternatifs. Autrement dit, le PMU retire un avantage du monopole qu'il détient sur les paris hippiques physiques et l'utilise pour fausser la concurrence sur le marché des paris hippiques en ligne".

38. Ensuite, en pari mutuel, la mise d'un parieur a un effet sur le niveau d'une cote, qui est d'autant plus important que cette mise est d'un montant élevé et que la masse d'enjeux de l'opérateur est faible. Or, la mutualisation des masses du PMU lui permet de décupler la masse d'enjeux de pmu.fr grâce aux mises des paris "en dur", et ainsi d'absorber les mises des joueurs, même importantes, sans faire baisser la cote du résultat joué. En revanche, les opérateurs alternatifs, ne disposant que de leurs mises en ligne, sont obligés de fixer des limites très basses aux mises de leurs parieurs, afin de s'assurer que celles-ci ne feront pas s'effondrer les cotes des chevaux concernés.

39. En conclusion, pour Betclic, "la mutualisation des masses d'enjeux enregistrés en dur et enregistrés en ligne du PMU produit des effets anticoncurrentiels à l'encontre des opérateurs alternatifs d'une ampleur telle qu'elle menace clairement leur existence sur le marché des paris hippiques en ligne".

II. L'évaluation préliminaire

40. L'évaluation préliminaire des services d'instruction, datée du 4 octobre 2013, a été portée à la connaissance des parties par un courrier en date du 7 octobre 2013.

A. LE MARCHE PERTINENT ET LA POSITION DU PMU SUR CELUI-CI

1. LES MARCHÉS PERTINENTS

a) Les caractéristiques des paris hippiques les rendent non substituables aux jeux de hasard, aux jeux de cercle et aux paris sportifs

41. Conformément à l'approche suivie par le Conseil puis l'Autorité de la concurrence, en particulier dans la décision n° 00-D-50 du 15 mars 2000 relative à des pratiques mises en œuvre par la Française des Jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir et l'avis n° 11-A-02 du 20 janvier 2011 relatif au secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne précité, les paris hippiques, les paris sportifs et le poker sont "des jeux d'expertise faisant appel aux connaissances ou aux compétences des joueurs". À ce titre, ils doivent être distingués des jeux de hasard pur, "reposant exclusivement sur la réalisation d'événements déterminés par les seules probabilités mathématiques".

42. Toutefois, "le jeu de poker valorise une expertise très spécifique du joueur, ce qui indique une probable absence de substituabilité avec les jeux de paris". Paris hippiques et paris sportifs ne sont donc pas substituables aux jeux de cercle comme le poker, pas plus qu'ils ne le sont entre eux. En effet, "les informations propres à un type d'évènement sportif ou hippique ne sont pas valorisables dans le cadre d'un pari portant sur un autre type d'évènement". Les paris hippiques exigent, pour que le parieur puisse augmenter ses espérances de gain, une expertise spécifique, acquise notamment par la lecture des journaux spécialisés, qu'il ne peut utiliser pour des paris sportifs. En outre, alors que les paris hippiques ne peuvent, légalement, porter que sur le résultat des courses de chevaux, les supports des paris sportifs sont bien plus vastes (live betting, performance individuelle, écart de points ou de temps, etc.).

43. Du point de vue de la demande, on observe de substantielles différences entre les paris hippiques et les paris sportifs. Selon l'ARJEL, 39 % des parieurs sportifs ont moins de 24 ans contre seulement 7 % des parieurs hippiques. À l'inverse, seuls 30 % des parieurs sportifs ont plus de 34 ans alors que c'est le cas de 76 % des parieurs hippiques. Enfin, 8 % de ces derniers ont plus de 65 ans, contre 1 % seulement des parieurs sportifs.

44. Enfin, les chiffres présentés par l'ARJEL montrent que la baisse du nombre de comptes joueurs actifs de paris sportifs, liée à la fin de la coupe de monde de football en juillet 2010, n'a pas entraîné de hausse corrélative du nombre de parieurs hippiques et que, d'une manière générale, les marchés des paris sportifs et des paris hippiques en ligne évoluent dans le même sens depuis l'ouverture à la concurrence. De même, un rapport récent du Sénat a fait le constat d'une absence de cannibalisation entre les paris hippiques et Sportifs (1).

45. Il résulte de ce qui précède qu'il existe un marché pertinent des paris hippiques distinct tant du marché des jeux de cercle que du marché des paris sportifs.

b) La segmentation entre le marché des paris hippiques "en dur" et le marché des paris hippique en ligne

46. Dans son avis précité, l'Autorité a envisagé une segmentation supplémentaire du secteur des jeux d'argent et de hasard selon leur canal de distribution, entre un marché "en dur", et un marché en ligne. L'évaluation préliminaire a permis de démontrer qu'une telle segmentation est applicable dans le cas des paris hippiques pour quatre raisons.

- Des méthodes de distribution aux caractéristiques différentes

47. D'une manière générale, comme le rappelle la décision n° 09-D-06 du 5 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par la SNCF et Expedia Inc. dans le secteur de la vente de voyages en ligne, nombreuses sont les décisions du Conseil de la concurrence et de la Commission européenne "acceptant le mode de distribution, et notamment la vente sur Internet, comme critères de distinction des marchés" (décision n° 00-D-50 du 5 mars 2000 précitée ; décision n° 04-D-54 du 9 novembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Apple Computer, Inc. dans les secteurs du téléchargement de musique sur Internet et des baladeurs numériques ; décision n° 07-D-07 du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle ; décision de la Commission européenne du 19 juillet 2004, Sony / BMG).

48. Au cas d'espèce également, les jeux en ligne se distinguent des jeux "en dur" en ce qu'ils sont accessibles à partir d'une simple connexion Internet, les joueurs pouvant jouer de chez eux 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 alors que l'accès aux jeux "en dur" nécessite de se déplacer dans un point de vente physique (casino, hippodrome, point de vente de la FDJ ou du PMU) aux horaires et aux jours d'ouverture.

49. De plus, ainsi que l'avait relevée l'Autorité dans son avis précité, la souplesse permise par Internet permet une présentation aisée des offres de paris ainsi qu'une plus grande diversité de ces dernières.

50. Enfin, s'agissant des modalités de paiement, les jeux "en dur" peuvent être réglés par tous moyens, y compris les espèces, alors que seuls les moyens de paiement dématérialisés sont admis pour les jeux en ligne.

- Des consommateurs dont les profils et les besoins sont différents

51. S'appuyant sur des études étrangères, mais également sur l'exemple de la FDJ, le rapport Geoffron relatif à l'analyse économique des enjeux d'une ouverture réglementée des jeux en ligne en France (2008), constate que le profil des joueurs en ligne est "sensiblement décalé par rapport au profil moyen du joueur traditionnel", avec pour conséquence que "le jeu online et offline ne sont pas partiellement substituables du côté de la demande". De même, pour M. Jean-Jacques X auteur d'un autre rapport sur les jeux en ligne (2), "le développement des jeux en ligne se fait principalement auprès d'une nouvelle clientèle, par définition assez distincte de la clientèle traditionnelle".

52. De tels constats se retrouvent également dans le secteur des paris hippiques. Une étude produite par Betclic confirme ainsi que les parieurs hippiques en ligne sont plus masculins et, surtout, plus jeunes que les parieurs en points de vente. De même, le PMU a fourni une analyse du profil sociologique de ses clients hippiques qui va dans le sens d'une segmentation entre un marché du pari hippique "en dur" et un marché du pari hippique en ligne. De plus, la clientèle online appartient à des catégories plus aisées que la clientèle "en dur" (notamment car le taux d'équipement des ménages en connexion Internet et l'habitude d'utiliser Internet sont plus grands dans les catégories aisées).

53. Surtout, contrairement aux paris hippiques en ligne, les paris hippiques "en dur" prennent place dans un lieu public, par exemple un bar-tabac ou un hippodrome, où se réunissent les parieurs afin d'échanger leurs pronostics, suivre ensemble les courses en direct ou sur un écran géant et partager les émotions du gain ou de la perte. Ainsi, pour 85 % des parieurs du PMU "en dur", le PMU est "porteur de convivialité" et les points de vente "sont conviviaux" pour 89 % d'entre eux. Le PMU met en avant dans ses rapports annuels les investissements réalisés dans les points de vente physiques qui ont contribué "à faire de ces espaces des lieux de convivialité et d'échange", qu'il compare à des "lieux de vie à part entière", dans lesquels les paris hippiques constituent "un véritable lien social". Le rapport annuel 2011 cite une propriétaire de bar-tabac PMU, selon laquelle "un point de vente PMU, c'est un centre d'intérêt, un lieu d'accueil pour les gens du quartier. Un endroit où l'on papote et où les joueurs parient ensemble". Il est à cet égard révélateur que le temps moyen de stationnement devant les points de vente soit de 37 minutes et que 51 % des parieurs ne fréquentent qu'un seul établissement. L'Autorité, dans son avis précité ( §88), avait d'ailleurs relevé que "la convivialité des points de vente physiques (...) implantés dans les cafés, débits de tabac et bars pourrait également être opposée à l'impersonnalité du réseau Internet pour différencier les deux types d'offres de paris".

54. Une telle différenciation se retrouve d'ailleurs dans la propre clientèle du PMU. Comme le rappelle le PMU dans un courrier du 26 novembre 2010 : "au cours de son audition par le Collège [de l'Autorité] le 17 novembre dernier, M. Philippe Y... a mentionné le fait que la clientèle du PMU avait un profil différent selon qu'il s'agissait de parieurs du réseau physique du PMU ou de parieurs sur le site pmu.fr".

- Une réglementation différente

55. Aujourd'hui, les jeux d'argent et de hasard en ligne sont encadrés exclusivement par la loi du 12 mai 2010 et les décrets et arrêtés pris pour son application. Or, ces textes ne traitent pas de leurs équivalents "en dur" auxquels s'appliquent d'autres textes. De même les opérateurs proposant de tels jeux relèvent d'un régulateur ad-hoc : l'Autorité de régulation des jeux en ligne. L'ensemble de ces règles forment un cadre légal spécifique par ailleurs bien plus contraignant que celui qui s'impose à la Française des Jeux et au PMU pour leurs activités "en dur", ne serait-ce que parce que l'acte de jouer dans l'un des 12 000 points de vente physiques est immédiat, au contraire du même acte en ligne, qui est subordonné à des formalités d'enregistrement très longues. Comme le souligne la société saisissante, la lourdeur des formalités est telle qu'on observe "un taux de déperdition important entre les visiteurs d'un site de jeux en ligne et les joueurs qui procèdent effectivement à l'ouverture d'un compte".

56. D'une manière plus générale, les paris hippiques "en dur" relèvent d'un monopole légal alors que les paris hippiques en ligne sont ouverts à la concurrence, différence majeure qui justifie pleinement une segmentation.

- L'absence de cannibalisation entre les paris hippiques "en dur" et les paris hippiques en ligne

57. L'ensemble des études au dossier confirment que les paris hippiques en ligne n'ont pas "cannibalisé" les paris hippiques "en dur". Ces derniers ont continué en effet à se développer comme le note le rapport du Sénat précité : "les données communiquées par l'ARJEL et les résultats annuels de la FDJ et du PMU confirment que le développement du jeu en ligne ne s'est absolument pas exercé au détriment des jeux et paris du réseau physique, quel que soit le secteur". Les paris hippiques "en dur" évoluent certes à un rythme plus lent que les paris hippiques en ligne en raison de la plus grande maturité de ce marché. Les uns se développent ainsi sans nuire au développement des autres, entraînant une augmentation globale du volume total des ventes du secteur des paris hippiques. Les uns et les autres répondent donc à une demande différente. L'évolution comparée des mises en ligne et des mises "en dur" du PMU confirment elles aussi l'absence de cannibalisation et ce, au sein même du groupe PMU.

