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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. B, 6 septembre 2012, n° 11-00766

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aterno (SAS)

Défendeur :

Duprey

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Conseillers :

MM. Crabol, Boinot

Avocats :

SCP Taillard, Janoueix, SCP Puybaraud, Mes Luttringer, Houssain, Piquet-Boisson, Novion

TGI Bordeaux, 5e ch. civ., du 11 janv. 2…

11 janvier 2011

Vu le jugement rendu le 11 janvier 2011 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux, qui a débouté la société par actions simplifiée Aterno de ses demandes, qui l'a condamnée à payer à Daniel Duprey une somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, qui a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, et qui a condamné la société Aterno aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel de la société Aterno du 7 février 2011 ;

Vu les conclusions de Daniel Duprey, contenant appel incident, signifiées et déposées le 11 juillet 2011 ;

Vu les dernières écritures de l'appelante, signifiées et déposées le 8 septembre 2011 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 13 février 2012 ;

DISCUSSION :

Le 24 août 2009, Daniel Duprey a signé un bon de commande de la société Aterno portant sur divers matériels de chauffage, dont six radiateurs, pour un prix de 14 277 euro TTC. Le 8 septembre 2009, il a renoncé à cette commande en renvoyant à la société Aterno le formulaire détachable de renonciation joint au bon de commande, en application de l'article L. 121-24 du Code de la consommation, s'agissant d'une vente par démarchage au domicile d'une personne physique. Par lettre du 10 septembre 2009, la société Aterno a refusé de prendre en considération cette renonciation, au motif qu'elle lui avait été notifiée plus de sept jours après la signature du bon de commande.

Le 10 décembre 2009, la société Aterno a fait assigner Daniel Duprey devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux, en paiement de la somme de 14 276,60 euro, avec intérêts au taux légal à compter d'une mise en demeure du 13 octobre 2009. Daniel Duprey a comparu et a demandé au tribunal, à titre principal d'annuler le contrat pour dol et de débouter la société Aterno de toutes ses prétentions, à titre subsidiaire de la condamner à lui payer une somme de 14 276 euro à titre de dommages et intérêts, pour manquement à son obligation d'information et à son devoir de conseil.

Par le jugement déféré, le tribunal a estimé que la preuve du dol allégué n'était pas rapportée, mais qu'en remettant à Daniel Duprey un exemplaire du bon de commande renseigné de manière inexploitable et la copie d'une étude thermique raturée, illisible et inintelligible, la société Aterno n'avait pas mis l'intéressé en mesure de connaître les caractéristiques essentielles des biens et services vendus, qu'elle avait ainsi failli à son obligation de renseignement et de conseil et qu'il y avait donc lieu d'annuler le contrat. En conséquence, dans le dispositif de sa décision, il a débouté la demanderesse de toutes ses prétentions.

La société Aterno, qui a relevé appel, approuve le premier juge d'avoir estimé que la preuve d'un dol n'était pas rapportée. En revanche, elle fait valoir que le manquement à une obligation contractuelle d'information ou à un devoir de conseil n'est pas sanctionné par la nullité du contrat, mais qu'il peut seulement donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts, s'il est justifié d'un préjudice. Elle ajoute que le tribunal n'a d'ailleurs pas précisé le fondement textuel de son annulation. Elle conteste par ailleurs tout manquement à ses obligations et soutient que le bon de commande était parfaitement lisible. Elle sollicite l'infirmation du jugement et l'allocation de ses demandes initiales.

Daniel Duprey relève appel incident. Il prie la cour de dire que son consentement a été vicié par dol et d'annuler le contrat. A titre subsidiaire, il conclut à la confirmation pure et simple du jugement.

Attendu que c'est avec raison que le premier juge a estimé que la preuve d'un dol n'était pas rapportée ; qu'en effet, Daniel Duprey s'appuie sur ses seules affirmations pour prétendre que le représentant de la société Aterno venu à son domicile aurait fait pression sur lui pour lui faire signer un bon de commande, alors qu'il devait seulement établir une étude gratuite personnalisée, et lui aurait assuré qu'il pouvait lui obtenir un crédit en tronquant des informations relatives à son état de santé ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à l'appel incident ;

Attendu, en ce qui concerne l'appel principal, que selon l'article L. 111-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction due à la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, rédaction applicable en la cause compte tenu de la date de signature du bon de commande, "tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. En cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté cette obligation" ;

Attendu en l'espèce que la société Aterno soutient qu'elle démontre l'exécution de son obligation d'information par la remise à Daniel Duprey d'une documentation détaillée sur ses produits, comprenant les caractéristiques techniques de chaque radiateur de sa gamme, et par la réalisation d'une étude thermique, signée par le client, décrivant le matériel nécessaire ; que toutefois, en matière de vente d'installations de chauffage, la seule remise d'une documentation générale sur les produits vendus n'est pas suffisante pour informer pleinement le consommateur sur les caractéristiques du matériel adapté à ses besoins ; que par ailleurs, l'analyse thermique établie le 24 août 2005 par un représentant de la société Aterno et certes signée par Daniel Duprey, si elle est lisible dans sa première page décrivant les locaux à chauffer, ne l'est pas dans les deux suivantes, qui contiennent l'étude des besoins et le matériel préconisé, en raison tant de l'écriture peu claire de son auteur que du caractère incompréhensible, pour un acquéreur profane, des mentions portées ; que cette étude est donc absolument inintelligible et inexploitable pour un consommateur ; qu'il s'ensuit qu'elle ne satisfait pas à l'obligation prévue par le texte précité,

Attendu que les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, qui ne sont que la transposition dans ce Code de l'obligation générale d'information mise à la charge de tout vendeur par l'article 1602 alinéa 1 du Code civil, ont pour but de garantir que le consommateur donne un consentement éclairé à la vente qu'il conclut ; qu'en l'espèce, Daniel Duprey, à qui il a été remis une étude personnalisée mais partiellement illisible et incompréhensible pour un acheteur profane, n'a pu donner un tel consentement ; qu'il s'ensuit que le contrat de vente est nul, faute de l'une des conditions prévues pour sa validité par l'article 1108 du Code civil, qui est le fondement textuel implicitement mais nécessairement appliqué par le tribunal ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Attendu que la société Aterno succombant en son appel, elle sera condamnée aux dépens de ce recours ; que par ailleurs, il serait inéquitable que Daniel Duprey conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles exposés par lui devant la cour ; qu'il y a lieu de lui accorder une somme de 1 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit la société Aterno en son appel et Daniel Duprey en son appel incident ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 janvier 2011 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux ; Y ajoutant : Condamne la société Aterno à payer à Daniel Duprey une somme de 1 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Aterno aux dépens de l'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.