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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 9 janvier 2014, n° 12-03471

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Quintard

Défendeur :

Nissan West Europe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Belaval

Conseillers :

Mmes Beauvois, Vaissette

Avocats :

Mes Rosse, Minault, Serreuille

T. com. Versailles, du 2 déc. 2011

2 décembre 2011

Le 30 octobre 2006, M. Quintard a acquis d'un particulier un véhicule Nissan Patrol GR dont la date de première mise en circulation remontait au 18 août 2000.

En mars 2010, ce véhicule est tombé en panne et a été remorqué dans un garage, non concessionnaire de la marque, qui a conclu à la nécessité de procéder au remplacement du moteur.

Arguant d'une avarie récurrente sur ce type de véhicules Nissan constitutive d'un vice caché, M. Quintard a assigné la société Nissan West Europe en paiement des frais de réparation et de remorquage par acte du 21 septembre 2010.

Par jugement du 2 décembre 2011, le Tribunal de commerce de Versailles a débouté M. Quintard de l'ensemble de ses demandes, rejeté la demande reconventionnelle de la société Nissan et condamné M. Quintard à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

M. Quintard a relevé appel de ce jugement le 15 mai 2012 et, par dernières conclusions du 6 juillet 2012, il demande à la cour, au visa des articles 1641 et 1648 du Code civil de :

- "engager" la responsabilité contractuelle du constructeur automobile SAS Nissan et le condamner à prendre en charge les frais de réparation du véhicule, ainsi que les frais de remorquage, d'immobilisation et la décote du véhicule qui seront chiffrés par expert,

- condamner la société Nissan West Europe à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir pour l'essentiel :

- que la panne a eu lieu après une montée, s'est manifestée par une perte de puissance du véhicule et qu'une fumée blanche s'échappait du moteur,

- que le garage a indiqué que le moteur était à remplacer et qu'il s'agit d'un problème récurrent sur le modèle en cause comme le montrent les échanges sur les forums Internet lié à une mauvaise conception du moteur qui en pente ou en descente n'est plus alimenté en huile,

- que les factures versées au dossier prouvent que le véhicule a été correctement entretenu,

- que la société Nissan West Europe n'a pas informé les consommateurs sur la défectuosité du moteur,

- que la société Nissan West Europe est responsable du vice comme représentant en France de la marque Nissan.

Par dernières conclusions du 26 juin 2013, la société Nissan West Europe demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. Quintard de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la société Nissan West Europe la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

- réformer la décision en ce qu'elle a déclaré l'action de M. Quintard recevable,

Et statuant à nouveau,

- Vu l'article L. 110-4 du Code de commerce, considérer que le véhicule objet du présent litige a été mis en circulation pour la première fois le 18 août 2000 et importé en France par Nissan West Europe le 19 juin 2000,

- considérer que l'action de M. Quintard est prescrite faute d'avoir été intentée dans le délai prévu par l'article L. 110-4 tel qu'applicable aux faits de l'espèce,

- déclarer en conséquence l'action irrecevable et débouter M. Quintard de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

- considérer que les dispositions de l'article 1382 du Code civil ne peuvent être alléguées par M. Quintard dès lors que la garantie légale des vices cachés constitue le fondement unique et exclusif de l'action engagée,

- considérer que M. Quintard ne rapporte la preuve d'aucune faute délictuelle de la société Nissan West Europe,

- considérer que la garantie contractuelle du constructeur était expirée de longue date lors de la survenance de la panne,

- dire que M. Quintard ne rapporte pas la preuve que la panne procéderait d'un vice caché antérieur à la vente, ni de sa gravité, alors que de multiples autres causes sont susceptibles d'être à l'origine de la panne,

A titre très subsidiaire,

- dire que la société Nissan West Europe ne saurait être tenue des sommes sollicitées qui ne sont justifiées ni dans le principe, ni dans le montant,

A titre reconventionnel,

- condamner M. Quintard au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION

Comme l'a retenu le tribunal, M. Quintard a intenté son action fondée sur le vice caché dans le délai visé par l'article 1648 du Code civil puisqu'il a assigné la société Nissan West Europe le 21 septembre 2010 pour une panne survenue en mars 2010; il a en revanche agi après l'extinction du délai de prescription résultant des dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce, d'une durée de dix ans à compter de la vente initiale du véhicule soit le 18 août 2000, en vertu des prévisions de l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

En conséquence, l'action en garantie des vices cachés ne pouvant être utilement exercée qu'à l'intérieur du délai de prescription de dix ans, celle exercée au-delà de l'expiration dudit délai par M. Quintard est irrecevable.

Conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur la faute délictuelle de la société Nissan West Europe qui, si elle est évoquée dans le corps des écritures de M. Quintard, n'est pas reprise dans leur dispositif exclusivement fondé sur les articles 1641 et 1648 du Code civil et la responsabilité contractuelle de la société Nissan West Europe.

Le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. Quintard qui doivent être déclarées irrecevables.

Faute d'établir un préjudice distinct de celui compensé par l'indemnité de procédure qu'il est équitable de lui allouer, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société Nissan West Europe doit être rejetée.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. Quintard de ses demandes, Statuant à nouveau de ce chef, Déclare les demandes de M. Quintard irrecevables, Confirme le jugement en ses autres dispositions, Y ajoutant, Condamne M. Quintard à payer à la société Nissan West Europe une somme de 2 000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens, Condamne M. Quintard aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.