58. Selon les études du PMU, seuls 4 % des clients exclusifs du réseau physique envisagent d'ouvrir un compte pour parier sur pmu.fr, 79 % ne l'envisageant "certainement pas". De plus, à la question de savoir si le développement du online se fait au détriment du offline, le directeur marketing du PMU répond : "il s'agit essentiellement d'un business additionnel (...). Le online attire un nouveau profil de joueurs", concluant que "le fait de nous développer sur Internet n'altère pas l'activité du réseau des points de vente". De même, dans ses observations sur la saisine, le PMU écrit que "la concurrence qui s'exerce sur les paris hippiques en ligne concerne pour l'essentiel une clientèle nouvelle (des nouveaux joueurs ou des joueurs précédemment intéressés par d'autres types de paris)". Le PMU indique également que "la clientèle du PMU est essentiellement composée de turfistes qui recourent principalement au réseau physique du PMU pour la prise de paris. Les vecteurs de prise de paris à distance, et notamment le site pmu.fr, ne présentent que peu d'attrait pour cette typologie de parieurs".

59. En conclusion, les éléments qui précèdent permettent de considérer qu'il existe deux marchés différents, l'un pour les paris hippiques "en dur", l'autre pour les paris hippiques en ligne. Une telle segmentation s'inscrit dans la continuité de l'avis précité de l'Autorité. Elle est par ailleurs cohérente avec l'analyse menée en 2005 par l'Office of Fair Trading (l'autorité de concurrence britannique). Celle-ci a estimé, dans le cadre du contrôle des concentrations, que les canaux de distribution amènent à définir des marchés pertinents distincts s'agissant de l'offre de paris sportifs comme de paris hippiques. Elle a opéré une distinction selon que l'offre de paris est disponible sur le lieu de l'évènement, distribuée par des bureaux de paris sous licence ou encore distribuée par téléphone ou par Internet (3).

c) Le marché géographique

60. Le marché des paris hippiques "en dur", qui est un monopole institué par la loi française, se limite par définition au champ d'application territorial de celle-ci. Pour le marché des paris hippiques en ligne, compte tenu des différences de législation considérables entre les États membres en la matière, de la barrière de la langue et de l'interdiction, sous peine de sanctions pénales très lourdes, de proposer une offre de paris hippiques sans être agréé par l'ARJEL, il doit être considéré que ce marché a également une dimension nationale.

2. LA POSITION DU PMU SUR LES MARCHÉS PERTINENTS

a) La position du PMU sur le marché des paris hippiques "en dur"

61. Ainsi que le rappelle régulièrement l'Autorité dans ses rapports annuels, "la détention d'un monopole, de droit ou de fait, suffit pour établir la position dominante de son titulaire. Il en est de même lorsqu'une entreprise est dans une situation de quasi-monopole ". En l'espèce, les sociétés-mères de courses ont confié au PMU le monopole que la loi leur a octroyé pour l'exploitation des paris hippiques "en dur". Par conséquent, la position dominante du PMU sur ce marché est incontestable.

b) La position du PMU sur le marché des paris hippiques en ligne

62. Le PMU détenait en 2013, avec 943,2 millions d'euros de mises, 84,8 % du marché des paris hippiques en ligne, lequel s'établit à 1 111 millions d'euros. Non seulement cette part de marché est très importante en elle-même, mais elle est en outre en augmentation régulière entre septembre 2010 et décembre 2012.

63. En effet, entre juin et septembre 2010, le PMU a perdu 20 points de parts de marché sur le marché des paris hippiques en ligne, tombant à 80 %. En revanche, à partir de cette date, comme l'a relevé l'ARJEL, "le PMU regagne du terrain sur ses concurrents" jusqu'à atteindre 86,7 % en décembre 2012. Le premier d'entre eux, Zeturf, a ainsi vu sa part de marché divisée par deux à 6,6 % en décembre 2012.

64. Toutefois, en 2013, pmu.fr a perdu des parts de marché, en lien avec la contraction du marché des paris hippiques en ligne lui-même. Sa part de marché s'établissait ainsi à 83,5 % au quatrième trimestre et 84,8 % sur l'année, contre 86,5 % en 2012, ce qui ne remet pas pour autant en cause la position dominante du PMU.

B. LES PRATIQUES AYANT FAIT L'OBJET DE MODIFICATIONS PAR LE PMU AVANT L'ÉVALUATION PRÉLIMINAIRE

1. L'ABSENCE DE DISTINCTION ENTRE LES ACTIVITÉS SOUS MONOPOLE ET LES ACTIVITÉS OUVERTES À LA CONCURRENCE DANS LA COMMUNICATION COMMERCIALE DU PMU

65. Pour Betclic, en faisant bénéficier ses activités en ligne de sa notoriété et de son image d'opérateur historique, acquises avant l'ouverture du secteur, perpétuées par le maintien de son monopole "en dur" et renforcées par des investissements publicitaires massifs, le PMU mettrait en œuvre une pratique de confusion entre des activités sous monopole et des activités concurrentielles, doublée d'une pratique de subvention croisée

66. Dans les faits, et sur la base notamment de la même étude produite par Betclic, il apparaît que non seulement que les opérateurs alternatifs disposent d'une notoriété importante, mais que leur image peut, sur certains points, être meilleure que celle de pmu.fr.

67. Selon Betclic, la pratique décisionnelle du Conseil puis de l'Autorité de la concurrence relative à la diversification des opérateurs historiques serait applicable au cas du PMU. Or, c'est uniquement lorsqu'un opérateur historique s'est diversifié sur un autre marché que son marché d'origine que le Conseil puis l'Autorité de la concurrence ont considéré que l'utilisation de sa marque sur ce nouveau marché pouvait poser un problème concurrentiel. Cette position est constante depuis l'avis n° 94-A-15 du 10 mai 1994 et l'Autorité l'a rappelée récemment, s'agissant de la diversification d'EDF sur le marché de l'électricité d'origine photovoltaïque, dans sa décision n° 13-D-20 du 17 décembre 2013. Dans cette décision, l'Autorité détaille les caractéristiques du marché de diversification compte tenu desquelles l'usage de la marque et du logo d'EDF a donné à sa filiale EDF ENR un avantage non réplicable de nature à restreindre la concurrence (paragraphe 402).

68. En l'espèce, le PMU est dans une situation fondamentalement différente d'EDF. Il n'est pas un nouvel entrant sur le marché des paris hippiques en ligne et cette activité ne constitue donc pas pour lui une diversification. Le PMU a lancé son offre de paris hippiques en ligne en 2003, alors que ce marché était encore sous monopole et a poursuivi après 2010 cette activité dans les mêmes conditions, après avoir obtenu, comme l'ensemble des opérateurs, l'agrément de l'ARJEL.

69. Dans plusieurs cas similaires à celui du PMU, un opérateur historique a poursuivi une activité préexistante désormais ouverte à la concurrence tout en conservant partiellement son monopole et l'usage de sa marque:

- EDF en matière de fourniture d'électricité (clients éligibles) ;

- la SNCF en matière de transports ferroviaires (fret) ;

- La Poste en matière de service postal (colis).

70. Dans d'autres cas d'ouverture totale d'un monopole à la concurrence, la question de la marque de l'opérateur historique et de son utilisation sur son marché d'origine désormais concurrentiel n'a pas non plus fait obstacle au développement d'une concurrence effective. Ainsi, sur les différents marchés du secteur des télécommunications, l'opérateur historique a continué à utiliser sa marque de monopole - France Télécom (aujourd'hui renommé Orange) - sans qu'une telle utilisation n'ait jamais empêché, en tant que telle, l'émergence de concurrents puissants.

71. L'avantage en termes de confiance qu'un opérateur historique comme le PMU tire généralement de sa marque n'a pas empêché les opérateurs alternatifs, avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2010, lorsqu'ils étaient illégaux au regard du droit français et installés à l'étranger, de se développer avec succès auprès des consommateurs français. Aujourd'hui, a fortiori, en imposant aux opérateurs de paris hippiques en ligne d'être agréés par une autorité administrative, l'État envoie un signe aux parieurs leur disant qu'ils peuvent leur confier leur argent en toute confiance, les mettant ainsi à égalité.

72. En tant que telle, l'utilisation de la marque du PMU sur son marché d'origine désormais ouvert à la concurrence n'est donc pas de nature à susciter des préoccupations de concurrence au regard de la situation du PMU sur le secteur des paris hippiques en ligne.

73. S'agissant de la pratique de subvention croisée évoquée par Betclic, le PMU a fait valoriser en 2011 par un consultant indépendant, dans la comptabilité séparée de ses activités en ligne, l'utilisation de sa marque PMU à hauteur de 3,8 millions d'euros, soit 5,25 % du produit net des jeux. À titre de comparaison, dans l'affaire ayant fait l'objet de la décision n° 13-D-20 du 17 décembre 2013 précitée, la redevance versée par EDF ENR à EDF pour l'usage de la marque EDF s'élevait à 30 000 euros, soit 0,1 % de son chiffre d'affaires en 2008 et 0,04 % de son chiffre d'affaires en 2009.

2. LA CARTE PMUET LES BASES DE CLIENTÈLE

74. Selon les informations transmises par le PMU, ses bases de clientèles rassemblent trois catégories de clients ainsi définies dans la note de service relative à l'usage de la base de données clients du PMU :

- les "parieurs sans comptes issus du réseau" qui sont considérés comme des contacts ou prospects du réseau physiques et qui reçoivent des communications liées aux produits, services ou événements du réseau physique à l'exclusion de toute communication relative à pmu.fr ;

- les "parieurs sans comptes profil internautes" qui sont des prospects pour les jeux et paris en ligne et sont visés par les campagnes marketing sur le site pmu.fr pour l'ensemble de ses activités (paris hippiques, paris sportifs et poker) ;

- les "parieurs avec compte" pour lesquels une nouvelle segmentation est opérée entre les détenteurs de la carte PMU, considérés comme des clients du réseau physique et ne recevant aucune communication sur pmu.fr et les autres parieurs avec compte qui sont des clients de pmu.fr.

75. Par conséquent, il apparaît que le PMU a bien constitué, dès avant l'ouverture à la concurrence, une base de clientèle de parieurs hippiques issus de son réseau de points de vente physiques sous monopole, identifiés comme tels.

76. Le PMU a lancé, en mai 2010, une carte permettant de parier dans le réseau de points de vente physiques - la carte PMU. Selon le PMU, "la carte PMU n'a jamais été un outil permettant de parier sur le site pmu.fr. Il s'agit d'un outil spécifiquement dédié aux paris dans le réseau physique qui permet au PMU, d'une part, de mieux connaître cette clientèle qui reste pour l'essentiel anonyme et, d'autre part, de réduire la circulation d'espèces dans le réseau physique".

77. Le PMU admet qu'un lien existe entre la carte PMU et pmu.fr, "lien de nature purement technique tenant à l'unicité du compte ouvert par le parieur PMU. En termes pratiques, cela signifie qu'à ce jour, un parieur du réseau physique qui ouvre un compte en prenant la carte PMU et qui souhaite également parier sur pmu.fr utilisera pour se faire le même compte". En d'autres termes, tout souscripteur se voit automatiquement devenir titulaire d'un compte-joueur au sens de la loi du 12 mai 2010 permettant "au parieur de parier sur Internet sans formalité supplémentaire". Son titulaire, client du monopole, devient donc automatiquement un potentiel client de pmu.fr.

78. Une communication a été adressée, sous format papier et sous format électronique, aux clients identifiés dans la base de clientèle des "parieurs sans compte issus du réseau" pour le lancement de la carte PMU en mai 2010 ainsi qu'aux clients de la base "parieurs avec compte". Les messages envoyés aux parieurs "issus du réseau", à la fois par courrier et par mail, mentionnent explicitement le fait que "reliée à un compte PMU se créditant par carte bancaire, elle vous permet aussi de parier sur pmu.fr". De manière significative, dans la version électronique, la réponse à la question "Où et comment l'utiliser" est : "la carte PMU est utilisable au guichet ou à la borne de votre point de vente ainsi que sur pmu.fr grâce au n° de compte qui figure sur la carte".

