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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 20 janvier 2014, n° 13-00112

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vallauri

Défendeur :

Thevenet, JMC Autos (SAS), Rispal Automobiles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudron

Conseillers :

Mmes Boussaroque, Jacquemin

Avocats :

Mes Gutton Perrin, Bossut, Mesones, Lacquit, Oziol, Bellaiche, Gard

TGI Moulins, du 18 déc. 2012

18 décembre 2012

Le 28 mars 2010 M. Jacky Vallauri a acquis de Monsieur Christian Thevenet, pour la somme de 9 400 euro, un véhicule de marque Audi type A6 TDI, comportant une boîte de vitesses automatique, ayant parcouru 112 548 km depuis sa mise en circulation le 29 août 2002, qui est tombé en panne après qu'il ait circulé sur une distance de 12 000 km, et a été confié pour réparation au garage Audi de Fréjus, lequel lui a présenté le 8 novembre 2010 un devis de 6 820,86 euro correspondant au changement de la boîte de vitesses, équivalant pratiquement au prix d'achat du véhicule, dont il a conclu que le véhicule avait été atteint d'un vice caché antérieur à sa vente diminuant son usage au point qu'il ne l'aurait pas acquise ;

Vu le jugement du 18 décembre 2012 par le Tribunal de grande instance de Moulins, statuant après organisation d'une expertise judiciaire préalablement ordonnée en référé, réalisée par Monsieur Elie Boyer, expert près la Cour d'appel d'Aix en Provence, a, à l'issue d'une procédure où M. Thevenet avait appelé en cause les deux sociétés ayant assuré l'entretien de son véhicule, la SAS JMC Autos, concessionnaire Audi et la SAS Rispal Automobiles, concessionnaire BMW :

- débouté M. Vallauri de sa demande d'annulation de la vente présentée sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, ainsi que des demandes d'indemnisation de préjudices annexes, en retenant que n'était pas rapportée la preuve de la survenance d'un vice affectant le véhicule antérieurement à la vente, dès lors que l'absence de démontage de la boîte de vitesses et des disques d'embrayage par l'expert ne permettait pas de connaître la réalité de l'usure des pièces constatées et qu'aucun élément n'était fourni sur l'origine du corps étranger en caoutchouc retrouvé dans l'habitacle du filtre dont l'aspiration accidentelle était possible à défaut de grille comme le démontraient les photos produites,

- considéré que l'acheteur était malvenu de reprocher à son vendeur l'absence de vidange de la boîte de vitesses à 60 000 km, alors qu'il n'avait pas lui-même fait procéder à l'entretien des 120 000 km prévu par le constructeur, et qu'en tout état de cause le véhicule n'était pas impropre à sa destination,

- condamné M. Vallauri à payer à M. Thevenet une somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M Thevenet à payer à la SAS JMC Autos et à la SAS Rispal Automobiles une somme de 1 000 euro chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. Vallauri aux dépens comprenant ceux du référé.

Vu l'appel total de ce jugement relevé par M. Vallauri le 14 janvier 2013.

Vu les dernières écritures de l'appelant, déposées le 17 juin 2013, par lesquels il reproche au jugement, dont il conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions, d'avoir fait une interprétation erronée du rapport d'expertise en considérant notamment que la présence accidentelle par aspiration de morceaux de caoutchouc résultait de l'absence de grille de protection du filtre à air dont l'expert avait expressément rappelé qu'elle était présente, et d'avoir omis de prendre en compte le lien de causalité entre le défaut d'entretien du véhicule et son manque de puissance ainsi que l'usure des disques d'embrayage eux-mêmes résultant de l'insuffisance de débitmètre, et de la nécessité de changer la boîte de vitesses dès lors que la vidange préconisée à 60 000 km n'avait pas été réalisée et que le changement des seuls disques d'embrayage ne permettait pas de faire jouer la garantie d'Audi France alors que celui de la boîte de vitesses qu'il n'aurait certainement pas effectué s'il avait connu l'état réel du véhicule.

