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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 15 janvier 2014, n° 12-00187

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Parres TP (EURL)

Défendeur :

Serin System Services (SARL), CJC Véhicules Industriels (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mmes Pellarin, Delmotte

Avocats :

Mes Dessart, Brunet-Alayrac, SCP Remaury Fontan Remaury, SCP Château, SCP Philippo Pressecq

T. com. Toulouse, du 12 déc. 2011

12 décembre 2011

EXPOSÉ DU LITIGE

L'EURL Parres TP a acquis suivant facture du 17 mars 2009, pour le prix TTC de 35 282 euro un camion d'occasion polybenne de marque Man de la SARL Serin System Services qui, pour honorer cette commande, l'a elle-même acheté à la SAS CJC Véhicules Industriels. Sur la facture précitée, figurait la clause "vendu en l'état sans garantie".

L'EURL Parres TP s'est vu refuser l'immatriculation, faute de justification d'un contrôle technique de moins de six mois, a fait procéder le 19 juin 2009 à ce contrôle qui s'est avéré négatif du fait d'anomalies importantes affectant le système de freinage.

Au vu d'une expertise judiciaire ordonnée par le président du Tribunal de commerce de Toulouse le 19 novembre 2009, dont le rapport a été déposé le 30 juillet 2010, l'EURL Parres TP a par acte du 8 juillet 2010, fait assigner la SARL Serin System Services devant le Tribunal de commerce de Toulouse en indemnisation du préjudice subi. La SARL Serin System Services a appelé en cause la SAS CJC Véhicules Industriels.

Par jugement du 12 décembre 2011, le tribunal a débouté l'EURL Parres TP de ses demandes et l'a condamnée à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile une somme de 2 000 euro à la SARL Serin System Services et une somme de 3 000 euro à la SAS CJC Véhicules Industriels.

L'EURL Parres TP a interjeté appel de cette décision le 13 janvier 2012.

Les parties ont respectivement déposé leurs dernières écritures aux dates suivantes :

- l'EURL Parres TP le 16 avril 2012,

- la SARL Serin System Services le 18 septembre 2012,

- la SAS CJC Véhicules Industriels le 8 juin 2012.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 octobre 2013.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Il est fait expressément référence, pour plus ample exposé des moyens, aux conclusions précitées.

L'EURL Parres TP demande que la SARL Serin System Services et la SAS CJC Véhicules Industriels soient condamnées solidairement à lui payer :

- au titre des réparations liées au freinage, la somme de 4 783,53 euro

- au titre des réparations de la fuite arrière gauche, la somme de 640,94 euro,

- au titre des travaux nécessaires à effectuer sur son ancien véhicule pour pallier le remplacement du véhicule acheté, la somme de 3 681,63 euro,

- au titre de la location d'une remorque pour transporter le matériel initialement prévu, la somme de 218 euro,

- au titre du contrôle technique, la somme de 284,30 euro

- au titre des frais de gardiennage, celle de 2 300 euro HT,

- au titre de son préjudice moral, la somme de 7 000 euro,

- en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 2 000 euro.

Elle fait valoir :

- qu'elle ne peut être considérée comme un professionnel ayant une activité similaire aux sociétés intimées, spécialistes en réparation automobile et en vente de véhicules d'occasion,

- que les déséquilibres de freinage et la fuite sont des vices cachés rendant la chose impropre à son usage.

La SARL Serin System Services demande la confirmation du jugement entrepris, subsidiairement demande à être relevée et garantie de toute condamnation par la SAS CJC Véhicules Industriels, et réclame à l'encontre de tout succombant une indemnité de 3 000 euro en remboursement de ses frais de défense.

L'intimée développe principalement les observations suivantes :

- le véhicule commandé, pourvu des documents nécessaires, a été livré, l'obligation de délivrance a ainsi été remplie,

- la clause d'absence de garantie entre professionnels était valable, ce d'autant que l'EURL Parres TP avait eu tout loisir de tester le véhicule,

- subsidiairement, la SARL Serin System Services qui n'a eu le véhicule en sa possession que durant deux jours est fondée en son action en garantie contre la SAS CJC Véhicules Industriels.

La SAS CJC Véhicules Industriels conclut à la confirmation du jugement et réclame à la charge de l'appelant une indemnité de 5 000 euro en remboursement de ses frais de défense.

Elle souligne qu'il avait été expressément stipulé une vente en l'état, ce qui justifiait que le gérant de l'EURL Parres TP se soit déplacé pour vérifier le véhicule avant achat, et que ce dernier a refusé que la SARL Serin System Services conserve le véhicule pour faire procéder au contrôle. Subsidiairement, elle estime les défectuosités étaient apparentes, au vu des précédents contrôles, et leur aggravation prévisible. Enfin, elle conteste les évaluations de préjudice de l'appelant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la clause de non-garantie

La SARL Serin System Services ainsi que la SAS CJC Véhicules Industriels opposent à l'EURL Parres TP la clause de non-garantie insérée dans la facture de vente.

Les stipulations contractuelles qui exonèrent un vendeur professionnel de la garantie des vices cachés demeurent sans effet à l'égard d'un acquéreur professionnel, sauf lorsque celui-ci est de la même spécialité que le vendeur, ou dispose d'une réelle capacité de contrôle de la chose vendue. Il convient en conséquence de vérifier si le gérant de l'EURL Parres TP disposait des aptitudes lui permettant de se convaincre de l'existence du vice, et ainsi en accepter l'exonération de garantie.