79. Toutefois, le PMU a entrepris de décorreler la carte PMU de son compte-joueur permettant de parier sur Internet. Cette décorrélation est effective depuis décembre 2012. De plus, afin d'éviter que ses bases de clientèle ne soient croisées à l'avenir, le PMU a modifié les règles d'utilisation de celles-ci et les a inscrites dans son règlement intérieur ; de même a-t-il réalisé une séparation fonctionnelle de ses équipes commerciales et marketing. Le PMU a enfin récemment modifié le parcours client sur le site pmu.fr.

80. Il importe qu'à l'avenir, le PMU ne puisse plus utiliser sa base de clientèle de parieurs hippiques "en dur" pour attirer des parieurs vers son offre de paris hippiques en ligne et, en particulier, que soient maintenues les mesures prises et rappelées supra.

C. LES PRÉOCCUPATIONS DE CONCURRENCE SUSCITÉES PAR LA PRATIQUE DE MUTUALISATION DES MASSES D'ENJEUX EN LIGNE ET "EN DUR"

1. LES CARACTÉRISTIQUES DU PARI MUTUEL HIPPIQUE

81. En matière de paris, qu'ils soient sportifs ou hippiques, en ligne ou "en dur", deux formes sont possibles :

- le pari à cote : les joueurs jouent contre l'opérateur et leur gain éventuel est déterminé lors de la conclusion du pari, en fonction de la cote fixée par l'opérateur ; par exemple si la cote est de 2 contre 1, pour un euro misé, les parieurs chanceux se feront payer deux euros et auront donc, au final, gagné un euro ;

- le pari mutuel : les joueurs ne jouent pas contre l'opérateur, qui est neutre, mais les uns contre les autres, chacune de leur mise faisant varier à la hausse ou à la baisse la cote d'un compétiteur (équipe, joueur, cheval...). Dès lors, ils ne connaissent pas à l'avance leur gain éventuel. En effet, l'ensemble des sommes jouées par les parieurs est fondu en une masse unique de laquelle sont déduits la rémunération de l'opérateur de paris et les prélèvements fiscaux et sociaux. La masse restante est partagée entre les gagnants. Dans ce cas, le rapport du pari se calcule en divisant la masse à partager par le total des enjeux gagnants, ce qui permet de calculer les gains pour chacun des parieurs gagnants. Par exemple, sur 1000 euros d'enjeux sur un pari, le nombre de tickets gagnants à 1 euro représente 10 % du total, soit 100 tickets. Le montant des diverses déductions s'élève à 20 %, soit 200 euros. Dès lors, la masse à partager étant de 800 euros, le rapport sera de 8 euros.

82. Si la loi du 12 mai 2010 précitée a autorisé, s'agissant des paris sportifs, à la fois le pari à cote et le pari mutuel, son article 11 impose "l'organisation et la prise de paris hippiques en ligne en la forme mutuelle enregistrés préalablement au départ de l'épreuve qui en est l'objet".

83. Du fonctionnement du pari mutuel découlent deux conséquences qui mettent en évidence l'importance de la taille de masse d'enjeux pour les parieurs et les liens de celle-ci avec l'attractivité d'une offre de paris.

84. Premièrement, en pari mutuel, la cote des chevaux évolue sans cesse en fonction des mises successives des parieurs. Plus précisément, miser sur un cheval fait automatiquement baisser la cote de celui-ci. Dans le pari mutuel, un parieur joue contre les autres, mais aussi contre lui-même : en misant sur un cheval, il contribue à en abaisser la cote et donc les gains que lui et l'ensemble des parieurs ayant misés sur le même cheval sont susceptibles de remporter si leur pronostic se révèle exact.

85. Or, l'ampleur de l'effet d'une mise sur une cote est d'autant plus importante que celle-ci est élevée et que la masse d'enjeux de l'opérateur de paris hippiques est faible. Par conséquent, seule une masse d'enjeux importante permet d'absorber la mise d'un parieur hippique, même importante, sans faire baisser la cote du résultat joué.

86. Deuxièmement, en pari mutuel, les gains des gagnants d'un pari sont nécessairement payés à partir des sommes misées par l'ensemble des parieurs sur ce pari. Par conséquent, plus la masse à partager est importante, plus les sommes pouvant être redistribuées aux gagnants sous forme de gains pourront potentiellement être élevées.

87. Le PMU comme Betclic et l'ensemble des opérateurs alternatifs proposent deux types de paris hippiques :

- les paris simples, qui présentent un nombre de combinaisons réduit, ce qui accroît d'autant la probabilité pour le parieur de trouver la bonne. Le pari le plus simple est le "Simple gagnant" dans lequel le parieur se contente de désigner le cheval qui, selon lui, remportera la course. S'il y a 12 chevaux au départ, il y aura ainsi 12 choix possibles pour le parieur ;

- les paris complexes sont les paris pour lesquels le parieur doit, sur une même course, désigner, dans l'ordre ou le désordre, les cinq premiers chevaux. Ces paris offrent, à l'inverse des paris simples, un nombre de combinaisons possibles très élevé, ce qui réduit d'autant la probabilité pour le parieur de trouver la bonne. Par exemple, s'il y a 12 partants, il y a 95 040 combinaisons possibles dans l'ordre et 792 dans le désordre.

2. LES CONSÉQUENCES DE LA PRATIQUE DE MUTUALISATION DES MASSES D'ENJEUX SUR L'ATTRACTIVITÉ DE L'OFFRE DE PARIS HIPPIQUES EN LIGNE DU PMU

88. Le PMU n'est pas seulement un opérateur de paris hippiques en ligne, mais est également titulaire du monopole légal sur les paris hippiques "en dur". Son offre de paris hippiques étant identique en ligne et "en dur", le PMU mutualise, pour chaque pari et pour chaque course, dans une masse unique, les mises enregistrées en ligne sur pmu.fr avec celles qu'il enregistre au titre de son monopole "en dur".

89. Par conséquent, les mises enregistrées au titre de son monopole "en dur" étant dix fois supérieures à celles enregistrées sur pmu.fr, le PMU dispose sur son site d'une masse d'enjeux décuplée par rapport à celle dont il disposerait avec ses seules mises online.

90. Cette pratique de mutualisation des masses d'enjeux permet donc au PMU de renforcer l'attractivité de son offre de paris hippiques en ligne en la faisant bénéficier des ressources du monopole "en dur". Plus précisément, parce qu'elle a pour conséquence de décupler le montant de la masse d'enjeux de pmu.fr, cette pratique lui apporte trois avantages dont ne disposent pas les opérateurs alternatifs.

a) Le Quinté +

91. Alors que les opérateurs alternatifs offrent tous des paris à cinq chevaux dans le désordre, seul le PMU propose actuellement aux parieurs en ligne, sur son site pmu.fr, un pari complexe (le Quinté +) à cinq chevaux dans l'ordre d'arrivée.

92. Ce pari présente les trois caractéristiques suivantes :

- un rapport dans l'ordre d'un montant très élevé et très fréquemment gagné par les parieurs ayant su trouver les cinq premiers chevaux dans l'ordre d'arrivée ;

- une "Tirelire" quotidienne d'un million d'euros et une "Super Tirelire" mensuelle de dix millions d'euros. Celle-ci fait l'objet d'un tirage au sort parmi les parieurs ayant remporté le rapport ordre précité ;

- des rapports de consolation substantiels pour les parieurs n'ayant pas trouvé les cinq chevaux dans l'ordre.

93. Or l'instruction a démontré que sans la pratique de mutualisation, par le PMU, de ses masses d'enjeux en ligne et "en dur", il ne lui serait pas possible de proposer en ligne un tel pari avec les seules mises enregistrées sur pmu.fr. Par conséquent, comme l'indique l'ARJEL dans son avis, le PMU fait ainsi "espérer aux parieurs de son site Internet un gain potentiel provenant en grande partie d'enjeux issus des points de vente physiques" sous monopole. De même, les opérateurs alternatifs, qui ne disposent que de leurs mises en ligne, en elles-mêmes très inférieures à celles de pmu.fr, ne sont pas en mesure d'offrir un pari ayant les mêmes caractéristiques.

b) La stabilité des cotes

94. En pari mutuel, les parieurs jouent les uns contre les autres. L'opérateur étant neutre par rapport au résultat du pari, ce n'est pas lui qui fixe les cotes. Celles-ci sont calculées par rapport à la proportion des sommes totales misées sur un cheval. Les parieurs participent donc individuellement à la formation de la cote des chevaux :

- directement car leur mise fait baisser la cote du cheval sur lequel elle est placée ;

- indirectement car la baisse de la cote suite à leur mise envoie un "signal" aux autres parieurs ; la baisse rapide d'une cote laisse en effet penser que le cheval concerné a de fortes chances de l'emporter, ce qui attire de nouveaux parieurs.

95. L'effet de la mise d'un parieur sur le niveau d'une cote est donc d'autant plus important que la masse d'enjeux de l'opérateur est faible. Par conséquent, parce que la pratique de mutualisation décuple la masse d'enjeux de pmu.fr, le PMU est en mesure de garantir à ses parieurs en ligne la stabilité des cotes, quel que soit le montant de leur mise.

96. Inversement, les opérateurs alternatifs, qui ne disposent que de leurs mises online, ne sont pas en mesure d'assurer la même stabilité des cotes au point que la plupart d'entre eux doivent imposer des limites aux montants des mises unitaires afin d'éviter que celles-ci ne fassent s'effondrer les cotes des chevaux concernés.

c) L'élargissement de la gamme de paris hippiques

97. En pari mutuel, les masses d'enjeux sont constituées par course et par pari. En d'autres termes, un nouveau pari, qu'il soit nouveau en lui-même ou qu'il porte sur une nouvelle course support de paris, a pour conséquence la création d'une masse d'enjeux supplémentaire à partir de laquelle seront payés les gains des parieurs gagnants.

98. Or, le lancement d'un nouveau pari et/ou l'ajout d'une nouvelle course au programme cannibalisent, dans une proportion considérable (jusqu'à 70 %), les mises placées sur les paris existants. Dès lors, seul un opérateur disposant d'une masse d'enjeux importante est en mesure d'élargir son offre de paris sans dégrader la qualité de ces derniers. Les ressources du monopole lui permettant de multiplier jusqu'à 20 fois ses masses d'enjeux par pari et par course, pmu.fr peut ainsi supporter les transferts de mises résultant de nouveaux paris ou de nouvelles courses sans que la masse d'enjeux des paris existants n'en soit affectée de manière sensible. Inversement, sans la pratique de mutualisation des masses d'enjeux, tout élargissement de l'offre du PMU nuirait à la stabilité de ses cotes. Considérant le fait que les parieurs valorisent cette stabilité, elle perdrait en attractivité.

99. En revanche, n'ayant à leur disposition que leurs ressources en ligne et confrontés, comme le PMU, au phénomène de cannibalisation des paris entre eux, les opérateurs alternatifs ne peuvent multiplier le nombre d'occurrences de ceux-ci sans diminuer la masse d'enjeux moyenne de chacun d'entre eux, laquelle est déjà très faible. Ils n'envisagent dès lors pas d'élargir leur gamme de paris et celle-ci tend même à se réduire.

100. Dans ces conditions, après le lancement de 2 nouveaux paris en 2012 (le Pick5 et le Mini- Multi), pmu.fr dispose aujourd'hui de la gamme de paris la plus large du marché, tant en matière de paris simples que de paris complexes :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

101. Par conséquent, la pratique de mutualisation des masses d'enjeux permet aux PMU de proposer en ligne, sur pmu.fr, le seul pari complexe à cinq chevaux dans l'ordre d'arrivée, assorti de très gros gains (rapport ordre et "Tirelire"), de garantir la stabilité des cotes quel que soit le montant des mises et d'élargir sa gamme de paris sans remettre en cause la qualité des paris existants.