Il demande en conséquence à la cour de constater l'existence d'un vice caché affectant la chose vendue par M. Thevenet et de prononcer la résolution de la vente en ordonnant au vendeur de lui en restituer le prix, 9 400 euro, avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 20 novembre 2010, et en l'enjoignant de venir reprendre le véhicule à ses frais et sous astreinte de 50 euro par jour de retard dans le mois suivant la signification de l'arrêt, et de condamner également M. Thevenet à lui payer les sommes suivantes :

- 7 480 euro au titre de son préjudice de jouissance calculé sur la base de 8,80 euro par jour d'immobilisation du véhicule depuis fin novembre 2010,

- 491,24 euro en remboursement des honoraires de la société AAME ayant réalisé l'expertise amiable du véhicule,

- 357,90 euro en remboursement du diagnostic de la concession Audi,

- 220 euro correspondant au coût de la carte grise,

- 720,14 euro correspondant à l'indemnité d'assurance inutilement réglée,

- 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières écritures de M. Thevenet, transmises le 10 juillet 2013, par lesquelles il conclut à titre principal à la confirmation du jugement au motif que le véhicule qu'il a cédé n'était affecté d'aucun vice caché antérieur à la vente et que l'expertise a démontré "à l'évidence" que la cause de sa perte de puissance résultait de la présence de caoutchouc dans le filtre à air, et de rien d'autre, d'autant que M. Vallauri avait pu sans difficulté circuler sur 12 000 km avant de constater une perte de puissance, et qu'il aurait été à même de s'apercevoir de la présence de caoutchouc s'il avait fait procéder à la vidange avec remplacement du filtre à air qui était prévue au titre de l'entretien des 120 000 km. Il en conclut que M. Vallauri ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, d'autant que le véhicule fonctionne normalement depuis l'enlèvement du caoutchouc, et que l'expert a pu prétendre, sans en justifier, que les disques d'embrayage étaient usés au motif que l'entretien de la boîte n'avait pas été effectué ;

À titre subsidiaire toutefois, pour le cas où serait prononcée la résolution de la vente, il estime ne pas avoir à restituer l'intégralité de son prix compte tenu du kilométrage parcouru par l'acheteur et suggère l'application du barème fiscal permettant une déduction de sa valeur à hauteur de 5 754 euro. Il conclut également au débouté des réclamations de son acheteur présentées au titre de remboursement des frais d'une assurance et d'un certificat d'immatriculation qui n'étaient pas réglés "pour rien".

A titre infiniment subsidiaire, il demande la garantie par les deux sociétés intimées des condamnations pouvant être prononcés à son encontre, en invoquant un manquement à leurs obligations professionnelles pour avoir improprement procédé à l'entretien du véhicule et ne pas l'avoir averti de la nécessité d'effectuer une vidange complète à 60 000 km ;

Vu les dernières conclusions de la société JMC Autos, transmises le 29 juillet 2013 par lesquelles elle soutient n'avoir aucune responsabilité dans l'engagement du litige pour n'être intervenue sur le véhicule, suite à une panne, que le 19 juin 2006 pour changer un matériel de commande électronique de la boîte de vitesses, facturé 391,67 euro, et argue de ce que le succès de son appel en garantie aurait pour effet l'enrichissement sans cause du vendeur qui se verrait restituer un véhicule dont il obtiendrait en même temps le remboursement du prix ;

Elle conclut à la confirmation du jugement toutes ses dispositions et à la condamnation de tout succombant à lui payer une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions récapitulatives transmises le 4 juillet 2013 par la SARL Rispal Automobiles, qui soulève l'inopposabilité des conclusions de l'expert à son égard pour n'avoir pas été appelée lors du déroulement des opérations d'expertise, et soutient que n'est pas démontré l'introduction d'un corps étranger dans le compartiment du filtre à air lors de son intervention, survenue le 16 février 200 alors que le véhicule avait circulé sur une distance de 60 000 km, ni qu'elle ait été la dernière à intervenir sur le véhicule, et fait valoir que n'étant pas un réparateur Audi elle ne disposait pas de l'outillage et de l'équipement nécessaire pour assurer le vidange de la boîte de vitesses, raison pour laquelle elle renvoie habituellement ses clients à la société JMC Autos, tout en imputant également la survenance des désordres à l'absence de révision des 120 000 km ;

Tout en considérant que les conditions de l'action rédhibitoire ne sont pas réunies, elle suggère, en tant que de besoin, l'organisation d'une expertise complémentaire portant sur l'état des disques d'embrayage pour le cas où le jugement serait infirmé, et réclame en tout état de cause, la condamnation de M. Thevenet à lui payer une somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance clôturant l'instruction de la procédure, rendu le 24 octobre 2013.

