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Décisions

Cass. com., 11 mars 2014, n° 13-11.097

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Christine Natkin presse publicité (SARL)

Défendeur :

Philips France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Richard, SCP Célice, Blancpain, Soltner

Versailles, 12e ch., du 20 nov. 2012

20 novembre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 novembre 2012), que la société Christine Natkin Presse Publicité (la société Natkin) a entretenu à compter de 1991 des relations commerciales avec plusieurs sociétés du groupe Philips en France puis, le 3 mars 1999, a conclu avec la société Compagnie Française Philips, aux droits de laquelle vient la société Philips France (la société Philips), un contrat-cadre de fourniture de prestations de conseil en communication et en relation presse, pour une durée d'un an; que, le 27 novembre 2008, la société Philips a notifié à la société Natkin la rupture de leur relation commerciale avec un préavis de quinze mois; qu'estimant cette rupture brutale et abusive, la société Natkin l'a assignée en responsabilité ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Natkin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir juger que la société Philips ne pouvait rompre les relations commerciales sans respecter un délai de préavis de trente-six mois alors, selon le moyen : 1°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relations commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale ; qu'en décidant que le préavis accordé par la société Philips à la société Natkin, soit quinze mois, constituait un délai suffisant, excluant toute brutalité dans la rupture des relations commerciales établies, après avoir pourtant constaté que ce délai avait été fixé par la société Philips elle-même au regard de relations commerciales ayant débuté en 1999 et qu'en réalité, ces relations avaient débuté en 1991, ce dont il résultait nécessairement que le délai de préavis consenti par la société Philips ne l'avait pas été au regard de la durée réelle de la relation commerciale et était dès lors insuffisant, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I, 5°, du Code de commerce ; 2°) que le juge ne peut accueillir ou rejeter la demande dont il est saisi sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en s'abstenant d'examiner les pièces produites par la société Natkin, afin d'évaluer l'importance de son courant d'affaires avec la société Philips pendant les années 2005 à 2009, et ainsi son degré de dépendance, au motif inopérant que ces pièces étaient contestées par cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que la relation entre les parties avait duré dix-sept ans, soit de juillet 1991 à novembre 2008, qu'aucune exclusivité n'avait été contractualisée et n'avait prévalu de fait, que la société Natkin ne démontrait pas sa dépendance économique par le courant d'affaires qu'elle alléguait alors qu'elle avait antérieurement à la rupture une clientèle diversifiée dans des domaines excédant ceux de l'informatique, de l'électronique et des télécommunications, l'arrêt retient qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le préavis d'une durée de quinze mois apparaît suffisant pour permettre à la société Natkin de pallier les conséquences de la rupture par le développement d'autres courants d'affaires; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société Philips avait respecté une durée suffisante au regard de l'ancienneté des relations unissant les parties et du temps dont devait disposer la société Natkin pour réorienter son activité et trouver éventuellement de nouveaux partenaires, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Natkin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir juger que la société Philips n'avait pas respecté son obligation de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du préavis alors, selon le moyen, qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale ; que les parties sont tenues d'une obligation de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du préavis, ce qui suppose de maintenir le même flux d'affaires qu'antérieurement à la rupture, nonobstant l'absence de dispositions contractuelles en ce sens ; qu'en décidant néanmoins que la société Philips ne s'étant jamais engagée, à l'égard de la société Natkin, à lui assurer un chiffre d'affaires ou un volume d'activité minimal, il ne pouvait lui être reproché d'avoir fait appel, pendant l'exécution du préavis, à une nouvelle agence de publicité et que la société Natkin ne pouvait se plaindre d'une baisse du chiffre d'affaires réalisé avec la société Philips, la cour d'appel, qui a dispensé la société Philips de son obligation de loyauté et de bonne foi au motif inopérant tiré de l'absence d'obligation contractuelle, a violé l'article L 442-6-I, 5°, du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Philips ne s'est jamais engagée sur une garantie de chiffre d'affaires ni sur une quelconque exclusivité, de sorte qu'elle était libre de faire appel à une nouvelle agence de publicité dès lors qu'elle poursuivait sa relation commerciale avec la société Natkin durant le préavis, et que la diminution du chiffre d'affaires de cette dernière paraît imputable à de multiples causes parmi lesquelles sa propre politique commerciale auprès de ses prestataires; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Philips n'avait pas manqué à son obligation de bonne foi pendant le préavis, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Natkin fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir juger que la société Philips avait usé de menaces et de pressions à son encontre pour bénéficier de conditions tarifaires abusives alors, selon le moyen, qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ; qu'en se bornant a affirmer que la société Natkin ne rapportait pas la preuve de ce que la société Philips avait tenté de lui imposer abusivement une modification des conditions de facturation, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, sans rechercher si cette menace résultait de ce que la décision de rupture avait immédiatement suivi le refus de la société Natkin d'accepter la modification des conditions de facturation que la société Philips tentait de lui imposer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6-I, 4°, du Code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.