3. LES EFFETS ANTICONCURRENTIELS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE OBSERVÉS

102. La pratique de mutualisation des masses d'enjeux est susceptible d'avoir, sur le fonctionnement concurrentiel du marché des paris hippiques en ligne, un effet de captation de la demande, un effet d'entrave pour les nouveaux entrants doublé et un effet d'éviction des opérateurs alternatifs déjà présents.

- La captation de la demande

103. La pratique de mutualisation, par le PMU, de ses masses d'enjeux lui permet de renforcer considérablement l'attractivité de son offre de paris hippiques en ligne. L'évaluation préliminaire a mis en évidence les effets de cette pratique sur la demande de paris hippiques en ligne :

- le Quinté + lui permet de capter la totalité des mises des parieurs attirés par le montant du gain plus que par la probabilité de le remporter, c'est-à-dire généralement les parieurs occasionnels et les nouveaux parieurs, lesquels misent ensuite sur les paris simples proposés par pmu.fr ;

- la stabilité des cotes permet à pmu.fr de capter la quasi-totalité des mises des gros parieurs hippiques (définis comme ceux qui misent plus de 100 euros sur un pari) qui sont généralement les parieurs les plus expérimentés ;

- enfin, le fait de disposer, sur pmu.fr, de la gamme de paris hippiques la plus large du marché et d'avoir la possibilité de l'élargir encore constitue, par lui-même et pour l'ensemble des parieurs hippiques, un avantage par rapport à ses concurrents.

104. Ces trois effets de mutualisation des masses d'enjeux sur la demande s'entretiennent et se renforcent mutuellement et ce, au bénéfice de pmu.fr.

105. Véritable "produit d'appel", le Quinté + constitue le "produit phare de sa gamme" de paris hippiques. Attirés par le rapport ordre du Quinté + et les millions d'euros de la "Tirelire", fortement mis en avant par la communication du PMU, les mises des nouveaux parieurs accroissent la masse d'enjeux de ce pari et ont permis au PMU d'augmenter en 2012 le rythme de progression de la "Tirelire", le plafond de celle-ci et le montant de la "super-Tirelire". Ces jackpots toujours plus élevés attirent de nouveaux joueurs, notamment certains clients de loterie.

106. De plus, ces parieurs misent également sur les autres paris proposés par pmu.fr, en raison de la mixité de la demande de paris hippiques. L'augmentation des mises sur les paris simples, en accroissant la masse d'enjeux de ces paris, permet à celle-ci d'absorber des mises toujours plus élevées sans faire bouger les cotes et, ainsi, d'attirer de plus gros parieurs ou de les inciter à parier plus encore.

107. Enfin, fort de sa masse d'enjeux mutualisée, le PMU est en mesure d'absorber l'augmentation du nombre des courses supports et de lancer de nouveaux paris en limitant l'effet de cannibalisation susmentionné. Avec l'augmentation des sommes misées, le PMU dispose de la "matière première" pour enrichir encore son offre de paris hippiques, tant en termes de paris que de courses supports et, ainsi, attirer de nouveaux joueurs.

108. Par conséquent, la pratique de mutualisation des masses d'enjeux est de nature à permettre au PMU de capter l'ensemble des parieurs hippiques, quelle que soit leur pratique de jeu.

109. En revanche, ne pouvant offrir un pari équivalent à celui du Quinté +, les opérateurs alternatifs voient leur échapper l'ensemble des parieurs attirés par les gros gains. De plus, leur masse d'enjeux sur les paris simples n'étant pas renforcée par les mises de ces derniers, l'instabilité de leurs cotes dissuade les gros parieurs de miser sur leur site, sans parler de l'effet sur l'ensemble des parieurs du mouvement erratiques des cotes et des rapports "farfelus" qu'ils entraînent. Enfin, la faiblesse de leur masse d'enjeux les empêche de développer une gamme de paris aussi large que celle du PMU ce qui, naturellement, dissuade les parieurs d'ouvrir un compte sur leur site

- Une barrière à l'entrée

110. Le secteur des paris hippiques en ligne est, en comparaison avec les paris sportifs et le poker, celui qui a enregistré le plus faible nombre d'opérateurs agréés lors de l'ouverture à la concurrence, comme le montre le tableau suivant :

- / Poker / Paris sportifs / Paris hippiques

Nombre d'agréments au 31 décembre 2010 / 25 / 15 / 8

Nombre d'agréments au 31 décembre 2011 / 22 / 16 / 9

Nombre d'agréments au 31 décembre 2012 / 16 / 9 / 8

Nombre d'agréments au 31 décembre 2013 / 13 / 9 / 8

111. Alors que les secteurs des paris sportifs et du poker connaissent des mouvements d'entrée et de sortie et qu'ils se consolident, le marché des paris hippiques apparaît figé. Depuis fin 2010, seuls deux nouveaux opérateurs ont été agréés pour proposer des paris hippiques en ligne : JOA-Online et France-Pari (en 2011). Ces deux opérateurs, avec Unibet, représentent seulement 0,5 % de parts de marché, ce qui tendrait à révéler l'impossibilité pour un nouvel entrant de se développer sur ce marché.

112. Or, compte tenu des caractéristiques respectives du pari hippique et du pari sportif en France, le secteur des paris hippiques en ligne aurait pu enregistrer un nombre d'agréments bien supérieur à celui des paris sportifs. En effet, comme l'explique l'ARJEL dans son rapport annuel 2010, "l'offre étant plus régulière, les paris hippiques ne subissent pas les mêmes fluctuations liées à l'intérêt des compétitions que les paris sportifs. Il existe de surcroît une tradition bien ancrée du pari hippique avec un socle solide de joueurs réguliers dans la durée" alors que notre pays n'a pas de véritable tradition en matière de paris sportifs. D'ailleurs, malgré la présence de l'autre opérateur historique, la Française des Jeux, titulaire du monopole sur les paris sportifs "en dur", les opérateurs alternatifs n'ont aucunement été dissuadés d'entrer sur le marché des paris sportifs en ligne.

113. Par conséquent, la pratique de mutualisation des masses d'enjeux pourrait avoir découragé, par la barrière qu'elle constitue à l'entrée sur le marché des paris hippiques en ligne, l'entrée de certains opérateurs.

- L'éviction

114. L'offre de paris hippiques de pmu.fr, renforcée par les ressources du monopole "en dur" du PMU, est plus attractive que celle des opérateurs alternatifs, ces derniers n'ayant pas la capacité, compte tenu de la faiblesse de leur masse d'enjeux, de diversifier leur offre et le plafonnement du TRJ par le décret du 4 juin 2010 leur interdisant la mise en œuvre d'une politique commerciale agressive. Comme le souligne l'ARJEL, ils n'ont à leur disposition qu'un seul moyen pour se développer : "distribuer plus de bonus afin d'acquérir et de fidéliser leurs joueurs en se différenciant du PMU". Dès lors, les opérateurs alternatifs consacrent une part considérable de leurs ressources à financer des bonus, bien plus importante que le PMU.

115. En effet, pour les opérateurs alternatifs, les bonus sont la seule arme à leur disposition pour attirer de nouveaux clients et les conserver. Toutefois, ceci est très coûteux. Comme l'indique Betclic, les bonus représentent "un coût qui vient directement affecter son résultat opérationnel". Par conséquent, pour l'ARJEL, les opérateurs alternatifs, "dans l'obligation de diminuer leurs marges, se mettent ainsi dans des situations financièrement délicates et non tenables dans la durée". Confrontés à la pratique de mutualisation des masses du PMU et contraints, pour conserver leur part de marché, de multiplier des bonus coûteux, les opérateurs alternatifs pourraient à terme sortir de ce marché.

116. En conclusion, l'évaluation préliminaire a considéré que la pratique de mutualisation par le PMU de ses masses d'enjeux enregistrées en ligne et "en dur" suscite des préoccupations de concurrence en ce que le PMU utilise les ressources de son monopole légal sur les paris hippiques "en dur", dont ne disposent pas ses concurrents sur le marché des paris hippiques en ligne, afin de renforcer l'attractivité de son offre sur un marché ouvert à la concurrence. Cette inégalité des armes en faveur de pmu.fr est susceptible de fausser la concurrence sur le marché des paris hippiques en ligne et d'être qualifiée, au terme d'une procédure contradictoire, d'abus de position dominante en application des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

III. La mise en œuvre de la procédure d'engagements

A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR LE PMU

117. En réponse à l'évaluation préliminaire, le PMU a soumis à l'Autorité, le 28 octobre 2013, une proposition comportant les quatre engagements suivants :

- la séparation de ses masses d'enjeux en ligne et "en dur" ;

- une modification des parcours client sur le site internet du PMU dès sa page d'accueil afin de séparer les pages relatives à l'activité ouverte à la concurrence de celles relatives à son activité sous droits exclusifs, qui a été mise en œuvre au 1er janvier 2014 ;

- la réitération pour l'avenir de la mise en place d'une séparation fonctionnelle entre les bases de clients et les équipes commerciales du PMU en charge des contacts avec les clients et prospects pour les activités de paris hippiques "en dur" et en ligne ;

- la réitération pour l'avenir des engagements déjà mis en œuvre par le PMU de maintien dans sa comptabilité séparée pour les paris hippiques en ligne d'une charge liée à la redevance d'utilisation de la marque PMU et des images d'Equidia.

118. À cette proposition était annexée une étude du cabinet Grant Thornton confirmant la nécessité d'un délai de 24 mois pour la séparation des masses d'enjeux, expliquant que :

- l'activité de prise de paris hippiques du PMU est totalement dépendante de son système informatique central (SIC) car c'est lui qui gère toutes les opérations nécessaires au traitement d'un pari hippique ;

- ce SIC n'a pas la capacité technique, aujourd'hui, de traiter des paris dédoublés suite à la séparation des masses d'enjeux. Le SIC gérant aujourd'hui 13 paris, avec la séparation des masses, il en gèrera 26, soit plus que ce qui est techniquement possible dans sa configuration actuelle ;

- par ailleurs, ce SIC repose sur une technologie vieillissante qui a pu, par le passé, se révéler fragile.

119. En 2011, le PMU a lancé un vaste projet de refonte de son SIC appelé "EASY". C'est dans ce cadre que trois solutions ont été étudiées pour permettre une séparation de ses masses d'enjeux :

- une duplication de son SIC actuel (option 1) ;

- une séparation fonctionnelle au sein du SIC modernisé avec un dédoublement du traitement des paris "en dur" et en ligne (option 2) ;

- et la mise en place d'un logiciel tiers pour les paris en ligne (option 3).

120. Le PMU a retenu l'option 2 que Grant Thornton a confirmé comme la plus logique, la plus sûre et la plus conforme aux bonnes pratiques. Toutefois, cette option repose sur un prérequis technique : la refonte du SIC et, en particulier, l'achèvement de sa première étape (migration sous UNIX), prévue en juin 2015. La séparation des masses ne pourra donc intervenir que lors d'un palier de modification prévu en octobre 2015, soit 24 mois après la transmission de sa proposition d'engagements. En effet, toute modification du SIC ne peut intervenir, pour des raisons de sécurité, qu'au cours d'un des trois paliers annuels de modification.

B. LES OBSERVATIONS RECUEILLIES LORS DU TEST DE MARCHE

1. SUR LA PERTINENCE DE L'ENGAGEMENT DE SÉPARATION DES MASSES D'ENJEUX

121. L'ensemble des opérateurs et l'ARJEL confirment que l'engagement de séparation des masses satisfait aux préoccupations de concurrence exprimées dans l'évaluation préliminaire et qu'il est de nature à améliorer les conditions de concurrence sur le marché des paris hippiques en ligne.