SUR CE :

- sur l'opposabilité du rapport d'expertise à la société Rispal Automobiles

Attendu que bien que n'ayant pas été partie aux opérations d'expertise, la société Rispal Automobiles qui a été destinataire de l'intégralité du rapport dont elle s'est trouvée à même de discuter la teneur et les conclusions, en première instance puis en appel, et qui suggère tout au plus l'organisation d'une mesure d'instruction complémentaire pour constater l'état des disques d'embrayage, prenant ainsi en compte les autres éléments du rapport, sera, pour ces raisons, déboutée de sa demande d'irrecevabilité des conclusions de l'expertise ;

- sur le fond

Attendu que Monsieur Vallauri fonde ses demandes sur l'article 1641 du Code civil, aux termes duquel le vendeur est tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à son usage ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

Attendu que la preuve du vice caché incombe à l'acheteur ;

Que s'il a pu être induit en erreur par l'incitation du garage SMVA, partenaire Audi le 9 novembre 2010, à changer la boîte de vitesses automatique (outre la sonde de température d'eau et le débitmètre massique du véhicule), les constatations de l'expert judiciaire ont permis de rattacher la cause d'un broutement des vibrations au niveau du plancher , non à un "défaut majeur sur la boîte de vitesse", en diagnostiquant lors d'un second essai routier une usure des disques d'embrayage, qui a été confirmée par les paramètres déterminés par l'auto diagnostic, avant que la découverte d'une bande de caoutchouc dans l'habitacle du filtre à air ne fournisse l'explication de la faiblesse de la puissance du moteur dont il obstruait l'entrée d'air dans l'admission, conduisant à un manque d'accélération imputé préalablement au dysfonctionnement lors du passage automatique des vitesses ;

Attendu que l'essai routier effectué une fois le caoutchouc supprimé, a permis de constater une amélioration de la puissance du véhicule, à 650 millibars, sans toutefois atteindre les 750 millibars préconisés, ce qui n'est pas choquant compte tenu de l'usure de la voiture, mise en circulation en 2002, de l'usure des disques d'embrayage et du kilométrage parcouru ;

Attendu que sans que n'ait pu être déterminée l'origine de l'introduction de la bande de caoutchouc dans le filtre à air, d'autant qu'il s'agit d'une pièce extérieure au véhicule dont le filtre était protégé partiellement par une grille, ainsi qu'en atteste le rapport d'expertise, contrairement d'ailleurs à la motivation du jugement sur ce point, son extraction a permis de remédier de façon satisfaisante au défaut considéré, dont il serait surprenant qu'il ait préexisté à la vente et que M. Vallauri ait effectué 12 000 km sans se rendre compte des manifestations liées à sa présence ;

Que les constatations techniques du rapport d'expertise conduisent ainsi à conclure à l'absence de vice caché au sens de l'article 1641 précité, même si l'expert a pu, à la fin de son rapport, préconiser le remplacement de la boîte de vitesses, dans le souci de pallier les inconvénients liés à l'absence de vidange de la boîte après 60 000 km et à fortiori après 120 000 km, afin de ne pas exclure l'engagement de la garantie Audi, il n'a pas conclu, bien au contraire à sa nécessité technique d'y procéder, la saleté de certaines pièces faisant regretter tout au plus l'absence d'un meilleur entretien du véhicule, ce que confirmait l'usure prématurée des disques d'embrayages.

Que le jugement sera confirmé en conséquence ;

Attendu que M. Vallauri, qui succombe en son appel supportera les dépens de cette procédure, qui s'ajouteront à ceux de première instance et de référé comprenant les frais d'expertise, et devra indemniser M. Thevenet de ses frais irrépétibles engagés en appel par le paiement d'une somme complémentaire de 1 500 euro, ce dernier devant régler sur le même fondement juridique de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 500 euro à chacune des deux sociétés qu'il a attraites en la cause ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et après avoir délibéré conformément à la loi, Rejette la demande d'irrecevabilité des conclusions de l'expertise présentée par la société Rispal Automobiles ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne M. Vallauri aux dépens ainsi qu'à payer à M. Thevenet une indemnité complémentaire de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Thevenet à payer à la société Rispal Automobiles et à la société JMC Autos une indemnité complémentaire de 1 500 euro chacune. Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.