L'EURL Parres TP est une entreprise de travaux publics, simple utilisatrice de véhicules du type du camion acquis, qui n'est donc pas de la même spécialité que le vendeur, spécialisé en entretien et réparation des véhicules ; il n'est pas soutenu qu'elle disposerait d'un service d'entretien mécanique de ses véhicules. Le vice essentiel qui a été mis en évidence par l'expert est un déséquilibre du système de freinage compromettant la sécurité du véhicule lorsqu'il est chargé. Rien ne permet de retenir que le gérant de l'EURL Parres TP, qui s'est rendu à Angoulême pour voir et essayer le véhicule, disposait des qualifications suffisantes pour déceler ce problème.

La clause de non garantie est donc privée d'effet à l'égard de cet acquéreur.

- Sur l'existence d'un vice caché

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire dont les conclusions techniques ne sont pas contestées que le véhicule présente une fuite d'air importante sur le récepteur de frein arrière gauche, des déséquilibres et une dissymétrie importante entre les roues d'un même essieu ainsi qu'entre les essieux, et que ces défauts rendent le véhicule impropre à son utilisation, car il ne peut circuler dans des conditions normales de sécurité, un freinage d'urgence pouvant entraîner un défaut de maîtrise. L'expert relève également que ce déséquilibre était existant au jour de la vente.

La question se pose de savoir s'il était apparent. Or, le vice n'a pas été constaté par M. Parres mais par les services de contrôle technique en juin 2009, puis par l'expert après avoir fait passer le véhicule sur un banc de freinage et l'avoir chargé de gravats. Un simple essai du véhicule à vide comme celui effectué par M. Parres ne permettait donc pas de s'en apercevoir. De plus, si le contrôle technique du 5 juin 2008, dont la date de remise à l'EURL Parres TP n'est pas établie, mentionnait un déséquilibre de certains essieux, le défaut n'était que léger puisqu'il n'a pas fait obstacle à la délivrance du certificat de contrôle.

Le vice tel qu'il a été découvert après la vente dans sa gravité n'était donc pas apparent, et la SARL Serin System Services, en sa qualité de vendeur professionnel réputé connaître les vices, doit garantir l'EURL Parres TP des conséquences préjudiciables de celui-ci, en application des articles 1644 et 1645 du Code civil.

Il en est de même de la SAS CJC Véhicules Industriels, vendeur initial, la garantie des vices cachés étant transmise à tous les acquéreurs et sous-acquéreurs d'un bien, dès lors qu'il existe une chaîne ininterrompue de contrats de vente, et que le vice existait dès la vente entre la SAS CJC Véhicules Industriels et la SARL Serin System Services, peu de jours séparant la première de la deuxième vente. De plus, on relève que la déclaration de cession du véhicule a été effectuée entre l'EURL Parres TP et la SAS CJC Véhicules Industriels, créant un lien contractuel direct entre elles.

Les condamnations seront en conséquence prononcées solidairement contre la SARL Serin System Services et la SAS CJC Véhicules Industriels.

- Sur les préjudices

Seuls les travaux de réparation nécessités par le vice caché doivent être pris en compte dans le calcul de l'indemnisation du préjudice.

Doivent être déduits de la facture les postes invoqués par la SAS CJC Véhicules Industriels (silencieux, batteries, sangles de serrage) mais non la rotule de direction affectée par les déséquilibres des essieux. Le montant des travaux s'élève à 2 883,09 euro HT, et à 640,94 euro HT.

Les travaux ont été réalisés en avril 2010. L'EURL Parres TP est donc fondée à obtenir indemnisation des frais exposés pour remplacer le véhicule immobilisé (frais de location de juillet 2009 à avril 2010, frais de gardiennage jusqu'en mars 2010), pour le nouveau contrôle technique après refus. En revanche, elle ne peut obtenir le coût des travaux de réparation d'un autre véhicule destiné à remplacer le véhicule défectueux, travaux qui lui incombent et dont elle bénéficie au-delà de la seule période d'immobilisation.

Sont ainsi retenues les sommes HT de 218 euro, 91 euro, 2 300 euro, ce qui porte le total des frais indemnisés à la somme HT de 6 133,03 euro.

Enfin, les tracasseries occasionnées à l'entreprise à compter de la découverte du vice en juin 2009, jusqu'à réparation dont les frais ont été avancés par l'appelante, doivent être indemnisées par l'octroi d'une somme de 2 000 euro.

- sur le recours en garantie

La SAS CJC Véhicules Industriels, vendeur initial qui n'oppose aucun moyen à ce recours exercé par la SARL Serin System Services, doit la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre du fait du vice qui existait antérieurement à la vente conclue entre elles.

En application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est alloué à l'EURL Parres TP l'indemnité fixée au dispositif de cette décision, les demandes des autres parties étant rejetées.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré. Condamne solidairement la SARL Serin System Services et la SAS CJC Véhicules Industriels à indemniser l'EURL Parres TP des préjudices causés par le vice caché affectant le véhicule vendu, et à lui payer : - la somme HT de 6 133,03 euro en réparation des travaux et frais exposés, - la somme de 2 000 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, - une indemnité de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SAS CJC Véhicules Industriels à relever et garantir la SARL Serin System Services des condamnations prononcées contre elle, y compris au titre des dépens. Condamne solidairement la SARL Serin System Services et la SAS CJC Véhicules Industriels au paiement des dépens dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.