122. Toutefois, même s'il souligne que la séparation des masses d'enjeux "constitue une avancée sur le plan concurrentiel", Leturf estime que celle-ci "n'apporte pas de solution au problème n° 1 des opérateurs alternatifs : l'instabilité chronique de leurs rapports" qui elle-même, découle de la masse insuffisante de leurs enjeux. De plus, "il est possible que la scission des masses du PMU entraîne le retour des gros joueurs vers son réseau physique afin de pouvoir bénéficier d'une meilleure stabilité des rapports", renforçant ainsi le monopole du PMU. Enfin, les résultats d'une étude faite auprès de 5 000 parieurs hippiques clients de pmu.fr soulignent qu'une large majorité de ceux-ci regrettent la future disparition de la "Tirelire" du Quinté + sur pmu.fr. Cette même étude confirme que pour 36,7 % des parieurs interrogés, la séparation des masses les conduirait à parier moins sur pmu.fr et plus sur les sites des opérateurs alternatifs.

2. SUR LE DÉLAI DE 24 MOIS

a) L'ensemble des opérateurs critiquent le délai demandé par le PMU

123. Certains opérateurs alternatifs ont mis en avant, dans leur réponse au test de marché, la fragilité de leur situation financière, selon eux incompatible avec le délai que demande le PMU pour séparer ses masses d'enjeux, ce que l'ARJEL a également relevé. En particulier, selon le régulateur sectoriel, "le risque est en effet que, au terme de ce délai, les concurrents du PMU aient, pour la plupart, cessé leur activité", Betclic confirmant que "ses actionnaires ne peuvent continuer à supporter un tel niveau de perte sans avoir a minima un espoir à court terme d'un redressement de son activité". Unibet souligne lui aussi qu'"un risque réel existe que dans les 24 prochains mois, la plupart des opérateurs alternatifs déposent le bilan ou renoncent/ne renouvellent pas leurs agréments, ce qui reviendrait à avoir mis en œuvre un marché plus concurrentiel au moment où il n'y a plus de concurrence".

124. En revanche, il convient de souligner que même s'ils regrettent également la longueur du délai, ni Zeturf ni Leturf ne mentionnent un tel risque de disparition les concernant.

b) Betclic soutient qu'une autre solution est possible

125. Dans ses observations, Betclic a dénoncé les faiblesses méthodologiques du rapport Grant Thornton, qu'il qualifie de "rapport complaisant rédigé dans le seul but de satisfaire les intérêts de son client". Il considère en effet qu'une autre solution que celle retenue par le PMU pour séparer ses masses d'enjeux est possible. Elle repose sur le raisonnement suivant.

- La séparation des flux de paris serait très aisée pour le PMU

126. Pour Betclic, il serait très aisé au PMU d'identifier le flux des mises online dirigé vers son système informatique. En effet, la loi du 12 mai 2010 impose au PMU de distinguer dans sa comptabilité ses activités de paris hippiques en ligne des autres activités et de fournir des comptes dédiés. De plus, le PMU doit transmettre et archiver en temps réel les opérations de ses clients dans un coffre fort électronique sous le contrôle de l'ARJEL. Par conséquent, le détail des transactions réalisées est connu par le PMU dès l'enregistrement du pari.

127. La constitution des masses d'enjeux du PMU émane de sources distinctes, en particulier :

- les terminaux des points de vente physiques enregistrent les opérations des parieurs, le flux transitant par un réseau de type RNIS vers le SIC ;

- les paris enregistrés sur pmu.fr sont acheminés par un réseau de type Internet ;

128. Dans ces conditions, le PMU serait d'ores et déjà capable de distinguer techniquement ce qui relève des enjeux "en dur" des enjeux en ligne. La mutualisation des masses d'enjeux n'intervenant qu'en aval du processus, leur séparation sur un plan technique ne remettrait nullement en cause la totalité de l'architecture du SIC. Pour Betclic, "la séparation des masses d'enjeux du PMU impliquera uniquement la mise en place d'un totalisateur en charge de calculer les rapports spécifiques à ses paris en ligne, laquelle peut intervenir très rapidement".

- La mise en place d'un totalisateur dédié aux paris en ligne serait rapide

129. Ce que propose le PMU consiste à faire "évoluer le totalisateur central actuel pour le mettre en capacité de traiter séparément les deux masses". Or puisqu'il s'agit de traiter séparément le flux des paris hippiques "en dur" du flux des paris hippiques en ligne, pour Betclic, il n'est nullement besoin de recourir à un totalisateur unique. Betclic soutient ainsi qu'il serait possible de déconnecter le flux des paris hippiques en ligne - parfaitement identifié - et de le brancher sur un nouveau totalisateur dédié aux mises enregistrées sur pmu.fr, totalement indépendant du SIC. Celui-ci pourrait donc évoluer conformément au projet "EASY" sans que ces évolutions impactent ce totalisateur dédié. Dès lors, "il n'y a aucune raison d'envisager le chantier de la séparation des masses d'enjeux du PMU en tenant compte du calendrier de rénovation du SIC".

130. Ce nouveau totalisateur dédié aux paris hippiques en ligne pourrait en outre être construit dans un délai très court. Betclic rappelle ainsi qu'ayant externalisé le traitement de ses paris hippiques auprès d'un prestataire, la société PMC, le développement technique de son offre lui a pris moins de 6 mois.

- Le PMU disposerait des ressources informatiques et financières nécessaires

131. Betclic cite, dans ses observations, toute une série de déclarations du PMU ou de ses dirigeants faisant l'éloge de ses capacités informatiques en termes de réactivité et de mise en œuvre de projets complexes.

132. De plus, à supposer même que ces ressources ne soient pas suffisantes, le PMU pourrait parfaitement recourir à un prestataire extérieur. Des prestataires tels que PMC sont, selon Betclic, à même de proposer des solutions techniques de traitement de paris hippiques en ligne. PMC précise sur son site avoir "développé son propre système central de gestion de paris, interconnectable avec le système PMU" et le PMU a déjà recours à PMC pour assurer le traitement des paris pris par les opérateurs étrangers sur les courses françaises.

133. Enfin, Betclic rappelle que le PMU n'a pas hésité à recourir à des prestataires extérieurs afin de gérer son offre de paris sportifs et de poker en ligne.

3. SUR LES AUTRES ENGAGEMENTS DU PMU

a) L'engagement relatif au parcours client sur pmu.fr

134. Dans sa proposition d'engagements, le PMU indique avoir "engagé le processus de modification du parcours client sur son site internet dans des conditions dérogatoires aux règles habituelles d'un marketing multi-vecteurs". Cet engagement permettrait, "dès la page d'accueil du site internet du PMU de distinguer les deux univers en dur et en ligne et de limiter les passerelles d'accès d'un univers à l'autre". Il est effectif depuis le 1er janvier 2014.

135. Betclic critique l'imprécision de l'engagement et, en particulier, le fait que la mise en place de ces deux URL permettrait de "limiter les passerelles d'accès d'un univers à l'autre" et non d'interdire. Pour Betclic, "la mise en place d'URL distincte serait bien vaine si, sur chaque page de son site Internet, le PMU prévoit, comme c'est le cas actuellement, une multitude d'onglets qui permettent de jongler entre ses activités ouvertes à la concurrence et celles sous monopole".

136. De plus, pour Betclic, "les joueurs multi-comptes pourront consulter leurs comptes à partir de l'un ou l'autre de ces sites à l'aide des identifiants propres à chacun de leur compte". Il considère que le PMU recrée ainsi une confusion entre ses activités en ligne et "en dur" sur son site Internet pour ces parieurs qui ont déjà un compte en ligne et détiennent une carte PMU.

b) L'engagement relatif aux organisations commerciales et marketing

137. Dans sa proposition d'engagements, le PMU réitère "pour l'avenir la mise en place d'une séparation fonctionnelle entre les bases de clients et les équipes commerciales du PMU en charge des relations et des contacts avec les clients et prospects pour les activités de paris hippiques en dur et ligne". Cette mesure a déjà été mise en œuvre.

138. Betclic avance trois critiques contre cet engagement :

- le Code de bonne conduite serait insuffisant pour assurer une étanchéité des bases de clientèle du PMU en ce qu'elles regroupent, dans la même catégorie des "parieurs avec compte", les parieurs titulaires de la carte PMU et les parieurs en ligne ;

- la séparation des équipes commerciales et marketing serait "factice" car ce sera toujours une seule et même direction qui concevra, lancera et fera la promotion les offres de paris hippiques en ligne et "en dur" ;

- enfin, en conservant une direction commerciale et marketing unique, le PMU allège considérablement, via une subvention croisée, les coûts que devrait normalement supporter son activité de paris hippiques en ligne.

139. Dans ces conditions, selon Betclic, seule une séparation juridique entre les activités sous monopole et les activités ouvertes à la concurrence serait efficace.

c) L'engagement relatif à l'absence de subventions croisées

140. Dans sa proposition, le PMU réitère "pour l'avenir l'engagement déjà mis en œuvre par le PMU de maintien dans sa comptabilité séparée pour les paris hippiques en ligne d'une charge liée à la redevance d'utilisation de la marque PMU et des images d'Equidia".

141. Betclic et Unibet avancent des critiques à l'encontre de cet engagement, qui serait dénué de toute portée dès lors que le PMU utilise la même marque pour ses activités en ligne et "en dur". De plus, les modalités de la comptabilité séparée des activités en ligne du PMU, en particulier la clé de répartition choisie (le PBJ), seraient inadaptées. Enfin, la redevance d'utilisation de la marque PMU serait insuffisante.

4. SUR D'ÉVENTUELS ENGAGEMENTS COMPLÉMENTAIRES

142. L'ARJEL ainsi que Zeturf, Betclic et Leturf ont estimé nécessaire que, de manière temporaire ou définitive, des engagements complémentaires soient proposés par le PMU afin d'améliorer rapidement la position concurrentielle des opérateurs alternatifs. Les mesures qu'ils ont proposées, concomitamment ou non, sont les suivantes :

- le contrôle du TRJ pratiqué par le PMU sur son pari "Simple", afin de s'assurer que le PMU ne l'augmente pas au détriment du pari équivalent des opérateurs alternatifs qui, contrairement à lui, ne disposent pas du pari très rentable qu'est le Quinté + ;

- la distribution du Quinté + du PMU, en masse mutualisée et sous marque blanche, par les opérateurs alternatifs ;

- la mise en place d'une "Tirelire" et d'une "Super Tirelire" en ligne spécifique avant le délai de 24 mois ;

- la modification du processus de validation des nouveaux paris hippiques, éclaté entre l'ARJEL et le ministère de l'Agriculture, pour le confier à la seule ARJEL dans un délai contraint de 6 mois ;

- la diffusion des rapports de gain des opérateurs alternatifs sur la chaîne Equidia qui, aujourd'hui, ne diffuse que ceux du PMU ;

- la vente de l'opérateur Génybet, filiale du PMU ;

- la nomination d'un mandataire pour assurer le suivi des engagements.

IV. Discussion

A. SUR LA PERTINENCE DE L'ENGAGEMENT DE SÉPARATION DES MASSES D'ENJEUX

143. La proposition d'engagements du PMU met fin à la mutualisation des masses d'enjeux "en dur" et en ligne. Elle satisfait donc les préoccupations de concurrence exprimées dans l'évaluation préliminaire en ce qu'elle rétablit l'égalité des armes sur le marché des paris hippiques en ligne, ainsi que l'a confirmé le test de marché.

144. L'Autorité s'est néanmoins interrogée sur la pertinence de cet engagement, notamment en raison de ses conséquences éventuelles sur le bien-être du consommateur.

1. LES CRAINTES DE LETURF N'APPARAISSENT PAS JUSTIFIÉES

145. En préalable, comme le souligne Leturf, la séparation des masses n'apportera pas, en tant que telle, de solution à la faible masse d'enjeux des opérateurs alternatifs. Toutefois, tel n'est pas l'objectif de cette mesure. En effet, l'engagement de séparation des masses a pour seule vocation de rétablir l'égalité des chances entre opérateurs. À eux ensuite de faire la différence, par leurs mérites propres, pour augmenter leur masse d'enjeux et leur attractivité. Aujourd'hui, les opérateurs alternatifs rivalisent avec un opérateur totalisant 9,636 milliards d'euros de mises en 2013 (dont 943 millions d'euros en ligne), soit près de 60 fois les mises qu'eux-mêmes enregistrent (168 millions d'euros). Une fois les masses d'enjeux du PMU séparées, la disproportion avec pmu.fr sera divisée par dix. Betclic relève d'ailleurs que si le PMU conservait "une masse d'enjeux conséquente sur les paris hippiques en ligne, la séparation des masses d'enjeux permettrait néanmoins de rétablir une certaine équité entre les différents opérateurs en réduisant la dissymétrie actuelle des masses d'enjeux en ligne du PMU et des opérateurs alternatifs".

146. La séparation des masses d'enjeux pourrait réduire la stabilité des cotes sur les paris simples proposés par pmu.fr ainsi que le montant des gains offerts par le Quinté +, désormais alimenté exclusivement par les mises en ligne. Ceci pourrait expliquer la crainte exprimée par Leturf que les parieurs hippiques en ligne retournent vers le réseau de points de vente physiques du PMU, renforçant ainsi son monopole.

147. Cette crainte semble néanmoins injustifiée. En effet, comme le démontrent toutes les études sur les paris hippiques et comme le reconnaît le PMU lui-même (voir supra § 56), les parieurs hippiques en ligne n'étaient pas auparavant des parieurs hippiques "en dur" et constituent, pour l'essentiel, une clientèle nouvelle dont les déterminants sont très différents de ces derniers. Ayant découvert les paris hippiques sur Internet, avec en particulier la souplesse incomparable de pouvoir parier n'importe où et à n'importe quelle heure, il est peu probable que, du jour au lendemain, ils se mettent à fréquenter les points de vente physiques du PMU, à supposer qu'ils en aient la possibilité.

2. LES CONSÉQUENCES DE LA SÉPARATION DES MASSES D'ENJEUX SUR LE BIEN-ÊTRE DU CONSOMMATEUR DE PARIS HIPPIQUES

148. En revanche, la qualité de l'offre de pmu.fr pourrait effectivement être dégradée. En effet, il est improbable que les mises sur les paris hippiques en ligne atteignent avant des années le montant des mises sur les paris hippiques "en dur". Dès lors, la disparition du Quinté + dans sa forme actuelle du marché des paris hippiques en ligne pourrait être définitive.

149. Dès l'avis n° 11-A-02 précité, l'Autorité soulignait en effet que "la séparation des mises du PMU selon qu'elles sont engagées dans son réseau physique ou en ligne permettrait de restaurer une égalité entre l'ensemble des opérateurs en ligne dès lors que l'activité en ligne du PMU ne disposerait plus de l'avantage conféré par son monopole dans le réseau physique en termes de masses d'enjeux". Toutefois, elle relevait que "la masse des mises collectées sur le site internet du PMU étant relativement faible par rapport à celle qui est collectée dans son réseau physique, le pmu.fr, seul, ne pourra pas offrir aux gagnants dans l'ordre une rémunération aussi attractive que celle du réseau physique. Dès lors, séparer les masses de mises physiques et en ligne du PMU pourrait empêcher l'émergence d'un pari complexe en ligne compétitif par rapport au Quinté plus du réseau physique".

150. Cet effet d'une séparation des masses d'enjeux du PMU sur le Quinté + a ainsi été perçu dès janvier 2011. Toutefois, de la même manière que lorsqu'elle agit pour mettre fin à des prix prédateurs afin de préserver la concurrence à long terme, l'Autorité est pleinement dans son rôle en acceptant un engagement mettant fin à l'attractivité artificielle de l'offre de paris hippiques de pmu.fr qui repose sur l'utilisation des ressources d'un monopole légal sur un marché ouvert à la concurrence.

151. De plus, comme elle le fait à chaque fois qu'elle intervient dans un secteur, l'Autorité doit tenir compte des particularités de celui-ci comme, le cas échéant, des objectifs généraux poursuivis par l'État. Or, aux termes de l'article 1er de la loi du 12 mai 2010, "les jeux d'argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire". L'article 3 ajoute que "la politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation". L'ouverture à la concurrence des jeux d'argent et de hasard en ligne tient plus de la régulation de l'offre que d'une véritable libéralisation visant à l'accroissement de la demande qu'il convient avant tout de protéger contre les risques d'addiction. Par conséquent, même si la séparation des masses d'enjeux devait effectivement aboutir à la dégradation de l'attractivité de l'offre de paris hippiques, l'Autorité ne serait pas en contradiction avec les objectifs fixés par le législateur en matière de jeux d'argent et de hasard.

152. Dans ce contexte particulier d'encadrement des conditions d'ouverture des paris hippiques en ligne, il y a lieu de relever que le bien-être du consommateur doit également s'apprécier au regard des avantages que ce dernier retire d'une offre légale et diversifiée présentant toutes les garanties en termes de sécurité financière et de lutte contre l'addiction. En acceptant des engagements mettant fin à la pratique de mutualisation des masses d'enjeux qui est susceptible de conduire à l'éviction des opérateurs alternatifs et à la réduction de l'offre légale au seul pmu.fr, l'Autorité contribue à assurer le bien-être à long terme du consommateur de paris hippiques en ligne comme la réalisation des objectifs poursuivis par le législateur.

153. En tout état de cause, il est tout à fait envisageable que le consommateur bénéficie à terme, malgré la séparation des masses d'enjeux, sur pmu.fr d'une offre de paris hippiques aussi attractive qu'actuellement, bien que différente.

154. En effet, le Quinté +, pari emblématique du PMU depuis vingt-cinq ans, n'est pas voué à disparaître de pmu.fr, pas plus que la "Tirelire". Si, en raison de la séparation des masses d'enjeux, les ressources du monopole ne seront plus disponibles en ligne, le PMU pourrait donner au Quinté +, s'il le souhaite, une autre forme, par exemple en réduisant le nombre de rapports (six actuellement), en augmentant la proportion de la masse à partager affectée au rapport ordre (aujourd'hui 15 %) ou en modifiant les règles de la "Tirelire", lesquelles pourraient être en pratique plus favorables aux parieurs hippiques.

155. Ce qui vaut pour le Quinté + vaut également pour les autres paris hippiques en ligne. En effet, la mutualisation des masses d'enjeux a pour conséquence aujourd'hui que l'offre de paris hippiques du PMU est identique en ligne et "en dur". Une fois les masses séparées, le PMU devra nécessairement développer une gamme de paris hippiques spécifiquement online, avec les seules ressources de pmu.fr, gamme qui pourrait être différente de la gamme de paris disponible dans le réseau de points de vente physiques, tant du point de vue des types de paris que des TRJ appliqués, éventuellement plus élevés qu'actuellement. Les avantages d'une offre spécifique pensée pour les joueurs en ligne et adaptée à leur demande pourraient compenser des cotes moins stables qu'en masses mutualisées.

156. En conclusion, compte tenu des particularités du secteur des jeux d'argent et de hasard comme des objectifs poursuivis par l'État dans le cadre de son ouverture à la concurrence, la pertinence de l'engagement de séparation des masses d'enjeux n'est pas remise en cause par le risque qu'elle comporte d'une dégradation des espérances de gains des consommateurs de paris hippiques en ligne à court terme, risque qui plus est limité puisqu'il sera dans l'intérêt du PMU de tout faire, avec ses ressources en ligne, pour préserver l'attractivité de son offre.

B. SUR LE DÉLAI DE SÉPARATION DES MASSES D'ENJEUX

1. LA POSSIBILITÉ D'UN DÉLAI PLUS COURT QUE CELUI PROPOSÉ PAR LE PMU

157. Dès la fin du test de marché le 2 décembre 2013, les échanges se sont poursuivis entre l'Autorité et le PMU afin que celui-ci justifie à suffisance le délai qu'il demande pour la séparation des masses d'enjeux.

158. Le PMU et le cabinet Grant Thornton, à nouveau sollicité pour une étude complémentaire, ont donc entrepris de démontrer que la solution soutenue par Betclic ne pourrait être retenue compte tenu des contraintes pesant sur le SIC. À cet égard, le PMU reconnaît qu'il est capable d'identifier au sein de son SIC les flux de paris enregistrés sur pmu.fr. Toutefois, il conteste le fait que la séparation de ses masses d'enjeux se limiterait " uniquement" à la déconnexion de ces flux du SIC, qui deviendrait dédié à l'activité en dur, puis à la mise en place d'un totalisateur distinct dédié aux paris en ligne. Le PMU conteste en particulier l'affirmation de Betclic selon laquelle il n'y aurait "aucune raison technique de relier ce nouveau totalisateur au système d'information central du PMU" et avance qu'un totalisateur dédié aux paris hippiques en ligne serait certes indispensable dans le cadre de la recherche d'une solution externe, mais insuffisant pour pouvoir traiter de bout en bout toutes les opérations nécessaires à la gestion d'un pari hippique.

159. La fonction d'un totalisateur est, à partir des données d'enregistrement de prises de paris qu'il reçoit, de procéder au calcul des rapports, à leur diffusion, à la distribution des gains et à l'historisation du détail de chaque pari. Ces fonctions ne sont toutefois pas suffisantes pour gérer globalement un pari hippique puisqu'elles n'englobent notamment pas les fonctions de gestion et d'administration des comptes clients, les fonctions de gestion de la relation client, de "Business Intelligence" (BI - Étude statistique produit/client), ni celles de pilotage et de transmission des informations sur le déroulement des courses (qu'il s'agisse des éléments impactant le calcul des rapports probables ou impactant le calcul des gains). Sans ces fonctions, le PMU serait contraint de gérer ses paris hippiques en ligne sans rien savoir de l'activité de ses clients en ligne et dans l'incapacité d'établir la moindre relation avec eux.

160. Or, il n'est pas envisageable d'imposer au PMU un choix industriel structurant qui puisse nuire à la gestion quotidienne de son activité de paris hippiques en ligne en lui faisant courir un risque sur le long terme. Tel ne pourrait être le cas que si le choix retenu était manifestement injustifié ou si le délai annoncé était disproportionné par rapport à une solution alternative réaliste.

161. À cet égard, l'étude complémentaire du cabinet Grant Thornton a permis d'établir les raisons pour lesquelles le PMU, dans les trois options qu'il a étudiées (voir supra § 119), n'a pas retenu l'option 3 d'une solution logicielle externe pour procéder à la séparation de ses masses d'enjeux. Lors de la phase d'étude de son projet "EASY", le PMU a consulté l'ensemble des éditeurs de logiciels spécialisés dans le pari hippique au niveau mondial. Il a tiré de cette consultation la conclusion que les solutions externes posaient des problèmes de fiabilité et de pérennité, tout en le rendant dépendant du prestataire et des ressources de ce dernier, lesquelles sont limitées. Cette conclusion est, selon le PMU, "parfaitement transposable à la recherche d'une solution dédiée à sa seule activité de paris hippiques en ligne. Les risques de pérennité des prestataires et de dépendance à leur technologie étaient les mêmes, tout comme l'incapacité desdits prestataires à couvrir les autres fonctionnalités et applications nécessaires à l'opération d'un pari hippique de bout en bout".

162. Dès lors, le recours à une solution logicielle externe pour un totalisateur distinct dédié aux paris en ligne nécessiterait de trouver des solutions techniques afin de doter ce nouveau système autonome de toutes les fonctions et applications nécessaires à la gestion globale d'un pari hippique. Dans le cas du PMU, cette nécessité imposerait soit le développement d'interfaces avec les fonctions et applications existantes dans le système d'information central du PMU et la sélection d'un prestataire intégrateur pour y procéder, soit plusieurs prestataires tiers pour assurer ces différentes applications. Le délai de mise en œuvre serait, si le PMU recourt à des prestataires extérieurs, hors de son contrôle.

163. En outre, rien ne garantit que le délai de mise en œuvre par cette solution externe de la séparation des masses d'enjeux puisse être substantiellement plus court que celui proposé par le PMU. Dans ses réponses au test de marché, Betclic souligne que 11 mois seulement ont été nécessaires au PMU pour développer, avec l'aide d'un prestataire extérieur, son offre de paris sportifs en ligne. Toutefois, le PMU observe que "si, comme l'indique Betclic, les phases de conception, test et mise en production de ce projet sur les paris sportifs ont effectivement duré 11 mois, elles ont été précédées d'une phase d'étude et de sélection du prestataire qui a duré 10 mois. L'ensemble du développement de ce projet aura donc nécessité un délai de 21 mois" alors même qu'il est toujours plus facile, en informatique, de construire un système totalement nouveau que de transformer un système existant, surtout lorsque ce dernier est vieillissant et fragile comme c'est le cas pour le SIC du PMU. C'est pour la même raison que la comparaison avec le temps qui a été nécessaire aux opérateurs alternatifs pour construire leur propre totalisateur, par ailleurs limité à l'origine à la gestion d'une offre de paris très réduite, n'est pas conclusive.

164. La solution retenue par le PMU apparaît justifiée compte tenu de l'ensemble des contraintes pesant sur le SIC et de l'impossibilité, en recourant à d'autres solutions, d'obtenir une séparation plus rapide des masses d'enjeux.

165. Le PMU a été amené en séance à fournir de nouvelles explications sur les contraintes qui s'imposent à lui dans le cadre du projet "EASY". Il a ainsi précisé que les deux premiers paliers de l'année 2015 seront supprimés : la migration du SIC sous UNIX débutera en janvier et se poursuivra en marche double tout au long du premier semestre, l'ancien SIC coexistant avec le nouveau le temps que l'ensemble des tests soient menés sur ce dernier. La bascule définitive entre les deux interviendra en juin 2015. C'est donc seulement à partir de juillet que le projet "séparation des masses d'enjeux", dont les premières études ont déjà été lancées par le PMU, pourra être testé avant d'être mis en production au plus tard le 30 octobre 2015.

166. Sur ce point, admettant que la phase de tests pourrait être réduite sans faire peser un risque disproportionné sur le projet lui-même ni sur le SIC, le PMU a accepté en séance de fixer au 30 septembre 2015 la date limite de mise en œuvre de la séparation des masses d'enjeux, soit 19 mois à compter de la présente décision.

167. En conclusion, compte tenu des deux études produites par le PMU, des réponses au test de marché et des explications apportées par le PMU dans ses échanges avec les services d'instruction puis en séance, l'Autorité considère que le délai demandé par le PMU pour la séparation de ses masses d'enjeux est techniquement justifié. Aussi long qu'il soit, ce délai permettra donc, conformément au but assigné à la procédure d'engagements, de "garantir aussi promptement que possible l'exercice d'une concurrence effective entre les différents acteurs" (décision n° 12-D-04 du 23 janvier 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture d'informations météorologiques aux professionnels § 113).

2. LA "TIRELIRE" DU QUINTÉ +

168. Selon l'ARJEL, "le délai de 24 mois ne semble pas pertinent en ce qui concerne la Tirelire et la super Tirelire du Quinté +. Sans doute serait-il possible de proposer, dans un délai inférieur, une Tirelire et une super Tirelire spécifique en ligne".

169. Toutefois, après des échanges sur ce point avec le PMU à la suite du test de marché, il s'avère que les mêmes contraintes informatiques que celles de la séparation des masses elle-même s'applique à la Tirelire. En effet, comme l'écrit le PMU, "un tel projet est un projet à part entière qui nécessite d'être mené comme tout projet et d'être inscrit dans un palier, ce qui, au vu de l'occupation des paliers du fait des migrations en cours du système d'informations central du PMU, nécessiterait d'attendre la période de gel des paliers P1 et P2 2015 pour pouvoir être mis en œuvre, de telle sorte que cette adaptation n'interviendrait en tout cas qu'au mieux concomitamment avec la séparation effective des masses d'enjeux".

170. De surcroît, si une Tirelire spécifiquement online était lancée lors du 3ème palier de 2014 (fin novembre), elle coexisterait avec un Quinté + dont les rapports seraient toujours calculés en masses mutualisées. C'est seulement à partir d'octobre 2015 que ces rapports ne seraient plus calculés que sur la base des seules mises enregistrées sur pmu.fr. Par conséquent, le Quinté + subirait dans un court laps de temps deux bouleversements susceptibles de perturber les parieurs et le marché du pari hippique en ligne, pour un gain de temps finalement réduit par rapport au délai de la séparation des masses elle-même.

3. LES RISQUES DE DISPARITION DES OPÉRATEURS ALTERNATIFS

171. Ainsi qu'il a été dit supra, certains opérateurs alternatifs ont mis en avant, dans leurs réponses au test de marché, la fragilité de leur situation financière, selon eux incompatible avec le délai que propose le PMU pour séparer ses masses d'enjeux.

172. Toutefois, même si les pratiques en cause semblent effectivement susceptibles d'avoir des effets d'éviction sur le long terme, les éléments communiqués à l'Autorité amènent à considérer que le risque de leur disparition n'est pas démontré. D'ailleurs, deux des principaux concurrents de pmu.fr - Leturf et Zeturf, premier concurrent- n'ont pas fait état d'un tel risque les concernant.

173. En effet, l'ensemble des opérateurs de paris hippiques en ligne agréés appartiennent à des groupes diversifiés, que ce soit sur d'autres jeux d'argent et de hasard en ligne ou sur d'autres marchés de l'Union européenne. Ainsi Betclic, présent dans 100 pays où il propose une offre très large de jeux d'argent et de hasard à 12 millions de clients, est, comme l'a déclaré publiquement M. Stéphane Z... dans une interview du 17 janvier 2014, "structurellement bénéficiaire". De même Zeturf.fr appartient au groupe Zeturf, présent depuis 2005 sur le marché des paris hippiques en ligne, groupe lui aussi bénéficiaire. Comme l'a déclaré son directeur général, M. Emmanuel A..., dans une interview le 3 janvier 2014, "nous sortons la tête de l'eau, avec des profits (1,5 à 2 millions d'euros) et une activité à l'équilibre en France". Quant à Leturf, il est adossé au principal groupe de presse hippique, éditeur entre autres du quotidien Paris-Turf.

174. Par ailleurs, trois évolutions intervenues à la fin de l'année 2013 sont favorables aux opérateurs alternatifs et à leur pérennité sur le marché des paris hippiques en ligne :

- la première est la baisse des prélèvements obligatoires sur les paris hippiques en ligne à la suite de l'accord intervenu entre le gouvernement français et la Commission européenne sur le taux de la redevance hippique. Alors que ceux-ci atteignaient 14,4 % des mises, l'article 22 de la loi n° 2013-1279 de finances rectificative pour 2013, mettant en œuvre ledit accord, a pour conséquence de les abaisser à 13,1 % au 1er janvier 2014. Les opérateurs du secteur bénéficieront donc pour les années à venir d'un surcroît de marge nette de 1,3 point ;

- la deuxième est la décision du PMU, confirmée en séance par son président, d'abaisser, à compter de 2014, le TRJ de son pari "Simple", lequel est le principal pari joué par les clients de pmu.fr et les parieurs hippiques en général. Une telle décision redonne immédiatement un avantage concurrentiel important aux opérateurs alternatifs sur ce pari qu'ils proposent tous. Elle invalide aussi une crainte de l'ARJEL, de Zeturf et de Leturf qui s'inquiétaient que le PMU mette en œuvre un dumping de ses TRJ sur les paris simples en les relevant fortement ;

- enfin, la troisième est l'évolution favorable des parts de marché des opérateurs alternatifs en 2013 qui, au 4ème trimestre 2013, ont réduit celles de pmu.fr à 83,5 %. Le directeur général de Zeturf s'est en particulier félicité, dans l'interview précitée, d'"avoir fait grimper sa part de marché de 7 à 10 % en 2013, avec un volume des enjeux en hausse de 20 à 25 %".

175. Enfin, la proposition d'engagements du PMU donne immédiatement une visibilité aux opérateurs quant au rétablissement à terme d'une concurrence normale sur le marché des paris hippiques en ligne. Ceux-ci ont désormais la certitude qu'au 30 septembre 2015, les masses d'enjeux du PMU seront séparées et qu'ils affronteront pmu.fr à armes égales.

C. SUR LES ENGAGEMENTS COMPLÉMENTAIRES SUGGÉRÉS PAR LES RÉPONSES AU TEST DE MARCHÉ

176. L'ARJEL, Zeturf et, surtout, Leturf ont estimé nécessaire que des engagements complémentaires, temporaires ou définitifs, soient proposés par le PMU afin d'améliorer rapidement la position concurrentielle des opérateurs alternatifs. En particulier, a été évoquée la possibilité, pour le PMU, d'autoriser les opérateurs alternatifs à distribuer le Quinté +, en masse mutualisée, sous marque blanche.

177. Cependant, alors même qu'elle fait cette suggestion, l'ARJEL rappelle qu'elle se heurte aujourd'hui à l'obstacle du décret n° 2010-605 du 4 juin 2010, lequel impose à un opérateur de ne pas verser à ses parieurs des sommes totalisant plus de 85 % des mises qu'il enregistre annuellement. Or, si les opérateurs alternatifs, disposant d'une masse d'enjeux très faible, distribuaient le Quinté +, le fait qu'un de leurs clients remporte le rapport ordre et, surtout, les millions d'euros de la "Tirelire", les conduiraient automatiquement à dépasser ce plafonnement, les exposant ainsi à des sanctions de la part du régulateur.

178. Confier le processus de validation des nouveaux paris hippiques à la seule ARJEL ne relève ni de la compétence de l'Autorité, ni de la décision du PMU. De même, imposer la diffusion des rapports de gain des opérateurs alternatifs sur la chaîne Equidia et la vente de l'opérateur Génybet, filiale du PMU ne répond ni directement, ni indirectement aux préoccupations de concurrence exprimées dans l'évaluation préliminaire.

D. SUR L'ENGAGEMENT RELATIF AU PARCOURS-CLIENT SUR PMU.FR

179. L'engagement du PMU prévoyait de "limiter les passerelles" entre l'URL dédiée aux paris hippiques "en dur" (Info.pmu.fr) et celle dédié aux paris hippiques en ligne (pmu.fr/turf). À la suite de la critique de Betclic, le PMU a accepté de le modifier afin qu'il soit clairement indiqué qu'il n'y a plus aucune passerelle entre les deux URL une fois passée la page d'accueil commune.

180. S'agissant des parieurs multi-comptes, détenteurs de deux comptes distincts (compte de la carte PMU et compte-joueur en ligne), il leur est possible de consulter ou utiliser chacun de ces deux comptes quel que soit l'URL. Toutefois, ils doivent se connecter en utilisant les codes identifiants propres à chacun de leurs comptes. Le PMU observe à juste titre que ces titulaires de la carte PMU - et donc clients du monopole "en dur" - étant déjà clients de pmu.fr, la facilité qui leur est offerte est dénuée de toute portée s'agissant du risque que semble soulever Betclic que celle-ci les incite à parier sur pmu.fr

E. SUR L'ENGAGEMENT RELATIF AUX BASES DE CLIENTÈLES

181. Les critiques avancées par Betclic dans ses réponses au test de marché et reproduites supra ( § 139 à 141) ne paraissent pas devoir être retenues, compte tenu des explications fournies par le PMU. En effet, s'il est vrai que le Code de bonne conduite regroupe bien dans une même catégorie des "parieurs avec compte", les parieurs titulaires de la carte PMU et les parieurs en ligne, ces deux sous-catégories sont clairement distinguées. Surtout, il est bien indiqué que les premiers, considérés comme des parieurs du réseau de points de vente physiques sous monopole, ne recevront aucune communication les incitant à parier sur pmu.fr. Le fait qu'une seule direction soit, au sein du PMU, en charge de la relation avec l'ensemble des clients ne remet pas en cause la portée de cette règle contraignante d'utilisation des bases de clientèle.

182. Par ailleurs, une part des dépenses commerciales et marketing, conforme à la clé de répartition (le PBJ), est imputée par le PMU dans la comptabilité séparée de ses activités en ligne. Betclic n'est donc pas fondé à objecter que cette direction marketing unique permet au PMU, via une subvention croisée, d'alléger considérablement les coûts que devrait normalement supporter son activité de paris hippiques en ligne.

F. SUR L'ENGAGEMENT RELATIF À L'ABSENCE DE SUBVENTIONS CROISÉES

183. Le PMU affecte les charges directement imputables à ses activités en ligne dans la comptabilité séparée de celles-ci ainsi qu'une quote-part des charges non directement imputable, conformément à la clé de répartition choisie (le PBJ). Cette comptabilité ainsi que ces modalités n'ont fait l'objet de remarque ni de l'ARJEL, ni de l'administration fiscale, ni des commissaires aux comptes.

184. De plus, la redevance d'utilisation de la marque PMU a été valorisée par un cabinet d'audit indépendant, PriceWaterhouseCoopers, selon des méthodes confirmées, à la demande des services d'instruction, par un deuxième cabinet d'audit : TAJ. L'Autorité considère que la valorisation ainsi obtenue, loin d'être "dérisoire" comme le soutient Betclic, justifie que l'engagement relatif à l'absence de subvention croisée ne soit pas modifié sur ce point.

G. SUR LE SUIVI DES ENGAGEMENTS

1. UN MANDATAIRE SUIVRA LA MISE EN OEUVRE DE LA SÉPARATION DES MASSES

185. Le PMU a modifié à la suite du test de marché son offre d'engagements qui comporte désormais l'engagement de "désigner un mandataire indépendant en charge du suivi de la mise en œuvre de son engagement de séparation de ses masses d'enjeux en dur et en ligne, disposant des qualifications nécessaires à cette fin". Ce mandataire établira et communiquera à l'Autorité des rapports réguliers sur l'avancement de sa mission. Une version non confidentielle de ces rapports sera communiquée au PMU.

186. Ce mandataire aura également pour mission, en cas de difficulté de mise en œuvre dûment constatées et justifiées, de demander à l'Autorité d'accorder au PMU un délai supplémentaire de 3 mois maximum pour la séparation de ses masses d'enjeux.

2. LE SUIVI DES AUTRES ENGAGEMENTS

187. Le PMU a modifié à la suite du test de marché son offre d'engagement afin de s'engager, pendant un délai de cinq ans (initialement trois ans) à compter de la décision de l'Autorité, à informer celle-ci de toute modification des modalités d'utilisation de ses bases de données clients ou du Code de bonne conduite figurant dans son règlement intérieur, ainsi que de toute modification des deux postes de charges figurant dans sa comptabilité séparée pour l'utilisation de la marque PMU et pour la reprise du signal de la chaîne Equidia sur le site pmu.fr.

188. Le PMU s'engage également, pendant ce même délai, à communiquer chaque année à l'Autorité les mêmes éléments de sa comptabilité séparée que ceux qu'il communique à l'ARJEL.

H. CONCLUSION

189. En conclusion, l'Autorité considère que les engagements du PMU tels qu'améliorés, précisés et formalisés dans leur version finale répondent aux préoccupations de concurrence exprimées et présentent un caractère substantiel, crédible et vérifiable. Il y a donc lieu d'accepter ces engagements, de les rendre obligatoires et de clore la procédure.

DÉCISION

Article 1. - L'Autorité de la concurrence accepte les engagements pris par le GIE Pari Mutuel Urbain qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la présente décision.

Article 2. - La saisine enregistrée sous le numéro 12-0001F est close.

Notes :

1 Rapport d'information de M. François Trucy, 12 octobre 2011.

2 Légaliser l'offre compétitive des jeux en ligne : l'analyse économique (2008).

3 Office of Fair Trading, décision du 1er août 2005 Completed acquisition by William Hill plc of the licensed betting office business of Stanley plc.

Le 29 janvier 2014

SAISINE 12-0001 F

OFFRE D'ENGAGEMENTS DU GIE PMU

1. Engagement de séparation de la masse unique d'enjeux du PMU

1. Le PMU s'engage à procéder à une séparation effective de sa masse unique d'enjeux entre les mises collectées sur son site pmu.fr et celles collectées sur ses autres vecteurs de prises de paris hippiques, au 30 septembre 2015. En cas de difficultés de mise en œuvre, le PMU pourra, par l'intermédiaire du mandataire (cf. section 3 ci-dessous), demander à l'Autorité de lui accorder un délai supplémentaire de 3 mois maximum.

2. Autres engagements du PMU

2. Le PMU s'engage à poursuivre la mise en œuvre et à maintenir pour l'avenir les engagements ci-dessous.

2. 1 Engagement relatif au parcours client sur pmu.fr

3. Le PMU a engagé le processus de modification du parcours client, sur son site Internet dans des conditions dérogatoires aux règles habituelles d'un marketing multi-vecteurs selon les modalités présentées aux Services d'instruction.

4. Cet engagement, qui est effectif depuis le 31 décembre 2013, permet, dès la page d'accueil du site Internet du PMU, de distinguer les deux univers en dur et en ligue et de supprimer toute passerelle entre ces deux univers.

Ces deux univers du site Internet disposent de leur propre URL d'accès : "info.pmu.fr" pour les activités en dur et "pmu.fr/turf", "pmu.fr/paris-sportifs" et "pmu.fr/poker" pour les activités de paris et jeux en ligne. L'internaute désireux de jouer sur pmu.fr n'est donc pas obligé de passer par la page d'accueil du PMU.

5. Ce site permet aux parieurs en dur et en ligne de consulter leurs comptes selon l'organisation suivante : les parieurs ne pariant qu'en dur (détenteurs de la carte PMU) peuvent consulter leur compte uniquement sur le site "info.pmu.fr" : les parieurs ne pariant qu'en ligne peuvent consulter leur compte et parier uniquement sur le site "pmu.fr/turf" ; seuls les parieurs multi-comptes peuvent consulter leurs comptes à partir de l'un ou l'autre des sites à l'aide des identifiants propres à chacun de leurs comptes.

2. 2 Engagement relatif aux organisations commerciales et marketing

6. Le PMU a procédé à une séparation de ses bases de données clients, a mis en place des règles internes d'utilisation de ces bases de données et a adapté ses organisations commerciales et marketing dans des conditions qui ont été explicitées au Services d'instruction, à savoir :

- une séparation logique entre quatre bases de données distinctes de clients regroupant respectivement les "parieurs sans compte issus du réseau", les "parieurs avec compte issus du réseau", les "parieurs sans compte profil internaute" et les "parieurs avec compte profil internaute" ; les deux premières catégories de clients ne recevront aucune communication liée aux activités en ligne du PMU ou les incitant à l'ouverture d'un compte sur le site pmu.fr ;

- l'instauration d'un Code de bonne conduite d'ores et déjà intégré au règlement intérieur du PMU fixant les règles de constitution et d'utilisation des bases de données clients afin de garantir l'absence d'utilisation par le PMU des bases de données rassemblant les clients issus de son activité sous droits exclusifs pour développer ses activités en ligne ;

- une séparation fonctionnelle des équipes commerciales et marketing pour l'animation de la clientèle des activités en ligne du PMU d'une part, et pour l'animation de son réseau physique d'autre part, la première étant de la seule responsabilité de la Direction Marketing et la seconde principalement sous la responsabilité de la Direction des Réseaux Commerciaux, les règles de séparation et d'utilisation des bases de données clients étant d'application générale dans l'entreprise et s'imposant donc à ces deux directions ;

- une décorrélation, d'ores et déjà mise en œuvre entre le compte en ligne adossé à la "carte PMU" et le compte en ligne permettant de parier sur le site pmu.fr.

2. 3 Engagement relatif à l'absence de subventions croisées

7. Le PMU s'engage à continuer de s'abstenir de toute utilisation de son réseau de points de vente physiques pour la promotion de ses activités de paris hippiques en ligne.

8. Le PMU s'engage à maintenir pour l'avenir les modalités de fonctionnement de la comptabilité séparée de ses activités en ligne telles qu'elles ressortent de la méthode dite "ABC" (Activity Based Costing).

9. Le PMU s'engage à maintenir dans sa comptabilité séparée les deux postes de charges qu'il y a ajoutés depuis 2011, à la demande des Services d'instruction, en imputant sur le compte de résultat de ses activités en ligne, d'une part, une charge annuelle à titre de redevance d'utilisation de la marque "PMU" équivalent à 5,25 % du produit net des jeux et, d'autre part, une charge annuelle de 500 000 euros HT correspondant à la redevance forfaitaire due à la société Equidia pour la reprise sur le site pmu.fr du signal de la chaîne Equidia pendant le direct des courses.

3. Suivi de la mise en œuvre des engagements

3. 1 Engagement de séparation de la masse d'enjeux

10. Le PMU s'engage à désigner un mandataire indépendant en charge du suivi de la mie en œuvre de son engagement de séparation de ses masses d'enjeux en dur et en ligne, disposant des qualifications nécessaires à cette fin. Ce mandataire sera rémunéré par le PMU selon des modalités ne portant pas atteinte à la bonne exécution de sa mission ni à son indépendance.

Au plus tard dans les 15 jours ouvrables suivant la décision de l'Autorité, le PMU proposera à l'Autorité le nom d'un mandataire ainsi qu'un projet de contrat de mandat.

Si le mandataire proposé n'est pas agréé par l'Autorité, le PMU proposera un autre mandataire dans les 15 jours ouvrables de la décision de refus d'agrément. Si ce deuxième mandataire proposé n'est pas agréé, l'Autorité choisira le mandataire qui sera désigné par le PMU.

L'Autorité pourra également demander des modifications sur le projet de contrat de mandat.

11 Une fois le mandataire agréé par l'Autorité, le PMU conclura avec lui le contrat de mandat tel qu'éventuellement amendé par l'Autorité, dans les 5 jours ouvrables suivant la décision d'agrément. Une copie du mandat signé sera communiquée à l'Autorité et aucune modification ne pourra être apportée sans l'accord de l'Autorité.

Le mandataire pourra demander à l'Autorité une modification des termes de son contrat de mandat s'il s'avère que celui-ci ne lui permet pas, ou plus, d'exécuter pleinement les missions qui lui ont été confiées.

12. Le mandataire présentera dans le cadre d'un premier rapport remis à l'Autorité un plan de travail détaillé précisant les modalités selon lesquelles il entend accomplir sa mission. Une copie de ce rapport sera transmise au PMU.

13. La mission du mandataire consistera à s'assurer de la mise un œuvre et du respect par le PMU de son engagement de séparation de ses masses d'enjeux en dur et en ligne tel que stipulé à la section 2.1 ci-dessus.

Le mandataire établira et communiquera à l'Autorité des rapports réguliers sur l'avancement de sa mission. Une version non confidentielle de ces rapports sera communiquée au PMU.

3. 2 Autres engagements

14. Le PMU s'engage, pendant un délai de cinq ans à compter de la décision de l'Autorité, à informer l'Autorité de toute modification des modalités d'utilisation de ses bases de données clients et/ou du Code de bonne conduite figurant à cet égard dans son règlement intérieur (cf. section 2.2 ci-dessus), ainsi que de toute modification des deux postes de charges figurant dans sa comptabilité séparée (i) pour l'utilisation de la marque PMU et (ii) pour la reprise du signal de la chaine Equidia sur le site pmu.fr (cf. section 2.3 ci-dessus). Le PMU s'engage également, pendant ce même délai, à communiquer chaque année à l'Autorité les mêmes éléments de sa comptabilité séparée que ceux qu'il communique à l'ARJEL.

4. Clause de révision

15. Si des circonstances de fait ou de droit apparaissent de nature à modifier l'appréciation de la nécessité ou de la proportionnalité desdits engagements, le PMU pourra saisir l'Autorité d'une demande de révision ou de suppression des engagements.

Le Président du GIE Pari Mutuel Urbain / Pour l'Autorité de la concurrence - le Président de séance

<Signatures>